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du prix de leur travail & de l'admiration pour
leurs perfonnes. Mais les plus éminens d'entr'eux
paroiflent avoir encore joui d'une confédération
très-fupérieure à celles dont jouifTent aujourd'hui
nos plus habiles profefTeurs des fciences. Les
athéniens chargèrent l'académicien Carnéade &
le ftoïcien Diogène d'une ambafTade folçmnelle à
Rome j & quoiqu'Athènes fût déchue de fon ancienne
grandeur , elle étoit encore indépendante,
& formoit une république confidérable. Comme
Carnéade étoit babylonien de naiffance , & que
jamais peuple ne fut plus jaloux que les athéniens
d'exclure les étrangers des emplois publics.,
on peut conclure de là qu'ils faifoient de ce phi-
lofophe un cas extraordinaire.
$ . La police de l'Europe, nuifant à la libre
circulation du travail & des capitaux d'un emploi
à l'autre & d'un lieu à l'autre, occafîonne quelquefois
une inégalité fâcheufe dans le total des
avantages, &c.
Le ftatut d'apprentiffage rltiit à la fibre circulation
du travail d'un emploi à l'autre, dans le
même lieu. Les privilèges exclufifs des corporations
l'empêchent d'un lieu à l'autre jufques dans
le même emploi.
En Angleterre, tandis que les ouvriers d'une
manufaéture ont de gros falaires, ceux d'une autre
font fouvent obligés de fe contenter du falaire
le plus.modique. (Teft que l'une faifant des pro^
grès, demande continuellement plus de bras? &
que l'autre déclinant, en a toujours trop. Là ,
c'eft la difette , & ici c'eft la furabondance de
bras qui augmente. Ces deux manufactures peuvent
être dans la même ville ou dans le même
voifinage, fans fe prêter le moindre fecours. Le
ilatut d'apprentiffage s'y oppofe dans un cas j &
il s'y oppofe encore dans l'autre, conjointement
avec la corporation exclufîve. Les opérations de
plufîeurs manufactures différentes fe reffemblent
tellement, que les ouvriers pourroient néanmoins
aifément changer de métier les uns avec les autres
, fi ces loix abfurdes ne leur lioient pas les
mains. Par exemple, l'art de faire de la toile unie
& celui de faire des étoffes de foie unie, font pref-
que les mêmes. Celui de faire du drap uni eft un peu
différent ? mais la différence eft fi peu de chofe ,
que quelques jours fuffiroient pour mettre au fait
de la befogne un ouvrier en toile ou en foie. Si
une de ces trois manufactures capitales venoit
donc à déchoir , les ouvriers pourroient trouver
une reffource dans u ne des deux autres, & leur
falaire ne feroit ni fi haut dans celle qui profpé-
reroit, ni fi bas dans celle qui tomberoit. Il eft
vrai qu'un ftatut particulier permet à tout le monde
de fabriquer de la toile ; mais comme on fait peu
de toile dans la plus grande partie du pays, cette
fabrique ne peut être une reffource générale pour
les ouvriers des autres manufactures qui tombent,
& il ne leur en refte pas d'autre que celle de
profiter des aumonçs de la paroiffe, on de tja-
I N Q
vailler comme les gens de peine j travail pour
lequel leurs habitudes les rendent beaucoup plus
ineptes qu'ils ne le font pour route autre forte
de manufactures qui a quelque analogie avec 1*
leur. Aufti prennent-ils généralement le parti de
vivre à la charge de la paroiffe.
INQ UIS ITEURS D 'É T A T , magiftrats de
Venife. Le tribunal qu'on appelle des inquifiteurs
d'état eft le plus formidable qu'on ait jamais établi
dans aucune république. Il eft compofé de
trois membres, deux fénateurs du confeil des dix,
& un des conseillers du doge. Ces trois hommes
font revêtus d'un pouvoir abfolu fur. la vie de
tous les fujets, & même fur celle des nobles ,
après avoir ouï leur juftification j ils ne doivent
rendre compte à perfonne de leur conduite, ni
en inftruire les confeils, s'ils fe trouvent tous trois
de même avis.
Les deux avogadors ou procureurs généraux ont
feuls droit de fufpendre trois jours les jugemens
de ce tribunal, lorfqu'il ne s'agit pas d'un crime
que le tribunal regarde comme bien avéré.
