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ramener les calviniftes â la religion de Rome , I
par la perfuafion 5 mais il n'en pue venir à bout. I
Il craignit auffi d'exciter un parti paillant qui, J
réduit au défefpoir., auroit pu caufer de plus
grands embarras ; il aima mieux fans doute chercher
fourdement à l’affoiblir & à le ruiner : dès-
Iors on vit tous les jours dés dérogations à cet
édit j des difficultés fufcjtées aux calviniftes, des
plaintes & des réclamations inutiles de la part de
Çes derniers. Les chofes relièrent en cet état
jufqu'à la mort de Louis XIII ; & fous le règne
de Louis X IV , pendant l'adminiftration du cardinal
Mazarin, on cherchoit des querelles aux
réformés, on leur difputoit des églifes, des cimetières
, des colleges, &c. Us fe plzignoient,
ils faifoient des repréfentations, ils denjandoient
l'exécution de l'édit de Nantes que le roi avoit
juré ; mais ils n'obtenoient rien ou peu de chofe.
Chaque jour on portoit des atteintes à leurs
droits ; en 1669, au mois de janvier, on enfreignit
l'édit d’une manière frappante : on fuppri-
ma dans tous les patleroens les chambres mi-parties
; & dans celui de Paris, on ne laiffa qu’un
feul confeiller réformé. Dès - lors on ne garda
plus avec les calviniftes aiiçune mefure. On anima
contre eux Louis X IV . Le clergé en corps par
fes remontrances, les jélûites par leurs inlinua
tions, le chancelier le Tellier & Louvois fon
fils, par un efprit de dureté & en haine de C o lbert
qui employoit les réformés comme des fujets
Utiles, fe déclarèrent leurs ennemis, & les re-
"préfentoient au roi comme des fujets rebelles : on
leur défendit d'époufer des filles catholiques;
on Cherchoit à enlever leurs enfans , pour les
faire élever dans la religion romaine ; on défendit
à Colbert d'employer des réformés dans 1
les fermes; pn les éloigna des emplois ; on les
exclut des corps d'artfs & métiers ; on ne per-
mettoit poqjtant pas de leur faire violence, mais
cette défenie ne fut qu'illufoire ; on en féduifit
plufieurs avec de l’argent : on déclara en 1681
que les enfans feroient admis à changer de religion
à l'âge de fept ans : on enleva de force les enfans I
& on logea chez leurs parens, des gens de I
guerre pour les vexer. Un nombre confidérable I
de familles fe réfugièrent en pays étranger. Pour I
arrêter ces émigrations, on publia une déclaration
qui confifc-uoit tous les immeubles que les calvi- '
niftes vendraient, fi un an après la vente ils for-
toient du royaume. A chaque contravention , on
ïnterdifoit quelque temple de réformés. Les maîtres
d’école n’eurent plus la permiffion de tenir
des penfionnaires pour les élever. Les proteftans
qui occupoient des charges, furent obligés de les
vendre , & on n’admit plus aucun calvinifte aux
emplois de notaire , d’avocat ou de procureur. On
perfuada au roi qu’ayec de la févérité on fpumet-
troit tous les proteftans à l’églife. Il envoya con- -
tr’eux en 1684 & 168y les dragons, ç’eft à-dire,
celles de fes troupes les moins difcîplinées ; ils
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étaient conduits par des prêtres ou des moines
qui j afîemblant les réformés, les fommoient dé
changer de religion > s ils refufoient, on logeoit
cüez eux des dragons avec la permiflion de fe livrer
a toutes fortes de violences, excepté à celles
qui feroient fuivies d'un meurtre. Il eft aile de
concevoir quelles furent, d'après un pareil arrangement,,
les fuites des dragonades.
