
prefque toute la circulation fe f ît en papier. Lés
efpèces qu’un marchand èft obligé de garder pour
fatisfaire aux demandes qui lui furvienrient , n’a
d’autre deftination que la circulation entre lui &
les autres marchands dont il achète des marchan-
difes; il n’a pas befoin d’en garder pour la cif-
culation entre lui & les corlfommateursqu’il fournit
, & qui lui apportent de rargent, au lieu de
lui en ôter. Ainfi ., quand on ne permettroit lle
papier monnaie que pour des femmes qui le con-
centreroient en très grande partie parmi les marchands
, l’efcompte des lettres de change réelles ,
& les emprunts fur les comptes de caiffe, met-
troient toujours les banques & les banquiers à
même ■ d’affranchir les marchands de la néceffifé
d’avoir chez eux une partie considérable de leurs
fonds fans emploi. Ces marchands pourroien't encore
en tirer le fecours que ces fortes d’ établif-
femenspeuventraifonnablement prêter à des com*
merçans de toute efpèce.
Empêcher les particuliers de recevoir en paiement
les billets à vue d’ un banquier , pour une
fomme grande oïl petite , lorfqu’ils veulent bien
s’en contenter 3 ou empêcher un banquier de
donner de ces fortes de billets à ceux qui cori-
fentent à les-accepter3 c ’eft une violation mani-
felte de cette liberté naturelle que le but des loix
eft de protéger & non d’enfreindre. Mais les loix
des gouvernemans les plus libres 3 auffi-bien que
des plus defpotiques, doivent-réprimer l’exercice
de la liberté naturelle dans quelques individus 3
Jorfque l’ ufage qu’ils en feroier.t peut mettre en
danger la fureté de la fociété entière. L ’obliga-
tiqn d’élever des murs mitoyens pour prévenir la
communication du feu , eft une violation de la
liberté naturelle 3 précisément du meme genre que
les réglemens qu’on propofe ici pour le commerce
des banques.
LJn papier - monnoie, qui confifte en billets de
banque donnés par des gens bien accrédités ,
payable à vue fans aucune condition * & en effet
toujours payé dès qu’on le préfente 3 éft à tous
égards d’une valeur égale à l’or & à l’argent 3
puifqu’en tout temps on çeut le convertir en ef-
pèces. Tout ce qu’on acheté ou qu’on vend pour
ce papier j doit néceffairement être acheté ou ven-
- du aiiffi bon marché que fi on le payoit avec de
l ’or & de l’argent.
On a dit que l’augmentation du papier-monnoie,
en augmentant la quantité & en diminuant par
conféquent la valeur de la monnoie en circulation,
faifoit néceffairement monter le prix des
marchandifes en argent. Mais comme la quantité
d’or & d’ argent qu’on ôte de la circulation, eft
toujours égale à la quantité de papier qu’on y
ajoute , le papier-monnoie n’augmente pas nécef*
fairement la Quantité de la monnoie en circula*
tion. Depuis le commencement du dernier ficelé
, les vivres n^ont jamais été à meilleur marché
en Ecoffe qu’en 1 7 5 9 , quoique, par h
cïfculaiîoft dés billets de banque de quinze fche
lings, il y eût alors dans le pays plus de papier- .
monnoie qu’aujourd’hui. La proportion entre le
prix des vivres en Angleterre , & leur prix en
Ecoffoeft actuellement la même qu’ elle etoit avant
la grande multiplication des banques ecoiioifes.
Le bled n’eft fouvent pas plus cher en Angleterre
qu’en France, quoiqu’ il y ait beaucoup de
papier-monnoie en Angleterre & fort peu en France.
En 1 7 ci & 1752 > lorfque M . Hume publia
fes difeours politiques , & auffi - tôt apres la
grande multiplication dupapier-monnoie en Ecofle,
le prix des vivres hauffa fenfiblement ; ce qui
venoit, félon toute apparence , des mauvaises
années, & non de la multiplication du papier.
