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rope, & qui ont été long-tems un des plus riches
meubles de nos appartemens.
Le marroquin qui avoit, ainfi que les autres
cuirs j un degré de perfection qu’on ne favoit pas
lui donner ailleurs.
Le chagrin , le poil de chèvre, l’eau - rofe ,
•les racines pour la médecine, les gommes pour
la teinture , les dattes, les chevaux, les armes,
plufieurs autres chofes, dont les unes fe ven-
doienr aux Indes, & les autres étoient portées
en Europe.*
Quoique les hollandois fuffent parvenus à s’approprier
tout le commerce de l’ Inde orientale,
ils ne virent pas fans jaloulie ce qui fe paffoit en
Perfe. Il leur parut que les privilèges dont leur
rival jouiffôit dans la rade de Bpnder-Abaffi ,
pouvoient être compenfés par l'avantage qu’ils
»voient de pofféder une plus grande quantité
d’épiceries, & ils entrèrent avec lui en concurrence.
Les troubles qui défolent la Perfe depuis quelques
années, ont nui beaucoup au commerce des
européens avec ce pays. Il paroît que la tranquillité
n’eii pas fur le point de fe rétablir. Les
dernières nouvelles reçues de la Perfe, annoncent
que Mehmet Kan fe préparant à aller attaquer
à Chiras où il s’étoit retiré, Jaffar-Kan,
frère du régent mort, ce dernier eft forti de cettè
v ille , a marché au-devant de lu i, l’a combattu
& l’a vaincu dans deux batailles confécutives.
Mehmets'eft fauve à Tehram où il réfide actuellement
, & Jaffar eft entré en vainqueur dans If-
pahan j il y a trouvé Baguer-Kan qui, après la
mort du regent, en avoit pris le titre, & qui
s’ étoit retranché dans une forte citadelle, laquelle
commande les fauxbourgs de cette capitale ; il a
fallu l’aflîéger en règle ; la citadelle a été prife ,
& Baguer - Kan décapité. Tout paroiffoit alors
tranquille, St un grand nombre de caravanes
raffurées s’étoietSt mifes en route pour leurs def-
tinations. Jaffar-Kan avoit envoyé fon parent If-
maël-Kan , âgé de 23 ans , avec un corps de
30SO cavaliers , pour rédnire la ville d’Hama-
dan qui tenoit encore le parti de Mehmet ; mais
e t jeune homme , au lieu de remplir fa million ,
3 'arrêté & dépouillé toutes les caravanes, &
après ce brigandage, il s’eft réuni au commandant
d'Hamadan contre Jaffar-Kan fon parent. On
évalue à plus de quarante millions de France les
déprédations commifes par Ifmael : il a diftribué
à fes foldats les marchandifes qu’il a enlevées, &
s’eft fait beaucoup de partifans. Malgré les neiges
& la rigueur de la faifon , Jaffar-Kan s'étoic
mis en marche à la tête de 40,00© hommes, peur
aller punir çe rebelle,
PETA L ISM E , ainfi appellé d’un mot grec
qui fignifie feuille.
Le pïtalifine fut quelque temps en ufage à Sy-
lacufej ville de Sicile , habité# par les grecs :
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! c’étoit une loi qui autorifoit les citoyens à fe ban*
nir les uns les autres, en fe donnant une feuille
d'olivier, fur laquelle étoit écrit le nom de celui
qu'on bannifïoit. L'amour exceffif de la liberté
avoit introduit une politique fi étrange.
Valere Maxime l'appelle une folie publique. Dio-
dore de Sicile nous apprend que le pétalifme éloigna
de Syracufe prefque toutes les perfonnes recommandables
par leur naiffance, leurs richeffes
ou leur mérite perfonnel 5 que plufieurs s'exilèrent
volontairement, dans la crainte qu'on ne
leur préfentât la feuille d'olivier. Il faut convenir
pourtant que cette coutume , malgré fa bizarrerie
& fon injuftice , préfervoit les fyracufains de
l'orgueil d'une extraction illuftre , du faite info-
lent de l'opulence, & des entreprifes des grands
talens.
