
celui d’embarraffer le miniftère afiglois. Celui-ci
ne fe méprit point fur ces manoeuvres » il fe tira
d’embarras par des concédions fucceffives , au-
delà defquelles on ,ne voyoit plus qu’un pas à
fa ire , celui de former des deux ifles deux états
ab folument diftirufts.
Le parlement d’ Irlande fut affranchi de toute
fubordination à celui de la Grande-Bretagne, &
fon pouÿosr légiflatif déclaré indépendant , ainfî
que les tribunaux du royaume : tous les ftatuts
contraires furent révoqués : des privilèges de commerce
contre lefquels tous les fabricans anglois
fe récrièrent, furent accordés 5 l’union cimentée
par ces largeffes, parut devenir inaltérable.
M. Grattan qui s’eft montré un moment le plus
zélé & le plus éloquent des défenfeurs de fa nation
, tous les citoyens fages qui penfoient comme
lu i, ne virent 3 au-delà de ces demandes obtenues
, que des chicanes inutiles 3 des prétentions
illufoires 3 mille dangers pour un avantage } mais
les mains qui avoient allumé le premier incendie,
prirent foin d’ en entretenir les étincelles. Les volontaires
furent confervés ; les pétitions recommencèrent
, tantôt pour un objet , tantôt pour un autre
, & quelquefois contradi&oirement. Le parlement
d’ Irlande s’ étant refufé à toutes ces nouveautés
indifcrettes, les mécontens enveloppèrent dans
leur animadverfîon le gouvernement 3 le parlement
& tous les patriotes fatisfaits des précédentes con-
celfions.
La fermentation eft encore affez vive. Quelques
ambitieux , quelques déclamateurs hardis ,
aidés de l’oppofition britannique, font les refforts
de ce mouvement : mais les trois quarts de la
nation n’y attachent, ne peuvent y attacher le
moindre intérêt. En effet , que lignifient leurs
griefs ? Les volontaires fe difent efclaves fi la re-
préfentation au parlement n’eft pas changée, &
fi ce parlement ne devient pas annuel : les anglois
feroient donc âulfi efclaves par la même raifon.
Ils voudroient qu’on biffât un plein efforàleur
induftrie ; mais le moment n’ eft pas encore venu :
il eft difficile, d’ après les préjugés & la morgue
nationale qui fubfifte encore en Angleterre, qu’un
pays conquis qui fe trouve fans marine & fans
force , qui n’eft pas accablé d’impôts comme l’Angleterre
, partage tous les privilèges de la nation
conquérante, redoutable par fon énergie & par j
& marine , & bien inftruite que la liberté abfolue
des manufa&ures &• du commerce des irlandois ,
nuiroit aux manufactures & au commerce de l’Angleterre
: nous reviendrons fur cet objet à la fin
de l’article.
Autrefois les habitans s’occupoient prefqu’uni-
ouement de l’éducation du bétail j ils donnent
aujourd’hui une partie de leurs foins à l’agriculture.
Les pommes de terre font devenues une
nourriture commune, & on les mange au lieu de
pain. La culture du lin & du chanvre profpère
d.e ;oijr en joijr. La pêche pourroit être plus çonfïdérable.
On exploite des mines de plomb & de
cuivre.
. Unefociété, qui fe nomme corporation for pro-
moting and carrying on an inland navigation in lr~
land, eft chargée de veiller à l’amelioration du
pays. Elle eft compofée du lord - lieutenant, de
l’archevêque d’Armagh, du lord-chancelier, de
trois autres évêques, & de vingt députés des
quatre provinces. Elle encourage par des récom-
penfes les entreprifes utiles à l’agriculture î elle
fait deffécher les marais & défricher les landes ;
elle travaille à rendre les rivières navigablesj elle
creufe des canaux 3 l’objet de -ces foins eft l’ac-
croiffement du commerce. Pour être en état de
fubvenir aux dépenfes, elle lève les impofitions
mifes fur les d e z , les cartes à jouer, les caroffes
& l’argenterie. L ’ Irlande tire de l’Angleterre toutes
les marchandifes dont elle a befoin; mais elle
commerce auffi immédiatement avec la Hollande,
la Flandre, le Portugal & l’Efpagne } elle leur
livre fes peaux, fon talc , fes boeufs, fon beurre,
de la viande falée & de la toile ; elle en reçoit
pour paiement de l’argent comptant, qu’elle donne
aux anglois pour leurs marchandifes. Les irlandois
envoyoient autrefois leurs étoffes de laine
en Hollande & en Efpagne j mais comme ils pou-
voient les donner à meilleur marché que lès .anglois,
le parlement en défendit bientôt l'exportation
chez l’ étranger.
