
fous la domination de la R.utfic : voye{ l’article
C r im é e . On compte aufli parmi Jes pays tributaires
de l’Empire ottoman, en Afie , la Mingrelie i
ou la Géorgie ï ( mais on fait que le çzar de l’une
des parties de la Géorgie s’eft reconnu vaffal de
la Ruflie , & qu’ il ne paye plus de tributs à la
P o r t e ) , le pays d’Imirette, la principauté de
Guriel , une partie de l’Arabie petrée & une autre
partie de l'Arabie déferte > en Afrique, les
régences d’ Alge r , de Tunis & de Trip oly , où
l’autorité du grand-feigneur eft devenue prefque
nulle.
Nous avons parlé à l’article Eg y p t e de l’autorité
qu’il conferve dans ce pays : il y a lieu
de croire que le capitan-pacha, qui s’y trouve
aujourd’hui avec une armée & une èfcadre, ne
pourra ramener ce royaume à i’obéiffance. La
Porte a perdu, dans le cours de ce fiècle, fon
influence & fon autorité en Egypte , dans les
trois royaumes d’Alger , de Tunis & de T r ipoly.,
en Crimée, dans une partie de la Géorgie j
& il paroît que l’Imirette , la principauté de Guriel
, l’Arabie petrée & l’Arabie deferte fé font
à-peu-près affranchies de la vaffalité ; & ces pertes
doivent indiquer au divan la grande* catallro-
phe qui menace l’Empire.^
Après cette remarque générale fur les pays tributaires
de l’Empire ottoman , nous allons donner
quelques détails fur les tartares, qui femblent
être encore fuzerains de la Porte.
Dijférens tartares (y leurs diJîrlBs.
Outre les tartares d’Obrutz établis-dans la Bulgarie
y 8c les tartares lipkes établis dans la haute
Moldavie , on en trouve plufieurs autres depuis
le bras feptentrional du Danube , qui fe jette
dans la mer Noire jufqu’ au Don , fur un terrein
de plus de cent milles qui borde les mers Noire
& d’Azof. Les géographes donnent communément
à ce pays le nom de Tartarie d'Europe :
mais cette dénomination n’eft point du tout jufte ,
puifqu’il y a en Europe d’autres tartares que ceux-
ci. Les tartares fe font emparés, dans la première
moitié du fiècle, de cette étendue conlidérable
de pays qui fait partie de l’ancienne Scythie
européenne : voye^ l’article C r im é e . Une .partie
de ces tartares va d’un endroit à l’autre par hordes
, c’ eft-à-dire, par troupes ou compagnies }
mais l’autre a des demeures fixes, des villes ,
des bourgs & des villages. Plufieurs dépendoient
du khan de Crimée, qui lui-même étoit vaffal du
grand-feigneur. Mais depuis que Catherine II s’ell
emparée de la Crimée, & qu’il n’y a plus de
khan, nous ignorons fi ces tartares font toujours
fous une forte de dépendance de la Porte. Au-
deffous d’eux , fur la côte de la mer N o ire , on
trouve un peuple pay en qui n’ a point de . nom
particulier, & dont la langue a du rapport avec
rails mande. Les goths out anciennement habité
cette contrée : ce peuple en eft peut - être un
re lie , & il eft poffible que le flambeau de l’E-
yangile fe fût éteint chez lui.
Le pays des tartares qui ont paru jufqu’à prç-
fent tributaires.de la Porte 9 eft divifé en trois
parties.
i p. La partie qui eft entre le bras du Danube
le plus feptentrional & le Nieller , près de la
mer N o ir e , eft la Beffarabie que les tartares
nomment Budfchack : elle a appartenu autrefois
à la baffe-Moldavie. Les habitans defeendent des
anciens budins, ou du moins ils ont hérité de
leur nom. On les appelle tartares b udfchakes ,
bielgorodes & a k e rm a n sà caul’e des villes de
Tu.iziak & de Bielgorod ou Akerman. Hérodote
donne aux akermans le nom d’ariakes , qui vient
d’ak-fia, eau blanche, à caufe du Nieller qui y
coule, & dont l’eau eft trouble & blanchâtre.
