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fes pour fe mettre en état de faire cette acquifî-
tion # fon capital fut augmenté de trois millions
quatre cents mille livres. A cette époque, la ban*
que avait donc avancé au public neuf millions
trois cents foixante-quinze mille vingt-fept livres
dix fept fols dix deniers & demi, & fon capital
ne fe montoit qu’à huit millions neuf cents cin-
quantc-.ieuf mille neuf cents-quatre-vingt-quinze
1 vres quatorze fols huit deniers. C e fut alors que
la fomme qu’elle avoit avancée au public , &
dont elle tiroir l’intérêt, commença à excéder
fon capital j c’ tft-3.-dire, la fommepour laquelle
elle payoit un dividende aux propriétaires, j o u >
en. d’autres termes, ce fut en cette occafion
qu’elle eut pour la première fois un capital fans
dividende, outre. celui dont elle partageoit le
produit. Elle a toujours continué depuis d'en
avoir un. En 1746 , la banque avoit avancé au
public onze millions fix cents quatre -vingt-fix mille
huit cents livres, & fon capital en a&ions étoit
monté , par divers appels & fouferiptions , à dix
millions fept cents quatre-vingt mille livres: depuis
cette époque, l’état de ces deux fqmmes
eft refté le même. D'après l’a d e de la quatrième
année de George III , ch. X X V , la banque con-
fentit à payer au gouvernement, pour le renouvellement
de fa charte, cent dix mille liv. fans
intérêt ni rembourfement.
Le dividende de la banque a varié , fuivant les
yariations du taux de l’intérêt qu’elle a reçu à
différentes époques pour l’argent avancé au public,
& aufli à raifon de quelques circonftances particulières.
C e taux de l’intérêt a graduellement été
réduit de huit à trois pour cent. Nous avons vu ,
les années dernières , le dividende de la banque
à cinq &r demi pour cent.
La Habilité de la banque d’Angleterre eft égale
à celle du gouvernement britannique. Il faut que
toutes les avances faites au public foient perdues ,
^varvt que fes créanciers perdent rien. Une autre
banque ne peut s’établir en Angleterre par a été
du parlement, ni être cotnpofée de plus de fix
aflociés. C e n’eft pas feulement une banque ordinaire
, mais c’eft une grande machine d'état.
Elle reçoit & paye la plus grande partie des annuités,
due au^créanciers du public. Elle fait
circuler les billets de l’échiquier, avance au
gouvernement le montant des taxes annuelles fur
ie? terres, & fur la drèche .ta x e s qui fou vent ne
font payées que pliifîeurs années après. Dans ces
diverfes opérations , fes engagemens envers le public
l’ont obligée quelquefois à furçharger la cip-
çulat’on de papier-monnoie , fans qu'il y ait de la
fajire des directeurs. Elle efpompte'auff» les lettres
de change des négociansj & , en diverfes occar
fions, elle 4 fou ce nu le crédit des principales
maifons, non-feulement d’Angleterre mais de
Hambourg & d’Hollande. On cite une femaine
où elle avança pour cela environ un million fix
ç?qts mille Jjyres fte r lin g s la plus grande païtiç
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en lingots.. Nous ne garantiffons ni la grandeur
de la fomme, ni la brièveté du temps. D ’autres
fois c.ette grande compagnie s’eft trouvée réduite
à payer en pièces d e u x pences.
Les opérations judicieufes de la banque peuvent
donner'pl us d’aétivité à l’induftrie, non en
augmentant le capital d ’un pays , mais en mettant
une plus grande partie de ce capital en aélion &
en valeur. Cette partie de fon capital, qu’ un
commerçant elt obligé de garder en caiffe pour
répondre aux demandes qui furviennent, elf un
fonds mort qui ne produit rien pour lu i, ni pour
fon pays. Les fages combinaifons d’une banque
le mettent en état de convertir ce fonds mort en
un fonds vivant & productif, en matières, en
înftrumens de travail & en fubfiftance pour les
ouvriers > en un m o t, en un fonds qui produit
quelque chofe pour lui-même & pour fon pays >
la monnoie d’or & d’argent qui circule dans une
contrée , & par le moyen de laquelle le produit
de fes terres & de fon travail circule & fe dif-
teibue aux confommateurs, n’eft pas moins un
fonds mort, que l’argent qu’un commerçant garde
pardevers lui. C ’eft une partie précieufe du capital
du pays, qui ne produit rien pour Je pays.
