
,Un papjer de cours-, qui tombe au-deflbus de :
la .valeur de 1' 01; fie, de . l'argent monnoyés , ne
fait pas. tomber là valeur,de l'or & de l'argent ,
& fa chute ne fera pas caufe que d'égales quantités
de ces métaux foient échangées pour une
moindre quantité de marchandifes de toute autre
efpècë. La proportion entre l'or; & l'argent &
les autres marchandifes, dépend, dans tous les
c a s , non de la nature & de ,1a quantité dupa-
pier-monnoie' qui peut avoir cours dans un pays
particulièr , mais de la richeffe ou de la pauvreté
des mines qui foumiffent de ces métaux le grand
marché du monde commerçant. Elle dépend de
la proportion , entre la quantité de travail qui eft
néceflaîre pour mettre en état de vente une-certaine
quantité d'or & d'argent , •& celle qui eft
néceffaire pour y mettre une certaine, quantité de
toute autre efpèçe de marchandifes.. ...
Nous, voudrions examiner à quelles efpèces de
gouvernement convient le papier-monnoie j car il
ne convient pas à toutes : mais c'eft une matière
trop délicate.
Nous voudrions indiquer aufli les efpèces de
papier-monnoie , propres aux pays où le peuple a
perdu fa liberté , ou la nation eft fans influence ,
où l'on eft peu éclairé fur les opérations du commerce,
ou j'adminiftration n’agit qu'en fecret &
au hafard > mais c'eft encore une matière trop
délicate.
Nous voudrions indiquer de plùs les précautions
néceffaires pour contenir \e papier-monnoie,
& prévenir les banqueroutes nationales 5 mais il
faudroit dénoncer tel & tel pays qui abüfe de la
confiance publique 5 il faudroit paffçr en revue
les divers états depuis là Ruffie & là Suède ,
jufqu'à l'état de l'égl.ife & au royaume dé N a ples
, & le leéteur fent bien qu'un ouvrage de la
nature de celui-ci ne comporte pas de pareilles
remarques.
Voye^ l'article M onno ie î & pour ce .qui regarde
la banque d'Amfterdam, l'article H o l-
XANDE.
P A R A G U A Y , vafte contrée de l'Amérique
méridionale , qui appartient à l'Efpagne : nous
parlerons ici des trois provinces de Ç h a co , du
Paraguay & de Buenos-Aires, qui forment la
même colonie.
Le Paraguay eft borné aü nord par le Pérou
& le Bréfil > au midi, par les terres Magellani-
ques t au levant , par le Bréfil; au couchant ,
par le Chili & le Pérou. '
II doit fon nom à un grand fleuvé que tous
les géographes croyoient fe former dans le "lac
de Xarayés. Les commiffaires' efpâgnols & portugais
, chargés en i j f i de régler les limites des
deux empires, furent bieft’ étonnés de fe rencontrer
à la fource de cetter rivière/ fans avoir ap-
Serçu cet amas d'eaux, qu'on difoit immenfe.
s vérifièrent que ce qu'on aYoitpris jùfqu^lor$
I pour un lac prodigieux, n'étoit qu'un terrein fort
bas, couvert depuis le feizième jufqu'au dix-
neuvième degré de latitude, dans la faifon des
. pluies , par les inondations, du fleuve. On fçait
depuis ;cette époque que le Paraguay prend fa
fource dans le plateau, nommé Campo de Paracis3
au treizième degré de latitude méridionale, &
que vers le dix-huitième, il communique par quelques
canaux très-étroits avec deux grands la£S
du pays des Chiquites.
Précis de l3hiJloire politique de cet êtablijfement.
Avant l'arrivée des efpâgnols , cette région immenfe
contenoit un grand nombre de nations , la
plupart formées par un petit nombre de familles.
