
en ajoutèrent une fécondé plus capitale encore
quelques années après, en rendant héréditaires
ces trois dignités en faveur de la - poftérité de
ce prince ; mais il mourut fans enfans : il eft plus
que probable que la république feroit devenue
une province Angloife , li Guillaume .111, eût
laiffé un fils qui lui eût fucccdé au trône de la
Grande-Bretagne. 11 y a plus : fi Guillaume I I I ,
n'eut pas perdu tout efpoir de poftérité quelques
années avant fa mort, il n'eût pas fans doute
laiffé à fon fucceffeur le foin d'affervir la république
, & d'en faire une poffeftion dire été de l’Angleterre
} il auroit commis lui-même ce crime
contre fa patrie. C e qui porte à le croire, c'eft
qu’ii ne ceffa jamais de préférer les intérêts de fes
fujets anglois, à ceux des hollandois, fes concitoyens
; il facrifia toujours la république à l'Angleterre.
Si ce prince avoit aimé véritablement fa
patrie, il auroit fait annuller le fameux acte de
navigation , fi préjudiciable au commerce de la
Hollande, que Cromwel avoit fait paffer par
force , & qu'il avoit extorqué dans un temps de
détreffe. C e t infiniment du defpotifme anglois
fur la république a fubfifté jufqu'à la dernière paix,
& n'a été aboli indirectement que par l'alliance
faite.avec la France. La république eft a la veille
de lui voir reprendre toute fa force contre-elle-
même , fi la nouvelle alliance projettée avec
l'Angleterre fe conclut, comme on en eft généralement
perfuadé.
Le célèbre pensionnaire de W i t t , qui, d'accord
avec Cromwel „ avoit fait rendre l'édit perpétuel
par la province de hollande, contre Guillaume
III & fa poftérité, paya cher fon patrio-
trftne. Il fut maffacré à la Haye avec fon frère,
Ruard de Putten , par la canaille du parti Oran>
ge. Le prince , fans paroître agir dans cet horrible
affaftinat, n'eft pas exempt du foupçcn bien
fondé d’avoir fait préparer cette conjuration; la
penfion qu'il fit au principal auteur , inftigateur &
fauteur de ce crime public y autorife à penfer que
Guillaume I I I , fut fon premier complice.
Nous obferverons en paffant, que de W i t t ,
f i t , malgré fes talens, une faute impardonnable à
un grand homme d état : mais de Witt étoit vraiment
ariftocrate 5 s'il eût fait rendre l'Edit perpétuel
au nom du peuple, s'il eût.travaillé à établir
une conftitution vraiment républicaine où le
peuple eût été compté pour quelque chofe, fi, en
un mot, il eût fait accorder aux bourgeoifies une
infiuer.ee raifonnable dans les adminiftrations municipales
, jamais l'édit perpétuel n’eût été révoqué
, & la mai fon d’Orange eût été à jamais exclue
des trois grandes charges de l’état. Directement
in t Greffé es au maintien de la conftitution ,
lès bourgeoifies fe feroient montrées'contre la
canaille , & n'auroient- du moins- pas fouffert que
Guillaume I i l , en entrant dans l'exercice des
trois grandes charges , leur arrachât leurs libertés
, leurs privilèges & leur conftitutjpn 5. mais
n'ayant rien à perdre dans le changement, ef-
pérant çu contraire de gagner fous un nouveau
gouvernement, les citoyens virent au moins,, avec
indifférence, Ï'ariftocratie mortifiée, & les ma-
giftrats obligés de ramper fous le ftathouder.
Guillaume I I I , employa la rufe & l'adreffe, étant
hors d'état de fe faire reconnoître par la force ; il
ne pou voit pas compter alors, comme Guillaume
V , fur l'appui d'une puiffance étrangère :
après fa mort, Ï'ariftocratie rentrant dans toute
fon autorité, les chefs de la république commirent
la même faute , & c'eft à cette faute capitale
que Guillaume IV dut fon élévation.
Quarante-cinq ans après la mort de ce ftat-
houderroi, Guillaume IV , fon coufin &.fon héritier
principal, ftathouder de Frife & de Gro-
ningue*, fut appelle (on fait par quels moyens)
pour occuper les trois grandes charges de l'état.