La banque, en mettant du papier à la place d’une
grande partie de cet or & de cet argent, fait
qu’une grande partie d’un fonds qui feroit mort,
devient un fonds agiffant & produ&if. On peut
comparer juftement l ’or & l ’argent qui circulent
dans un pays, à un grand chemin qui feft à transporter
ik voiiurer au marché tous les fourrages
& tout le bled du pays, mais qui ne produit pas
un feul brin, ni de l ’un ni de l’autre. Une banque
fâge, en établiffant ( fi on me permet- cette métaphore
) un chemin dans les airs , donne le
moyen de convertir , pour ainfi d ire, une bonne
partie des grands chemins en pâturages & en terres
à bled, & d’augmenter par-là le produit des
terres & du travail. Il faut cependant convenir
<|ue , quoique le commerce & l’induftrie puiffent
ctre augmentés , ils ne peuvent être aufli parfaitement
allurés, lorfqu’ils font ainfi portés fur les
allés du papier-monnoie 3 que quand ils voyagent
fur le terre,in folide de i’or & de l ’argent. Outre
les accidens auxquels ils font expofés par la
mal-adreffe des conducteurs de ce papier, il y en
a plufieurs autres dont la prudence & l’habileté
de ces guides ne peuvent les garantir.
S’ il arrive, par exemple, une guerre malheur
reufs où 'l ’ennemi s’empare du çapital, & par
conséquent de ce tréfor qui foutenpit le crédit du
papier-monnoie, le défordre fera bien plus grand
dans le pays dont toute la circulation lé faifoit.en
papier, que dans celui qui en faifoit la plus
grande partie en efpèces. L ’inftrument ordinaire
du commerce ayant perdu fa valeur, les échanges
ne pourront plus s’y faire que par troc , ou fur
crédit. Toutes les taxes ayant été payées en papier
, le prince n’aura pas de quoi, payer fes troupes,
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ni de quoi fournir fesmagafins, & l*état du pays
fera beaucoup plus défefpéré que fi la circulation
s?étoit faite en or & en argent. Un prince, jaloux
de voir fes domaines toujours en état de dé-
fenfe, doit par co.iféquent fe tenir en garde ,
non-feulement contre la multiplication exceflive
du papier-monnoie 3 qui ruine les banques d’où il
for t, mais encore contre celle.qui met ces banques
dans le cas de faire aller la plus grande partie
de la circulation par .le moyen du papier. ,
On peut regarder la circulation de chaque pays
comme divifée en deu$ différentes branches ; fa-
v o ir , la circulation des marchands entr’eux , &
la circulation entre; les marchands & les confom-
mateurs. Quoique les mêmes pièces de: monnoie ,
foit en papier, foit en métal*-*'puiffent être employées,
tantôt dans l’une & tantôt dans l’autre,
toutes deux marchant dans le même ceins , pour
que chacune d’elles ait lieu, il faut un certain
fonds de monnoie, d’une efpèce ou d’une autre.
La valeur des marchandifes qui circulent entre
les divers marchands , ne peut jamais excéder la
valeur de celles qui circulent entre jes marchands
& les confommateurs > tout ce qu’achètent les
premiers étant finalement deftiné à être vendu
aux féconds. La circulation qui fe- fait en gros entre
les négocians , .exige en général une grande
fomme pour chaque affaire qu'ils font ettfcmble. I
Il n’en faut, au contraire, que de petites pour
celle qui eft établie entre les marchands & les
confommateurs, parce qu’elle fe fait erj détail.
Souvent il ne faut qu’un fcheling. ou même un
demi fol j mais les petites fortames circulent beaucoup
plus vite que les grandes. Un fcheling change
plus .fouvent de maîtres qu’une guinée , & un
demi-fol plus fouvent qu’un fcheling. Ainfi, quoique
les achats annuels de tous lès confommateurs
égalent, au moins en valeur, ceux de tous les
marchands, ils .peuvent fe faire avec une bien
moindre quantité de monnoie , les mêmes pièces
fervant , par une circulation plus rapide, à
beaucoup plus d’achats, d’une efpèce que de
l'autre.