Ils portent encore, ainfi qu’autrefois, le nom de
horde blanche, & ils vont d’un endroit à l’autre
en côtoyant le Nieller. Ils fe nourriffent ordinairement
de la chair de leurs boeufs & de leurs
chevaux, de fromage & de lait, fur-tout de lait
de jument.
2W. La province d’Otfchokow, ou ïe pays entre
le Nieller & le Nieper , n’étoit autrefois habité
que fur les bords de ces deux fleuves &
près de la mer $ le relie étoit defert > & de-là
vient qu’on l’appelloit la Plaine déferte. Elle a de
bons pâturages, mais point d’arbres j & Charles
X I I , roi de Suède, la traverfa avec beaucoup
de peine, en 1709,' après la malheureufe
bataille de Pultawa-’, pour gagner la Turquie. Une
grande partie de ce canton appartient aux cofa-
ques Saporog, qui font préfentement fous la domination
ruffe, & qui regardent comme leur ancienne
frontière la Sinucha, qui fe jette dans le
Bog. La Rutile y pofïede d’ ailleurs la nouvelle-
Servie, près de l’Ingul & de l’Ingulez ( rivières ).
3°. Le territoire du khan de Crimée, ou le
pays qui eft entre le Nieper & l’embouchure du
Don.
La portion du pays qu’on appelle Terre-
ferme , & qui s’étend le long de la mer Noire
& de celle d’A z o f , eft habitée par une peuplade
des petits tartares nogayes , dont l'autre
partie féjourne en Afie. Ils vont d’un endroit à
l'autre, mettent trente lieues de diftance entre
leurs hordes, & s’appliquent rarement à l’agriculture.
Ils préfèrent, comme les tartares de Crimée,
la chair de cheval à toute autre nourriture. Ils exercent
une très-grande hofpitalité, & ne demandent
rien aux étrangers pour leur nourriture & le fourage
de leurs chevaux ; mais fi on leur fait un préfent
de tabac ou d’autres chofes, ils le reçoivent avec
reconnoiffance. Ils profeffént le mahométifme ;
ils étoient gouvernés par des beys ou mûries
tirés de leur nation , ou par ceux d entr’eux que
le khan de Crimée établiffoit. Pour cè qui eft
des limites de ce pays, depuis le Nieper jüfqu’au
Tanaïs, il a é té.réglé, par la paix de Belgrade
de 1759 , qu’on tireroit une ligne depuis la petite
rivière de Saliwy-Konskich-Wod, ( qui fe
jette dalis le Nieper au-deffous de la Samara ,
environ à moitié chemin entre Kudak & Sapo-
rozkaja Sietfcha ou Setfcha des Saporogs ) , juf-
qu’ à la petite rivière de Berda qui fe jette dans
la mer d’Azof. Lé dillriél qui eft en-dedans de
ce pays, ou au midi vers la Crimée, étoit fournis
au khan des tartares , & nous ignorons s’ il
fe trouvejiujburd’hui fournis à Catherine II. Le
dillriét beaucoup plus confidérable, qui eft vers
lé nord, appartenoit déjà , avant la ceifion de
la'Crimée , à l’empire de Ruflie. Les anciens pat-
zinagues ont habité le premier diflriél à l'embouchure
du Nieper.
La prefqu’ifle de Crimée ( Ckerfonefus Taurica) :
nous en avons parlé à l’article C r im é e .
Nous aurions voulu décrire les provinces de
l’Empire ottoman en Afie } mais les détails que
nous nous fommes procurés , font trop confus &
trop' inexacts.
S E C T I O N I I Ie.
D ü f o l , des productions, de la population , des
’grecs , de la nobleJfet de la religion de la Tur-
.quie d'Europe, & de quelques ufages ou loix qui
ont rapport au commerce, a la population & a
<7* indufîrie de cette partie des domaines de U Empire
ottoman;
Climat, fol.