L’Angleterre avoit mis bien d’ autres entraves
au commerce^ de Y Irlande. C e dernier pays ayant
fait des progrès, s’eft agité au milieu de fes chaînes
du-ant la guerre de la métropole contre les
colonies , ainfi que nous le difions tout-à-l’heure.
Des orateurs véhémens ont entraîné l’opinion publique,
des corps nombreux de volontaires fe
font armés pour recouvrer la liberté du commerce
& la liberté politique : l’Europe s’attendoit à une
grande révolution : mais on eft venu à bout de
gagner les^principaux chefs, & l’ Irlande n’a ob-
tenu que l’abolition & la modification de quelques
loix de commerce qui lui étoient défavantageufes :
la fermentation femble continuer ; mais l’Angleterre
ne paroît pas inquiète. Si un obfervateur
étranger peut hafarder ici fon opinion , nous nous
permettrons de dire que l’ Irlande parviendra vrai-
femblablement "un jour à être traitée comme l’E-
coffe} mais que cette époque que diverfes cir-
conftances peuvent accélérer , n’eft pas encore
venue. L ’adminiftration angloife s’ appercevra que,
s’ il eft de l’intérêt de quelques negocians ou de
quelques manufacturiers de conferver l’ancien régime
, H eft affez indifférent à l’Angleterre ,
comme é ta t , que l’Irlande obtienne tous les privilèges
de l’Écoffe : mais ce qui arrêtera l’admi-
niftration , c’eft que le nombre des catholiques
eft plus confidérable que celui des'proteftans ,
comme on le verra plus bas , & que l’Angleterre
craindra long-tems d’incorporer une nation pref-
que toute catholique à une nation de proteftans.
I R L
Quoi qu’il en foit de ces remarques, voici des
détails fur 4e commerce adtuel de XIrlande 3 dont
nous.ne garantiffons pas l’exaditude, où nous entrevoyons
même plufieurs erreurs.
Dans les bonnes années, comme le fut celle de
1782. l’exportation des toiles d’ Irlande monta à
25 millions de verges. En 1782, l’Angleterre en
reçut 24,692,072 qui valoient 1,646,138 liv. fterl.
C e t article feul balance prefqu’entiérement l’importation
des marchandifes angloifes en Irlande.—
Les étoffes de laine de cette dernière ifle n’ont
pas encore atteint la perfedion de celles d’Angleterre
, quoique depuis 1780 Xlrlande emploie là
plus grande partie de fes laines. — La pêche du
hareng fur les côtes du nord oueft augmente con-
fidérabiement d’année en année 5 mais jufqu’ici
le-s écoffois ont fu tirer le meilleur parti de cette
pêche. Cependant depuis que les irlandois s’en
mêlent, l’importation du hareng fuédois eft diminuée
de la moitié , & Xlrlande a pu exporter
24.000 tonneaux de fes harengs. — Les manufactures
de foieries font aufli des progrès. La ville
de Dublin occupe 1 500 ouvriers à cette branche
d’induftrie. L ’importation de la foie crue & filée
venant d’Angleterre , a été jufqu’ ici de 80 à
100.000 livres pefant : en 1783 , cette importation
s’éleva jufqu’ à 114,798 livres pefant > mais,
malgré l’induftrie nationale des irlandois , ils ne
peuvent encore fabriquer affez d’étoffes de foie
pour fe paffer de celles d’Angleterre. — Les manufactures
de coton deviennent très-importantes ;
elles occupent près-de 30,000 individus : le chef-
lieu de ces manufactures, eft la ville de Profperous
dans le comté de Kildare. — Les fabriques de fer !