Sans doute il n’en feroit pas de meme d un
papier - monnoie , confiftant en billets , dont le
paiement immédiat dépendroit a quelque egard ,
ou de la bonne volonté de celui qui les delivre*
ro it, ou d’une condition que le porteur ne feroit
pas toujours en état de remplir, ou dont le paiement
ne feroit exigible qu’au bout d un certain*
nombre d’années, & qui cependant ne porteroit
point intérêt. Un tel papier - monnoie tomberoit
néceffairement au-deffous de la valeur de l ’or &
de Fargent, félon que la difficulté ou 1 incertitude
d’en obtenir le paiement immédiat feroit fup-
pofée plus ou moins grande , ou félon que le
temps auquel il feroit exigible feroit plus ou moins
éloigné.
11 y a quelques années que les diverfes banques
écoffoifes étoient dans l’ufage d'inférer danrléurs
billets ce qu’ ils appelaient une claufe optionnelle;
elles promettoient le paiement au porteur, eu
auffi-tôt qu’il feroit préfenté, o u , au choix des
directeurs, fix mois après la préfentation , ert
payant l’intérêt légal pour ces fix mois. Les directeurs
de quelques-unes de ces banques fe prévalurent
de cette claufe , & ils la réclamoient ; fi
ceux qui leur demaridoient de l’or & de l’argent^
en échange d’un grand nombre de leurs billets ^
ne vouloient pas fe contenter d’une partie de ce
qu’ils demandoient. Les billets de ces banques
forrnoiént alors la plus grande partie de la monnoie
d’Ecoffe, que cette incertitude du paiement
dégradoit néceffairement au-deffous de la valeur
de l’or & de l’argent. Tant que dura cet abus,
( c’eft-à-dire, principalement en 1 7 6 1 , 1763 &
17(54 ) , le change, qui étoit au pair entre Londres
& Carlifle, fe trouvoit quelquefois à 4 pour
cent de perte pour Dunfreis entre cette ville &
Londres^ quoique Dunfreis ne fût qu’à trente
milles de Carlifle. C ’eft que les^ lettres de change
fe payoient en or & en argent à Carlifle, au lieu
qu’à Dunfreis elles fe payoient en billets des banques
écoffoifes, & que ces billets perdoient quatre
pour cent, par l’incertitude de pouvoir les
échanger contre de l’or & de l’argent. Le meme
aCte de parlement, qui fupprima les billets de
banque de quinze fehelings, fupprima auffi cett$
1
clatife optionnelle, 8c remit ainfi le change entre
l'Angleterre 8c l'Ecoffe à fon taux naturel, ou à
ce qu'il pouvoir être naturellement par le cours du
commerce &: des remifes.
Dans 11 papier monnoie d'Yorkshire , le paiement
d’un billet de 6 pences dépendoît quelque-
fois< de la condition que le porteur du billet
changeroit une guinée , condition qu’il étoit
fouvent fort' difficile de remplir, & qui d#voit
néceffairement rabaiffer le cours du papier au-
deffous de l’or & de l’argent. Un aCte du parlement
déclara illégales toutes ces claufes, &
fupprima, comme en Ecoffe, tous les billets au
porteur au - deffous de la valeur de vingt fehe-
iings.
* Le papier-monnoie de l’Amérique feptentrionaîe
ne confiftoit pas en billets payables au porteur
& à v u e , mais en un papier d’état, dont le paiement
n’étoit exigible que plufieurs années après
Ja date ; & quoique 4es gouvernemens ne piyaf-
fent pas d’iijtérêt aux porteurs de ce' papier, ils
ne laiffoient pas de le déclare'r & de le rendre
par le fait une offre légale de paiement pour la
fomme qu’ il énohçoit. Mais en accordant toute
la fûreté imaginable du côté de la*colonie , cent
livres fterlings, par exemple , qui ne"font .payables
qu’ au bout de quinze ans, dans unpays où
l ’ intérêt eft à fix pour cent , ne valent guères
plus de foixante livres d’argent comptant. Ainfi ,
obliger un-créancier à les recevoir comme parfait
paiement d’une dette de cent livres, ce feroit une
injuftice fi criante, qu’on en eut peut-être jamais
va une pareille dé la part du gouvernement de
tout autre , pays, qui auroit la prétention d’être
libre. Le doCteur Douglas en attribue Tidée à des
débiteurs de mauvaife fo i, dont l’intention étoit
de fruttrer leurs créanciers. Mais cette Opinion
n’eft peut être pas trop jufte, & il eft poffible
que l’ intérêt des colonies ait déterminé , dans le
principe les habitans à l’opération dont nous
parlons ici. Voyez ce que nous avons dit fur cette
marière à l’article Et a t s -U n i s . En 1722, époque
où le papier-monnoie s’introduifit en Penfyl-
vanie, le gouvernement de cette province prétendit
donner a ce papier une valeur égale à celle
de ï’or & de l’argent, en décernant des peines
contre ceux qui mettroient une différence dans le
prix de leurs marchanôifes quand ils les vendroient
pour du papier de la colonie , & quand ils les
vendroient pour de l’or & de Fargent^ cë réglement
parut tyrannique, & il devoit avoir beaucoup
moins d’effet que celui qu’on voulôit fou-
tenir. Une loi pofitive peut faire qu’ùn feheling
foit une offre de paiement légal pour une guinée,
parce qu’elle peut amener les cours é e , jiiftiçe à
décharger le débiteur qui a fait cette offre. Mais
il n'y a point de loi pofitive qui puiffe obliger
un marchand, qui eft le maître de vendre au de
ne pas vendre, à recevoir un (èhelîng comme
l'équivalent d?une' guinée dans le prix de fes mârcWndifes.
