
I l ne faut pas confondre le négociateur fans
qualité , avec le miniftre fans caractère. Un négociateur
qui feroit autorifé publiquement par fon
prince j qui auroit des lettres de créance fans
aucun des titres dont nous avons donné Implication
, & qui auroit été admis publiquement,
feroit un vrai miniftre fans caradtcre. On entend
par négociateur fans qualité, un négociateur qui
n’a point de lettres de créance^ ou qui ne les
préfente pas publiquement 3 dont le miniftère eft
fe c re t, qui n'aflifte point aux chapelles , & qui
ne jouit d'aucun des privilèges des miniftres publics.
On ne connoiffoit, il y a deux- cents ans ,
d'autre minijlre public après l'ambaffadeur , que
l'agent. C e furent les italiens qui inventèrent ce
titre. Les grands potentats donnèrent cette qualité
aux minijires publics qu'ils députoient vers des
princes , a qui ils dédaignoient d'envoyer des
ambaffadeurs. Cette qualité d'agent fut d'abord
affex jimportanre ; mais elle dégénéra à mefüre
que celle de réfident & celle d'envoyé s'établirent.
Les puiffances qui ont' quelque rang en Europe
, h'ont à préfent des agens nulle part. Les
électeurs & les princes de J'Empire ont des agens
à la cour de l'empereur , pour fuivre les procès
au confeil aulique 5 ils les prennent ordinairement ;
parmi les procureurs de ce tribunal. D'autres i
princes ont des agens chargés de leurs commif- j
lions particulières- : ce ne font que des ,fac- ;
leurs.
Un agent n'eft pas aujourd'hui un minijlre public
5 ce n'eft plus qu'un procureur fpécial , un
laifeur d'affaires particulières , employé par des
princes dont les miniftres ne font pas reconnus 3
ou par des minijires publics. Lorfque Chanut 3
miniftre de France 3 prit fon audience de congé
de la reine Chriftine de Suède , il dit à cette
princelfe qu'il laiffoit à Stockholm Piquet 3 qui
feroit les affaires 3 en attendant que le roi y envoyât
un miniftre. Et quand 3 dans la fuite 3 Piquet
préfenta à cette princeffe les lettres par lef-
quelles le roi très chrétien lui donnoit la qualité
J e réfident 3 cette princeffe lui dit qu'elle voyoit
avec plaifir que le roi vouloit bien entretenir un
miniftre auprès d'elle. L'agent n'eft donc pas fous
3a protection du droit des gens 3 à moins qu'il
n'ait des lettres de créance auffi étendues que
celles des miniftres du fécond ou du troifième
©rdre,^auquel cas il doit jouir des mêmes privilèges j
ou qu il ne foit attaché à quelque miniftre public 3
•Sc alors il participe aux privilèges de fon maître.
Les puiffances maritimes emploient des perfon-
nes pour le commerce en Afrique 3 en Afie 3
dans les échelles du levapt 3 dans prefque toutes
les grandes villes commerçantes de l'Europe, fi-
tuées fur les côtes de la mer ou fur les bords
des fleuves. On les appelle confuls. C e font des
hommes chargés de la protection du commerce
des fujets de leur prince, & ils jugent les différends
qui furvier.nent entr'cux au lu jet de ce commerce.
Le droit des gens ne lé ml? le leur accorder
aucun privilège, difent les publiciftes j mais cela
paroît injurte : leurs privilèges ne font pas
. réglés d'une manière bien fixe 5 ils ne font pas
envoyés pour repréfester leur prince dans une
cour ; ils ne réfident pas auprès du fouverain ,
& ils n'ont point d'affaires d'état à manier. Ils
ne font donc pas miniftres publics ; ils font les
hommes d'affaires de leur nation pour le commerce
, mais font-ils fournis à la juftice civile &
criminelle des lieux où ils exercent leur emploi ?
c'eft encore un point qui n'eft pas bien éclairci,
& q u i, dans l'occafion , fouffriroit des difficultés.