L ’ air de la Turquie en Europe eft fain y mais
on y prend fi peu de précautions contre la pelle ,
qu’ elle y fait toutes les années des ravages : en
général elle vient d’Egypte, & elle enlève quelquefois
à Conftaniinople jufqu’ à la cinquième partie
des habitans. Toutes les provinces ont un fol
plus ou moins fertile, & l’agriculture & l ’entretien
du bétail y font d’un bon rapport : chaque
année on en exporte une infinité de productions
du Crû du pays. Cependant depuis lé
règne de Mahomet III l’agriculture, accablée de
trop d’impôts eft tellement tombée, que la famine
e lia craindre fi la récolte n’eft pas favorable. Les
turcs fe livrent peu à ce genre d’induftrie, & ce
font des chrétiens qui cultivent les terres. Les vins
de Santorin & de Malvoifie paffent pour les meilleurs
de la Turquie d’Europe.
Population.
l a population eft peu confidérable relativement
à l’étendue Bé à la fertilité des terres. On ne doit
pas .même s’ étonner qii’ii y en ait un iï gund
nombre d’incultes , & que la population y diminue
de jour en jou r, iî l’on forige à la p elte ,
à, la polygamie, aux guerres fréquentes, ' à la
multiplicité des impôts & à l’oppreflion du
peuple ; & autfi à ces émigrations û communes
depuis 1740, de grecs , d’arméniens & de
vaiaques, qui fe retirent en Ruffie, en Pologne,
en Hongrie , fur le territoire de Venife & de
Ragufe j comme les turcs d’Afie fe réfugient dans
les états voifins, en Perfe 8e chez les tartares.
Des cantons autrefois .remplis de villages font
aujourd hui prefque déferts : cette dépopulation
fe remarque fur-tout dans la Valachie 8e la Moldavie
: les provinces limées aux environs de Conf-
tantihople y en particulier là Romanie, font mieux
cultivées Se mieux peuplées. La Turquie d’Europe
eft habitée par des turcs, des grecs, des
arméniens, des terviens, des bofniens, des bulgares,
des vaiaques 8e des tartares. On y trouve
de plus un grand nombre de juifs, fur-tout à Conf-
tantinople 8e. à Salonique.
Les grecs anciens furpafient les turcs en nombre
prefque par-tout, Se en particulier dans le
plat pays. On cortipte dans la feule ville de Conf-
tantinople jufqu’ à 300,000 grecs, 8e dans les illes
il n’y a point d’autres habitans.. Ils font accoutumés
à la domination des turcs, qui les traitent
avec une extrême dureté. Pour fe garantir de leur
intelligence avec les ennemis, ou de quelque projet
de révolté1, on' les défarme lorfque la Porte'
■ ottomane eft en guerre avec une puiflance chrétienne.
On-leur fait payer tous les ans , à la fête
du Beiram , une capitation qui eft aéluellement
itè cinq piallres turques, ou d’ un ducat & demi par
tête : les enfans n'en font affranchis que j ufqu’au
moment où ils ne peuvent plus pafler leur tête
dans une certaine mefure , dont les colle&eurs
de la capitation font toujours munis : un mendiant
eft même obligé de la payer, finon il eft
retenu en prifon jufqu'à ce qu’il fe trouve des
gens charitables qui paient pour lui : cette capitation
eft plus forte pour les ecclélîaftiques ; un
diacre, par exemple , eft taxé à deux ducats, un
archimandrite à quatre : les éyêques, archevêques
& patriarches paient de greffes fommes, fixées
le plus fouvent par l'avidité & le caprice du
grand-vifir 8c des hachas. Les impofitions fur les
marchands fe règlent d'après le prix des marchandises
qu'ils font venir du dehors. En'géné-
ra l, les turcs recherchent toutes les occafiôns
d'extorquer cle l'argent aux, grecs, 8c fu r -to u t
aux gens d'églife. Au moyen de cette contribution,
les grecs jouiffent de la proteflion de la
Porte ottomane , 8c font maintenus -dans la trah-
quille poffeffion de ce qui leur appartient. En général
, un turc ofe bien les outrager ; mais U
n'ofe pas entrer dans leurs maifons contre leur