
d’indifcipline , on peut en ajouter une qui eft commune
aux deux fervices de terre & de mer.
Il nexifte peut-être pas, dans, les gouverne-
mens les moins-libres , une maniéré de le procurer
des matelots & des foldats, moins honnete
& plus vicieufe que celle qui depuis long-temps
eft mile en ufage par la compagnie. Ses agens,
auxquels le peuple a donné le nom de vendeurs
d'amer toujours en aftivité filr le territoire ,.o u
même hors des limites de la république, cherchent
par-tout des hommes crédules, qu us puil-
fent déterminer à s'embarquer pour les Indes ,
fous l'efpérance d'une fortune rapide & coniide-
rable. Ceux qui fe laîffent leurrer par cet appat,
font enrôlés, & reçoivent deux mois de paie ,
qu'on livre toujours a leur inducteur. Ils forment
un engagement de 300 livres au profit de
l ’embaucheur , chargé par cet arrangement de
leur fournir quelques vêtemens qu on peut eiti-
mer le dixième de cette valeur. La dette eft conf-
tatée par un billet de la .compagnie, qui n'eit
payé que dans le cas où les débiteurs vivent
affez long - temps pour que leur folde y -pume
fuffire. ■ . . , , ..
Une fociété qur Te foutient , maigre ce mépris
pour la profefïion militaire & avec de fi mauvais
fo ld a t s d o it faire juger des progrès 'qu'a
fait l'art de la négociation dans ces derniers, fie -
clés. Il a falluXuppléer fans ceffe à la force par
des traités , de la patience , de la modeftie & de
l’ adreffe : mais on ne fauroit trop avertir des républicains
que ce n eft la qu un état précaire , &
que les moyens les mieux .'combinés, en politique
ne réfiftent pas toujours au torrent de la violence
& des circonftances. La fureté^ de la compagnie
exigerait des troupes compofées de citoyens :
mais cet ordre de chofes n’eft point praticable.
La dépopulation de la Hollande en feroit une
fuite néceffaire. Le gouvernement s'y oppoferoit,
& diroit à ce corps déjà trop favori fe :
« La défenfe & la confervation de notre pays
nous eft tout autrement à coeur que le bon ordre
de vos affaires. A quoi nous Terviroit Lof dont
vos flottes reviendroient chargées, fi nos provinces
devenoient défertes ? Si nous renonçons jamais
au fervice des étrangers , ce fera dans-nos
armées , & non fur,vos vaiffeaux ? que nous les
remplacerons. N'expatrions , n’expofons à h mort
que le moins de nos concitoyens qu il fera pofli-.
ble. Les chefs de nos comptoirs. font affez opu-
lens pour fe garantir 3 par tous les moyens connus,
des funeftes influences d’ un climat empefté. Ht
que nous importe que des allemands-, auxquels
d’autres allemands fuccéderont, périffent ou ne
périffent. pas, s’il s’en trouve toujours affez que
fa misère chaffera de.leur patrie, & qui fe laiff
feront b'ércer d’une fortune qu’ils ne feront point ?
Leur paie ceffe. au moment où ils expirent 5 nos
coffres continuent à fe remplir, & nos provinces
ne fe vuident point. La compagnie n’a de fureté
que celle de la république j & où fera celle de la
république, f i , par Une dépopulation confiante ,
nous réduifons notre contrée àlamiferable condition
de nos colonies ? »? ■ . , , .
La compagnie ne fera donc jamais fervie que
par des troupes étrangères, & jamais elle ne parviendra
à leur infpirer cet efprit public .» cet en-
thoufiafme pour la gloire qu’elle n a pas elle-
même. Un corps eft toujours, à cet égard, comme
un gouvernement qui ne doit jamais conduire les-
troupes que par les principes fur lesquels porte
fa conllitution. L|amour du gain, l’économie >
font la bafe de l’adminiftration de la compagnie..
Voilà les motifs qui doivent attacher le foldat a
fon fervice. Il faut qu’employé dans des expéditions
de commerce , il foit alluré d’une rétribution
proportionnée aux moyens qu’ il emploiera
pour les faire réuffir, & que la- folde lui foit
payée en allions. Alors les intérêts perfonnels ,
loin d’affoiblir le reffort général, lui donneront
de nouvelles forces. .
