
exécutions publiques ; 8c pour les contenir , on
les a entourés de troupes étrangères ; mais fi le
tréfor public n'eft employé que pour la grandeur
& la fureté de Tétât , fi les magiftrats eux-mêmes
fe foumettent , comme par le paffé aux charges
les plus dures} fi les particuliers ne s’enrichiiîent
pas aux dépens des revenus publics, ou fi les contributions
des citoyens ne fervent pas d'aliment à
l'extravagance & au luxe } fi oerfonne ne
peut fe fouftraire aux loix, & fi pour parvenir
à l'autorité & aux places, il faut du moins
avoir l’apparence de Thonnêteté & des lumières ,
le peuple ne fe plaindra pas de tout ce qu'il eft
obligé de payer 8c de fouffrir : en effet ce n'eft
pas le poids des impôts 8c des charges publiques
, qui a occafionné les derniers troubles}
ils ont été occafionnés par la prétention du ftat-
houder 8c celles des nobles.
8°. Ces nobles ou ces ariftocrates , dont nous
dévoilerons tout à Theure les manoeuvres, & qui
dans la dernière guerre civile, font devenus à
la fin les plus grands ennemis des défenfeursde la
liberté' , defcendent des anciennes familles an-
noblies par leurs^ premiers fouverains} il y en a
très peu dans les provinces de Hollande 8c de
•Zélande ; ils ont prefque tous péri dans les guerres
contre TEipagne} mais dans les autres leur
nombre n'eft que trop confidérable relativement
à l'étendue du pays. I c i , comme en Allemagne,
tous les enfans prennent le titre de leurs pères ,
fur-tout parmi les comtes 8c les barons : quoique
les commerce ait fait la fortune des^ Provinces
Unies; quoique aucun gouvernement n'ait mis
autant de moyens en ufage pour d'encourager,
ces comtes ou barons fe croiroient déshonorés ,
s'ils s'adonnoient au commerce , s'ils fejivroient
à une profeffion libérale , ou s'ils époufoient une
femme qui n'eft pas de leur rang , lors même
que , fe trouvant dans la plus grande pauvreté ,
ce mariage rétabliroitleur fortune; ils parviennent
communément aux charges civiles ou militaires
de" leur province ou de la confédération. Ils mettent
plus de prix à leur nobleffe, qu’on n'en met
ordinairement dans les pays où elle eft plus commune
, & ils confervent encore la fierté & la
morgue des efpagnols , leurs anciens, maîtres :
ces ariftocrates ont cherché jufqu'ici à diminuer
la liberté du peuple : ils ont favorifé les vues
du fhthouder , lorfqu'ils les ont crues favorables
à celles de leur grandeur, & ils reconnoîtront
peut-être qu'il eût été pius fage de fe réunir au
peuple, & que la dernière révolution*ne leur a
pas été moins funefte qu’au corps de la nation.
De la conduite des Jhthouders depuis Guillaume Z,
£r> de lisrs ufurpations qui ont amené la dernière
révolution,
( Les détails qu’on va lir e , font tirés d’un
très - bon écrit intitulé : Précis h.iJIorique de. U
révolution qui vient de s'opérer en Hollande ) ,
L'hiftoire de la république hollandoife attefte
que le peuple y a toujours été le jouet 8c Tef-
clave ou des ftathouders ou des ariftocrates, 8c
plus fouvent encore du defpotifme fiathoudérien
combiné avec Tanftocratie la plus effrénée dans
un fens & la plus rampante dans l ’autre. Guillaume
I , gouverna la république en fouverain ,
les états furent obligés de lui donner une autorité
prefque illimitée } il avoit befoin de n'être
pas trop gêné dans l'exercice de fes charges ,
fur-tout dans celle de généraliflîmme de l'armée
de la république, dont il payoit à fes frais une
partie des troupes qu'il avoit levées en -Aile*,
magne. Guillaume I , mérita la confiance des
états & celle de la nation jufqu'au moment où
il manifefta fes vues d'ambition} on reconnut
alors que ce prince n'avoit arraché le fceptre des
Provinces- Unies à Philippe I I , que pour lé porter
lui-même , & ce projet fecret étoit au moment
de s'exécuter, lorfque Guillaume I , fut
aflafliné à Drift. Le peuple qui avoit combattu
pour la liberté, fous la conduite de ce prince,
n’en goûta pas les douceurs. Cette liberté étoit
encore très-précaire, & la nation ne pouvoit fe
eonfoler des maux qu'elle enduroit que par Tef-
poir d'un, avenir plus heureux. Guillaume I , en
mourant, laifia la nation luttant contre le tyran
Philippe, & très-incertaine encore de pouvoir fe
fouftraire à fa domination, quoiqu’elle fe fût déclarée
libre & indépendante. Gn ne peut dire
cependant que Guillaume fut réellement Toppref-
feur du peuple, mais s'il eût vécu encore quelques
mois, il feroit mort fouverain des Provinces-
Unies} & on a bien tort dé le regarder comme
le martyr de la liberté. Le peuple, toujours outré
dans fon amour comme dans fa haine, avoit
donné à ce prince le furnom dçp'ere , & c'cft encore
ainfi que le diftinguent les aveugles parti-
fans de la maifon d'Orange, en le nommant Va-
der Willem, ( père Guillaume ).
