
de faire travailler qui bon leur Cemble : on petit
s4en rapporter fur le .choix d’un ouvrier, à la dif-
rrerion- de ceux qui l’emploient. Us font trop
-inteY“ffés à ne pas s’y méprendre. L ’inquiétude
du légilîaCfur, qui craint qu’on n’emploie des
gens incapables , eft aufli déplacée qu’oppref-
five.
Les longs apprentUfag.es ne peuvent- garantir
qu’on ne mettra pas eh vente de l’ouvrage mal
fait. Lorfqu’on en expofe de mauvais., c’eft en
généralTeftet de l’envie de tromper , 6c non de
l ’incapacité j 8c les longs apprentiflages ne mettent
point à l’abri de l’envie de tromper. Il faut
d ’autres réglemens pour prévenir cet abus. L ’empreinte
qui eft fur la vainelle d’argent, & celles
qu’on met fur les draps & les toiles, garantirent
mieux l ’acheteur, ( quoiqu’elles aient peut-être
d ’autres abus ) qu’aucun ftatutde l’ apprentilfage.
Celui qui achète, regarde à ces marques, & il
ne croit pas que ce foit la peine de s’informer
lî celui qui a fait l’ouvrage, a fervi fes fept ans
comme apprentif.
Cette inftitution n’eft nullement propre à rendre
les hommes induftrieux. Un ouvrier qui travaille
à la pièce doit être plus laborieux qu’ un
•autre , parc,e que fon . ardeur 8c fon application
lui font utiles. Un apprentif doit être pareffeux ,
.& il l’eft prefque toujours, parce qu’il n’a point
d’ intérêt immédiat à ne pas l’être. Dans les métiers
inférieurs, larécompenfe eft l’unique aiguillon
du travail. Ceux qui font plutôt dans le cas
d ’en jouir , doivent prendre aufli plutôt du goût ;
pour le travail qui Jes leur procure, 8c acquérir
plutôt ^habitude de l’induftrie. Il eft tout Ample
qu’ un jeune homme conçoive de l ’averfion pour
le travail , quand il n’ en retire aucun, bénéfice
pendant long-temps. Les petits garçons, qu’ on met
en apprentiflage avec les fonds des charités publiques,
-font obligés de fervir au-delà du nombre
d’années ordinaire} 8c quand ils en forcent,
ce font en générai des fainéans 8c-de mauvais
fujets.
Les anciens ne connoiffoient point du tout les
apprentiflages j les devoirs réciproques de maître
8c d’apprentif font un article confidérable dans
chaque code moderne 5 la loi romaine garde un
profond filence à leur égard. Nous ne connoifîons
pas de mot grec ou latin , ( 8c nous croyons pouvoir
affurer qu’il n’y en a point ) 3 qui exprime
l ’idée que nous attachons au mot apprentif, celle
d’un ferviteur qui s’engage à travailler d’un métier
particulier pour le bénéfice d’un maître, durant
un certain nombre d’années, à- condition
que le maître lui montrera ce métier.
Les longs apprentiflages font abfolüment inutiles.
Les arts méchaniques les plus difficiles, tels
que celui d’horloger , ne contiennent pas destmyf-
tères qui exigent un fi long cours d’inftrtnStions.
La première invention des horloges ,8c des montres
, l’invention même de certains, inftruméns de
rhorlôgérie, font fans doute le fruit de beaucoup
d’idées profondes & d’un temps confidérable , 8c
on peut les regarder, à jufte titre, comme les
plus heureux efforts de l’efprit humain j mais une
fois trouvées -8c bien conçues, l’explication la
plus complette fur l’ufage des inftruméns 8c la
conftruélion de ces belles machines, eft une affaire
qui ne demande que quelques femaines 5 peut-
être même feroit-ce affez de quelques jours. Il
n’en faut certainement pas davantage dans les métiers
inférieurs/ Il eft, vrai qu’on n’ y; acquiert la
dextérité de la main qu’avec beaucoup de pratique
8c d’expérience. Mais un jeune homme apportera
plus de foin 8c d’attention dans la pratique
, fi dès les commencemens il travaille comme
un ouvrier à la ; journée, s’il eft payé à proportion
du peu d’ouvrage qu’il peut faire , 8c
s’ il paye à fon tour ce qu’il peut gâter par mal-
adreffe ou par inexpérience. Une pareille éducation
auroit en général plus d’effet, 8c feroit tou-
jours.moins ennuyeufe 8c moins coûteufej mais
le maître y perdroit le falaire de l’apprentif, qu’il
épargne aujourd’hui fept années de fuite. Peut-
être qu’ à la fin l’apprentif y perdroit aufli : car
il auroit plus de concurrens dans un métier qui'
s’apprendroit aifément ; 8c quand il feroit un ouvrier
confommé , . fon falaire feroit moindre qu’il
ne l’eft. La même augmentation de concurrence
réduiroit les profits, des maîtres aufii-bien que les
journées des ouvriers. Tous les arts, métiers 8c
p.rofeflions méchaniques y perdroient} mais le
public y gagnerait, parce que tous les artifans
vendroient leurs ouvrages moins chers.