Trop fouvent les vertus , les fervices & les
belles aCtions ont été des degrés pour arriver à la
tyrannie , comme les grands biens & l ’éclat de
la naiffance. L'amour de la liberté , délicat &
ombrageux à l'ex cès , peut s'allarmer des un s
comme des autres : alors la v e r t u f i elle n’eft
pas qiodefte, le mérite, s'il affeCte de Ja fupé*
riorité , les fervices, fi l'on paroît difpofé à
s en prévaloir 9 font regardés comme une forte
de crimes d'état : une république fage ne prof-
crit point la vertu, mais elle blâme, la hauteuf
qu un mérité fupérieur infpire : elle ne punit poinç
les fervices, mais elle craint que de grandes oblfc
gâtions ne deviennent des chaînes, & que celui
qui fert fi bien la patrie , ne fe croie lui-même,
ou ne paroifle aux autres digne de lui comman-*
der. Elle ne fait point un crime d’un grand nom ;
mais elle hait les diftin&ions qu'il exige. Te l étoit
\ efprh du. péiali/me. U pouvoit être utile, s’il
eût ete bien dirigé j il devoir maintenir l'égalité
& le bon ordre chez un peuple ,.jufte & honnête ;
il jetta le defordre & la confuiîon parmi les fyracufains
envieux & foupçonneux : il fomentoit
les foupçons mjuftes, fervôit les haines particulières
, banniffoit de la ville les plus honnêtes
gens , & éloignoit des emplois publics „ceux qui
etojent les plus capables de les remplir. L'excès
des maux qu'il produifoit, .le fit abolir.
P E T E R S H A U S E N , abbaye princière d'AUe**
magne au cercle de Suabç.
L'abbaye de Petershaufen , ordre de S. Benoît
, fondée l’an 9 8 0 , fe trouve dans le diocèfe
de Confiance & vis-àrvis de cette ville. Son abbé
prend le titre de très-»révérend prélat du Saint-
Empire , feigneur des abbayes immédiates de
S. Çrégpirç à Petershaufen, & de S. Cyrille &
v>* George à Stein fur le R.hin, prieur de Klin-
genzell, feigneur du Moutier de Notre-Dame de
la P/- „te à Meugen 3 feigneur de StaufFen , H U 1
zingtn & Rietheim, &c. Sa place à la diète dç
PEmpire eft entre les abbés d'Yrféç & d’Urfi*
P E U
perg, dans le collège des prélats de Suabe & dans
les affemblées du cercle entre l’abbé de March-
tal & le prieur de Wettenhaufen. Cette abbaye
eft fous la prote&ion de la maifon d’Autriche.
Sa matricule, eft aujourd'hui de 20 florins -, &
elle paye 40 rixdales y 4 kr. pour l ’entretien de
la chambre impériale. La majeure partie des biens
qu'elle poffédoit autrefois, en eft aujourd'hui détachée
, nommément le fauxbourg ou village de
Petershaufen, dont la ville de Conftance en 1581
acheta la jurifdi&ion pour trois mille florins. Les
fortifications, de cette ville , auxquelles., on travailla
en 1641 , ont de même abforbé plufieurs
biens-fonds de l'abbaye. Klingenzell eft fitué dans
le Thourgau , & reconnoît la fouveraineté du
corps helvétique. Voye[ les articles A llemagne
& Suabe (cercle d e ) .
PEUPLE. C e mot eft.difficile à définir, parce
qu’on s'en forme des idées variables félon les divers
lieux , les divers tems & la nature des gou-
veniemens. C hez les grecs & les romains où le
gouvernement étoit démocratique, le peuple don-
noit fa voix dans les élections des premiers ma-
giftrats, des généraux, & les décrets des proscriptions
ou des triomphes ; dans les réglemens
des impôts» dans les décifions de la paix ou de
la guerre » en un mot, dans toutes les affaires
qui concernoient les grands intérêts de la patrie :
& , d’après tout ce que nous avons dit aux articles
Dém ocra tie , Gouvernement, &c.
il n’eft pas befoin de donner la lignification de
ce mot, dans les pays où les citoyens ont con-
fervé une grande partie de leur liberté : il faut
donc examiner ce qu'eft & ce que doit être le
peuple dans les monarchies , ou dans les gouvernement
où il relie peu de liberté^, & à quelle
époque il convient d’inftituer un peuple.
