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un peuple à tou t, lorfque , fans liaifons avec fes
voifins, il fortoit pour ainfî dire, feul de fon
néant, n'étoient pas fuffifans dans les temps modernes
, où la communication des peuples, rendant
les avantages de chacun communs à tous,
laiffoit au nombre & à la force leur fupériorité
naturelle. Mais T Angleterre avoit appris que la
grandeur d’ün état dépendoit de fes richeffes, &
que fa puiffance politique fe mefuroit fur la quantité
de fes raillions Cette vérité , qui avoit dû
fans doute affliger fon ambition, lui devint favorable
auflî-tôt qu'elle eut déterminé le Portugal^
à recevoir d'elle fes premiers befoins , &
qu’elle l'eut lié , par des traités, à. là nécefiîté
de les recevoir toujours. Dès-lors ce-royaume fe
trouva dans la dépendance de fes faux amis ,
j)our la nourriture Jk le vêtement. C 'é to it, félon j
l'expreffion d'un politigue, comme deux ancres
que les bretons avoient jettées dans cet empire.
Ils allèrent plus loin, ils lui firent perdre toute
confidération , tout poids , tout mouyement dans
la combinaifon des affaires générales, en lui per-
fuadant de n'avoir ni forces -, ni alliances. Repo-
fez-vous fur nous de votre fureté , lui difoient
les anglois. : nous négocierons,. nous combattrons
pour vous, C'eft ainfî que^ fans avoir prodigué
ni faiig 3 ni travaux , fans avoir éprouvé aucun
des maux qu'entraînent les conquêtes, ils fe rendirent
bien plus les maîtres du Portugal3 que celui
ci ne l'étoit des mines du Bréfil.
- Tout fe tient dans la nature & dans la politique.
Il eftdifficile, impofïible peut-être, qu'une_
nation perde fon agriculture, fon induftrie, fans
voir tomber chez elle les arts libéraux, les J et-‘
trè s , les fciences, tous les bons principes de
police & d’adminift ration. Le Portugal eft une
trille preuve de cette vérité. Auffi - tôt que la
Grande-Bretagne l'eut condamné à l'ina&ion, fa
décadence fut rapide. La lumière, qui brilloit
dans l’Europe entière, n’ arriva pas jufqu'à. fes-
portes. On vit même cette nation rétrograder, &
s’attirer le dédain des peuples , dont elle avoit
excité l’émulation & provoqué la jaloufîe. L'avantage
qu'eut cet.état d’avoir des loix Tupporta-
bles , tandis que les autres états gémiffoient dans
une confufion horrible , cet avantage ineftimable
ne lui a fervi de rien 3 il a perdu le fil de fon génie
„dans l'oubli, des principes de la raifon,d elà
morale, de la politique. Le cabinet de Lisbonne
paroît le fentir 3 car il n'a pas craint, depuis quelques
années , de mécontenter l'Angleterre , &
de s'affranchir de quelques - unes des entraves
qu'elle lui avoit impofées.
La nation angloife a crié à l'injuftice & à l'ingratitude
3 le Portugal Tachant bien qu'il n'étoit
ni injufte ni ingrat , Ta laiffé former ces ridicules
plaintes. Le cabinet de Saint-James, après avoir
menacé, eft devenu plus modéré ; il a follicité
un nouveau traité , fur-tout après avoir diminué,
pat le traité de commerce avec la France , les
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droits que-payoient les vins de cette dernière
nation : il a propofé au cabinet de Lisbonne de
diminuer les droits fur les vins de Portugal, dans
la proportion établie, par le traité'de 1705. Son
nouveau traité de commerce avec le Portugal eft
fîgné ; mais nous ri’en connoiffons pas àffez Jes
détails pour indiquer fes effets. Il y a lieu de
croire que l’Angleterre a renoncé à quelques-uns
des avantages qu'elle avoit ufurpés 5 mais jufqu'à
quel point y a-t-elle renoncé ? quelles font les fti-
pulations adroites dont elle fanra tirer avantage £
C'eft ce que nous ignorons. Le marquis de Pom-
b a l, dont T ad mini ft ration violente a excité des
reproches fi vifs & fi juftes, s'étoit efforcé dtr'
moins de fecouer le joug de l'Angleterre, de
rétablir les manufactures & l'induftrie des portugais
; il a commencé le grand ouvrage de là réforme
qui leur eft devenue fi néceffaire : mais on
nous permettra de le dire, cet ouvrage eft peu-
avancé , & nous ferons ici quelques réflexions
qui pourront être utiles au Portugal.
