
j alliée en fe vérité $ lorfqu'fl met, comme les
empereurs romains , une tête d e Medwfe fur là
poitrine ,(0 > lorsqu'il prend cet air menaçant
&■ terrible que Commode faifok donner à fes
ftatues <2).
Le principe de la monarchie fe corrompt,
lorfque des âmes finguliérement lâches , tirent
vanité de la grandeur que . pouroit avoir leur
fervitude, & qu'elles croient que ce qui fait
que l’on doit tout au prince 3 fait que l'on ne
tîôk rien à fa patrie.
Mais s’il eft vrai ( ce que l'on a vu dans tous
les temps ) qu’ à mefure que le pouvoir du monarque
.devient immenfe., fa sûreté diminue ; corrompre
ce pouvoir, jufqu'à le faire changer de
nature, n’eft-ce pas un prime de Jèze-majefté
contre lui ? '
Observations générales fur la monarchie.
La monarchie abfolue eft un pofte trop éminent
pour une créature humaine ; elle ne convient
qu’à Dieu qui eft immuable , non fujet à
l'orage des paflions, exempt d'erreur & à qui
tout eft préfent. Il y a peu d’exemples de princes
que l’autorité arbitraire n'ait pas corrompus :
pfefieurs, dont on conçevoit de grandes efpé-
rances, fe.font perdus par là. Quand les hommes
fe font mis au-deflus du châtiment, ils fe mettent
bientôt au-deflus de là honte. Leur efpritleur
vertu ont des bornes; leurs paflions,
leur vanité n'çn ont point. Ainfi, peu d'entre
eux peuvent être parfaitement bons, & plufieurs
deviennent extrêmement mauvais. Ils prennent
une grande fortune pour un grand mérite, &
élèvent l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes aufli haut
que la fprf-yne les a élevés- Tout Je monde
croyoit Galba digne de l'Empire : cette opinion
aurait duré, fi l ’expérience ne l'avoit démentie.
Avant Vefpafien, on n’avoit point eu d'exemple
d'un empereur que la fouveraine puiflance eut
changé en mieux. Solufque omnium ante fe prin-
cipum in melius mutatus ejl.
L ’excès de la puiflance eft donc plus capable
d'allarmer que de rafîurer celui qui en jouit.
Sur quoi donc le prince doit-il s'appuyer pour
la sûreté de fa perfonne & le repos de fon efprit
? Marc-Antonin, ce grand & bon prince,
tînt quelque temps avant fa mort, en préfence
de fes amis & de ceux.de fon confeil. « 11 eft
» certain, d it- il, que ce ne font ni les grands
» revenus, ni l'extrême puiflance, ni la ■ muiti-
» tude des gardes, qui font la grandeur d'un
» prince,. & lui affurent l'obéiffance de fes fu-
?» jets , fi le zèle & l’affe&ion des peuples ne
»? concourent avec l'obéiffance qu'ils lui doivent.
» Celui-là certainement peut régner long-temps
»? avec sûreté, qui excite dans les coeurs des
>» imprelfions d’amour & de bienveillance, &
»> non des. fentimens de crainte & d'indignation.
»? Un prince, ajouta-t-il , n’a rien à craindre.de
?» fes peuples tant que leur dbéiffanee vient de
»? leur inclination, & non d'une contrainte fer-
»? v ile ; ils obéiront gaiement, lorsqu'ils fenti-
;» rdnt qu'en obé-iflant au prince, ils n'obéiffent
» qu'à la juftice, à la loi ( f ) »».
nous l'apprend dans le difeours admirable qu’il 1
Un prince qui ne veut faire aucun mal, ne
recherche point la puiflance d'en faire ; celui
qui la recherche fera toujours foupçonné de ne
vouloir faire aucun bien. Le feul moyen d'éloigner
ce foupçon, eft d ’agir par les règles connues
de la loi. Celui qui gouverne par la .fo i,
gouverne avec le confentemen.t des peuples, &
•ainfi n’en fauroit être blâmé.
