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à améliorer la condition des payfans , qu'ils re-
ga>dent à peine comme des créatures nées pour
réclamer les droits de l'humanité. Quelques nobles
cependant, d'un caractère plus humain te
d’un efprit plus éclairé ont fait voir qu’ils avoient
adopté d’autres principes.
Ils ont elTayé de donner 1a liberté a leurs ferfs,
l'événement a prouvé que ce parti était aufti
judicieux qu’il étoit huanain , & que leur propre
intérêt s’y trouvoit autant que l’ avantage de
leurs payfans. Dans les cantons où cet arrangement
a eu lieu , la population a coniulérablement
augmenté, te le revenu des terres s.’eft accru du
triple.
Le premier noble qui a fait à ces payfans ce
beau don de la liberté, eft Zamoyski, ci-devant
grand chancelier qui en 1760 affranchit fîx villages
dans le palatinat de Mazovie.
Il paroît, par les regiftres des paroiffes, que
le nombre des naiffimees , pendant les dix années
x>ui ont précédé immédiatement raffranchiffement
dé cès villages, étoit de 434. Dans les dix années
qui ont fuivi cette époque , c’eft à-dire, de
1760 à 17 70, il y a eu 620 naiffances, te de
1770 à 1777-, ySy. Voilà donc trois périodes
ai-fées à comparer. Durant fa première il y avoit
par an .................................... .. 43 naiflances
Dans fa fécondé if y en a eu 62.
Dans la- troifïèïne . ; ................ 7y.
Si une augmentation aufti rapide avoit lieu dans
tout le royaume , quelle ne fer oit pas en- peu
d'années fa population te fa prospérité?
Le revenu de ces fîx villages s’eft accru dans
une proportion plus confidérable encore. Pendant
que les payfans de Zamoyski étoient efclaves, il
étoit obligé , félon la coutume de Pologne 3 de
leur bâtir des huttes te des granges à fes frais,
de les fournir de grains pour femer , de chevaux,
de charrues, de tous les outils néceffaires à la
culture. Depuis qu’ils jouiffent de la liberté, l’ai-
lanee ou ils fe trouvent leur permet de fe pourvoir
de tout celai à leurs propres frais j au lieu
de corvées, ils lui payent avec plaifîr une rente
annuelle, te par là le revenu de fa terre a prefque
triplé.
" Ain fi les faits les plus pofitifs dé truffent abfo-
liiment ce raifonnement fouvent employé par les
nobles poîbnois, que leurs ferfs font trop déréglés
te trop indociles' pour ne pas abufer de la
liberté qu’on leur donneroit. Zamoyski, encouragé
par les accroiffemens de la profpérité de fes fîx
villages, a affranchi de même les payfans de fes
autres terres.
Son exemple a été fuivi par Chreptowitz, vice-
chancelier de Lithuanie , te l’abbé Bryfot-oski
avec un. égal fuccès. Le prince Staniflas, neveu
du ro i, a foutenu avec chaleur le projet de raffranchiffement.
Il a affranchi-, quatre villages près
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de Varfovie. Il pouffe même la bonté jufqu’ à <db
riger les affaires de ceux qu’il a rendus libres.
Malheureufement ce beau préfent de la liberté
ne leur eft encore affuré que pendant la vie de
celui qui le leur a fait ; fon fucceffeur peut les
faire rentrer dans leur ancienne fervitude. On s’occupe
, à la vérité, du projet d’affurer la liberté à
ceux qui l’ont une fois obtenue y mais ce projet
1 eft d’ une nature fi délicate, qu’il ne pourra être
propofé qu’avec beaucoup de précaution , te con-
folidé que par le temps. Mais il eft prouvé que
raffranchiffement des ferfs eft utile aux feigneurs
polonais, te qu’il le feroit prefque par-tout y te
c’ eft une grande vérité qu’il eft bon d’établir de
toutes les manières.
Le nombre des juifs eft -confidérable en Pologne.
Ils y font entrés du temps de Cafimir le
grand, te y jouiffent des privilèges qui ne leur
ont été accordés nulle part, excepté en Angleterre
& en Hollande. De-là vient qu’ils s’y font,
prodigieufement multipliés.
Lengmch, qui a écrit plufîeurs ouvrages eftimési
fur. la Pologne 3 dit " que les juifs font un mono-
» pôle de toutes les branches du commerce de
» ce royaume y qu’ils tiennent les auberges & les
» cabarets y qu’ils font les maîtres - d’hôtel d.es:
« grands feigneurs , te qu’enfin ils y ont acquis
» un tel crédit , qu’on, n’y vend. & qü’on n’y
« achète rien que par le moyen d’un juif ». S©-,
bieski 'eur accorda une fi grande confiance 1 que
la nobleffe en témoigna le plus grand mécontentement,
A fa mort, on fit revivre line ancienne
loi qui fut inférée dans les paëa eonventa
qu’on fit ligner à Augufte-, par laquelle on inter-
difoit à ce prince $ affermer à un juif ou à toute
perforine de baffe naiffance les revenus de la couronne.
Ils peuvent s établir à demeure dans certaines
villes, comme à Cafimir, Pofnanie , & c . Dans
d’autres , feulement pendant les foires ou les
diétines ; mais ces reftriétions font mal obfervées.
Il eft difficile de favoir leur nombre avec exactitude.
Ils.paient, à la v érité, une capitation en
Pologne y mais par cela même ils cachent leur
nombre , & fur-tout celui de leurs enfans, avec
tout le foin poffible. Voici une eftimation qui
peut approcher de la vérité. Sur 2,580,796 habi-
tans que contenoit la Pologne autrichienne lors
du démembrement , on compta 144,200 juifs.
C ’ eft environ un dix-huitième. Le dix - huitième
des habitans aétuels de la Pologne feroit 500^000.
Si l’on ajoute à ce nombre tous ceux qui onr
paffé en Pologne des provinces démembrées par
la Ruffie, on ne pourra guère fe tromper en ef-
timant leur nombre total, à 600,oco.
Avant le démembrement, la Pologne contenoit
environ 14,000,000 d’habitans. M. C o x e , d’après
ce qu’il a pu recueillir dans diverfes'conversations
avec des polonois inftruits, évalue fa
population actuelle à 9 millions.
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En étudiant l’hiftoire te la conftitütion politi-
düe de ce royaume , on voit que* les loix féo>-
dàles autrefois univerfellement remues en Europe,
où il en fubfifte encore çà & là plus ou moins
de veftiges , ont été fuceeffivement abolies chez
la plupart des autres nations pour faire place à
une admtmftration plus jtifte te plus régulière i
tandis qu’en Po ogne les circonftarKres fe font op-
po.fées à l’abrogation de ces mêmes loix > elles
ont maintenu ce mélange dë liberté te d’oppref-
fion , d’ordre te d’ anarchie,' qui forme le caractère
le plus marqué du gouvernement féodal. La
conftitütion aétueffe de la Pologne préfente en
core les traits les plus frappons- de cet- ancien
régime y une monarchie éleêfcive avec un pouvoir
très-reftreint, les grands officiers d’état poffé-
datit leurs charges à vie te mdépendans du ro i,
des fiefs relevant de la couronné, des feigneurs
tout puiffans > line nobleffe libre , te le feul ordre
libre du royaume, paffédant fans nulle dé-,
pendance fes terres , les fiefs, fa jurifdiétion
territoriale , tenue feulement à un fervice militaire}
un commerce avili te languiffarit, des
bourgeois opprimés, des payfans efclaves. Tel
eft l’état .de la Pologne j & telles font les caufes
de fa décadence’ De-là viéh't qu’elle n’a pu adopter
les loix qui lui auraient affuré un état1 ftable te
tranquille, un bofi gouvernement, un commerce
floriffartt, une nombreufe population.
Voyei l’ article Lithuanie & les articles
Prusse , R ussie te A utriche-.
PO L YG AM IE : mariage d’un féal homme avec
plufîeurs femmes. Nous ne parlerons ici de la
Polygamie , que dahs fes rapports politiques-.
Les femmes font nubiles (1 ) dans les climats
chauds,- à h-uit, neuf te dix ans 2 ainfî l’enfance:
te le mariage y vont prefque toujours eilfemble.