Si ce royaume s'eft remis à bien des égards
fous de joug dé l'Angleterre , par Je nouveau
traité , il lui faudra du- temps pour réparer cette
nouvelle faute..
Dans fa fituation aétuelle, il ne fauroit fe paffeé
des marchandifes étrangères., 11 eft donc de fon.
intérêt d'établir la plus grande .concurrence de
vendeurs pofflble, afin de diminuer la valeur de
ce qu'il eft obligé d'acheter. Comme ri n'a pas
moins d'intérêt à .Te défaire du fupevflu de fon
fol & de celui de Tes colonies, il d o it,. par là
même raifon , attirer dans fes ports , le plus qu'il
pourra d'acheteurs , pour augmenter la mafle &.
ie prix de fes exportations.
Le traité de 1703 n'obljgeoit le Portugal-qu'à
recevoir les étoffes de laine d'Angleterre * aux
conditions ftipulées avant Tinterdrftipn. Ainfî ,
même en fuivant Tefprit de ce traité , il pourroic
faire jouir du même avantage les autres nations *
fans s'expofer au reproche d’avoir mafîqué à aucun
engagement. Une liberté donnée à un peuple
ne fut jamais un privilège exclufif & perpétuel,
qui put ôter au prince de qui il émanoit,■ le droit
dé le communiquer à d'autres peuples. U- refie
toujours néceffairement le juge de ce qui convient
à fon état.
, On peut juger de l'effet que produiroit une
conduite fi fage , par les événemens arrivés indépendamment
de cette réfolùtion. Il eft prouvée
par les regiftres des douanes angloifes , que la
Grande-Bretagne, qui naguère Faifoit prefque tout
le commerce du Portugal, n'y a envoyé, dans
l'efpace de cinq ans , ou depuis 1762 jufqu'en
1766 incîufivement, que pour 9^613,547 livres „
10 fols de marchandifes 3 qu'elle a reçu pout
37,761,073" îiv. en. denrées , & que la folde en
argent n'a été que de 57,692,47 3 livres.
Ce qui trompe l'Europe entière fur l'étendue
du commerce anglois, c'eft que For du Brefil
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prend la route de la Tamife. C e t écoulement paroît
une fuite naturelle & néceffaire des affaires
de cette nation. On ignore que les métaux ne
peuvent fortir librement du Portugal 3 qu'il n’ eft
pas poflible de les.en extraire que par des vaif-
feaux de guerre qui ne font pas vifités 5 que la
Grande-Bretagne en a jufqu'ici expédié deux toutes
les femaines > auffi régulièrement que la mer
le permettoit.
Après avoir diminué les défavantages de fon
commerce purement pafflf, la cour de Lisbonne
doit travailler à lui donner de Taélivité. Ses ad-
miîiiftrateurs , fubjugués par le goût dominant du
fiècle, ont "déjà établi quelques manufactures de
fo ie , de laine & d’acier. Nous penfons qu'il au-
roit fallu commencer par renouveller les cultures
anéanties, par ranimer les cultures languif-
fantes'.
Le climat du Portugal eft favorable à la production
des foies 3 elles y furent autrefois très-
abondantes. C'étoient dés juifs baptifés qui les
cultivoient & les travailloient. L'inquifition, plus
fèvère' & plus puiffante fous la màifon de Bra-
gance qu'elle ne l'avoit été au temps de la do-
minatio'n efpagnole , les perfécuta. La plupart des
fabriquans fe réfugièrent dans le royaume de Valence
; & ceux qui vendoient leur induftrie ,
portèrent leurs capitaux en Angleterre & en Hollande
,' dont- ils augmentèrent l'aCtivité. Cette
difperfion ruina fucceffivement la culture de la
fo ie , de forte qiTiln'en relie point de trace. On
peut la reprendre.
Il faut ÿ joindre celle des oliviers : elle exifte.
Elle foiirnit conftamment aux befoins de l'état. 11 n'y a pas même d'année ou Ton n'exporte quelques
huiles : ce n’eft pas affez. Il eft facile au
Portugal d’entrer d'une manière plus marquée en
concurrence avec les nations qui tirent le plus
d’avantage de cette production , réfervée aux provinces
méridionales de l'Europe.
