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duftrie. Une calamité publique qui détruirait, la .
forme républicaine du gouvernement, qui feroit
paffer toute l’ adminiftration dans les mains des
nobles & des foldats, qui anéantiroit l’impor- !
tance de ces riches négocians, leur rendrait dé- j
fagréable le féjour d'un pays où ils ne feroient
plus refpe&és > ils fe tranfporteroient eux & leur
capital dans qùelqu’autre contrée, où l’ induftrie
& le commerce de la Hollande fuivroient les capitaux
qui les foutiennent. V'oye^ lès articles C h a r ges
publiques'& C ontributions du dictionnaire
de Finances.
IN A L IÉN A B IL IT É des domaines de la cou- !
ronne. C e mot n’ a pas befoin de définition : nous '
avons déjà traité cette queftion à l’article A lién
a t io n . Les cffconftances nous déterminent à
-ajouter ici d’autres remarques > les raifons qu’ on
a eu d’établir Y inaliénabilité du domaine fubfîf-
tent-ëllès; encore ?
Si ces domaines qui femblent rapporter quelque
chofe , coûtent une fomme confidérable pour les
réparations, les dédommagemens, & c . que les
hommes en faveur ne manquent jamais d’obtenir:,
eft-il raifonnable de dire toujours qu’il n’ eft
pas permis de les aliéner ? & parmi ceux qui foutiennent
la vieille maxime,' en eft-il un feul qui
fe foit donné la peine d’examiner ce petit fait ?
Eft-il poffible dans une monarchie, telle que
la monarchie françoife, d’empêcher ce défordre?
Zc quand on a de l’expérience, peut-on compter
fur les remèdes qu’on propoferoit dà-deffus ?
Les domaines paroiffent encore rapporter 13
•ou 14 cents mille livres j mais il faut en ôter
toutes les réparations qui abforbént quelquefois
le produitj & ne coûtent - ils pas des fommes
beaucoup plus fortes, lorfqu’on veut les racheter
? Les familles qui obtiennent gratuitement
quelques-uns de ces domaines, rie viennent-elles
pas 1 bout de les faire reprendre au roi -, fous
un autre prince ? & quel eft le prix exorbitant de
ces rachats ? Lors même que les familles rie font
aucune démarche pour tranfiger fur le rachat, ne
furvient-il pas des eirconftances où le miniftèré
croit qu’il eft utile de racheter ces domaines? &
quelle charge ne tombe pas alors fur le tréfor royal
pour prix de ces dédommagemens ?
Si on vendoit les domaines de la couronne dans
un moment de détreffe , n’en réfulteroit - il pas
deux avantages ?■ N ’affranchiroit-on pas le tréfor
de la charge des rachats toujours onéreux, & le
prix de la vente ne lui proçureroit-il pas un autre
foulagement ?
Les finances d’une grande nation gouvernée par
un monarque qui a une coür magnifique & une
nobleffe très-nombreufe, peuvent-elles être ad-
miniftrées avec fageffe & avec économie ? Les périodes
de détreffe ne doivent-ils pas revenir avec
une régularité effrayante ? Pour contribuer à l’ef-
prit d’ordre & d’économie, qui ne peut jamais
f a t permanent ? n’çft-il pas à défirsr que les re-
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venus du fouverain fe bornent aux contributions
de fes fujets ? Le prince alo‘rs ne fera-t-il pas
mieux averti de fes devoirs ? Si cet arrangement
doit produire peu d’effet, fautdl négliger les petits
moyens qui peuvent, empêcher les défaftres
& les calamités publiques ?
Les tribunaux & les jurifconfultes, qui rappellent
les vieilles maximes avec tant de confiance ÔC
de féeurité, ont-ils fait ces réflexions ?
Si on difoit aux étrangers : la nation la plus
éclairée de l’Europe avoit pour principe dé
ne pas permettre Y aliénation du domaine de la
couronne , à une époque où le fouverain n’avoic
pas d’autres revenus : elle avoit raifon > elle vou-
loit prévenir les impôts & le gafpillage des finances:
mais les chofes font bien changées : on a établi
des impôts de tous les genres : cependant la nation
eft accablée de dépenfes & de dettes : le
tréfor royal eft gêné : ces domaines ne rapportent
prefque rien ; & à des intervalles qui reviennent
fouvent, ils coûtent des fommes bien plus fortes
pour les rachats : la vente de ces domaines feroit,
d’une grande reffource, & on-s’en tient aux
vieux principes : que penfero,ient-ils de nous ?