Tandis qu'on livroit au défefpoir les calviniftes.,
la cour leur ota toute reffource en révoquant l'édit
Nantes, par un autre édit du mois d'o&obre
* f| j| | La religion réformée fut proferite, & fes
fectateurs dépouillés des droits de citoyens, s’ils
ne l'abjuroient pas. Le vieux chancelier le T e î-
her en lignant cet éd it, s'écria plein de joie :
nunc dimiteis fervum tuum , Domine , quia videmnt
ocu/i mei falutare tuum. On bannit tous les mi-
niltres, qui pour la plupart forment du royaume,
mais qui furent fuivis par la plus grande partie
de leur troupeau. Louvois crut empêcher l'émigration
en faifant garder les frontières du royaume,
& en rempliifant les prifons de ceux-des
fugitifs qu'on faiiîfifoit. Ces précautions n'empêchèrent
pas une multitude immenfe de familles de
fortir j elles emportèrent avec elles leur argent,
leur induftrie & leurs arts. L'Allemagne, la Hollande,
l’Angleterre, la Suilfe fe peuplèrent de
françois induftrieux, qui y établirent des fabriques
& des manufactures, qui y portèrent des
arts & du goût j ce qu'ils gagnèrent en les rece-
: van t, la France le perdit. On croit qu'il fortit
alors de France plus d'un million d’habitans. On
remplit les prifons & les galeres de ceux qu'on
arrêta dans leur fuite > mais ces galériens & ce$
prifonmers malheureux étoient également perdus
pour l'état. On en envoya une foule d'autres en
Amérique , pour s'en débarraflfer. Les catholji-
ques perfécutèrent ceux qui demeurèrent chez
eux j on les traita en plufieurs endroits corçjjne
des proferits. Le défefpoir fit prendre les aimes
dans la fuite aux habitans des Cevennes. Oh re-
nouvelloit & changeoit chaque jour contre eux
les édits & les déclarations : les émigrations continuèrent
pendant plufieurs années j il fembloit
que les calviniftes dévoient être détruits éotnplet-
tement en France } mais il en reftoit, vers la fin
du fiècle dernier, plus dé cinq cens mille dans
le royaume, & on compte aujourd'hui qu'ils font
encore la douzième partie de fes habirans.
Les hommes éclairés, les cours fouveraines &
les miniftres fentent aujourd'hui la nécëffité de
changer la déclaration qui a révoqué l'édit de
Nantes : grâces aux lumières de notre ïïècle, il
eft bien reconnu qu'il eft indifpenfable de donner
un état civil aux proteftans, & Je public attend
avec impatience les fuites des délibérations
fur cette matière.
N A P L E S , royaume d'Europe, fîtué dans la
péninfule dd l'Italie.
Il eft borné vers le nord - oueft par l'état de
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J'égdie , & la Méditerranée & la mer Adriatique
l'environnent de tous les autres côtés. Sa furface
peut être évaluée à environ 1260 milles géographiques
quarrés.
Nous ferons 1°. un précis de l'hiftoire politique
du royaume & du gouvernement de Naples :
20. nous parlerons du fol , de la population, de
la divifion des propriétés, des productions, du
commerce & des monts-de-piété de Naples : 30.
nous dirons quelques mots fur fes tribunaux & fur
fon adminiftration , fur la marine & les troupes
de terre : 40. nous terminerons ce morceau par
dés remarques fur les avantages du royaume de
Naples & fur les réformes dont il paroît fuft-
cèptible.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Précis de l'hiftoire politique du royaume ï f du
gouvernement de Naples.
Les provinces qui compofent le royaume de
Naples , étoient autrefois foumifes à la république
romaine, & elles obéirent enfuite aux empereurs.