Les laines font également fufceptibles d'augmentation.
Quoiqu'elles foient inférieures à celles;
d’Efpagne, les François, les hollandois, les anglois
même ne laiffent pas d'en emporter annuel-
ment douze à treize mille quintaux 3 & ils en
acheteroient une plus grande quantité,encore^,s'il
s'en trouvoit dans les .marchés. Tous ceux qui
ont parcouru le Portugal avec cet efprit d'obfer-
vation ,qui fait juger Tainement des chofés.> pen-
fent que la quantité en pourroit être, doublée ,
fans faire aucun tort aux autres branches d'induf-
trie , peut-être même en les encourageant.
Celle du fel paroît avoir été pouffée avec plus
de vivacité. Le nord en tire annuellement cent
cinquante mille muids, qui peuvent coûte* un;
million joôjOQp livres. Il eft çorrofif, il.diminue
le poids. 8c le goût des àlimens j : mais, il a l'ao
vantage de conferver plusjong-temps le poiffom
& la viande que celui de la France. Cette prop
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priété le fera plus Rechercher à mefure que la navigation
fera plus étendue.
Ses vins,avoient trouvé plus de débouchés que
leur goût & kur.-;qualité ne permèttoiént de l'e’f-
pérer. Des circonftances particulières les avoient
rendus la boiffon.« la plus ordinaire du nord de
l'Europe & de l’Amérique. Il étoit impoflîble de
prévoir que ce feroit la cour de Lisbonne elle-
même qui en arrêteroit le cours. L'ordre d’ arracher
les vignes en Portugal ne peut avoir été diCté
que par des intérêts particuliers. Le prétexte
dont om.s'eft fervi pour juftifier une loi fi extraordinaire
, : eil-iTpIaufihIe ? Le terrein que cou-
vroient les feps, peut-il jamais être utilement employé
en grains.?
.. Le Portugal a-t-il employé de bons moyens
pour ranimer la culture du bled? Elle eftfi Jan-
guiffante que le royaume achète les trois quarts
des grains qu'il confomme. Peut-être ne devra-
t-il jamais à un. fol trop peu arrofé fa fubfiftance
entière r: mais ii lui convient de diminuer, le
plus qu'il lui fera poflible, le befoin qu'il a de
fecours - étrangers. Sa population . eft fufflfante
pour pouffer vivement ces travaux.
La cour de Lisbonne tomberoit dans une erreur
bien dangereufe , fi elle penfoit que le temps
feul amènera cette grande révolution. Il lui convient
de la.préparer par une réforme entière dans
les impôts, qui paroiffent n'avoir jamais été bien
réglés depuis la fondation de la monarchie, &
dont la confufion femble augmenter d’une année
à l'autre. Lorfqu'on aura levé Jes obftaçles, il
faudra prodiguer les encouragemens. Un des préjugés
les plus funeftes au bonheur des hommes ,
à la profpérité des empires, eft celui qui veut
qu'il ne faille que des bras pour la culture. L'expérience
de tous les âges prouve qu'on ne peut
beaucoup demander à la terre, qu'après lui avoir
beaucoup donné- Il n’y a dans le Portugal que
très-peu de cultivateurs en état de faire Jes avances
ne'ceffairesi; Le gouvernement ne peut-il pas
venir à leur, fecours ? Un revenu d'environ 47
millions bien adminiftré ne facilitera-t-ii pas ces
libéralités, fouvent plus économiques que l'avarice
la plus fordide.
Un premier changement en affurera d'autres.
Les arts néceffaires à la culture naîtront infailliblement,,
&- s'élèveront, avec elle. De proche en
: proche , Tindufiiie. étendra , pouffera toutes fes
branches, & le Portugal ..figurera avec gloire. La
nation, débarraffée de Tes entraves :, rendue à Ton
1 activité naturelle , prendra un effor digne de Tes
premiers exploits.
Le Portugaise rappellera qu'il dut fon opulence,
fa gloire & fa for c e , à fa marine , & il s'occupera
des moyens-de la rétabji^ Il ne la verra plus ré-
i diïit-e à dktfept vaiffeaùx de ligne , .à vingt-cinq
1 hâtimens, de guerre, d'un ordre inférieur, à une
centaine de navires< marchands , fous,mal conf-
T t-rufts & mal -équipés. Sa population , réduite à