Ses exécutions font très-fecrètes > & on l'a vu,
après la fimple confrontation de l'accufé & de
deux témoins ou efpions, faire noyer un miféra-
ble pour quelques propos . échappés contre le
gouvernement. Venife fe fert de ce terrible moyen
pour maintenir fon ariftocratie,
Cette magiftrature eft permanente, parce que
les defifeins ambitieux peuvent être commencés ,
fuivis, fufpendus, repris ? elle eft cachée , parce
que les crimes qu'elle eft cenfée punir, fe forment
dans le fecret; Elle a une inquifition générale
, parce qu'elle doit connoître de tout.
On ne peut faire l'apologie de cette terrible
magiftrature ? mais il y a tout lieu de croire qu'elle
a contribué au maintien de la république.
Les inquifiteurs d'état étoient autrefois beaucoup
plus fevères : fon ancienne févérité eft fi connue,
que les étrangers ont des idées très-fauffes fur.
j l'efprit aéluel de leur adminiftration. Nous nous
fommes affurés nous-mêmes que les exécutions
fecrètes font devenues rares } & en 1779 on étoit
convaincu à Venife qu'il n'y en avoit pas eu de-,
puis plus de dix ans. Ils ont fait exécuter depuis
deux rebelles qui avoient excité une fédition dans
la Dalmatie, & qui méritoient la mort félon les loix
du pays. Ces deux rebelles furent étranglés la
nuit en prifon j mais lç lendemain ils furent ex-
pofés fur la place Saint-Marc avec un écriteau
qui annonçoit leur rébellion.
On choifît les inquifiuurs d'état avec beaucoup
de foin, & cette précaution eft bien, néceffaire.
On croit que cette effrayante magiftrature s'eft
rarement trompée dans fes décrets, & cela n'eft
guères vraifemblable pour les époques de trou-?
ble ? & fi Venife a été moins agitée que les autres
gouvernemens , elle a eu fes époques de
trouble.
Il paroît qu'on conferve lçs inquifiteurs d’état,
T a b o #
I N S
d* abord -comme un épouventail, & en fuite com*
me un frein pour arrêter, les féditions. Nous reviendrons
fur cette matière à l'article V enisr,
IN Q U IS IT IO N . Voyei le dictionnaire deJu*
riforudence.
IN S T R U C T IO N S DU M IN ISTR E PU B
LIC O U AMBA SSADEUR. On donne ce
nom au développement des objets qui doivent
faire la matière ou la règle de fes négociations.
Parmi les anciens, les ordres dont on chargeoit
les ambaffadeurs , étoient contenus dans le décret
ou du prince ou du peuple,, ou du fénat qui les
députoit. C e décret leur tenoit lieu de ce que
nous appelions inflruftiona lettre de créance , plein
pouvoir.
La coutume des athéniens étoit d’ajouter toujours
une claufe générale : « qu'au furplus les
» ambaffadeurs faffent tout ce qu'ils croiront être
» le meilleur pour le bien de l'état ».
Quelquefois auflï les autres peuples donnoient
un plein pouvoir fpécial à. leurs ambaffadeurs, de
traiter aux conditions que leur prudence leur fug-
gereroit.
Parmi nous, Yinftruôlion eft un écrit qui contient
les chofes principales qu'un fouveràin attend
de fon miniftre. C et écrit eft néceffaire
pour J e prince qui donne des ordres ,
& pour le miniftre qui doit les exécuter : pour
le prince , parce qu’il lui importe de pouvoir ju-‘
ger fi fes^oijres ont été fuivis : pour le miniftre,
parce qu'il a intérêt de favoir les intentions de
fon maître, & la manière dont il veut qu'elles
foient remplies.
Les lettres que , dans le cours de la négociation
, l'ambaffadeur reçoit du fouveràin & des
fecrètaires d'état ne font que des inftruétions.
S'il fe conformé aux ordres contenus dans Yinfi
truftion & dans les dépêches, on n'a rien à lui
* reprocher.