Malgré tous les réglepa^s de cette nature
, il a paru, par le cours du change avec la
grande-Bretagne, que cent livres fterlings étoient
regardées quelquefois, dans certaines colonies ,
comme Féquivaleiit de cent trente livres, & dans
d’autres comme celui de onze cents livres; cè
qui venoit de la différence dans la quantité de.
papier répandu en différentes colonies, & de celle
de là diitance & de la probabilité du terme où il
. devoit être finalement acquitté & retiré'.
Par conféquent l'aéte du parlement, dont ch
fe plaint fi mal-à-propos dans les colonies, & qui
déclaroit nulle toute offre de paiement qui s*/ feroit
avec le papier qui s’y répandroit dorénavant,
étoit jufte.
La Pénfylvanie a toujours été plus modérée que
les autres dans l’émiffion de fon papier -monnoie.
Auffi dit-on que fon papier n’a jamais été au-
deffous de la valeur de For & de l’argent. Avant
Fintroduûion du papier-monnoie, la colohie avait
haulfié la dénomination de fa monnaie, en ordonnant
, par une a&e de l’affemblée, que y fehelings
pafleroient dans la colonie pour fix fehelings &
trois pences, & enfuite pour fix fehelings & huit
pences. Ainfi une livre de cours dans la colonie,
lors même que là monnoie étoit d’or & d’argent ,
fe trouvoit de plus de trente pour cent au-deffous
dé la valeur d’une livre fterling.
Un prince, qui. ordonneroit qu’une certaine
proportion de fes taxes fe payât en papier-monnoie
d’une certaine efpèce , pourroit donner par - là
quelque valeur à ce papier - monnoie , quand
même le terme où il devroit être finalement acquitté
& retiré dépendroit abfolümeht de fa
volonté. Si la banque qui délivre ce papier ,
avoit foin d’ en tenir la quantité toujours un
peu au-deffous de ce qu’exigerait le paiement
des taxes , il pourroit être fi* recherché qu’il em-
porteroit une prime , c’eft-à-dire , qu’il fe ven-
droitfur la place pour quelque chofe de plus que
l’or & l’argent' dé cours. Quelques perfonnes expliquent
ainfi ce qu’on appelle l’agio déjà banque
d’Àmfterdam , ou la fupériorité de l’argent de
banque fur l’ argent de cours , quoique cet argent
de banque, à ce quelles prétendent, ne puiffe
être retiré de la banque à la volonté du propriétaire.
Il faut qué la plus grande partie des lettres
de change étrangères foit payée en argent de
banque, c’eft-à-dire, par un tranfport dans les
livres de la banque ; & les directeurs de la banque,
difent ces perfonnes, ont foin de tenir la
quantité totale de l’argent de banque toujours au-
deffous de ce que Tet emploi peujt exiger. C ’eft
par cette raifon , ajoutent-elles, que l’argent de
banque porte- une prime, ou qu’il fe vend à quatre
ou cinq pour cen t, de plus que la même fom-
p me nominale d’or & d’argent ayant cours dans
le pays. J ’ai cependant fujet de croire que cette
[ explication de la banque d’Amfterdam eft çhimé-
1 ri que.
T e t z