Afin qu’il ne refte pas aux lecteurs de doutes
fur cette queftion , nous allons répondre à ce qu’on
a dit pour prouver que le domaihe de l'état eft
inaliénable par le droit public.
c* Les loix faites pour l’intérêt du repos public
, difenç les vieux publiciftes, ne veulent pas
que les murs des villes , les poffeffions des fou-
vèrains puiffent être aliénés, ni qùe les domaines
de l’éta t, q u i, félon les Vues du légiflateur
de chaque nation, doivent être éternels, foient
moins inébranlables que l’état même 5 les biens
de la république Yont facrés , & le prince n’a pas
la liberté d’en difpofer comme un particulier dif-
pofe de fa maifon , de fa vigne , de fon champ »«
Ces raifons étôient bonnes lorfque le domaine
formoit le feul revenu du fouverain : mais font*
elles bonnes aujourd’hui ? & s’il eft de l’intérêt
de l’état d’aliéner ces domaines, ne font-elles pas
en notre faveur ? ï
« Plufieurs écrivains, continuent-ils , en çta-
bliffant que les loix de leur pays rendent le domaine
public imprefcriptible , parlent de ces
loix comme fi elles étoient particulières à leur
nation , & comme fi elles pouvoient les oppofer
! aux autres peuples ». Mais ne s’abufent-ils-pas far
l’un & fur l’autre point ? Chaque état prétend
être majeur pour acquérir, & mineur pour aliéner
î & on tient dans toute fociété civile que la
I couronne & tout ce qui en dépend, eft inaliénable
5 mais ce principe, tout certain qu’ il eft en
foi y eft renfermé dans les lieux où il eft établi ;
aucune fociété, ce femble , ne peut l’oppofçr à
une fociété étrangère.
« C e retrait perpétuel du domaine des fouve-*
rains a quelque forte de rapport avec la cinquantième
année des juifs, qui étoit leur jubilé, c’eft*
à
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1 dird, une révîfibn générale de toutes les terres
dont on confervoit le premier partage ».
Sans doute, la maxime de Y inaliénabilité du
domaine de l’état eft à-peu-près univerfelle, parce
qu’elle fut établie par-tout, à l’époque où il importait
de ne pas laiffer au prince le droit de
ciifliper ce domaine : le fond de cette maxiriïe eft
encore vrai j car le domaine de l’état, qui fournit
au maintien & à la dépenfe de l’é ta t , provient
des contributions publiques j & fi les contributions
publiques des années à venir étoient
aliénables , le prince ne pourroit les aliéner. C e
qu’on dit des juifs ne mérite pas de réponfe 5 car
le cas eft très-différent. Les autres citations , tirées
des peuples anciens , ne prouvent rien non
plus j & nous obferverons feulement que cher
les nations de l’antiquité , où les fujets payoient
peu d’impôts, & où l’état faifoitpeu de dépenfe,
l ’inaliénabilité du domaine étoit fort fage 5 &
qu’ en général la même maxime eft utile par-tout,
lorfque ce domaine eft bien adminiftré , lorfqu’il
produit au lieu de coûter, & Iorfqu’ enfin il n’offre
pas une grande reffource à un gouvernement
obéré qui ne fait comment rétablir fes affaires.
Ainfi il eft inutile de nous rappeller les grecs de
nous dire : « que Thémiftocle incorporoit au do-
9? maine de l’état tout ce qui avoit une foîsap*
.s* partenu à la république d’Athènes, de quelque
9j manière & par quelque voie qu’ elle l’eût per-
9» du : qu’ il difoit que la prefcriptîon n’ a lieu ,
*9. ni contre les chofes facrées , ni. contre le do-
» maine fouverain de la république j & que les
9> mortels ne peuvent preferire contre Dieu qui
9?.. eft immmortel, ni les hommes privés contre la
» chofe publique ».
..ce Que Caton imita chez les romains la con-
>9 duite de Thémiftocle, & que les jurifconfultes
s»- de Rome mettent tout ce qui regarde la puif-
99 fance publique au nombre des chofes facrées
». que les loix doivent particulièrement protéger ».
