
p a fier a dans les Provinces.Unies à peu près félon
la volonté des ftathoudcrs, à moins qu'une révolution
en fenS\Çontraire ne rende au peuple une
partie des droits dont on vient de le dépouiller :
il eft donc à propos d'entrer dans des détails fur
cette matière.
S e c t i o n V I I Ie.
Du ftathoudérat, des derniers troubles des ProvincesÜnies
, & de la révolution opérée par les foldats
pruffiens.
Les Provinces- Unies avoient à peine fecoué le
joug de l’Efpagne , qu'elles fentirent le befoin
d’un chef qui les maintînt dans la liberté qu'elles
venoient d'obtenir. Elles jettèrent les yeux fur
Guillaume I , comte de Nafiau & prince d’O-
range, gouverneur alors pour le roi des comtés
de Hollande, de Zélande & d’Utrecht. C e prince
répondit à leur confiance. Cinq provinces le chargèrent
d'abord de leur gouvernement j elles le créèrent
même leur amiral & capitaine général : fori pouvoir
fur les comtés de Hollande 8c de Zélande
Fut fort étendu.
Avant d'entrer dans les détails & la conduite
des différens ftathoudeis, qu'il y a eu en Hollande
depuis Guillaume I , & des ufurpations fuceefii-
ves quî ont amené la dernière révolution ,, nous
ferons quelques ofcfervations préliminaires.
i°. L'autorité & les droits de ftathoudérat , font
décrits avec l'imperfedion de toutes les loix fondamentales
des Provinces Unies :dans le£ patentes
qu'accordèrent au prince Guillaume V , le B mars.
1766 y les états de Hollande & de Welt Frife, &
qu’accordèrent aufii bientôt les autres provinces
«. Ils le créèrenr, l'établirent & le nommèrent
» ftathouder 8c gouverneur héréditaire, comme
» aufii capitaine-général & amiral également hé-
»* rédicaire, pour étendre les limites, les droits
û & les privilèges de là république ; protéger &
« défendre tous & chacun endroit les habi-
?» tans qui s'y trouvent, maintenir l'exercice de
„ la religion réformée, en empêcher tous trou-
»» blés , eppreffion & dommage, qu'on pourroit
„ y apporter, 8c en foutenir les droits & immu-
„ nités ; comme aulfi de donner tout feceurs,
« qui pourroit Ksi être demandé en affaires juftes
99 & conformes aux loix du pays. Ils lui eoneé-
9> dèrent de plus le droit de pouvoir accorder
9» des lettres de grâces Se de pardon, mais du
9* confentement feulement du préiident & de la
99 cour fupérieure de la province , & en ’es pré-
9» venant, à charge toutefois que ces lettres foient
»» enregiftrées en bonne & due forme, & qu'elles
9? ne pourroht être accordées pour aifoifinats
9> & autres grands crimes commis de déficit! pré-
9j médité. Q u’en affaires militaires 8c de police
» il auroit lè droit de changer les boiirgueiïvef-
« très, k s échevins 8c les fiatnts, en feconf©*-
** mant toujours aux privilèges 8c aux droits lo-
» eaux , en fuivant les inftru&ions que les Etats-
» Généraux pourraient lui donner , & encore en
9» prévenant les eonfeils, que ceux-ci auroient
9» commis ; qu'il veillerait enfin exactement fur
» les fortereffes tant 3e terre ferme, que fur
» celles qui fe trouvent conftruites dans les files »
** & i'autorife à faire foit en matière privée, foit
>» en affaires d'états, tout ce que fa dignité femble-
»9 roit exiger, à quoi il s’oblige en prêtant fer-
» ment ». Le prince créé fiathouder étoit alors
âgé de 18 ans; il fut déclaré majeur, & commença
tout de fuite l'exercice des fondions qui
venoient de lui être confiées.
Les P rovinces- Uniesf\urent alors bien indiferètes,
& les derniers troubles les ont punis cruellement
de leur indiferétion. Pourquoi donner au ftathouder
le droit de faire grâce ; pourquoi le revêtir
d'une û grande autorité ; pourquoi réferver d’une
manière fi vague, les droits & les privilèges locaux
des peuples & des provinces ? ignoroient-
elles la marche de l'ambition, ne favoient-eiles
pas que le coeur de l ’homme délire toujours
d’augmenter fon crédit & fon pouvoir, & félon
lescirconftances qu’il met tout en ufage, pour arriver
à fbn but ; qu’un magiftrat environné d'un
fafte 8c d'un appareil qui approche de celui
des fouverains , iffu d'une famille qui a rendu
de grands fervices aux Provinces-Unies, qui eft
fouverain de plufieurs diftriéts du pays, doit inf-
pirer de l'effroi dans des provinces qui veulent
maintenir leur liberté ?
20. Dès les premiers temps du ftathoudérat, on
efiaya de fubordonner le ftathouder aux loix , aux
ufages & à la puiffançe fouveraine de l'état :
niais prit pn fur cela de bonnes précautions ?
30. Les Etats-Généraux fe font réferve expref-
fement le, pouvoir de faire la paix ou la guerre ,
de contrarier des alliances ayee les pays étrangers,
de lever des impôts, & de battre monnoie. Mais
fi le ftathouder par fon influence peut arrêter les
opérations de m guerre, ou les négociations de
paix ou d’alliance, que fîgnifie cette réferve ?
40. Le ftathouder a le commandement de toutes
les forces de terre 8c de mer : il eft capitaine
général & grand • amiral. Avant les dernières
troubles, il difpofoit de tous les emplois
militaires, des gouvernemens des villes, &e. il
cfaofiîflbit les magiftrats fur la préféntation des
fénats des différentes villes : on lui donnoit communément
la lifte de trois fujets, & il en éljfoit
un. Les provinces lui ont reproché au milieu des
troubles d'avoir étendu des privilèges qui ne lui
appartiennent pas ; & cette grande difeuffion ne
s'éclaircira plus guères par les aéfces & les loi-x :
les provinces avoient trop accordé, Je ftathouder
a voit trop ufurpé, les provinces vouloient, réduire
-des cou ce fiions indiferètes, arrêter les ufurpatîons,
en prévenir de nouvelles, & elles en
avoient le droit ; mas il ne s'agit plus de droits
depuis la dernière révolution.
Le ftathouder avoit jadis beaucoup d'influence
aux Etats-Généraux, qui ne fe convoquaient que
dans les occafions extraordinaires, comme, on l’a
déjà dit; & même depuis que les états font per-
mahens, ils n'ont jamais pris une réfoliition importante
fans fon approbation.
j° . Il eft très-difficile de connoître les ufages
& les loix politiques Provinces- Unies : ce qui
regarde les privilèges & les bornes du pouvoir du
ftathoudérat eft fur-tout fort obfcur ; il faut efpè-
rer qu’après les derniers troubles, 8c la malheureufe
révolution, qui en a été la fuite, un hollandais.
bien inftruit diffipera les ténèbres : nous dirons
en attendant qu'il faut chercher les privilèges
&: les bornes du pouvoir des ftathouders dans
fept adtes différens, qu'enfuite le ftathouder a
des droits & des prérogatives plus ou moins étendus
dans chacune des provinces particulières,
quoiqu'en* général fes devoirs en qualité de ftathouder,
foient, au fond , les mêmes relativement
à chaque province : ainfî il peut arriver
que la province de Gueldre , par exemple , n'ait
aucun reproche à lui faire fur fon adminiftration
lhthoudériene , lors, que la province d'Utrecht,
ou une autre, lui en fait de très-gravçs fur cet
objet. Il peut arriver, que le ftathouder ait fuivi
fes inftrudions particulières relativement à la
Gueldre, & que par rapport à cette province,
il n'ait pas étendu fes droits & fes privilèges
au-delà des bornes que la conftitution de Gueldre
lui a preferites, ou meme q ue , dans le cas
d ’un excès de fa part, la Gueldre veuille bien
fermer les yeux & ne pas fe plaindre ; tandis
qu’ayant dépafie fes droits ftathoudériens, par rapport
à Utrecht, cette province plus jaloufe de
la fouveraineté, r ne veut, ni fermer les yeux
fur l'atteinte portée à fa conftitution, ni étouffer
les juftes plaintes : II donc te ftathouder fatis-
fait à fes engagemens vis-à-vis d'une province,
& s’il y manque vis-à-vis d'une autre , quel fera
le juge compétent ? Les Etats-Généraux , peut-
être , cela devrait être; mais l'aéte fédératif,
ns leur attribue pas ce pouvoir ; lès Etats-Généraux
ne font pas les fouverains des provinces
particulières ni de leur ftathouder : par l’ade d’u
nion d’Utrecht, chaque province s'eft réferve
la fouveraineté pleine & entière dans fon territoire
par conféquent fur tous les fujets & mi-
niftres de la province. Les états de la province
pourraient être les feuls juges compétens du ftathouder
; ils peuvent l’appeller en jugement ils
peuvent décider fi tel ou tel droit, telle ou
telle prérogative font attachés à fa charge de ftat 1
houder, lorfque un membre intégrant de la fou- a
verairiefé particulière de la province fe plaint j d’une infra&ion , ou d’une entreprife inçonftitu- g
tiortnelle faite par le ftathouder; au refte, fi le
ftathouder étoit, en fa qualité de ftathouder, chef
éminent des provinces confédérées ; le corps re-
prefentatif de l’ union ferait fon juge naturel ;
mais il paraît que dans ces derniers temps, les
hommes qui lui font dévoués, ne vouloient pas
convenir de ces deux propofitions.
6°. La fiabilité & la tranquillité de la république
générale des Provinces- Unies y fe trouvent toujours
compromifes par l’imperfeétion des loix fondamen»
taies, & fur-tout par le ftathoudérat, dont on
a fixé les droits avec tant de négligence : elles dépendent
de l’accord des différens ordres, de la modération,
& de la droiture du ftathouder, 8c du
choix des officiers qui exercent les charges de
confiance aux Etats-Généraux, dans les provinces
& dans les vil es. Le phlegme & la réferve
naturelle du peuple eft néceffaire au maintien de
ce gouvernement ; car ne lui permettant pas d’avoir
la moindre part à l’admimftration , pas même
au choix des députés , la multiplicité des impôts
que fupportent toutes les provinces, & qui font
trois fois aufià confidérables que dans les gouvernemens
les plus arbitraires de l’Europe, