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parcourir, fit defirer rn port où ils puflTent fe
radouber & fe rafraîchir. On le trouva fur la
route d’Acapulco aux Philippines , dans un Archipel
connu fous le nom Üifles Mariants.
Ces ifles forment une chaîne qui s’étend depuis
le treizième degré jufqu'au vingt-deuxième,
rlufîeurs ne font que des rochers : mais on en
compte neuf qui ont de l’étendue. C ’eft là que
la nature riche & belle offre une verdure étern
e lle , des fleurs d’un parfum exquis, des eaux
de cryttal tombant en cafcade , des arbres
charges de fleurs & de fruits en même-tems ,
des fituations pirtorefques que l’art n’imitera jamais.
Dans cet Archipel, fitué fous la zone T o r ride
, l'air eft pur , le ciel ferein, & le climat
aflez tempéré.
On y voyoit autrefois des peuples nombreux.
Rien n’indique d’où ils étoient fortis. Sans doute 1
qu’ ils avoient été jettés par quelque tempête fur
ces côtes ; mais depuis fi long-tems, ils avoient
oublié leur origine, & ils .fe croyoient les feuls
habitans du monde.
Quelques habitudes , la plupart femblables à
celles des autres fauvages de la mer du fu d , leur
tenoient lieu de culte , de loix , de gouvernement.
Ils couloient leurs jours dans une indoléance
perpétuelle ; & c ’étoit au* bananes, aux
noix 'de co c o , fur-tout au rima ou à l’arbre-
à-pain, qu’ils devoieat ce malheur ou cet avantage,
L’ ufage du feu étoit totalement ignoré aux
Marianes. Aucun de ces volcans terribles, dont
Jes veftiges deftrufteurs font ineffaçablement gravés
fur la furface du globe î aucun de ces phénomènes
céleftes qui allument foüvent des flammes.
dévorantes & inattendues dans tous les climats
; aucun de ces hafards heureux qui , par
frottement ou par çoflifion, font fortir de brillantes
étincelles de tant de corps : rien n’avoit
donné aux paifibles habitais des Marianes la
moindre idée d’un élément fi familier aux autres
Dations.. Pour le leur faire connoître , il falloitque
le reflentiment des premiers efpagnols, arrivés fur
ces côtes fauvages, brûlât quelques centaines de
Cabanes.
C e t ufage du feu n’étoit guère propre à leur en
donner une idée favorable , à leur faire defirer
de le reproduire. Auflî Je prirent - ils pour un
animal qui s’attachoit au bois & qui s’en nour-
rifloit. Ceux que l’ignorance d’un objet fi nou*
veau avoit portés à en approcher, s’étant brûlés,
Jeuis cris infpirèrent de la , terreur aux autres ,
qui n’ofèrent plus le regarder que de très - loin.
_Us appréhendèrent Ja morfure de cette bête fér
o c e , qu’ ils croyoient capable de les blelfer par
la feule violence de fa refpiration. Cependant ils
revinrent par degrés de la confternation dont ils
avoient été frappés; leur erreur fe diflipa peu à
y e i ij & od les yiç ^accoutumer enfin a un bien
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précieux, dont tous les autres peuples connus
etoienc dans une polfelfion immémoriale.
Une fécondé cnofe remarquable dans les Marianes
c étoit un profs ou canot, dont la forme
finguliere a toujours fixé l’attention des navigateurs
les plus éclairés.
Ces peuples occupoient des ifles réparées par
des intervalles confidérables. Quoique fans moyens
& fans defir d’échanges, ils vouloient commu-
niquer entr’eux. Ils y réuflirent avec le fecours
d un batiment d’une fureté entière, quoique très"
petit; propre à toutes les évolutions navales ,
maigre la fimplicité de fa conftruéfcion ; fi facile
a manier, que trois hommes fuffifoient pour
tciut,es manoeuvres; recevant le vent de tout
c o te , mérite abfolument néceflaire dans ces parages
; ayant l’avantage unique d’aller & de venir
, fans jamais virer de bord & en changeant
feulement la voile ; d’une telle marche qu’il fai-
foit douze ou quinze milles en moins d’une heure,
& qu’il alloit quelquefois plus vîte que le vent.
De 1 aveu de tous les connoilfeurs, ce profs ,
appellé volant à caufe de fa légéreté, efi le plus
partait bateau qui ait jamais été imaginé; & l ’invention
n’en fauroit être difputée aux habitans
des Mariannés, puifqu’on n’en a trouvé le moi
dèle dans aucune mer du monde.
Les ifles Mariannés furent découvertes, en l511 » Par Magellan. C e célèbre navigateur les
nomma ifles des Larrons, parce que leurs fauvages
habitans, qui n’avoient pas la moindre notion
du droit de propriété, inconnu dans l’état
de nature, enlevèrent fur fes vaifleaux quelques
bagatelles qui tentèrent leur curiofité. On négligea
long-temps de s’établir dans cet Archipel,
où il n’ y avok aucune de ces riches mines qui
enflammoient alors les efpagnols. C e fut en 1668
feulement que les vaifleaux qui y relâchoient de
temps en temps, en allant du Mexique aux Indes
orientales, y dépofèrent quelques miflionnai-»
res. Dix ans après, la cour de Madrid jugea
que les voies de la perfuafion ne lui donnoient
pas aflez de fujets, & elle appuya par des fol-
dats les prédications de fes apôtres.
Des fauvages ifolés que guidoit un farouche
jnftinét, auxquels l’arc & la fléché étoient même
inconnus, qui n’avoient pour toute défenfe que
de gros bâtons : ces fauvages ne pouvoient pas
réfifter aux armes & aux troupes de l’Europe.
Cependant la plupart d’entr’eux fe firent mafîa-
crer plutôt que de fe foumettre, Un grand nombre
furent la viélijne des maladies honteufes que
leurs inhumains vainqueurs leur avoient portées.
Ceux qui avoient éenappé à tous tes défaftres,
prirent le parti défefperé de faire avorter leurs
femmes, pour ne pas laifier après eux des çnfans
efclaves. La population diminua dans tout l’Archipel,
au point qu’il fallut , il y a vingt-cinq ou
trente ans, en réunir les fojWes reftçs dans la
feule ifle de Guam.
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Elle a quarante lieues de circonférence. Son
p o r t, fitué dans la partie occidentale & défendu
par une batterie de huit canons, eft formé d’un
côte par une langue de terre qui s’avance deux
lieues dans la mer, & de l’autre par un récif de
même étendue, qui l’embrafle prefque circu’ai-
rement. Quatre vaifleaux peuvent y mouiller à
l ’abri de tous les vents , excepté de celui d’oueft
qui ne fouffie jamais violemment dans ces parages.
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A quatre lieues de la rade, fur les bords de
la mer, dans une fituation heureufei s’élève l’agréable
bourgade d’Agana. C ’eft dans ce chef-lieu
de là colonie & dans vingt - un petits hameaux
distribués autour de l’ifle, que font répartis quinze
çenK habitans, refies inforunés d’un peuple autrefois
nombreux.
L ’intérieur de Guam fert d’afyle & de pâture
aux chèvrss , aux porcs, aux boeufs, aux voc
lailles , qu’au temps de la conquêtes y portèrent
les efpagno.» , & qui depuis font devenus fau-
yages. Ces animaux, qu’il faut tuer à coups.de
fufil ou prendre au piège, formoient la principale
nourriture des indiens & de leurs oppref-
feurs , lorfque tout-à-coup les chofes ont changé
de face.,
Un homme aétif, humain, éclairé a- compris
enfin que la population ne fe rétabliroit pas ,
qu’ elle s’affoibliroit même encore, à moins qu’ il
fie réufsît à rendre fon ifle agricole. Cette idée
élevée l’a fait cultivateur lui-même. A fon exemple
, les naturels du pays ont défriché les terres
dont il leur avo:t affuré la propriété. Leurs'champs1
fc font Couverts de riz 9 de cacao , de maïs, de
fucre , d’indigo, de coton , de fruits, de légumes
, dont depuis un fiècle ou deux , on leur !aif-
foit ignorer l’ ufage. Le fuccès a augmenté leur
docilité. Ces enfans d’une nature brute , dans
qui la tyrannie & la fuper'ftition avoient achevé
de dégrader l’homme, ont exercé dans des atte-
liers quelques arts de nécefïité première , & frequente
, fans une répugnance trop mârqué’è , les
écoles ouvertes pour leur inftruélion. Leurs jôuif-
fances fe font multipliées avec leurs occupations,
& ils ont été enfin heureux dans un desiùeilleurs
pays du monde : tantil eft vrai qu’il n’y a rïèn dont
op ne vienne à bout avec de la douceur & par la.
bienfaifance, puifque ces vertus peuvent éteindre
Je reflentiment dans I’ame même dû fauvage.