Les corporations 8c la plupart de leurs lohc
ont été établies pour prévenir cette réduction de
prix, 8c par conféquent celle du falaire 8c du
.profit, en arrêtant la concurrence libre qui l ’oc-
cafionneroit. Pour ériger une corporation, il ne
| faljoit anciennement, dans la plus grande partie
de l’Europe , que l’ autorité -de la ville corporée
où elle fe formoit. En Angleterre, il falloit en1-
core une charte du roi : mais cette prérogative
de la couronne femble avoir été réfervée , plutôt
pour extorquer l’argent du fujet, que pour défendre
la liberté commune contre l ’oppreflion du
monopole. En payant une fommeau roi, la chargé
s’obtenoit fans difficulté > 8c quand une clafle particulière
d’artifans bu de marchands s’ avîfoit d’a^
gir comme’ corporation fans avoir de charte lé
roi ne. perdoit pas toujours pour cela cés tributs
bâtards ( comme on les appelloit ) : car.elle étoit
obligée de payer tous Jes ans une taxe au roi
pour l’exercice de fes privilèges ufurpés. L ’inf-
peétion immédiate fur toutes les corporations 8c
les llatuts qu’ elles jugeoient à propos de faire
pour fe .gouverner , appartenoit à la ville corpo*
ree oxi, elles étoient ; 8c la; difcipline à laquelle
ejjes étoient foumifcs , regardoit non lè roi ,' mais
là grande corporation dont ces; communautés fu-
bordonnées étoient membres*
Le gouvernement des villes corporees fe frou-
voit tout entier dans les mains desjnarchands 8c
dés artifans, 8c il étoit de l’ intérêt de chaque
clafle de ces citoyens d’empêcher que le marche
ne fût trop garni (comme ils s expriment dés
productions particulières de fon induftrie, c eft-
à-dire, de le tenir dégarni. Chaque clafle s em-
preffoit de faire des réglemens dans cette vue j
& pourvu qu’on la' laiffât faire, elle confentoit
volontiers que les autres claffes en fiffent autant.^
Il eft vrai que, d’après ces réglemens , chaque
clafle étoit obligée d’acheter un peu plus cher
dans la ville les marchandifes des autres claffes}
mais elle leur vendoit les fiennes plus cher aufli j
de manière que tout revenoit au même, 8c qu’aucune
ne perdoit au commerce quelles faifoient
enfemble dans les villes. Mais elles gagnoient toutes
beaucoup dans leur commerce avec la campagne
, qui eft celui qui foutient 8c enrichit les
villes. - , . . ,!•
Chaque ville tire de la campagne fes fubfiftan-
ces 8c les matières de fon induftrie : elle les paye
fur-tout de deux manières j i° . en^ y renvoyant
une partie de ces matières travaillées 8c manufacturées
, dont le prix s’ accroît alors du falaire
des ouvriers 8c des bénéfices de leurs maîtres ,
ou de ceux qui les emploient immédiatement 5
2°. en y envoyant une partie des productions
brutes ou manufacturées -, qui^ lui viennent des
autres pays ou des parties éloignées du meme pays ,
8c dont le prix s’accroît, en ce c a s , du falaire
des voituriers ou des mariniers, 8c des bénéfices
des marchands qui les emploient. L avantage que
les villes tirent de.leurs manufactures, réfultedu.
