
boucherie, sJéloignèrent pour toujours de Mada-
gafcar.
Remarques fur Us établijfemens quon a ejfayé d'y
former depuis. La cour de Verfailles a jette de
loin en loin quelques regards fur Madagafcar 3
mais fans en fentir. vivement le prix. Après
avoir perdu , par la guerre de 17 $6 3 tout Ton
commerce, elle a fend l'importance d'une ifle ,
dont la poffeffion lui auroit vraifemblablement
épargné ces calamités. Depuis on l'a vue occupée
du defîr de s'y établir. Les deux tentatives de 1770
& 1773 ne doivent pas l'avoir découragée, parce
qu'elles ont été faites lans plan > fans moyens j
& qu'au lieu d'y employer le fuperflu des habi-
tans de Bourbon , hommes pacifiques, fages &
acclimatés, on n'y a envoyé que des vagabonds
ramaftés dans les boues de l'Europe. Des mefu-
res plus fages & mieux combinées la conduiront
fièrement au but qu'elle fe propofe. C e n'eft pas
feulement la politique qui veut qu'on fe roidiffe
contre les difficultés inféparables de cette entre-
prife. L'humanité doit parler plus haut, plus énergiquement
encore que l'intérêt.
11 feroît glorieux pour la France de retirer un
peuple nombreux des horreurs de la barbarie 5 de
lui donnerdes moeurs honnêtes, une police exaéle,
des loix fages, une religion bienfaifante, des arts
utiles & agréables ; de l'élever au rang des nations
inftruites & civilifées.
M A D E R E , ifle de la mer Atlantique, appartenant
au Portugal.
Lorfque les monarques portugais formèrent,
au commencement du quinzième fiècle, le projet
d'étendre leur navigation & leur empire, c'é-
toit une opinion généralement établie que la mer
Atlantique étoit impraticable ; que les côtes occidentales
de l’Afrique , brûlées par la zone torride
3 ne pouvoient pas être habitées. C e préjugé
auroit pu être diffipé par quelques ouvrages
de l'antiquité , qui avoient échappé aux injures
du temps & de l'ignorance : mais on n'étoit pas
aftez familier avec ces favans écrits , pour y découvrir
des vérités qui n'étoient que confufement
énoncées. Il falloir que les maures & les arabes,
de qui l'Europe avoit déjà reçu tant de lumières,
nous éclairanent fur ces grands objets. A travers
un oCéan qui palîoit pour indomptable, ces peuples
tiroient des richeffes immenfes d'un pays
qu'on croyoit embrafé. Dans des expéditions,
dont la Barbarie fut le théâtre,, l'on fut inftruit
des fources de leur fortune, & l’on réfolut d'y
aller puifer. Des aventuriers de toutes les nations
formèrent ce projet. Henri , fils de Jean I ,
roi de Portugal, fut le feul qui prit des mefures
fages.
C e prince mit à profit le peu d'aftronomie que
les arabes avoient confervé. Un obfervatoire, où_
furent inftruits les jeunes gentilshommes qui com-
pofoient fa cour, s'éleva par fes ordres à Sagres ,
yiile des Algarves. I l eut beaucoup de part à I
l'invention de l ’aftrolabe , & fentit le premier
l ’utilité qu'on pouvoit tirer de la bouffole, qui
étoit déjà connue en Europe, mais dont on
n'avoit pas encore appliqué l'ufage à la navigation.
Les pilotes qui fe formèrent fous fes y e u x ,
découvrirent en 1419 Madere 3 que quelques favans
ont voulu regarder comme un foible débris
de l'Atlantide.
Quoi qu'il en foit de cette montrée réelle ou
imaginaire, c'eft une tradition fort accréditée
qu'à l'arrivée des portugais Madere étoit couverte
de forê ts } qu'on y mit le feu j que l'incendie
dura fept ans entiers, & qu'enfuite la terre fe
trouva d'une fertilité extraordinaire.
Etat de la culture. Sur ce fol qui a vingt-cinq
milles de long & dix de large , les portugais
ont 3 félon le dénombrement de 17 6 8 , formé
une population de foixante-trois mille neuf cents
treize {jerfonnes de tout âge & de tout fexe ,
diftribuées dans quarante - trois paroiffes , fept
bourgades, & la ville de Funchal , bâtie fans
beaucoup de goût fur la côte méridionale, dans
un vallon fertile , au pied de quelques montagnes
dont la pente douce eft couverte de jardins &
de maifons de campagne très-agréables. Sept ou
huit ruiffeaux, plus ou moins confîdérables , la
traverfent. Sa rade, la feule où il foit permis de
charger ou décharger les bâtimens, & la feule
par conféquent où l'on ait établi des douanes ,
eft très-fûre durant prefque toute l'année. Quand,
ce qui eft infiniment rare , les vents viennent
d'entre le fud-eft & l'oueft-nord-oueft, en paf-
fant par le fu d , il faut appareiller j mais heu-
reufement on peut prévoir le mauvais tems vingt-
quatre heures avant de l'éprouver.
Les crevaftes des montagnes, la couleur noirâtre
des pierres la lave mêlée avec la terre :
tout porte l'empreinte des anciens volcans.. Auffi
ne récolté- t - on que très-peu de grain, & les
habitans font réduits à tirer de l'étranger les trois
quarts de celui qu'ils confomment.
Les vignes font toute leur reffource. Elles occupent
la croupe de plufieurs montagnes , dont
le fommet eft couronné par des châtaigners. Des
haies de grenadiers, d'orangers, de citronniers ,
de myrtes, de rofîers fauvages les féparent. Le
raifin croît généralement fous des berceaux, &
mûrit à l'ombre. Les feps qui le produifent, font
baignés par de nombreux ruilfeaux qui, fortis des
hauteurs, ne fe perdent dans la plaine qu’après
avoir fait cent & cent détours dans les plantations.
Quelques propriétaires ont acquis ou ufurpé
le droit de tourner habituellement ces eaux à leur
avantage ; d'autres n'en ont la jouiftanee qu'une,
deux , trois fois la femaine. Ceux même qui
veulent former un nouveau vignoble fous un climat
ardent, dans un terrein fec où l'arrofement
eft indifpenfable, n'en peuvent partager le privilège
qu'en l'achetant fort cher.
Le produit des vignes fe partage toujours en
dix parts. Il y en a une pour le r o i, une pour le
clergé , quatre pour le proprietaire, & autant
pour le cultivateur. | .
L'ifle produit plufieurs efpeces de vin. Le meilleur
& le plus rare fort d'un plant tirégoriginairement
de Candie. Il a une douceur déheieufe,
eft connu fous le nom de malvoifie de Madere 3
& fe vend cent piftoles la pipe. Celui qui eft fec
ne coûte que fix ou fept cents francs, & trouve
fon principal débouché en Angleterre. Les qualités
inférieures & qui ne paffent pas quatre ou
cinq cents livres, font deftinés pour les Indes
orientales , pour quelques ifles & le continent
feptentrional de l'Amérique. # ^
Les récoltes s’élèvent communément a trente
mille pipes. Treize ou quatorze des meilleures
vont abreuver une grande partie du globe : le refte
eft bu dans le pays même, ou converti en vinaigre
& en eau-de-vie pour la confommation du
Brefil. , .
Revenus. Le revenu public eft forme par les
dixmes généralement perçues fur toutes les productions
î par un impôt de dix pour cent fur ce
qui entre dans l'ifle , & de douze pour cent fur
ce qui en fort, Ces objets réunis rendent environ
2,700,000 liv. Tels font cependant les dépenfes
ou les vices de Tadminiftration, que d'une fom-
me fi confidérable il ne revient prefque rien a la
métropole.- r
Gouvernement. La colonie eft gouvernée par un
chef qui domine auffi fur Porto-Santo , qui n a
que fept cents habitans & quelques vignes j fur
les falvages encore moins utiles j fur quelques autres
petites ifles entièrement défertes hors le tems
des pêches. On ne lui donne, pour la defenfe
d'un fi bel établiffement, que cent hommes de
troupes régulières j mais il difpofe de trois mille
hommes de milice qu'on affemble & qu'on exerce
un mois chaque année. Officiers & foldats, tout
dans ce corps fert fans folde ,~ fans que les places ;
'en foient moins recherchées. Elles procurent quelques
diftinétions, dont on eft plus avide dans
cette ifle que dans aucun lieu du monde. Voyei
l ’article P o r t u g a l & l'article A f r iq u e .
M A D E L A ï N E , ( ifles de la ) , fituéesen
Amérique, dépendantes de l'ifle de Saint-Jean ,
& appartenant à l'Angleterre. Voye£ l'article
J e a n ( S. ).
M A D R A S S , établiffement des anglois fur la
côte de Coromandel. Les anglois ont dans l'Inde
trois établiftemens généraux : celui de Bombay,
de Madrafs'üc de Calcutta ou du Bengale, lequel
, par les derniers réglemens , a obtenu la
fupériorité fur les autres.
Nous avons parle deTétabliffement de Bombay
à l'art. B o m b a y : nous avons parlé en général
des produirions & du commerce de la côte de C o romandel
à l’ article C o r o m a n d e l : nous donnerons
des détails généraux femblables à l'article
Ma l a b a r : nous avons ûit à l'article In do s-
t a n comment & à quelle époque les françois &
les, anglois fe font mêlés des révolutions politiques
de l'Indoftan, & nous avons fait fur cette
vafte contrée de l'Inde les obfervations qui nous
ontparu analogues à la nature de cet ouvrage : nous
avons donné à l'article Bengale le précis de l'hift.
politique du Bengale, & de la conquête qu'en
ont fait les anglois : nous avons .parlé de l'état
aituel du Bengale & des revenus qu'il produit :
nous avons fait des obfervations fur l'adminiitra-
tion tyrannique de la compagnie angloife, & fur
les moyens qu'on vient d'imaginer en Angleterre
pour la réformer : nous avons parlé des tribunaux
, de la navigation & du commerce du Bengale
: & le le&eur trouvera des articles particuliers
fur les diverfes fouverainetés de l'Inde, & fur
les établiftemens qu'y ont formé lesfrançois, les
hollandois & les danois. ^ v , .
Nous nous bornerons i c i , i ° . a un précis des
progrès de la compagnie angloife dans l'Inde, &
à des remarques fur l'état a&uel de cette compagnie
: 2°. nous rapporterons le nouvel a&e du
parlement fur l'adminiftration angloife dans l'Inde,
a£e qui n'avoit pas encore paffé à l'époque où
on a imprimé l'article Bengale , & nous ferons
quelques remarques fur cet aéfce : 30. nous donnerons
des détails fur l'établiffement àe Madrafs.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Précis des progrès de la compagnie angloife dans
l'Inde 3 & remarques fur l’état actuel de cette
compagnie.
En 1600 , une fociété de négocians de Londres
obtint un privilège exclufif pour le commerce
de l’ Inde. L’ aéte en fixoit la durée à quinze
ans. Il y étoit dit que fi ce privilège paroiffoit
nuifible au bien de l’é ta t, il feroit aboli & la
compagnie fiipprimée, en avertiffant les affociés
deux ans d’avance.
Cette réferve dut fon origine au chagrin que
les communes avoient récemment témoigné d’ une
conceflion qui pouvoit les bleffer par fa nouveauté.
Les fonds de la compagnie furent d'abord
peu confidérables. L’armement de quatre vaifleaux
qui partirent dans les premiers jours de 1601, en
abforba une partie. On embarqua le refte en argent
& en marchandifes.
Nous n’indiquerons pas ici les premiers pas de
cette compagnie. & les établiftemens qu'elle forma
dans les diverfes contrées de l’Inde : nous renvoyons
le lefteur à l’Hiftoire philofophique &
politique des établiftemens européens dans les
deux Indes. & aux divers articles que nous avons
fait dans cet ouvrage fur ces établiftemens.
La compagnie angloife établit bientôt des comptoirs
à Mazulipatam . à Calicut , en plufieurs