Que fi ces réflexions ne déterminent pas la compagnie
à porter la réforme dans cette partie importante
de Ton adminiftration , qu’elle fe réveille
du moins à la vue des dangers qui la menacent.
Si elle étoit attaquée dans l'Inde , elle fe verroit
enlever 'fes ëtabliffemens en beaucoup moins de
temps qu’ elieg|g#f mit pour les. conquérir fur lès
portugais. Sesmejlleures places font fans défenfe „
& la mâtine feroit hors d’état de les protéger.
Elle fait q u e , fans le fecours de la France, elle
auroit perdu dans la dernière guerre le cap de
Bonne-Efpérance & fon établiffement de Ceylan.
On ne voit pas un vaiflëaü de ligne dans fes ports,
& il ne feroit pas poifible d’armer en. guerre les
bâtimens marchands. Les plus forts de ceux qui,
retournent en Europe, n’ont pas cent hommes;
& , ep réuniffant ce qui eft difperfé fur tous ceux -
qui "naviguent dans les Indes,, on ne trouvero:t
pas de quoi former un feul équipage. Tom hom- -,
me, accoutumé a calculer des probabilités , ne
craindra pas d’avancer que la puiffance hollan-
doife pourroit être détruite en A fie , avant que,
le gouvernement eût eu le temps de venir au fe-,
cours de la compagnie. C e coloffe, d’une appa-,
rence gigantefque, a pour bafe unique les Mo-,
luques. 6ix vaiffeaux de guerre & quinze cents
hommes de débarquement feroient plus que fuffi-.
fansqpour en faire la conquête..Cette révolution
peut être l’ouvrage des françois & des anglois.
Le climat de Batavia eft fi meurtrier , qu’une
partie confidérable des foldats qu’on y porte d®
nos contrées, périffent dans l’année. Un grand
nombre de ceux qui échappent à la mort, lan-*
guiffent dans les hôpitaux.^ A peine en relle,t-il .
le quart qui puiffe faire régulièrement le^ fervice .
de la place. Les hollandois fe flattent qu'en ajoutant
aux cauies ordinaires de deffr.uôtion le fe- .
cours -d’ une inondation générale, qui çft toujours
aifée, ils creuferoient un tombeau aux affaillans, -
ou les forceroient à fe rembarquer. Les aveuglés
! qui ne voient pas que tous ces moyens de
ruine on.t befoin du fecours du temps, & que
la prife de la place ne feroit qu’un coup de main
pour une nation aguerrie & entreprenante. .
Si la république ne regarde pas comme imaginaires
les dangers que l’amour du bien general
des nations nous fait preffentir pour fon commerce
& fes poffeffions des Indes, elle ne doit rien
oublier pour les .prévenir. C ’eft un des foins les
plus importans qui puiffent l’ occuper. Quels avantages
l’état n’a-t-il pas tirés depuis deux fiècles,
de «e< régions lointaines ? Quels avantages n en
tire-t-fi pas encore ?
D ’abord- l’affociation marchande, qui régit les
divers établiffemens qu’elle-même y a formés fans
aucun fecours du gouvernement?-, a fucceftivement
acheté le renouvellement de fon privilège. Elle
obtint, en 16013 fon premier oélroi pour 55,000!.
Vingt ans après, il fut gratuitement renouvelle;
Depuis 1643 jùfqu’ en 1646, on ne fit que le pro-
longer de iïx en fîx mois, pour des raifons - qui
ne nous font pas connues. A cette" époque, un
don de 3,300,000 liv. le fit accorder de nouveau
pour vingt cinq ans. C e terme n’étoit pas encore
expiré, lorfqu’en 16 6 y le monopole fut autorifé
jufqu’en 1700, à condition qu’il entretiendroit à
l’état vingt bâ'limens de guerre tout le temps que
dureroient les hoftilités commencées entre la république
& l’Angleterre ; 6,60,0,000 liv. méritèrent
au corps privilégié la continuation de fes
opérations jufqu’ en 17-p. Les deux années fui-
vantes , fon fort fut précaire. Puis il acquit de la
coniïftance pour douze ans, en payant trois pour
cent de fes répartitions, & en fuite pour vingt ans
moyennant une fomme de 2,640,000 liv. en argent
ou en falpêtre./En 1 7 7 4 , fes prérogatives
Turent bornées à deux ans , & bientôt étendues
à vingt, fous la condition qu’il facrifieroit trois
popr cent de fon dividende.