La chaffe , la pêche, les fruits fauvages, le
miel qui étoit commun dans les. forêts , quelques
racines qui croiffoient fans culture, fourniffoient à la
nourriture de ces peuples. Pour trouver une plus
grande abondance de ces productions , ils erroient
perpétuellement d'une contrée à l’autre. Comme
les indiens n'avoient à porter que quelques vafes
de terre , & qu'ils trot voient. par-tout des bran^
ches d'arbres pour former des cabanes, ces. émigrations
n'entraînoient que peu d'embarras. Quoiqu'ils
vécuffent tous* dans; une. indépendance abr
foltie les uns des autres, la néceflité de fe défendre
leur avoit appris à lier leurs intérêts. Quelques
individus fe, réuniffoient fous la direction
d'un conducteur de leur choix.. Ces affociations*
plùs ou moins nombreufes, félon la réputation
& la qualité du chef ., fe diflipoient - avec la même
facilité qu'elles, s'é.toient formées.
La découverte.dii fleuve Paraguay fut faite en
p 1 y > par Diàz .de Solis, grand, pilote de Caf-
tille. Il fut maffacré avec la plupart des. fiens paiç
les fauvages qui. pour éviter les fers qu'on leur
préparôit, traitèrent quelques années après, de
la même, manière lès portugais venus du Bréfil.
Les deux nations rival.es , également effrayées
par ces révers,; perdirent le Paraguay de vue, &
tournèrent leur avarice d'un autre coté. Le hafard
y ramena les êfpagnols en i$ i 6.
Sébaftien C ab o t, qui en 1496 avoit fait la dé»
couverte de Terre-Neuve pour l'Angleterre , ’ la-
voyant trop occupée de fes affaires domeftiques
Pour fongçr à former des établifTemens dans le
Nouveau Mçnd é, porta .fts talens en Caftille >
où fa réputation le fit choifir pour une expédition
brillante.
La ViCfcoire, ce vailfeaii fameux pour avoir fait
le premier, le toûr du monde, & le feul de j'e f -
cadre de Magellan qui fut revenu en Europe ,
avoit rapporté des Indes orientales beaucoup d'épiceries
L'avantage qu'on retira de leur vente „
fit décider un nouvel; armement , qui fut confié
aux foins de Càbot. En ftiiyant la route qui avoit
été; ténue dans le premier voyage , ce navigateur I arriva à l'embouchure de la Plata. Soit qu'il mauquât
des vivres, pour pouffer plus loin, fo it , .comme
il eft plus'vraifemblable, que fés équipages
commençaffent à fe mutiner, il s’y arrêta. Il remonta
même le fleuve , lui donna le nom de la
Plata, parce que, dans les dépouilles d’un petit
nombre d'indiens mis inhumainement à mort, fe
trouvèrent quelques parures d'or & d'argent, & il
bâtit une efpèce de fort à Rio-Tercero , qui fort
des montagnes du Tucuman. La réfiftance qu’op-
pofoient les naturels du pays, lui fit juger que,
pour s'établir folidement, il falloit d’autres moyens
que,ceux qu'il avoit j. & en 1530 , il prit
ta route de l'Efpagne pour les aller folliciter. La
plupart de Tes compagnons qu'il avoit laiffés
dans' la colonie , furent maffacrés &, le peu qui
avoit échappé à dés flèches ennemies , ne tarda
pas à le fuivre..
Des forces plus confidérables, conduites par
Mendoza, parurent fur le fleuve en iy s y , &
jettèrent les fondcmens de Buenos-Aires. Bientôt
on s'y vit1 réduit à mourir de faim dans des pa-
liffades, ou à fe vouer à une mort certaine 3 iî
l'on hafardoit d'eri fortir pour fe procurer quelques
fubfiftançes. Le retour en Europe paroiffoit
la feule voie pour fprtir d'une fituation.fi défef-
pérée i mais les efpâgnols s'étoient perfuadés que ,
l'intérieur des terres regorgeoit de mines, & ce
préjugé foutint leur confiance. Ils abandonnèrent
un lieu, où ils ne pouvoient plus refter, & allèrent
fonder en 15 36 l'Affomption, à trois cents
lieues de la mer, toujours fur les bords du fleuve.
C ’étoit s'éloigner vifiblenient des fecours de la
métropole : mais , dans leurs idées , c'étoic s'approcher
des richèffes, & leur avidité étoit encore
plus grande que leur prévoyance.
