
du droit public qu’ il fuppofe 5 «il n’ a de force
qu’autant que le droit public d un état a d étendue
} & c’ eft confondre les notions de tous les
droits que de le porter au-delà du cas dans lequel
il doit avoir lieu. ■
Tous les princes fa vent obéir à la loi de la
néceflité quand il le faut ; ils aliènent le domaine
facré de leur couronne * fans craindre de paffer
pour des infra&eurs 8c des facrilèges. Il 'n\t a jamais
eu de fouverain qui n’ait reçu ou fait des
ceflions * étendu ou refferré , par des traités,
les frontières de fes états.
L ’aliénation d’un , domaine faite par un état en
faveur d’un autre état ; l’ aliénation des domaines
particuliers faite à des particuliers } la ceflion d’un
pays faite par un fouverain à un autre fôuverain 5
la prefcription 8c toutes les autres manières d’acquérir
ou d’aliéner * ont leur origine dans le droit
des gens & le droit facré de l’utilité publique *
qui fait ceffer les loix particulières de chaque
état. Mais * dans le cas dont il eft ici queftion*
le droit d’aliéner les domaines particuliers de l’état
n’appartient pas exclufivement au prince *
ainfi que nous l’avons obfervé : on a befoin d’une
forte de confentement de la nation. Voye^ Tàr?:
ticle A liénat ion.
IN C A S ( royaume des ) : il feroit aflez inutile
de donner ici des détails fur l’adminiftration du
royaume des Incas * & nous renvoyons le leéteur
à l’hiftoire de M. Robertfon.
IN D O L E N C E DES PR IN C E S . C ’eft un des
défauts les plus ordinaires de leurs conditions,
& nous tâcherons d’en montrer ici les trilles
effets. . '
Lorfqu’ un prince tombe dans X indolence 3 &
qu’ il fe néglige au point de n’avoir plus aucun
foin de fa réputation, les gens les plus indignes ne manquent pas de l’obféder 3 8c alors les hommes
de mérite ne peuvent le fervir. Schah Huffein
avoit été fervi par des minillres habiles *> par de
bons généraux ; mais les eunuques faifôient échouer
tous leurs efforts* & fouvent les privoient de
leurs biens & de la vie. Les princes foibles ou
îndolens ont trop ou trop peu de confiance * &
il convient à un prince d’ être circonfpeét fur le
choix des perfonnes qu’il tient auprès de lui *
puifque ceux qui font dans les polies les plus
fubalternes * ont toujours aflez d’influence dans
les affaires pour nuire au bonheur de l’état &
à la gloire du fouverain. S’ils ne peuvent venir
à bout de le conduire félon leurs fauffes vues *
ils ne manqueront pas de ternir fa réputation *
foit en le décriant * foit en montrant une corruption
qui fera une tache à fon règne.
Un prince fouffre toujours de la mauvaife conduite
8c de la méchanceté de fes domelliques *
fur-tout s’il leur permet de fe mêler de la dillri-
bution des récompenfes & des châtimens.
Les Amples domelliques de Galba* & même
fes çfctos 3 soient allez de crédit pour déshonoré?
l ’empire de leur maître î on favoit qu’ ils
vendoient tous les emplois & toutes les grâces
du prince. L’empereur qui auroit dû examiner le
mérite * la capacité .& les prétentions des particuliers*
oublioit qu’il étoit de fon honneur de
placer dignement fes bienfaits } il en abandonna
le foin à fes; domelliques. Ces mercenaires perfides
ne daignoient pas confidérer combien ils hâ-
toient le déshonneur 8c par conféquent la perte
de leur vieux maître* dès que leur fcélérateffe
leur procuroit de l’argent. Leurs démarches * dans
ces vues honteufes, hâtoient la ruine de l’empereur
* puifqu’ en fouillant ainli fa réputation ,
ils minoient le plus fort foutien de j fon autorités
■ , - ' • ' ; f 1
On voit toujours avec indignation de mifera-
bles fubalternes inconnus* fl ce n’eft par leurs
vices * s’élever à une fortune éclatante par la protection
& l'indolence du prince; La honte de leur
acquifîtion illégitime retombe fur le fouverain* &
ils excitent le reffentiment de ceux qui voient
échouer leurs julles prétentions. Galba fe perdit
autant par la corruption de fes domelliques ,
que par la corruption 8c la violence de la fo l'
datefque.