Cette révolution inefpérée a été Totfÿrage de
M. Tobias qui, en 1772, gouvernoit ento're Jés
Mariantes. Puifle ce vertueux & refpeélable ef-
pagnol obtenir un jour ce qui combleroit fa félicite
, îa confolation de voir diminuer la paf-
fion de fes enfans chéris pour le vin de coco-
fier , & dé voir augmenter leur goût pour le
travail !
S i, dès l’origine, les efpagnols avoient eu les
vues raisonnables du fagè Tobia s, les Mariannés
£,uroient été eivilifées & cultivées.' C e doublé (&con, polit, & diplomatique, foin, lll.
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avantagé auroit procuré à cet archipel une fureté
qu’ il ne fauroit fe promettre d'une garnir
fon de cent cinqaante hommes concentrés dans
Guam.
Tranquilles pour leurs pofTefllons, les conqué-
rans fe feïroient livrés à l’amour des découvertes
qui étoient alors le génie dominant de la nation.
Secondés par le talent de leurs nouveâux fujets,
par la navigation, leur aélivité auroit poité les
arts utiles & l’éfprit de fociété dans les nombreu-
fes ifles qui couvrent l’Océan pacifique & plus
loin encore. L ’univers eût é té , pour ainfi dire ,
agrandi par,,de fi glorieux travaux. Sans douté
que toutes les. nations commerçantes auioient tiré,
avec le temps, quelqu’ utilité des relations formées
avec ces. régions jufqu’alors inconnues ,
puifqufil efi impoflible qu’un peuple s’enrichifle
fans que les autres participent à . fes prof-'
pérites : mais- la cour de Madrid auroit toujours
joui plutôt & plus confiamment des prodiufiions
de fes nouveaux établiffemens. S i nous ne nous
trompons, cet ordre de chofes valoit mieux pour
l’Efpagne qu’une cbmbinaifon qui a réduit juf-
qu’ici les Mariannés à fournir des rafraîchifio-
mëns aux galions qui retournent du Mexique aux
Philïnpmescomme; îa Californie à ceux qui vont
des Philippines'au Mexique.. ,
T H Y S IO C R A T IE , ou confiîtution naturelle
dû gouvernement le 'plus avantageux au genre
humain.
M. Dupont a publié en 17^7 fous ce titre , un
recueil de pl.ufieuis petits traités,politiques.
■ Phyfio'cratie, fignifie gouvernement de la nature,
comme monarchie, veut dire gouvernement d’un feul
homme j oligarchie le gouvernement d’un petit
nombre r démocratie le gouvernement de tout le
peuple. La doéhine , dont les principes font renfermés
dans ce recueil, confifte àfoutenir que c’eft
là nature , & non pas les .hommes qui font le
droit, l’ordre & les loix.; que le devoir & l’ intérêt
des hommes ,. eft de connoître & de fuivre
le gouvernement .naturel , unique , invariable ,
fimple & le plus avantageux qu’il foit poflîble à
nôtre efpèce.
P IEM O N T , état de l’Europe, fitué en Italie
au pied dés Alp es , qui .appartient.a,u roi de Sardaigne.
Nous avons place à l’article S a v o y e le
précis de rhifioire politique de la mai fon qui
régne aujourd’hui fur Ia Savoye., la Sardaigne & le
Piémont : nous avons fait d’ailleurs un article
Sardaigne , qui eft aflez étendu , & nous nous bornerons
ici ; i 0.. a des‘remarques générales fur les
poflelficms du roi de Sardaigne, & fur leur population
; nous parlerons 2°. de l ’agriculture & du
comme'rcè du Piémont'; ^°- de l’ adminiftration
écb;ndmi^ue? deTautotité du ro i, &c. ; 40. des
finances‘du'‘ 1 oi"de Sardaigne, de la monnoie de
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