
gré , ou leur prendre la moindre^ cliofe I ils obtiennent
juftice de la part des^ cadis- , •
'Après les gre c s , les arméniens font la nation,
la plus nombreufe, de à'Gonüantinople fur- tout
ils les égalent prefqtie en nombre. Hn general,
i ls . font plus riches, plus habiles dans le commerce
tic plus, économes. . . ■
s Les chrétiens d’oçcident, qui viTent en T u r quie
fous la proteôion- d’un envoyé, rélident ou
cou fui ,i & qu’ on nomme francs 3 font exemptés
de la capitation S tous ceux qui font à leur fer-,
v ie s , fulfent-ilsfujets nés de l’empereur des turcs,
iouiiVent de la même exemption : l’ art de leur
ejttorquer de l'argent n'eit pourtant pas ignore 1
des turcs : ils poffèdent plufieurs immeubles ; mais
la France a défendu à fes fujets d'en acquérir à
l’avenir, afin d’éviter les plaintes à porter au div
an , ou lès .griefs, qui pourraient troubler la
bonne, harmonie. 6c nuire an commerce. ^Ghrque
envoyé , rélident ou conful d’une cour etrangete
a fon interprète turc, qui traite en fon nom toutes
if§) affaires avec le^rand-vifir, ou plutôt avec
l ’interprète du grand-feigneur. . .
La iiobleflè de Turquie comprend les principaux.
officiers de l’anpé-e , juges -8c miniftres de
la. religion. On dit que ceux qui fe trouvent au
ferviccdu fultan 8c daps les emplois, ou, comme
on s'exprime en Turquie, qui mangent le
pain de (a hruteffe, font feuls expofés fans autre
forme de juilice, aux arrêts redoutables de la Porte,
qui condamnent à perdre la tfte ou à périr par
le-fatal cordon» Mais on fait que le bas-peuple
e f f o r t oppriméj 8e qu’ un mot du vifir ou du
chef de la police fait jeçter dans le Bofphore des
troupes de malheureux qui fouvent ne font point
coupables : fi un maître a le plus léger prétexte ,
il peut impunément-oter la vie a les domeltiques,
quoique de çondition, libre , 8c il le peut fans
aucun fujet à l'égard de fes efckves.
' On donne au chef.de la religion If nom de
pm/«-ou intepprftf de la loi. Il jouit d’une grande
confidérarion : le fultan fe lève p o u l ie recevoir,
& fait fept pas à fa rfncpntre ; il n en fait que
trois pour le grand-vilir , & ' tandis que celui - g
s’incline profondément pour baifer le bas de la
robe du grand-feigneur, le. mufti feul a } honneur
de lui baifer l’épaule gauche. H doit erre
CQnfulté d’après la loi , dans tous les cas , 8e fur-
tout dans ceux qui intéreffent la prix ou la guerre :
il eft vrai que cette déférence n eit prefque plus j
aujourd'hui qu’une forrnaiité ; S i s i l donne une
explication de la lo i , ou opine d une maniéré qui
contrarie les vues du grand feigneur, on travaille
à le depofer , ce qui exigu quelques précautions,
Se on met en fa place un homme qu’ on fuppofe
être plus complaifant. Autrefois lorfqu’op pouvoir
le convaincre de trahifon ou de quelque grand
crime , il etoit pilé dans un mortier ; cette barbare
punition eft abolie depuis long-temps ; mais
PQHI SP sopfsivet l i WfBWS » 9b getde ls biOftier
dans une dés cours des fepf Tours à Çonf-
tantinople. ' .
On connoît peu les loix civiles & les loix re-
ligieufes de l’Empire ottoman , & en general on
a tiré de fauffes indu&ions de quelaties-unes de
ces loix. Il eft clair que la crainte de la révolte eft
le feul frein qui arrête le^ grand-feigneur 8e le
grand-vifir, 8e qu’ on ne dit rien lorfqu on cite
telle loi qui demande un fetfa de muphti pour
telle affaire, 8e qui met ainfi des barrières au gouvernement'
Le fultan eft toujours’ le maiti'e de de-
pqfer , d'exiler , de faire tuer le muphti, les u e-
mahs ou les corps 8c les individus, auxquels les
loix femblent accorder une- forte de droit de rNe-
fiftance. . .