Le papier-monnoie peut être réglé de manière
qu’il ne ferve guère qu’à la circulation entre les
marchands, ou qu’ il s’étende aufli à une grande
partie de celle qui fe fait entr’eux & les confommateurs.
S i , comme à Londres, il n’y a point
de billets de banque au-deffous de dix liv. fterl.
dans la circulation, le papier-monnoie fe concentre
dans les mains des marchands Un confommateur
qui a dans les fiennes un billet de banque de
dix livres, eft généralement oblige de le changer
à la première boutique où il veut acheter pour
cinq fehelings de marchandifes, de forte que le
billet revient au marchand, avant que le confommateur
ait dépenfé la quarantième partie de
l’argent. S i , comme en Ecoffe, il y a dans la
circulation , des billets de banque pour de petites
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noie s'étend à une grande partie de la circulation
entre les marchands & les confommateurs. Avant
l’a&e du parlement, qui a fupprimé les billets de
banque de quinze fehelings, cette circulation étoit
encore plus chargée de papier-monnoie. On voyoït.
communément, dans l’Amérique feptentrionale ,
du papier de la valeur d’un feul fcheling } 8c
dans l’Yorkshire, il y en avoit de fix pences.
Lorfque l ’ufage des billets de banque eft permis
, & commun pour d’aufli petites fomraes
plufieurs perfopnes du bas-peuple peuvent & ofént
devenir banquiers. Celui qui ne pourroit faire-
accepter de perfonne fes propres billets pour cinq
livres fterlings, . ;ou même pour vingt fehelings ,' .
trouvera des gens qui les recevront, 8e qui fe
feront fcrupule de les refufer, s’ils ne font que
ds fix fols. Mais les banqueroutes fréquentes ,
auxquelles font nécefiairement expofés ces banquiers
miférables peuvent occafionner beaucoup
de dommage , 8c font quelquefois une véritable
calamité pour le pauvre peuple qui a reçu leurs
billets.
11 vaudroit peut-être mieux qu’il n’y edt
aucune partie du royaume , où l’on délivrât dès
«billets de banque de- moins de cinq livres.
I fterl. Le papier-monnoie fe concentreroit alors
1 par-tout chez les marchands, comme il fait au-
jourd’hui à Londres , où l’on n’en reçoit pas au-
deffous de la,valeur de dix livres, quoiqu’avec
cinq livres on n’ait : peut - être, dans les autres
parties du royaume , guère plus de la moitié des
marchandilès qu’on fo procure à Londres avec
dix livres,, on y regarde autant à cinq livres qu’à
dix livres à Londres, & il eft aufli rare d’y dé-
penfor cinq livrés à la fois , qu’ l eft commun d’en
dépenferdix à Londres, au milieu de la profufion
qui règne dans cette capitale.
j II faut obfervér qu’il y a toujours abondance
d’or & d’argent dans les endioits ou le /wpzer-
monnoie ne circule guère qu’entre les marchands,
comme on le voit à Londres., S i , comme en
Ecoffe ou comme avant la révolution de l’Amérique
, il circule beaucoup entre les marchands &
les confommateurs, il bannit prefqu’entiérement
l ’argent du pays, prefque tomes les affaires du
commerce intérieur s’y font avec du papier. L ’argent
eft moins rare en Ecoffe depuis la fuppref-
fion des biUets de banque de. quinze fehelings ,
& il le feroit probablement encore moins, fi on
y fupprimoït ceux de vingt fehelings. On dit que
l’or & l’argent ont été plus communs en Amérique
depuis, la fuppreflion de quelques-lins des papiers
des colonies angloifes, & qu’ils l’avoient .
été aufli davantage avant l’établiffement dè ces *
papiers.
Quand le papier-monnoie fe concentreroit prefqu’entiérement
parmi les marchands , les banques
& les banquiers ne laifferoient pas de donner à
l’induftrie & au commerce du pays à peu près les
fommes, telles que vingt fehelings, l e i mêmes fecours qu’ils lui. donnoient avant que
Gtcon. polit. & diplomatique, Tom. III, T 11