Dans des temps de crife , la compagnie a donné
des fec< urs au tréfor public , déjà épuifé ou prêt
à l’être. On l’a , il eft vrai, rembourfée un peu
plutôt un peu plus tard de Tes avances : mais une
conduite fl noble foulàgeoit & encourageoit les ,
citoyens.
Les befoins des flottes & des armées exigep'ient
beaucoup de falpêtre La compagnie s’eft obligée ,
à le fournir à un prix modique, & a de cette.
-manière foulage le fife.
Lés manufactures de Harlem & de Leyde;
voyoient diminuer tous les jours leur activité. La
compagnie a retardé leur décadence, & prévenu
peut-être leur ruine entière, en s’ engageant à exporter
pour 440,000 'liv • des étoffes forts es de
ces att.eliérs. Elle s’eft aufli foumife à les. pourvoir,
de foies à des conditions qui lui font certainement
onéreufes.
Le revenu perpétuel de trente-trois aCiions &
un fiers a été accordé au ftathouder. Il eft à de-
Q£oüü. potit, & diplomatique, Toifi. 111,
1 firer que ce ftcrifice, fait par la compagnie au
; premier magiftrat de l’état, tourne au profit de
la république , & les derniers troubles montrent
affez que les aveugles hollandois ont trop augmenté
l’ influence & la fortune du ftathouder.
Les marchandifes qui étoient envoyées aux Indes
, celles qui erî arrivoient, étoient autrefois
foumifes à des droits affez confidérables. C ’é-
toient des formalités très-embarraffantes. On v it ,
il y a trente ans, que ces impôts rendoient régulièrement.
8yo,000 livres, & depuis cett-e époque
la compagnie paie cette fomme au fife chaque
année.
Indépendamment des charges que doit porter
le corps en général, les intéreffés ont encore à
remplir des obligations particulières. Depuis plus
d’un fiècle , ils payoient annuellement à l’état flx.
pour cent de la valeur primitive de chaque aCtion.
En 17 7 7 , ce droit a été réduit à quatre & demi
pour cen t, & il ne pourra être augmenté de nouveau
que lorfque le dividende fera remonté au-
deffus de douze & demi pour cent. Les intéreffés
dévoient encore pour chaque aétion un impôt,
nommé ampt-geld,3 & qui de 39 liv. 12 fols eft
tombé à 4 liv. 8 fols. :
Qu’ on ajoute à toutes ces taxations le profit
que donnent à l’état, des ventes de quarante cinq
millions, obtenues avec quatre ou cinq millions
de numéraire, & dont la quatrième partie ne fe
confomme pas fur le territoire de la république.
Qu’on, y ajoute les gros’bénéfices que la revente
de ces marchandifes procure, à fes négocians , &
les vaftes fpéculations dont elle eft la fource.
Qu’on y ajoi.ue la multiplicité ; l’étendue des fortunes
particulières, faites anciennement ou de nos
jours dans l'Inde. Qu’on y ajoute l’expérience
que cette navigation donne à fa marine. Alors on
, aura une idée jufte des reffources que le gouvernement
a trouvées dans fes poffeflîons d’Afie. Le
privilège exclufif qui les exploite , devroit même
procurer de plus grands avantages aux Provinces-
Unies , & le motif en eft fenfible-
Aucune nation , quel que fût fon^régime, n’a
jamais douté que tous les biens qui exiltent dans
un état, ne duffent contribuer aux dépenfes du
gouvernement. La raifon de ce grand principe eft
à la portée de tous les efprits. Les fortunes particulières
tiennent effentiellement à la fortune publique.
L ’une ne fauroit être ébranlée, fans que
les autres en fouffrent. Ainfi , quand les fujets d’un
empire le fervent de leur bourfe ou de leur per-
fonne , ce font leurs propres intérêts qu’ils défendent
La profpérité de la patrie eft la profpérité
de chaque citoyen. Cette maxime , vraie dans
toutes les légiflations, eft fur-tout fenfible dans
les àffociations libres.. —
- Cependant il eft des corps dont la caufe, foit
par fa pâture, foit par Ton étendue, foit par fa
complication, eft plus effentiellement-'liée à la
caufe commune. Telle eit en Hollande la compa-
F f f f f ‘