Elles font vieilles à vingt : la raifon ne fe trouve
donc jamais chez elles avec la beauté. Quand la
beauté demande l’empire $ la raifon le fait réfu-
fe r } quand la raifon pourroit l’obtenir, la beauté
n’eft plus. Les femmes doivent être dans la dépendance
: car la raifdn ne peut leur procurer
dans leur vieilieffe un empire que la beauté né
leur avoit pas donné dans la jèuneffe même. Il
eft donc très-Ample qu’ un homme, lorfque la
religion ne s’y oppofe pas , quitte fa femme pour
en prendre une autre, te que la Polygamie s’in-
trodurfe.
Dans les pays tempérés, où les agrémens des
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I femmes fe confervent mieux, ®ibell«6 fönt plus
tard nubiles, 8e où elles ont des èiifaris dsHS un;
âge plus avancé, la vieilieffe de leur mari fuit en
quelque façon la leur : & comme,:elles,y ont plus
de raifon & de connoiffances quand elles fe marient,
ne fût-ce que parce qu'elles ont plus; long-:
temps vécu , il a dû naturellement s'introduire,
une efpèce d'égalité dans les deux fexes, & par
icanféquent la foi -d’ une feule femme.
Dans ■ les pays froids, l'ufage prefque ndeef-.
faire des' boiflons .fortesi établit l’intampérance
chez, les hommes. Les femmes, qui ont à cet,
égard une retenue naturelle , parce qu'elles ont
toujours à fe défendre , ont donc encore l'avatv
tage de la raifon.fur eux.
■ La .nature qui a diftingué les. hommes ,par 1»
force & par la raifon , n'ajmisrà. leur pouvoir,
de terme que celui de cette forcé & «te cette
râifon. Elle a. donné: aux femmes les agrémens ,
sfea voulu que leur attendant finît.avec ces agré-
mens : mais , dans les: pays chauds ,, ils me fe trouvent
que dans lés commencemeus, & jamais dans
lé cours de leur vie.
Ainfi la loi qui ne permet qu’une femme, fe
ràppoft-e plus au phyfiqüe du climat, de l’Europe,
qu’au phyfique du climat de l’Allé. .C’eft
imé' dds ralfotis qui a faitiqu’e le mahométifme
a trouvé- tant de facilité à slétâbliir en A f ie , &
tant de ditSculté à s’étendre .en, Europe ; que !e
chriftianifine s-’eft maintenu en Europe“, & a été
détruit en Afie ; & qu’enfin les mahothétans font
tant de progrès à la Chine, 8c les.chrétiens fi
peu. Les raifons humaines font toujours fubör-
dtitinétss à cette caofe fuprênie, qui; fait tout
ce qu’elle veut , ■ & fe fert de tout ce qu’elle*,
veut, i , | p ,v , .
Quelques raifons particulières a Vulentïriien (a),
lui firent permettre lai polygamie dans l’empire.
Cetteloi , violente pour nosclimats, fut ôtée ( j ) ,
par Théodore , Arcadius & Honorius.
Quoique > dans les. pays où la polygamie eft
'une fois établie, le grand nombre des femmes
‘dépende beaucoup de$ riche fies du mari ; cepen-
liant ori ne peut pa's dire , que ce foient les n-
1 cheffes. qui faffent établir dans un état la Po/t-,
garnie : la piuvreté. peut faire le même e ffet,
airtfi qu’on le voit chez les* fauvages.
La- Polygamie eft moins un luxe , que î’occa-
fion d’un grand luxe chez des nations puiffan-
tes. Dans les climats chauds,1 ou a moins de be-
ifoins (}) : il en coûte moins pour entretenir une
(i) Mahomet époufa Cadisja a cinq ans , coucha avec elle à huit. Dans les pays chauds d’Arabie & des Indes
, les filles y font nubiles à* huit ans, & accouchent l’année d’après. P rideaux , vie de Mahomet. On voit
des femmes dans le royaume d’Alger enfanter à neufs dix St onze ans Laugier de TaJJy'., hijloiie du royaume
d?Ægef l pag. f>.
G) Voyez, Jornnndès , de regno & tempor. fuccef. & les hiftoriens eccléfiaftiques.
(3) Voyez la loi VII, au code de judoeis'&-ecelicolïs ; Sc la novëlle 18 , cfiap. 5. _ _
(:4J A Ceylan un homme y vivoit jadis pour dix fous par mois : on n’y mangeait que du riz & du pomon.
Recueil des voyages qui ont fervi à Vétablijfement de la compagnie des Indes , tom. % , part, première.