L'une des loix de la confédération des achéens
portoit que les ambaffadeurs étrangers n’auroient
une audience des villes confédérées, qu'après
avoir montré leurs inftruttions & les avoir données
par écrit. C e fut par cette unique raifon
que les achéens s'exeufèrent de n'avoir pas admis
dans leur confeil, des ambaffadeurs que le
fénat romain-avoit envoyés, pour examiner fi les
villes q u i, pendant les divifîons d'Eumenès &
de Philippes , avoient été enlevé à différens peu.-
pies de la Grèce , leur avoient été rendues. Nous
obfervions tout-àTheure que , parmi les anciens
, le décret dont les ambaffadeurs étoient
chargés, leur tenoit lieu <&’ infraction , de lettre
de créance & de plein pouvoir ■: ainlt la règle
des achéens ne peut avoir aucune application à
nos moeurs. Dans l'ufage des nations modernes,
les miniftres publics font obligés de repréfenter
leur lettre de créance & leur-plein pouvoir, mais
»on leur inftrudion.
(Scan, polit, & diplomatique, Tom, l l f
I N T J 7
Un prince ne p eut, ‘ fans violer le droit des
gens, forcer an ambaffadeur à repréfenter fon
injtrutliori. C'eft une pièce fecrète qui n'eft faite
que pour celui à qui elle eft remife. Afin de garantir
les paroles qu'il porte , un miniftre public
n'a befoin que de la lettre de créance ou du
plein pouvoir qu'il a communiqué.
Quelquefois le prince ordonne à fon miniftre
démontrer, dans certaines • circonftances , fon
infraction| ou d'en faire voir quelques articles ,
comme par épanchement dé coeur. Quelquefois il
lui donne deux fortes à!infractions ? une, qu'on
appelle oftenfible , parce qu'elle eft faite pour
être montrée, & une fecrète qui ne doit point
être vu e , & qui contient les vraies intentions du
prince. Quelquefois auffî, quoique l’ambaffadeur
•n'ait qu’une feule infruction 3 fans ordre de la
montrer, il la fait voir : c'eft lorfqu'il eft fur
qu'elle peut fe montrer fans inconvéniens, &
qu'elle convaincra de fa bonne-foi le prince avec
qui il traite , & qu'il obtiendra ce qu'il demande.
C e doit être l'ouvrage de fa raifon, l'effet de
fon choix , un â&e purement volontaire de fa
part. En toute autre cireonftance, l'ambaffadeur
qui montrerait fon infraction n'en ayant point
l'ordre de fon maître, pafferoit pour infidèle ? il
violeroit le fecret de fa négociation , & il por-
teroit lui-même atteinte à l'indépendance de fora
caractère. Voye^ l'article A mbassade, A mbassadeur
, Ministre public.
; IN T É R Ê T D E -L 'A R G E N T . Nous avons
indiqué à l’article Industrie les différentes cau-
fes qui influent fur la diverfité de ce qu'on appelle ,
dans l'économie politique, les profits des avances ou
des capitaux : nous y avons donné une explication
fenfible d'une multitude de petits phénomènes
auxquels on fait péu d'attention : nous allons
examiner ici les ufages & les loix qui ont rapport
à Y intérêt de l'argent dans la plupart des pays ,
& nous efpérons offrir aux hommes d'état & aux
lecteurs indifférens , à-péu-près tout ce qu'il leur
importe de favoir fur cette matière : cet arti*'
cle eft prefque une fuite de l'article Industrie.
On peut établir comme une maxime que, par-tout
où l'on fait beaucoup de chofes avec de l’argent, ou
donnera communément beaucoup pour en avoir,
& qu'on donnera peu fi on en fait peu ; ainfi, fe-r
Ion que Y intérêt ordinaire de l ’argent aur taux du
marché, varie dans un pays, félon qu'il haufîe'
ou qu'il baifle, flous pouvons être affurés que
les bénéfices des capitaux varient également, ils
hauffent ou ils baiffent avec lui. Les progrès de
l'un peuvent donc" nous mener à former quel-
qu'idee du progrès des autres.
En Angleterre, fous Henri V I I I , tout intérêt
au-denus de dix pour cent fut déclaré .illé^
gai. Il femble qu'avant cette époque, les capita-
liftes percevoient un intérêt plus confidérable. Sous
le règne d'Edouard V I , on eut des vues reii-
giçufes* & on défendit tout intérêt. Mais on dit