A Guillaume I , fuccéda Maurice fon fils,
âgé de 18 ans. Les états lui déférèrent prefque
toute l’autorité que fon père s'étoit arrogée. Il
répondît d’abord auxv grandes efpérances qu'on
avoit conçues de lui. Initié dans la politique, par
le fameux Barneveldt, fon ami, & pour ainfi dire
, fon prote&eur dans l'é ta t, Maurice rendit
des fervices éclatans à la nation. Il battit 8c déconcerta
les généraux efpagnols, & donna la première
cônfiftance à la liberté nationale que Guillaume
avoit laiflee très-chancelante. Maurice ne
fut pas moins ambitieux que fon perè; comme
lu i, il afpira à la fouveraineté. Dès que Barneveldt
eût démêlé fes defteins, il mit tout en oeuvre
pour les lui faire abandonner} & ne pouvant
y réuflir, ce grand homme les croifa , 8c les fit
échouer. Maurice s'en vengea cruellement : Barneveldc
néveld perdît la tête fur un échaffâud. Ge ref-
pedhble vieillard fut le premier martyr de la liberté
républicaine, immolé, à l'ambition des ftathouders.
Maurice ne profita pas de fon crime}
la mort le furprit lui-même peu de temps après.
Ge prince ambitieux, vindicatif 8c hypocrite,
ne laiffa point d'enfans légitimes, n'ayant point
été marié.
Frédéric Henri, fon frère puîné, fils de Louife
de C o lign i, lui fuccéda dans toutes fes charges
& dignités. G'eft le feul des ftathouders qui ait
véritablement aimé fa patrie, & qui n'ait pas
cherché à l'aflervir. On ne peut lui reprocher
aucun adte de defpotifme} il eut la gloire -de terminer
la guerre avec TEfpagne, 8c de voir enfin
la république reconnue pour état libre & indépendant,
par la maifon d'Autriche elle-même.
Frédéric Henri n'étoit pas fans défaut, mais fes
defauts étoient compenfés par des vertus civiles,
8c par un amour défintéreffé pour la patrie.
Heureufe là république, fi les fuccëfleurs de ce
pfince enflent été aufli bien intentionnés ! Quel-
flUes-uns Taccufent d'avoir afpiré à la fouverai-
riêté de certaines provinces reliées fidèles à TEfpagne,
8c d'avoir fait un accord fecret avec la
France pour partager avec cette puiflance les
Pays-Bas autrichiens. Si ce fait eft réel, il laifie
une tache à la mémoire de ce prince , car l'exécution
auroit entraîné infailliblement la ruine de
la république. S'il né l'eût pas affervie lui-même.,
quelqu’un de fes fuccefiTeurs s'en feroit rendu facilement
le maître : mais ce reproche n'eft pas
afifez prouvé pour le croire bien fondé..