Au refte, les conventions que les princes font
avec les états où ils envoient ces confuls , peuvent
leur communiquer les privilèges des mi~
niftres publics j & en général, ces conventions ne
vont pas fi loin. Tout ce que les hollandois, à la
naiffance de leur république , purent obtenir du
grand - feigneur, ce fut que leurs confuls qui ré-
fideroient en Turquie, ne pourvoient être arrêtés
i que leurs biens ne pourroient être faifis : il
fut en même-tems réglé qu'ils auroient à répondre
au tribunal du grand-feigneür. Cette convention
que les Provinces-Unies ont faite avec la
P orte , elles l'ont auflî faite avec les algériens.
Voilà fans doute un privilège & un grand privilège
i mais un privilège moins étendu que celui
des miniftres publics ; puifqu'il ne va pas à fouf-
traire abfolument les confuls à la jurifdiétion du
fouverain du lieu. La Porte a changé en-beaucoup
de chofes, fes ufages au fujet des confuls.
Ceux de la nation françoife j qui font plus favo-
rifés que les confuls d'aucune autre nation, parce
que les miniftres de cette couronne l'ont toujours
été davantage;, font obligés de comparoître en
juftice par leurs drogmans , s'ils en o n t , lorf-
qu'ils font cités par les mahométans > & , s'ils
n'ont point de ; drogmans, ils font obligés de
comparoître eux-mêmes.
Les confuls des nations ont droit fans doute à
la jouiffance pâifible des droits que l’ufage ou les
traités ont attribué à leurs emplois. Comme ils
ont une commiffion du prince qui les dévoue
particuliérement au férvice de fanation, le prince
eft offenfé lorfque le conful de fa nation effuie
des outrages ou des injuftices. Ii peut fe plaindre
, & marquer fon reffentiment de l'inexécution
des traités de deux peuples, où la nation '
offenfée devoit trouver la fureté de fon commerc
e , & celle des perfonnes qu'elle emploie j mais
le droit des gens n'a pas été v iolé, parce que
jufqu'ici les confuls des nations n'ont pas été regardés
comme étant fous la protection fpéciale du
droit des gens.
Rome payenne comptoit parmi fes citoyens,
des protecteurs de particuliers * ou de villes & de
nations j Rome chrétienne compte parmi fes cardinaux
, des protecteurs des églifes des nations
catholiques. Les princes catholiques donnent dans
Rome à des cardinaux le titre de protecteurs des
églifes de leurs royaumes } & ces cardinaux mettent
fur la porte de leurs palais, les armes des
couronnes qui leur ont conféré ce titre , pour
marquer leur attachement aux intérêts de ces mêmes
couronnes.
Ces cardinaux protecteurs n'ont point d'ap-
pointemens des princes, au fervice defquels cet.
emploi les met j mais ils en reçoivent des pensons
& des bénéfices : ils n'ont pas le caractère
repréfentatif , & leur rang ne permet pas qu'ils
foient miniftres du fécond ou du troifième ordre 5
.ils ne font pas par conséquent miniftres publics.
Leur attachement aux couronnes peut bien leur
mériter, dans les occafions, l'intervention de ces
mêmes couronnes auprès du pape ; mais ils ne
font point fous la protection du droit des gens.
Ils demeurent fournis à la jurifdiCtion du pape &
du collège des cardinaux.
Tous les miniftres publics 3 fur - çout ceux du
premier & du fécond ordre, doivent être accompagnés
d'un fecrètaire d’ambafiade ou de légation.
C 'e f t , après le miniftre même , le premier personnage
de l'ambafTade } il eft chargé de la plus
grande partie du travail 5 il eft dans le fecret j il
a le ch ifr e , & il devient, pourainfî dire, le conseiller
du négociateur.
eft compofée i ° . du nonce : 2*. de l'auditeur de
la nonciature apoftolique : 3°. du fecrètaire de
la nonciature : 40. du chancelier, & 50. dufubf-
titut de la chancellerie, & c .
Plufieurs cours font accompagner leurs miniftres
par des fecrètaires de légation ou gentilhom-
mes, qui, fe formant ainfî aux affaires fous d'ha- ,
biles négociateurs , font eux - mêmes employés
dans la fuite en qualité de miniftres.