Les partifans de ce prip.ee , tant en Hollande
que dans les autres provinces, profilèrent du prétexte
des malheureux fuccès de la guerre contre
la France. L’attaque des places frontières par
les françois fervit merveilleufement l'ambition de~
Guillaume IV ; les malheurs que cette attaque,
préfageoit donnèrent pi iis de force aux clam'eurs
de la cabale, payée pour faire réuffir la révolution.
On exagéra la néceftité d'avoir un chef pour
l’oppofer aux progrès des françois. Guillaume IV
étoit bon politique, mais il n'avoit donné aucune
preuve de fon habileté dans le métier de
la guerre ; îl n'avoit jamais eu occafion de. la
faire. Les françois prirent Berg op-zo©m , Guillaume
IV , ne fortit pas de la Haye, où il étoit
arrivé le 12 mai 1747 pour y prendre poffeftion
de fes charges. La paix fe fit l'année fuivante,.
fans que le nouveau capitaine-général eût paru à-
la tête de l’armée de l'état. Cependant cette
même année toutes les grandes charges , dont il
avoit été revêtu l'année précédente , furent déclarées
héréditaires en faveur de fa poftérité , en
y admettant même les filles au défaut des en-
fans mâles.
Cette révolution eft encore marquée au même
coin que celle qui avoit élevé Guillaume III
aux dignités de la république. La maifon d'O-
range fe fervit des mêmes moyens, employa les
mêmes agens , fit agir les mêmes refforts. Partout
la populace fe fouleva,. par tout elle fit la
loi aux régens, par-tout enfin elle commit, des
excès. Cette populace fur-tout en Hollande &
en Zélande, conduifit Guillaume IV , au faite
des honneurs, en lui frayant le chemin par
la révolte & la fédition. L'ariftocratie orgueil-
leufe & tyrannique des magiftr-ats dans la plus
grande partie des villes- de la république, fair
foit defirer ardemment, même aux bons citoyens >
que Guillaume IV vînt , détrôner cette foule de
petits tyrans qui vexoient le peuple & s'engraif-
foient de fa fubftance, mais dans l'efpoir que le
prince n'en abuferoit pas lui-même. Jamais le dé-:
ferdre n'avoit été tel} les impôts avoient été
mis en ferme , & les fermiers qui avoient pour
croupiers des bourgmeftres, levoient les impôts
avec tant de rigueur que les frais de perception
qu'ils faifbient fupporter aux malheureux, en
retard dans leurs paiemens , furpaffoient de beaucoup
l'inîpôt même. Le monopole des magiftrats
étoit énorme & cruel. La populace commença
par piller les maifons de ces fermiers } ils furent
abolis, & la perception des impôts fut rendue à
des commis de l'état.
Pendant cet-interrègne,comme dans l'intervalle de
celui de Guillaume II à Guillaume III, le peuple fut
efclave de Ï’ariftocratie ; quelques braves citoyens
en gémiffoient ; quelques fidèles régens auroient
voulu qu'on eût travaillé à une conftitution dans
•laquelle le peuple auroit eu quelquinfluence } mais
le grand nombre de régens ariftocrates étouffa
conftamment la voix de ceux .qui penchoient
pour ce parti raifonnable. Les partifans de Guillaume
IV profitoient en fecret de cette corrup-
tion àriftocratique, & préparoient de loin leurs
moyens. Lorfqu'ils crurent le moment favorable
arrivé, ils mirent tout-à-coup en jeu leurs refforts.