gain qu’ elles font fur la première de ces deux
branches de commerce j 8c l’avantage du trafic
intérieur 8c extérieur rélulte du gain qu’ elles font
fur la fécondé. Tout ce qu’elles gagnent par ces
deux voies, fe réduit en falaire 8c en profits. Par
conféquent, tous les réglemens qui tendent a faire
monter le falaire 8c les*profits plus haut qu’ils n’i-
roient autrement , tendent aufli à donner aux villes
le moyen d’acheter uné plus grande quantité du
produit du travail de la campagne avec une moindre
quantité de leur propre travail. Us donnent
aux marchands Sc.aux artifans des villes un avantage
fur les propriétaires, les-fermiers 8c les ouvriers
de la campagne, 8c ils rompent l’égalité
naturelle qu’il y auroit fans cela dans le commerce
qu’ils font entr’eux. Le produit annuel
du travail de la fociété fe partage annuellement
eiftre ces deux claffes d’hommes. Par le moyen
de ces réglemens, il en revient aux habitans des
villes une part plus groffe q.u’ il ne leur en re-
viendroit, fi ces réglemens n’exiftoient^ëas ; 8c
celle qui paffe aux habitans de la campagne, eft
moindre qu’ elle ne devroit être naturellement.
Que l’induftrie exercée dans les villes foit plus
avantageufe par-tout en Europe que celle qu’on
exerce à la campagne, c ’eft une chofe dofit on
peut fe convaincre fans beaucoup de calculs. Une
obfervation fort fimple 8c à la portée de tout le
monde, le démontrera. Nous voyons, dans tous
les pays de l’Europe , que pour une perfonne qui
fait fortune par l’induftrie de la campagne, c’eft-
à-dire, par la culture 8c l’amélioration de la terre ,
il y en a cent qui parviennent à de grandes ri-
cheffes par le commerce 8c les manufactures, ou
par l’induftrie propre aux villes. L ’induftrfe eft
donc mieux récompenfée, 8c le falaire 8c les bénéfices
des capitaux font donc plus confidérables
dans une fituation que dans l’autre : mais les capitaux
8c le travail cherchent naturellement l’emploi
le plus avantageux-. De là vient qu’ils fe rendent
dans les villes', & défertent les campagnes
autant qu’ils peuvent.
Les habitans d’une ville , font raffemblés dans
le même lieu, 8c ils peuvent aifément fe liguer.
Aufli voit-on que les métiers dont on fait le moins
de cas , font devenus des corporations. Si ce n’eft
pas dans une ville , c’eft dans une autre 5 8c dans
celles où ils n’ont jamais fait corps, l’efprit -de
corporation , la jaloufie contre les étrangers , 8c
la répugnance ,à prendre des apprentifs ou à communiquer
le fecret de leur art, ne laiffent pas de
dominer parmi eux , au point qu’ils favent bien
empêcher, par des affociations 8c des conventions
volontaires, cette liberté de concurrence qu’ils
ne peuvent prévenir par des ftatuts. Ces fortes
de complots fe font plus aifément dans les métiers
qui n’ exigent qu’un petit nombre de bras. U faut
peut-être une demi-douzaine de cardeurs de laine
pour donner de l’occupation à un millier de fi-
leufes 8c de tifferands. S’ils conviennent de ne pas
prendre d’apprentifs, ils peuvent s’emparer de
tout l’ouvrage en fe faifant employer feuIs^ -:&
réduire toute la manufacture dans une forte d’ef-
clavage par rapport à eux , 8c hauffer le prix de
leur travail bien au-delà de ce qu’il vaut.
Les habitans de la campagne vivent difperfés,
8c il ne leur eft pas facile de fe concerter. Non-
feulement ils n’ on't jamais fait corps, mais l’ef-
prit de corporation n’ a jamais régné parmi eux.
On n’a pas cru qu’il fût befoin d’apprentiffage
pour mettre au fait de l’agriculture, qui eft le
travail de la campagne. Cependant, après ce qu’on
nomme les beaux arts 8c les profeflions libérales ,
il n’ eft peut-être pas un métier qui demande une
aufli grande variété de connoiflances 8c autant
d’expérience. La multitude innombrable de livres
écrits fur ce fujet, dans toutes les langues , font
bien voir que les nations les plus fages 8c les plus
favantes ne l’ont jamais'regardé comme fort aifé.
O r , nous tenterions vainement de puifer dans
tous ces livres une connoiffance des opérations
variées 8c compliquées du fermier, telle que la
poffèdent les fermiers ordinaires , quoiqu’etr putl-
fent dire certains auteurs qui affeCtent quelquefois
de parler des fermiers avec dédain. A peine y
i a-t-il, au contraire, un feul art méchanique dont