Autrefois on ne conaptoi* en France que
-deux clafles de fujets j les grands ou les nobles
, ou le peuple , c'elt à-dire , les laboureurs ,
les ouvriers, les artifans , les négocians > les financiers,
les gens de lettres & les gens de loix.
Mais un homme du talent le plus diftingué
penfe que ce corps de la nation fe borne aétueL
lement aux ouvriers & aux laboureurs. Rapportons
fes propres réflexions fur cette matière, d’au
tant mieux qu’elles font pleines d’images & de
-tableaux qui fervent à prouver fon fyliême.
Qui croiroit qu’on a ofé avancer de nos jours
cette maxime d'une politique infâme, que de
tels hommes ne doivent point être à leur aife,
*1 1 on veut qu'ils foient induftrieux & obéiffans?
01 ces prétendus^ politiques , ces beaux génies
pleins d humanité , voyageoient un peu , ils ver
roient que l'induftrie n'eft nulle part fi aétive que
dans les pays où le peuple eft à fon aife, & que
nulle part chaque genre d'ouvrage ne reçoit plus
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de perfe&ion. C e n'eft pas que des hommes engourdis
fous le poids d’une mifère habituelle ne
puflent s'éloigner quelque' temps dû travail, fi
toutes les impofitions ceffoieijt (lir-Je-champ 5 mais
outre la différence fenfible entre le changement
du peuple & l’excès de cette fuppofition, ce ne
feroit point à l’aifance qu’il faudroit attribuer ce
moment de pareffe, ce feroit à la furcharge qui
l’auroit précédée. Encore ces mêmes hommes i
revenus de l’emportement d’une joie inefpérée,
fentiroient - ils bientôt la néceflîté de travailler
pour fubfifter, & le defir naturel d’ une meilleure
fubfiftance les rendroit fort aélifs. Au contraire ,
on n’ a jamais vu & on ne verra jamais des hommes
employer toute leur force & toute leur in-
duftrie, s’ils font accoutumés a v o ir les taxe#
engloutir le produit de nouveaux efforts qu’ ils
peurroient faire, & ils fe borneroient au foutien
d’une vie toujours abandonnée fans aucune efpèce
de regret.
A l’égard de l'obéiffance , c'eft une injuftice
d t calomnier ainfi une multitude infinie d'inno-
cens y car leSifouverains n’ont point de fujets plus
fideles, & , fi j'ofe le dire, de meilleurs amis.
Il y a plus d'amour public dans cet ordre peut-
être que dans tous les autres , non point parce
qu'il eft pauvre, mais parce qu'il fait très-bien,
malgré fon ignorance, que l’autorité & la pro-
teélion du prince font l ’unique gage de fa fureté
& de fon bien-être j enfin , parce que avec le
refped naturel des petits pour les grands, avec
cet attachement particulier à notre nation pour
la perfonne de feP%uveraïns, ils n'ont point
d'autres biens* à efpérer. L'hiftoire n'pffre pas
un feul trait qui prouve que l'aifance du peuple
par le travail, a nui à fon obéififance.
Mille nations ont brillé fur la terre, qui n’au-
roient jamais pu fouffrir de bonnes loix j & celles
même qui l'auroient pu , n'ont eu dans toute
leur durée qu’un temps fort court pour cela. Les
peuples t ainfi que les hommes s fe trouvent, félon
la nature des gouvernemens , indociles dans
leur jeunefle , ou incorrigibles dans leur vieilîefle;
quand une .fois les coutumes font établies & les
préjugés enracinés , leur réforme eft fouvent dan-
gereufe & vaine j le peuple ne peut pas même
fouffrir qu'on touche à fes maux pour les détruire
> femblables à ces malades ftupides & fans
courage, qui frémiflfent à l'afpeét du médecin.
Il eft pour les nations comme pour les hommes
, un temps de maturité qu'il faut attendre
avant de les loumettre à des loix ; mais la maturité
d'un peuple n'eft pas toujours facile à con-
noître j & fi on la prévient, l’ouvrage eft manqué.
Tel peuple eft difciplinable en naiflant, tel
autre ne l'eft pas au bout de dix fiècles. Les ruf-
fes ne feront jamais vraiment"policés, parce qu'ils