- Ainfi quand on ajoute : « il fumroit que les
trois principaux religieux d entre .les bekrashis*
les meveleyis, les kadris/ & les feyatis fe préfen-
tafftnt pour dire que Diêu ne veut pas que 1 em-
pereur règne davantage 3 8c il feroit obligé d’abandonner
le trône n on ne dit rien non plus : le fameux
comte de BonnevaLa imaginé un expédient contre.
ce privilège : le fultan demande un délai, &
il élève les trois religieux à de grands emplois
civils j il les traite, enfuite en laïcs , qu’il peut
bannir ou condamner à mort j au dçfaut de cet.
expédient., un gouvernement defpotique en inven-
teroit mille autres ; & s’il ne craignoit pas une
révolte, il fe moqueront de la loi 8e des privir
légiés.
Tout mahométan eft tenu de faire au moins
une fois en fa vie , en perfonfle ou bar procuration
, le pèlerinage de la Mecque: C ’eft c'e que
tout le monde répète-: mais le s ! pauvres n en
font-ils pas exempts ? & comment pourroient-ils
le faire? 11 faut attendre fur ce point, comme
fur beaucoup d’autres , le Tableau de l Empire
ottoman que Mi. de Mouradgea vient d annoncer»
Quoi quil en fo i t t o u t e s les années une caravane
de pèlerins & de marchands ,■ quefeorte un
corps de troupes, ce qui fait une troupe de vingt
mille hommes 8c au-delà , fe rend, à la Mecque.
Le beiglerbey de Damas en eft le che f, & il hérité
de tous ceux qui meurent en chemin : ce
droit eft d’un produit confidérable.
La polygamie eft reftreinte dans 1 AJcpran a
quatre femmes 8c concubines j le prophète ,$e fes
fucceffeurs avoiçnt fepls le privilège de pafler ce
nombre : mais ,1a coutnme a prévalu, 8c un hpm-
m e , outre quatre femmes légitimes, peut ayôir
autant de concubines qu i! veut 8c qu il peut en
entretepir. Parmi les gens du peuple ? il en elt peu
fans doute qui foient en état dç. fournir a 1 entretien
de plus d’une femme. Le divorcé y -èft
permis $ mais le mari doit, félon fa fortune, cpn- ,
tribuer à l’entretien journalier de fa femme , juf-
qu’àce qu’elle (oit rémariée à un autre : il ne peuç
àufli la reprendre qu’elle n ait çu un autre mari ,
& n’en ait été répudiée. [ , f . • Le patriarche de Cpnftantinople eft cher d?
r * i % m
l’égtife grecque dans la Turquie européenne > il
eft élu par les archevêques 8c métropolitains des
environs , 8c confirmé parle fultan ou fon grand-
■ vifir. C e dernier a une telle influence fur l'éleéfci.on
du patriarche, qu’ellè ne fe fait pas fans fon aveu,
8c que même ceri’e ft, comme on le d it, qu’ait
plus offrant qu’il accorde cette dignité ; celui qui
en eft revêtu, éft toujours en rifque de la perdre,
s’ il fe trouve quelqu’un qui en offre une Tomme
plus confidérable. D ’ailleurs il jouit d’une grande
autorité, en qualité de premier de tous les patriarches
grecs 8c de chef 8c déréglé de l’églife
d’orient. Ses revenus, évalués jadis à 120 mille florins
font aujourd’hui beaucoup plus copfidéi'a'
blés , quoiqu’on ait dit qu’il.'payefljà^moîtiéj de
cette fomrne en tributs, outré 6ood florins' dé
préfens à la fête du beiram. Il à poùr’ fùffra^atis
70 archevêques 8c métropolitains 8c un plus
grand nombre d’évêques.
Fabriques, .
Les turcs ne manquent pas de mariufa&ures,
8c ils font dé très-beaux ouvrages. Ils faveîit en
particulier préparer les cuirs, & ils font habiles
dans l’art de teindre la laine, les foies 8e les peaux’ :
ils fabriquent des tapis , des étoffes1 de foie, d’or
8cd’argent, & autres choies d’une grande beauté.
Leur commerce , au-dedans du pays .8c avec l'é-
5trangér ■ , eft foijt confidérable î mais il fe fait fur-
tout par les arméniens & le? juifs. Les turcs né
çomrhercent guère que d’une province à l’autrè j
en denrées 8c marchandifes du crû du pays ; s’ils
font quelques affaires avec les chrétiens du dehors,
ce n’eft qu’avec leurs proches voifins, comme
par exemple, à Vienne ou il v a toujours dés marchands
turcs q u i, après s’être défaits de leurs
marchandifes, en achètent d’autres qu’ ils chargent
fur le Danube pour Conftantinople. Les
holhndois, les anglois , les françois , les danois
8c les autres nations commerçantes abordent en
foule dans les ports de la Turquie : auflï’ ont-
elles toutes des envoyés 8c réfidens à Conftantinople
, ou des confiais en d’autres lieux. La Turquie
exporte des foies, des tapis, des étoffes , :
des toiles, des fophas ou couffins 8c matelats-,
des peaux de lièvre 8c de lapin , des poils de
chèvre 8c de la laine, du poil de chameau 8cdu
coton filé , des dimities ( forte de futaine fine ) ,
des bourdettes, des toiles cirées, des peaux chagrinées
, des maroquins bleus, rouges 8c jaunes ,
du café , de la rhubarbe , de la térébenthine , du
ftorax, différentes efpèces de gommes, de l’opium,
des noix de galle, du-maftic, de l’émé-
ril, de la terre figillée , des. écorces de grenades,
des éponges, des dattes^ des amandes, des vins,
des huilés, des figues, des ràifins fecs , de la nacre
de perlés, du büis, de la cire , du fafran ,
des bois de conftruétion » des chévaux , &c. 8^
la balance du commerce ’paroît lui être avanta-
geufe. Auffi, pour favorifer, ce commerce qui
liai eft avantageax, la'Porté'a-t-elle des traites
a!vec les puiflTanèés chrétiehnés 5' elle leur accorde
toutes fortes de franchises;: Le trafic d’efclaves
des deux fexes eft confidérable en Turquie , outre
celui des belles femmes çircaflïénnes , géorgiennes
8c grecques que les juifs fur-tout achètent
, 8c que leurs' parens vendent d’autant plus
volontiers, qu’ils efpèrent qu’ elles parviendront
à une grande fortune.
Dans des états maholiiétafis (1) , on "eft non-
feulement maître de.la vie & des biens des femmes
■ 'efclaves, mais encore 'de ce qu’on appelle
leui* vèrnfoü leur honneur. C^ft un des malheurs
de ces pàys 'que la plus grande partie dé la nation
n’ y foit Faite que pour fervir à la volupté de
l’autre. Cette fervitude eft récompenfçe par la
parefle dont on fait .jouir de pareils., éfelavés :
ce éjuî eft encore pour l’état un nouveau malheur:
C ’eft'cette parefle. qui rend les ferraiis d’orient
( i ) des lieux de délices’, pour ceux mêmes
contre qui ils font faits. Des gens qui ne craignent
que le travail, peuvent trouver leur bonheur
dans ces lieux tranquilles. Mais on voit que
par-là on choque même l’efprit de l’étabhffement
dç l’efclayage.
La raifon veut que le pouvoir du makre ne
s’étende point'au-delà des chofes qui font de fon
férvfce ; s’il doit y avoir des efclaves, il faut que
l’efclavage foit pour l’utilité, 8c non pour la volupté.
Les loix de la pudicité font de droit naturel,
8c doivent être fenties par toutes les nations
du monde.
Les monnoies d’or 8c celles d’argent un peu
fortes des différens états ont cours en Turquie, de
y font même plus eftimées que celles qu’on y fa brique
j les juifs qui ont la diredion de la mon-
noie, lui donnent une médiocre valeur intrinfè-
que. Au Caire 8c dans toutes les autres villes de
commerce d’Egypte , prefqu’aucune des monnoies
turques n’ a cours , au lieu que l’argent d’Allemagne
, les ducats d’argent vénitiens 8c les écus
d’Hollande au lion font les plus eftimés.
S e c t i o n I V e.
De tarmée, de la marine & des revenus de l'Empire
ottoman.
L ’armée de terre eft partagée chez les turcs
en Capiculy 8e en Serratculy pour l’infanterie.
(1) Voytr^ Chardin , voyage de Perfe.
(.*) Voyet^ Chardin , tom. a , dans fa defeription du marché d’Izagour.
(Sscon. polit. diplomatique. Tome I I U O o o