Au cinquième fiècle, elles furent inondées,
comme tout le refte de l'Italie , par les vifigoths,
les hérules & les oftrogoths j mais Bélifaire , l'un
des généraux de l’empereur d'Orient, Juftinien,
fit la conquête de la Sicile & des provinces qui
forment actuellement le royaume de Naples. Ces
provinces ou duchés furent bientôt aivifés : une
paf'Êie refta fous la domination de l'empereur g re c ,
& l'autre tomba au pouvoir des lombards. Les
farrafins envahirent enfin la Sicile, & firent de
fréquentes incurfions dans la Terre-ferme, qu'ils
ravagèrent. Quoique les francs euffent chaffé les
lombards de l’Italie fupérieure, ils ne purent cependant
fe rendre maîtres de l’inférieure. Vers
l'an 1016 les premiers normands y abordèrent &
y bâtirent la ville d'Averfa, qui fut foumife à
Kainolphe, fous le titre de comté. Les fils de
Tancreaé, comte deHatiteville , invités par celui
ci, fe joignirent en 103 ƒ à leurs compatriotes,
& en peu de temps les normands fubjuguèrent la
Pouille} & Guillaume, l'un d 'eux , en prit pof-
feffion en 1043 j f ° us nom de comté. Le pape
Léon IX donna au comte Hunfred l’inveftiture
de la Pouille, de la Calabre, & de tout ce que
les normands pourroient conquérir en Sicile. Ils
alfervirent à leur domination la Calabre ; & un
de leurs chefs, Robert Guifcard, fut le premier
duc de Pouille ; ils s’emparèrent de la principauté
de Capoue, dii duché de Bari, de toute
la Sicile 8c des principautés de Salerne , d’A-
malfi & de Bénévent. Le pape Urbain II déclara
en 1098 le comte Roger II 8c tous fes dépendants
, légats - nés du faine - fiège en Sicile , 8c
Roger pofteda toutes les terres qui compofent
actuellement le royaume de Naples : en 1130 il
prit le titre de roi de §icile , de duc de Pouille,
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de prince de Capoue, ou en général de roi des
Deux-Siciles î il érigea Palerme en ville capitale,
& il y fit fa réfidence. Après la mort de Guillaume
I I I , . Confiance, femme de l'empereur
Henri V I , né duc de Suabe, fe trouva le dernier
rejetton & héritier de la fucceffion du
roi Roger. Cette princelfe, avant de mourir,
inftitua pour héritier de fon royaume Frédéric II
fon fils, empereur romain , & la couronne pafl’a
dans la maifon de Suabe ou de Hohenftauffen.
Conrad IV , fils de Frédéric, étant mort, Main-
f'roi, fils naturel, du même Frédéric , s'en rendit
maître j le pape Urbain I V & enfuite Clé-
„ment IV , irrités contre la maifon de Suabe, offrirent
à Charles d'Anjou le royaume de Sicile
& de Naples, & ils donnèrent en effet la couronne
à ce prince. Mainfroi périt dans une bataille.
Le gouvernement de Charles fut fi rigoureux
, que fes fujets indignés excitèrent le fils de
Conrad IV, appelle Conrad par les allemands, &
Conradin parles italiens, & L’unique héritier de
ce royaume , à venir s'emparer de l'héritage de
fon père. Mais ce jeune prince n’efiuya que des
revers, & il mourut en 1268. Sa mort affura à
Charles I la poffefiion du royaume de Naples 8c
de Sicile j & Marie, fille du prince d'Antioche ,
lui ayant cédé tous fes droits fur celui de Jéru-
falem & d'Antioche, il prit en 1277 îe titre
de roi de Jérufalem j il perdit la. Sicile dans une
révolte des ficiliens conduits par un gentilhomme,
nommé Jean de Procida. Tous les françois furent
maflacrés dans cette révolution-arrivée le 3 e jour
de pâques de l'année 1282, au moment où la
cloche fonrioit vêpres, & c'eft ce qu'on appelle
les vêpres ficiliennes. Les bons ficiliens élurent pour
leur fouverain Pierre, roi d'Arragon. Les défi-
cendans de Pierre régnèrent en Sicile, jufqu'à
l'époque de la réunion de la Sicile au royaume
de Naples. Charles I , roi de Naples , eut pour
fucceffeur Charles I I , & enfuite Robert, fils de
celui-ci, dont la célèbre reine Jeanne qui fe maria
quatre fo is , fut la petite - filîe. Elle déclara
peur héritier de fon royaume le duc Louis d'Anjou
, frère de Charles V , roi de France j ce qui
11'empêcha pas le pape Urbain V I de donner la
couronne à Charles de Durazzo, frère de Robert.
Charles fit étouffer la reine Jeanne , &
devint roi de Hongrie. Ladiflas, fon fils 8c fuc-
celfeur, laiffa le royaume à fa foeur Jeanne I I ,
qui déclara pour fon héritier Alphonfe, roi d’Ar-
ragon & d$ Sicile > celui-ci fe mit paifiblement
en pofteflion du royaume de Naples, & le réunit
à celui de Sicile. Il eut pour fucceffeurs immédiats
au premier de ces deux royaumes , fon fils
naturel Ferdinand I 8e Alphonfe II fon fils légitimé
: Alphonfe II céd* la couronne de Naples
«à fon fils Ferdinand IL A la mort de ce prince,
Frédéric d'Arragon, frère de fon père, dernier
rejetton de la poftérité d’Alphonfe 1 , 8e dernier
roi de Naples de la maifon d'Arragon , fe mit en