Quelque part que fe trouve la puiflance fouveraine
, elle eft abfolue, dans les états monarchiques,
comme dans les états populaires. Nous
l'avons dit à l’article A b so l u , & nous y avons
fait d'autres remarques qui ont beaucoup de
|rapport avec cet article. Il eft vrai que dans les
premiers, -le pouvoir du monarque eft plus pu
moins limité ; la nation y a mis des tçmpéra-
mens tels qu'elle l’a jugé convenable, & chaque
nation doit être gouvernée felon fes loix fondamentales.
Ainfi le monarque n'a- de pouvoir que
celui qui lui vient par le canal même par où il
lui eft parvenu. Il tïe peut exercer que le droit
qu'il a re çu , & la juftice exige encore qu’il
refpeéle les privilèges qu'une longue poffeflion a
confacrés, autant que les libertés primitives que
les peuples fe font réfervées. Mais ce qu'on
appelle communément fouverain dans Jes états
monarchiques, n'eft pas la Souveraineté ; & le
pouvoir plus ou moins grand du monarque n'eft
pas la puiflance fouveraine. Il y a même des
monarchies où le prince n’a pas la puiflance lé-
giflative , qui eft le principal attribut de la fou-
i veraineté. Il ne faut donc pas conclure de ce
ce qui avilit tellement ces honneurs, que ceux qui les avoient mérités les dédaignèrent. Fragm- de Dion ,
Uv. l y l l l , tire de 1 Extrait des vertus & des vices de Conft. porphirog. Voye^dans Tacite comment 5Né-
ron > fur la découverte & la punition dune prétendue conjuration, donna à Petronius-Turpilianus, à Nerva,
j Tjgellinus ; les ornemens triomphaux. Annal, liv. XIV. Voyez auffi comment les généraux dédaignèrent
liv XIIIa ^uerr€ ’ Parc® <lu !' s en mepnfoient les honneurs, pervulgàtis trïomphi ïnfignvbus. Tacit. Annal*
(*) îlerodien* * * ^ Pr^nce Pav°ftbien quel étoit le principe de fon gouvernement.
^3.) Féywj.Herodien j dans la vie de Marc-Antonin,
que le pouvoir 'de quelques fouveraiws eft limité,
que cette limitation affeûte la puiflance
fouveraine. Celle-ci eft abfolue pat fa nature :
elle ne peut pas fe limiter elle-meme, & aucun
autre pouvoir ne peut la limiter, puifqu’eUe ne.
reçonnoît point de .pouvoir Supérieur à elle. .
Mais les parti-fans les plus zélés du pouvoir
des rois, ne difeonyiepnent pas qu’ils ne Soient
obligés d’obferver les loix divines & les Ipix
naturelles, les, loix fondamentales.-de l’éta t, Sc
même les loix civiles tant qu’elles Subfiftent.
Les loix divines, difent-ils, âffujetiflent également
le monarque fur le trône, & le berger
dans fa cabane. Les. loix naturelles font l’ouvrage
de la providence divine ; elles font éternelles,
immuables % impofées à tous les hommes fans
exception, à toutes les nations & à leurs chefs:
Poil eft obligé de les obServer en tout tems &
en tout lieu. Le peuple n’a pas été -fait pour
Je' gouvernement, c’eft le' gouvernement qui a
été fait pour le peuple. Si les hommes ordinaires
doivent prendre la raifon pour règle de
leur conduite, les rois y font plus fortement
obligés que perfohne, à-catife que leurs allions
influent fer lé fort des peuples. Plus le pouvoir
d'un monarque’ eft grand , plus mT doit mettre de
circonfpeéiion, dé prudence & de fageffe dans
fa .conduite. La confiance 'de la 'nation en fes
lumières » en la droiture dé fon coeur , ne lui
impofe-t-elle pas une nouvelle obligation de la
gouverner félon la juftice ?