Guillaume II., fon fils, lui fuccéda 8c fut élevé
à toutes les dignités de fon père. C e prince ref-
fembloit plus à Maurice fon oncle, qu’à Frédéric
Henri. 11 étoit plein d’ambition ; quoique fort
jeune, il'vouloir commander par lui-même, 8c
necoutoit guères les états fes maîtres. Il entreprit
lé fîège d'Amfterdam, qu'il voulut furpren-
drê pour y changer quelques régens les plus op-
pofés à fon défpotifme. Il manqua fon coup,
parce qu'il fut découvert à temps , mais il fit capituler
cette ville , il y entra , & quoique fans
fuite nailîtâiré , il dépofa en perfonne, à la mai-
fon;de villé,'plùfiéuts dignes magiftrats, avec la
même autorité'que s'il eût été fouverain. Il re vint
à la-'Haÿë tj & lés états eurent la lâcheté
de le complimenter fur fon retour, quoiqu'il
vînt de faire’ un adfce qui aviliffoit leur fouve-
ratnété. Il môurut bientôt après en Gueldre, de
là peti'té1 véVolè, à l'âgé de vingt cinq ans. Par
fa : mort premàturée , la république échappa au
danger1 imminent d’être afterviê, car'ce prince
eh avoit formé' le' projet', 8é il avoit toutes les
qualités propres à exécuter fort plan. On ne fe
trompé probablement pâs 'efi attribuant à celui-ci
un accord avec là 'France’ pour conquérir & partager
les provinces que là maifon d’Autriche avoit
cohfetvées' dans les Pays-Bas.
QEcon. polit. & diplomatique. Tom. l l î ,
Il faut remarquer que ces quatre ftathouders
exercèrent les trois grandes charges de l’état, fans
aucune inftrudrion fixe, relative à l’exercice de ces
hautes & dangereufes dignités. Les états en
avoient drefTé une pour Maurice, mais ce prince
ne voulut pas l'accepter ; il reçut feulement un'
confeil avec lequel il de.voic s’entendrë pour les
opérations militaires 8c autres , relatives à fe£
charges. Il lui fut facile de corrompre les membres
de ce confeil} U les maîtrifa conftamrrient,
& ne fuivit jamâis que fon propre avis > il agit,
plus d’une fois , diréélement contre les ordres
des états.
Guillaume H , ne laifia qu’ un fils pofihume f
c ’eft le fameux. Guillaume I I I , qui monta en-
fuite fur le, trône dAngteterre, après en avoir
fait defcçndre fon bèau-père.
| Les états, impatiens de gouverner feuls, fatigués
des maîtres qu’ils s’étoient donnés, en fe
donnant des ftathouders, faifirent i’occafion d’abolir
cette dignité, ou du moins d’en priver à
jamais les princes de la maifon d’Orange. Guillaume
III, étoit au berceau j le ftathoudérat n'avoit
pas été rendu héréditaire , non plus que les
deux autres grandes charges de l’é ta t} on réfo-
lut d'en priver polir toujours le prince enfant ;
cinq provinces, favoir : la Gueldre j la Hollande
, la Zélande, Utrecht & Over.-IfTel, fe déterminèrent
à ne plus avoir de ftathouder-Princei
Quant aux provinces de Frife & de Gronim
gue, elles avoiéht lé leur particulier > les defeen-
dans de Jean de Naffair, frère de Guillaume I s
y jemplifibient cette dignité. La Hollande alla
même plus loin que les quatre autres; les états de
cette province publièrent l'a&e d'exclufion contre
Guillaume I I I , en ié y 4 , &c l'édit perpétuel
en \66y.
Cependant Guillaume I I I , avoit un parti allez
confidérable dans l'état,' & Tariftocratie, qui fe
faifoit fentir avec toute fa rigueur & fa morgue,
avoit de grands ennemis. Le parti du prince ca-
bala fi bien , 8c le prince lui-même intrigua avec
tant d’habileté, que la révolte de la populace
en fa faveur éclata de.'toutes parts en Holiandé
8c en Zélande. Libelles , écrits féditieux , fermons
fanatiques , menées fecrètes, • trahifons,
corruption, tous ces moyens honteux furent mis
en oeuvre en faveur de Guillaume I I I , 8c mieux
encore , la guerre que la France 8c l'Angleterre
déclarèrent à la république, en i 6y i , tout
réufîit au gré du prince} le ftathoudérat fut rétabli
, 8c le fameux édit perpétuel aboli. Guillaume
I I I , entra dans laT pofiTdfion des trois
grandes charges} les états furent contraints de
lui céder lé gouvernement fuprême, ne confer-
vant que Tombte de l'autorité. Ils eure’nt même
la foibîeflTe dé ne donner à ce prince que des
commiflions v*gués pour l’exércice de fès importantes
fondrions, fans penfer même à lui donner
des jnftrüdrions limitées^ A cettê faute, ils