Cependant' il falloit fe réfoudre à pe'rir, ou
réuflir à diminuer l'extrême averfîon des fauv^-
ges. Le mariage des efpâgnols avec les indiennes
parut propre à opérer ce grand, changement, &
l'on s'y détermina. De l'union de deux peuples
fi étrangers l'un à l'autre ,, fortit la race des métis
, qui avec le temps devint fi commune dans
l'Améiique méridionale. Ainfi le fort des efpa-
gnols , dans tous les pays du monde, eft d'être
un fang mêlé. Celui des maures coule encore dans
leurs veines en Europe , & celui des fau\ âges
dans l’autre hémifphère. Peut être même ne, perdent
ils pas à ce mélangé’, s'il eft vrai que les
hommes gagnent-, comme les animaux , à çroifer
leurs races. Et plût au ciel qu'elles fe fuffent
déjà toutes fondues en une feule , qui ne confer-
vât aucun de ces germes d’antipathie nationale
qui éternifent les guerres & toutes les paffions
deftru&ivésl Mais la difeorde femble naître d'elle-
même entre des frères. Comment efpérer que le
genre humain devienne jamais une famille dont
les enfans,, fuçânt à peu-prés le même la it , ne
refpirent plus la foif dû fang ? Elle s’engendre ,
cette cruelle foifj elle croît & fe perpétue avec
la foif de l'or.
C 'eft; cette pafîion honteufe qui continuoit à
rendre ('efpagnoî cruel, même après les liens
qu'il avoit formés. 11 fembloit punir les indiens
de fa propre obftination à chercher des métaux
où il n'y en avoit pas. Le naufrage de plufieurs
navires qui périrent avec les troupes & les munitions
dont iis étoient chargés, en voulant remonter
.trop haut dans le fleuve, ne put faire
revenir d'une opiniâtreté funefte leur avarice fi
long-temps trompée. Il fallut des ordres réitérés
de la métropole pour les déterminer à rétablir
Buenos-Aires.
Cette entreprife fi néçeffaire étoit devenue facile.
Les efpâgnols , multipliés dans le Paraguay,
étoient affez forts pour contenir ou pour détruire
les peuples qui. pouvoient la traverfer. Elle n’éprouva,
comme on l'avoit prévu, que de légeis
obftacles. Jean Ortis de Zarate . l'executa , en
1 y3 i , fur un fol abandonné depuis quarante aps>
Quelques-unes des petites nations qui étoient dans
le voifinage de la place , fubirent le joug. Celles
qui tenoient davantage à leur -liberté , s'éloignèrent
pour s'éloigner encore à mefure que les éta-
bliffemens de leurs'oppreffeurs acquéroient de
l'accroiffement. La plupart finirent par fe réfugier
au Chaco.
Ce pays, qui a deux cents cinquante lieues de
long & • cent cinquante de large, paffe pour un
des meilleurs de l’Amérique , fie on le croit peuplé
de cent mille fauVages. Ils forment, comme
dans les autres parties - du Nouveau - Monde ,
un grand nombre de nations, dont quarante-fix
ou quarante - fept font très-imparfaitement connues.
Plufieurs rivières traverfent cette contrée. La
Pilcomayo , plus confidérable que toutes les autres,
fort de la province de Charcas & fe divile
en deux branches, foixante:dix lieues avant de fe
perdre dans Rio de. la Pi ata. Son cours paroiffoit
la voië la plus convenable pour établir des liaifons
fuivies entre le Paraguay & le Pérou. C e ne fut
cependant qu’en 1702, qu'on tenta de la remonter.
Les peuples qui en occupoient les r iv e s ,
comprirent fort bien que tôt ou tard ils feroient
affervis , fi l'expédition étoit heureufe, & ils prévinrent
ce malheur en maffacrant tous les efpa-
gnols qui en étoient chargés.
.Dix-neuf ans après, les jéfuites reprirent ce
grand projet : mais, après avoir avancé trois,cens
cinquante lieiiés, ils furent forcés de rétrograder,
parce que l'eau leur manqua, pour , continuer
leur navigation. On les blâma d'avoir fait
le voyage dans les mois de. feptembre, d'o&obre
& de novembre, qui font dans ces régions le tems
de la fechereffe ; & perfonne ne parut douter que
cette entreprife n'eût eu une iffue favorable dans
les autjrçs fàifons de l'année.
IÏ faut que cette route de communication art
paru moins avantageufe,, où ait offert de plus
grandes difficultes qu'on ne l'avoit cru d'abord,