On ne pouvoit aborder l’empereur Schah Huf-!
fein que par la médiation des eunuques * qui
ne connoiffoient d’autre mérite que celui de l’ar-i
gent. Ces vils efclaves vendoient la protection du
fouverain , prollituoient fes grâces au plus offrant* 8c faifôient un marché public des emplois & de
lajuftice. Il ne pouvoit y avoir ainfi aucune émulation
dans une cour où l’on n’avoit aucun égard
pour la capacité ou pour la vertu. C ’étoit une
fource d’oppreflions 8c de rapines. Ceux qui s’é-
toient épuifés pour avoir des charges* étoient
réduits à fe permettre toutes fortes de lâchetés
& d’injuftices pour fe dédommager * & pour fa-
tisfaire à la cupidité de leurs infatiables protecteurs*
les eunuques* dont il falloit chaque jour
acheter les bonnes grâces par de nouveaux pré-
fens. On ne connoiflbit auparavant parmi les perw
fes * ni larcins * ni vols * parce que les gouver-
neurs des villes & des provinces étoient refpon-
fables de ces défordres * 8c avoient un foin par*:
ticulier de les prévenir.
Mais, fous le règne de Sdhah Huffein * le vol
étoit devenu commun * 8c même encouragé * les
gouverneurs en partageoientle produit, ou* pour
s’ exprimer plus exactement* ils l’avoient affujettî
à un impôt. Ils n’avoient rien à craindre des tribunaux
de juftice. Dès qu’ils avoient la précaution
de fournir de l’ argent aux eunuques * ils
pouvoient exercer leurs brigandages fans crainte.
Ces eunuques* fi corrompus par la cupidité',
étoient fi éloignés de répandre le fang * qu’ils
enfeignèrent au roi ce trait de clémence mal en«
tendu * de ne jamais faire mourir un homme
pour quelque crime que ce fût. Ainfi ces pieux
impofleurs travailloient à leur propre fûreté. L e
'prince convertit* d’après leur avis, toutes les
punitions en amendes pécuniaires : mais fa conf-
cience ne lui permettant pas de recevoir le prix
de ces crimes * ceux qui lui avoient infpiré
ce fcrupule, fe chargèrent du maniement des
amendes.
Les impofitions publiques en Perfe étoient
fixées*. & chaque ville payoit tous les ans une
fomme invariable : les gouverneurs ne pouvoient
la changer. Mais les amendes pour les contraventions
étant plus oti moins arbitraires * ils découvraient
à chaque inffant de nouveaux délits *
8c ils levoient des amendes fans fin. Ils tiraient
ainfi des peuples, de très - groffes fommes qui
n’étoient point limitées. Certaines villes payèrent
en amendes pécuniaires dans un jour * plus qu’ elles
ne payoient dans un an au tréfor royal. Le
gouverneur même d’Ifpahan * capitale de l ’Empire
* rançonnoit les voleurs & les filoux. Il re-
tenoit en prifon ceux qui n’ avoient pas aflez j
volé pour acquérir fes bonnes grâces ; il les laif-
foit fortir de nuit pour voler de nouveau * 8c
leurs derniers larcins les garantifloient de la peine
des précédens.
D ’où venoient tant d’injullices ? d’où venoit
la dépravation de l’ordre public ? Pourquoi les ,
fujets n’étoient - ils plus protégés par les loix ?
D ’où venoient l’anarchie & c e s concuflions que les
grands exerçoient fur les petits ? Pourquoi l’iniquité
n’ avoit-elle pas de bornes ? Pourquoi l’innocence
étoit - elle opprimée 8c facrifiée ? Ces
défordres venoient de la lâcheté & de la corruption
de ceux qui obfédoient le trône* 8c de la
molle indolence de celui qui l’occupoit. Schah
Huffein avoit un très-bon naturel j il étoit plein
de généralité * de douceur & de compaflion : il
avoit l’ame compatiffante. Il tua un jour un canard
qu’il vouloit effrayer * il fe crut fouillé par
ce fang 5 & pour expier fon meurtre, il eut recours
à des aétes de dévotion 8c à des aumônes.
1 1 .étoit-fi religieux* que le feu ayant pris à la
grand’falle du palais * remplie de riches meubles *
il ne voulut pas permettre qu’on travaillât à l’éteindre
* de peur de s’oppofer aux décrets de la
providence.- Il fit des charités immenfes* fonda
des monallères * dota des hôpitaux j il entreprit
de longs pélérinages * un entr’autres de deux cens
lieues.
Mais à quoi fervoient fon bon coeur * fa compaflion
& fa religion ? Il étoit fâché d’avoir tué
«n canard * 8c il fouffroit que fes fujets fuffent
rançonnés & livrés audéfefpoir ; il attira la guerre
' & la devaflation dans le fein de fon Empire.
C e prince indolent 8c foible s’occupoit de bagatelles
* & il ne voyoît point les oppreffions que
fes peuples fouffroient ; il n’entendoit pas leurs
cris. Il fembloit n’avoir d’autres foins 8c d’autres
royaumes à gouverner que fon ferrail. C ’étoient
fes maitreffes 8c non fes fujets * qui étoient l’objet
de fes occupations 8c de fa bienveillance \ le
gouverneur d’une ville ou d’une province étoit
fûr de fe mettre dans fes bonnes grâces, s’il lui
envoyoit uAe belle femme. Il s’embarraffoit peu
que les gouverneurs traitaffent bien ou mai le
peuple. Quand il aurait montré cette inquiétude,
fes fideles confeillers * les eunuques * avoient été
gagnés d’avance pour en avoir une réponfe favorable.
On le berçoit fi mollement dans fon repos,
on l’éloignoit avec tant de foins de toutes les fatigues
du gouvernement * qu’ il paroiffoit ne prendre
aucune part aux intérêts ou à la dellinée de
fon Empire. Lorfqu’on lui dit que l’ennemi ap-
prochoit d’Ifpahan * -il répondit que « c ’étoit aux
». minillres à y pourvoir 5 qu’ils avoient des aras
mées fur pied pour cela j qu’ à fon égard il
» ferait content* pourvu qu’on lui laiffàt feu-.
m lement fon palais de Farabath ».
Dans quelle indolence * dans quelle înfenfibilité*
dans quel mépris ce pauvre prince n’étoit-il pas
tombé, en s’abandonnant à des^ fédu&eurs qui ne
fongeoient qu’à leurs propres intérêts ?
Il n’y a rien de plus méprifable* rien de plus
expofé qu’ un prince * un état ou un grand, tom-
-bés dans le mépris} c’eft, je crois* une réflexion
dé Tite-Live. L ’efprit de religion* qui peut infpirer
à un orince tant de chofes utiles pour fon peuple,
fut tres-défavantageux aux perfes. Schah Huffein fit
un long pélérinage pour aller vifiter le tombeau
d’ un faint} 8c comme il voyageoit accompagné
de tout fon ferrail & d’une garde de 60 mille
hommes * il ruina toutes les provinces qu’il tra-
verfa * 8c diflipa plus d’argent qu’il n’en auroit
fallu pour foutenir une longue guerre contre ceux
qui envahirent la Perfe.
Dès qu’ un prince néglige fes affaires & tombe dans
le mépris * ileeffe d’être en fûreté. Les peuples tournent
alors les yeux vers fon fucceffeur j ifs foufrai-
tent une révolution 3 ils font difpofés peut-être à y
concourir. Et qu’eft-ce qu’un prince méfefiimé de
fes fujets ? Quelle eftime. pouvoit avoir le public
pour Philippe I V , roi d’Efpagne * lorfqu’on le
voyoit aller à la défenfe de fon royaume contre
les françois , fuivi * non d’ un cortège d’ officiers ,
mais d’une troupe de comédiens ? L e duc d’Oli-
varès vouloit ainfi le tenir dans Xindolence 3 l’empêcher
de s’occuper des affaires * & de voir les
malverfations publiques. Faut-il s’étonner fi les
affaires de ce monarque furent conduites avec tant
de molleffe * fi fes deffeins échouoient * & fi cette
grande monarchie jouoit un fi trille rôle * tandis
que fes favoris feuls régnoient ? La réputation d’une
nation au dehors eft bien peu de chofe, lorfque
le gouvernement intérieur eft fans vigueur & fans
intelligence* lorfque l’on y a perdu le refpeétpour
le prince.
IN D O S T A N . Nous’ parlerons* dans des articles
particuliers , des divers pays de l’ Inde où
les européens ont des établiffemens * 8c avec lef-
quels ils ont des rapports ; nous ferons ici le