Nous avons prouvé d’ ailleurs à l’article A liénation
que le domaine des empereurs romains
fe vendoit à perpétuité comme celui des particuliers
, parce que fans doute le gouvernement étoit
arrivé à l’époque où l’aliénation des domaines fe
trouvoit utile.
Alexandre Sévère n’a-1 il pas dit dans une lo i:
je rougirois que le fife inquiétât un acquéreur du
(domaine , apres que l'adjudication lui en a été faite
de bonne fo i y & qu'il en a payé le prix?
Les paroles d’Honorius & de Théodofe fur ce
fujet ne font pas moins .remarquables : « ni la
» juftice ni l’honneur , difent-ils , ne permet^
» tent point que le fife retire ce qu’ il a une fois
if vendu ».
Théodole & Valentinien l’ont décidé encore
plus expreffément ; & Conftantin le grand en a
fait un édit général, dont voici les propres termes
: cp nous faifons favoir à tous, que quiconque
»». acquiert ou a acquis des héritages de notre fife,
GLcon, polit, & diplomatique, Tom, III.
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» en eft Fait> lu i , les héritiers & fucceffeurs ,
» feigneurs perpétuels & incommutables , fans
.» que nous publions avoir aucun droit de les
” retirer».
Gratien, Valère & Théodofe étendirent ces
réglemens jufqu’aux donations pures & gratuites :
« quiconque, difent ils , poffède par notre libé-
» ralité impériale, ou par celle de nos prédécef-
> feurs , quelques biens domaniaux , fitués en la
•» province Afiatique & en celle de P o n t, en
I» fera propriétaire abfolu, avec pouvoir de les
» tranfmettre à fes defeendans, meme de les alie-
» ner hors de fa famille, par quelque forte de
» contrat que ce foit ».
Enfuite les françois qui tiennent pour maxime
que le domaine de la couronne eft inaliénable ,
favent-ilsbien qu'il ne l'a pas toujours été? Nous
avons prouvé à l'article A l i é n a t i o n que
Louis X IV s'écarta de cette maxime , & que
Colbert la jugea fauffe : nous ajouterons ici d’autres
preuves. (
Avant Hugues C ap e t, les fiefs n’ apanr été en
France que de fimples bienfaits de nos rois , ceux
qui les poffédoient ne pouvoient les aliéner, les
abolir ou les détruire. C e t ufage de Vinaliénabilité
fubfifta,. après que les fiefs furent devenus hé-,
réditaires fous la trôifième race. O r , les fiefs que
cette trôifième race pofiedoit fous les premiers rois
qu'elle nous a donnés, n'étoient pas des biens de
la royauté ; mais le patrimoine de la famille adapté
à la royauté en la perfonnè de Hugues C a p e t ,
& par conféquent originairement fujets à l’ufage
des fiefs, qui fe pratiquoit dans tout le royaume.
Cependant nos rois qui les premiers o n t, par
des conquêtes ou d'une autre manière , forme le
domaine de leur couronne, ont eu pendant longtemps
le pouvoir de l'aliéner comihe bon leur
fembloit ; & ils en ont tellement ufé , que des
domaines, qui leur appartenoient fous la première
& la fécondé race, & fort avant fous la troifiè-
me , ne' font plus aujourd’hui des domaines royaux.
C e n’eft que par l'ordonnance de Moulins,
du mois de février i j é é , que l'aliénation à perpétuité
du domaine de la couronne a été défendue.
Philippe le Bel eft le premier roi de France qui
ait défendu, par un édit exprès, l’aliénation du
domaine royal. Plufieurs de fes fuccelïeurs ont
renouvelle cette défenfe.
Aux états de Blois, dont je viens de citer l’ordonnance
, Henri III déclara quil étoit réfolu de
vendre des biens de fon domaine pour trois cents
mille livres de rente ; mais qu’il defiroit les vendre
de l'avis des députés de cette affemblée. Le 1 tiers-état réfolut de ne conferitir à cette aliénation
du domaine à perpétuité, ni pour le tout,
ni pour une partie. Le roi & d'autres perfonnes
des états envoyèrent confulter Bodin, député de
Vermandois, ce jurifconfulte fi connu par fa république
j Se Bodin répondit “ que, fmvant l’avis