Queiqu’augufte que foit le pouvoir des monarques,
il n'eft point au-deflus dé la loi fondamentale
de i^etat. Leur élévation ne fauroit
les affranchir de la loi primitive à laquelle ils
font redevables de leur couronne. Cette loi qui
les fait ce qu'ils font, conferve toujours fur eux
fon autorité inviolable. Comme elle a précédé
la grandeur du prince, elle le maintient fut le
trône, & doit lui furvivre pour y maintenir fes
fuccefleurs. Il y a des loix fondamentales 'dans
tous les états : il n’en eft aucun où le droit de
régner ne fuppofe l’ obligation de gouverner juf-
tement. Cette obligation eft exprimée clans les fermons
que les rois , qui paffent pour être les plus ab-
folus, font à leur facré, ou dans les cérémonies de
leur couronnement. J’engage ma foi à’mon fouverain
en vue de fon équité, dans l'efpérance qu’il me
protégera, moi & tout ce qui m'appartient :
c'eft la condition expréfle ou fous-entendué du
ferment de fidélité que je lui prête.
D'après ces principes , eft - il une trahifon
plus criminelle & plus funefte à la patrie, que
celle de ces. inftituteurs qui pervertiflent les
princes par leurs flatteries, ou qui négligent d'inf-
pirer le goût de la vertu à des hommes, dont
les volontés régleront un jour le fort des nations
? Eft-il un forfait comparable â celui de
cts empoifonnçursjqui., dès l ’enfance , ne sèment
dans les coeurs de leurs élèves que de
l’orgueil :, de la dureté, du mépris pour les
hommes ; difpofitions cruelles dont. les peuples
recueilleront pendant des ficelé» les: fruits abo>-
minables ? Quelle trahifon plus infâme que de
former à fon pays un chef capable de le détruire?.
N;eft>ce pas empoifonner un-peuple entier,
que de flatter, un prince qui deviendra
l’arbitre.de fon fort? S
Etat malheureux & plein-de dangers des princes qià
exercent, Àn. pouvoir arbitraire.
Les empereurs romains, qui avoient facrifié
leur patrie à Jeur autorité fuprême, n'en furent
ni mieux ni plus en sûreté poiir s 'y ;être rendues
monarques ablblus. Depuis Juies-Céfar, qui avait
éteint la. liberté publique , & qui fut immolé auX
mânes de cette liberté., jufqu'à Charlemagne,
trente empereurs péfirent de mort violente, 5c
quatre d'entre eux fe donnèrent la mort : la
foldatefque difpofoit .d'eux à fa fantaifie, & les
faifoit mourir pour le moindre mécontentement.
Si le prince étoit choifi par le fénat, l’armée,
qui s’attribuoit le droit de difpofer de l'empire,
s’en défa;foit comme d’nrn intrus. U .n’étok pas
encore à. l ’abri de finconûance cruelle des cohortes
prétoriennes, lors même qu’elles l’avaient
proclamé. Quelle fut la fin tragique de l’empereur
Pertinax, quelles avoient forcé d’accepter
l’empire? Ces..orgueilleux fouverains, après avoir
mis fous leurs pieds, le, fénat y . le peuple & les
. loix, qui font lés 'meilleures colonnes d'un pouvoir
légitime ’tenoiénit leur feeptre & leur vie
de la bonté de^ foldats iqu s'étoient rendus leurs
maître.s; & celui qui g.ouvernoit l ’univers deve-
moit ainfi l’efclave de ceux qui étoient à fa
folde.
_ 'Quoiqu' Augufte eût régné aflez long-temps
pour énerver .ou .pour éteindre toutes les maximes
d e là liberté; pour introduire & pour éta*
blir toutes celles de la monarchie abfolue 3 Ti>
bere qui lui fuceéda immédiatement, fe croyoit
fi peu en fûreté, qu’ il fut tout lé refte de fa vie
en proie à des frayeurs mortelles. En mettant
tous les hommes dans les fe rs , il n’avoit pu fe
rendre .libre-, & l’or de fes chaînes faifoit la
feule différence entre lui & les autres efeiaves.
Les princes qui ne fe'contentent pas de régner
légitimement ., & : qui veulent fe faire craindre
de-tous les hommes, Tont réduits à les craindre
tous. C e fut le fort de Tibère : les fréquentes
viélimés qu'il immolait à fes frayeurs, ne faifoient
que les augmenter ; ces facrifices multipliant Je
nombre de fes ennemis, cpmme cela devoit né-
ceffairement arriver.
Des devoirs du monarque.
Quelque diftançe qu’il y ait-fle ceux qui doi