Les fecrètaires d'ambaffade qui accompagnent
les légats du pape, font nommés dataires , ou
premiers officiers de la chancellerie. Ils ont fous
eux des fous-dataires. Lorfque l’ufage d'envoyer
des légats a latere étoit plus fréquent à Rome,
on donnoit l'emploi de dataire à des perfonnages
confidérables. En 162 y , le pape envoya le cardinal
Barberin comme légat en France, & ce.
prélat etoiè accompagné par le dataire Pamfi-
lio , qui fut depuis fouverain pontife, fous le nom
d Innocent X. Les fecrètaires des nonces prennent
anjourd hui le titre de dataires ou plutôt de Jbus-
dataires. Cette commiffion eft utile à leur avancement
dans l'églife } mais ils ne jouiffent d'au-
? cune fupériorité de prérogative fur les autres fe-
cretaires de légation des couronnes , & ils n'ont
pas d'autres fonctions que ceux-ci. Comme les
intérêts de la cour de Rome varient dans les dif-
férens pays de l’Europe, & que les concordats
des nattons catholiques donnent à fes nonciatures
divers degrés d’autorité & de privilèges , ces
nonciatures ne font pas établies par-tout fur le
même pied , ni pourvues des mêmes efpèces d'officiers.
Celle de Lucerne , par exemple, qui s'étend
fur tous les cantons catholiques delà Suiffe,
Les réfidens & autres miniftres du troifième
ordre n'ont point de fecrètaires de légation > mais
ils expédient eux-mêmes les affaires les plus importantes
, & ils emploient pour les autres un
lècrètaire ou écrivain particulier. Les ambaffa-
deurs , les plénipotentiaires, les envoyés extraordinaires
, & c . ne peuvent en général confier à
leurs fecrètaires le chifre rii le fecret.
Les ambaffadeurs , & quelquefois auffi les miniftres
du fécond ordre, font accompagnés pat
un ou plufieurs gentilshommes * qu'on nomme cavaliers
d'ambajfade. Le miniftre les préfente au
; fouverain du lieu & à la cou r, en prenant fa première
audience 5 & dès ce moment, difent quelques
publiciftes* « ils jouiffent des prérogatives
» du droit des gens, non comme attachés au mi-
33 niftre, mais par leur propre qualité : cette qua-
33 lité eft conflatée par la préfentation même ,
M & elle finit lorfqu'ils prennent congé comme
» ils doivent le faire , foit qu'ils retournent dans
33 leur patrie pendant la durée de rambaffade ,
33 foit qu'ils demeurent jufqu'à la fin *>. Mais ces
points , ainfi que beaucoup d'autres relatifs a l'article
qui nous occupe, ne paroiffent pas bien
avérés. On ajoute que fi le miniftre qui les a pré-
fentés, eft rappellé à fa cour , ils perdent la qualité
de cavaliers d'ambaffade, & peuvent être
arrêtés pour dettes ou autres raifons , à moins que
le miniftre qui fuccède au même porte , ne les
préfente de nouveau.
On donne auffi quelquefois aux ambafTadeurs
un ou plufieurs pages, & c . On en donne également
aux miniftres du fécond ordre , fur-tout s'ils font
obligés de faire des entrées publiques : ces pages
montent ordinairement à cheval alors , & précèdent
ou environnent le caroffe du miniftre. Leur
livrée doit être riche & dillinguée de celle des
laquais ou valets de p ied , quoique des mêmes
couleurs. Comme ce font des jeunes gens de
bonne maifon, le miniftre doit les traiter d'une
manière convenable à leur naiffance, & avoir
de juftes égards pour leur état.
, Dans les grandes occafions , telles que les am-
baffades folemnelles à un congrès, à une élection
d'empereur ou de roi , &c. le fouverain donne
au premier plénipotentiaire un maréchal d'ambaffade
ou un écuyer gentilhomme} le premier dirige
toute fa maifon & en fait les honneurs ,
& le fécond a l’intendance de l'écurie, des chevaux
, des équipages, & il paroît aux entrées
& autres cérémonies publiques. Quelques publi-,
ciftes difent que ces officiers jouiffent non feulement
de la protection du droit des gens, mais
que l'ambaffadeur qui ne doit les envifager que
comme des officiers de fon fouverain, eft obligé-
de les préfentw à la cour 5 njajs la remarque que
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