Quelques bourgeois de Terveere en Z é lande
, montant la garde ordinaire la nuit du 24
au 2y avril 1747, formèrent le hardi projet de
demander, dès que le jour feroit venu, le réta-
blifferaent dufflathoudérat ; la majorité de la régence
de cette ville, d'intelligence fans doute
avec ces bourgeois, ne fe fit pas faire violence 5
& s'étant affemblée à l'heure ordinaire, le matin
du 25 avril, elle accorda, furie champ & fans
difficulté, la demande infenfée de cette poignée
de bourgeois. Dans peu d'heures , cette nouvelle
fut portée dans les principales villes de Zélande,
àinfî que dans les villages; & trois jours après,
le foulèvement fut fi général dans cette provinc
e , que les états fe virent forcés d'appeller enfin
Guillaume I V , & de le proclamer ftathouder de
Zélande : La ville de Ziriczée, qui avoit fait des
difficultés pour retarder cette élection précipitée,
en fut punie par la populace, de la manière la
plus cruelle 5 elle fut faccagée : c'eft cette même
ville qui vient encore d'être réduite en un monceau
de ruines, pour avoir embraflé la caufe du
patriotifme. L'incendie fe communiqua rapidement
dans les provinces de Hollande , d’Utrecht
& d’Over-Iffel ; partout il fallut fe foumettre,
& imiter l’exemple de la Zélande, pour éviter
une ruine univerfeile. Les Etats-Généraux ne tardèrent
pas à déclarer Guillaume I V , capitaine
& amiral général de la république ; les différentes
commiftions de ces charges furent dref-
fées dans les termes les plus indéfinis : il y eft
dit que Guillaume I V , exercera ces charges fur
lé même pied que les princes fes prédéceffeurs.
On ne penfa pas plus à lui donner des inftruc-
tions, qu'on n'y avoit penfé pour les autres,
& cependant l’abus que fes prédéceffeurs avoient
fait de l'autorité qui leur étoit confiée , auroit dû
ouvrir les yeux de la natiçn. Guillaume IV
en porta l'abus bien plus loin encore que les autres
} quoiqu'il ait eu la politique de ne faire
jamais aucun excès éclatant d’autorité, il eût été
dangereux pour lès régens qui en gémiffoient ,
plus pour eux-mêmes encore que pour le peÛ7
p !e , de chercher à mettre un frein à l'ambition
de ce prince; ils en auroient bientôt été punis par
la perte de leurs emplois.
Outre les honneurs exceftifs qu'011 rendit à
Guillaume IV , à fon arrivée à la Haye , & partout
où il fe montra après fon exaltation , on lui
prodigua les titres , les récompenfes & les bienfaits
: on n'auroit pu faire davantage, s'il eût
été fouverain, 8c il l'étoit de fait. Cependant,
quel bien ce prince fit-il à l’état ? ou plutôt quel
mal ne lui fit-il pas ? Ses créatures avides d'honneurs
& d'argent, régnèrent avec lu i, & foulèrent
impunément les malheureux citoyens qui
étoient fous leur adminiftratic-n. Les re'gens les
moins portés en fa faveur, furent dépofés pat
lui-même dans toutes les villes.
Guillaume IV mourut en 175-1 ; il laiffa l'état
dans une fituation déplorable. La marine & les-
places frontières reftèrent dans le plus grand délabrement,
& telles que ce prince les âvoit
trouvé à fon avènement; de nouveaux abus augmentèrent
le nombre de ceux qui exiftoient déjà :
comme fi Guillaume n’avoit pas eu affez de.
moyens de corruption, en nommant à tous les
emplois, à toutes les charges civiles & militaires
de l'é ta t, fous prétexte que la nomination à
ces emplois, étoit une prérogative inhérente à fes
dignités, fans qu'il put en produire d’autre titre
que 1 abus même de fes prédéceffeurs : comme
fi , dis je , cë prince n'eût pas eu affez de moyens
de fe faire des créatures, & de fe les attacher,
on accumula fur fa tête de nouveaux titres &
de nouvelles dignités ; on lui accorda d'abord la
trente troifième partie de tous les dividendes de
la compagnie des grandes Indes, & peu après il
fut nommé gouverneur &r directeur - général de
cette compagnie. En cette qualité, il eut le droit
de nomination à toutes les places de directeur ordinaire
de ladite compagnie, & des offices lucratifs
attachés à cette immenfe direétion. La compagnie
des Indes occidentales lui accorda quatre
pour cent de tous les dividendes, & le choi-
fit, comme celle des Indes orientales, pour fon
gouverneur & directeur général. Il a tranfinis à
fon fucceffeur ces nouvelles dignités, fes émo-
lumens, & toutes fes autres charges & titres héréditaires.
Guillaume IV laiffa un fils & une fille en minorité
; la princefie d'Angleterre fon epoufe, fut
déclarée gouvernante jufqù’ù la majorité de Guillaume
V . Le duc Louis de Brunfwick, appelle
par Guillaume IV du fond de l'Allemagne pour