font améliorées dans ce royaume 3 mais elles ne
s’élèveront jamais à l’ état noriffant des fabriques
angloifes , parce que les irlandois n’ont pas les
mêmes moyens de les faire fleurir. En 1783 , il
a été importé en Irlande 144,187 quintaux de fer
brut , dont 83,489 de la Suède, & 61,943 de
l’Angleterre.— Les verreries de Xlrlande font en
bon éta t, & elles envoient beaiïcoup de marchandifes
en Amérique & en Portugal. — L’ Irlande
ne fabrique pas encore affez de bas pour fa con-
fommation. En 1783 , elle reçut de l’Angleterre
23,744pairesdebas de coton, 60, jyode fil, &7944
de laine. — « On croit communément, ( ajoute
le papier qui nous fournit ces. détails, & qui paroît
encore fufpeCt fur cette remarque ) , que
l’Irlande perd dans fon commerce avec l’Angleterre
, mais c’eft une erreur ; au contraire , elle
gagne fur l’Angleterre de 4a 800,000 liv. fterlings
par année. Voici la fource de cette erreur : aux
douanes d’Angleterre, les toiles irlandoifes font
évaluées fort au-deffous de leur véritable valeur 5
la verge n’y eft portée qu’ à,la valeur de 8 pences ,
tandis'qu’ elle en vaut réellement 1 5 à*' 17 «. L’ Irlande
achète de l’Angleterre beaucoup de rhar-
chandifes des Indes orientales. Depuis 1781 jul-
qu en 1783, elle.en avoit fai t venir pour 1,05 6,05 o L
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fterl. Le feul thé faifoit un objet de 81 5,399 Uv.
fterl. —* L’ Irlande paye avec fon beurre prefque
toutes les marchandifes qu’elle reçoit du Portugal
; en 1782, elle y en a envoyé 46,000 quintaux
, & pour 37,000 liv. fterl. de marchandifes
d’étoffes de laine. La. France reçoit de l’Irlande ,
année commune, de 70 à 80,000 tonneaux de
viande falée,,. & plus de 20,000 quintaux de
beurre. L ’importation des eaux-de-vie, du papie
r , & ç . de France en Irlande, eft diminuée :
en 1765 , l’ importation des e a u x - d e - v i e .d e
France monta à 739,864 galons, & feulement
à 386,000 en 1777 — Le commerce de l’ Irlande
avec les états du nord eft à fon défavantage. —•
En 178.3', les befoins de ce royaume exigèrent
un fubfide de 1,098,184 liv. fterl. 3 les revenus
montoient alors à 1,329,880 liv. fterlings 3 mais
dans cette fomme eft comprife celle de 145,000 1.
de dettes arriérées. — La dette nationale forme
un-objet de 2,131,625 liv. fterl. -
Nous trouvons dans un autre papier un état
des revenus &: des dépenfes de l’ Irlande, qui ne
paroît guéres plus exaCt.
« Le revenu ordinaire , dit ce papier, monte
à i,300j0Q© liv. fterl. 5 les anciens impôts additionnels
à 380,0003 les nouveaux à 140,000 j les
impôts du timbre, les amendes, & c . à 80,000;
ce q u i, en défalquant 500,000 liv. fterlings que
coûtent les perceptions & autres objets, forme
un total net de 1,300,000 livres fterlings- Voici
l’état des dépenfes. Lifte civile , 330,000, liv,
fterl. 3 établiffement militaire , 938,000 3 dépenfes
extraordinaires, 432,000. T o ta l, 1,700,000 liv.
fterl. de manière queladépenfe furpaffe la recette
de 400,000 liv. fterl. ». "
Enfin un autre papier • fait à l’ Irlande ce reproche,
dont nous ne pouvons apprécier 4a juf-
teffe.
« Il eft extraordinaire que le parlement d’ Irlande
n’ ait jamais porté fon attention fur la conftitution
pécuniaire de la tréforerie de ce royaume. En Angleterre
, pour adminiftrer un revenu annuel de 1 §
millions fterl. par des officiers çonftamment attachés
à leurs bureaux, & occupés fans relâche,
l’état paye 14,400 liv. fterl. de falaires 3 favoir ,
au premier lord de la tréforerie , 4000 liv. fterl. 3
aux quatre autres lords adjoints , 6400 liv. fterl. 3
au chancelier de l’échiquier, aoco liv. fterlings3
& aux deux fecrètaires, 2000 liv. Mais en Irlande
3 pour négliger la geftion d’ un revenu de
î-,200,000 liv. fterl. par année, on paye au grand-
tréforier 2000 liv. fterl. > à trois vice - tréforiers
toujours abfens, 8500 liv. fterl. 3 au chancelier
de l’échiquier, 2000 liv. fterl. 3 & aux autres officiers
, 2000 liv. fterlings ».
L ’ Irlande contient 11,042,642 arpens, 32 comtés
, 2293 cures , 260 barontes, Sz 118 boroughs
( bourgs ) qui envoient des députés au parlement.
E n -17 54 , on y comptoir 39Jj459 maifons, & eà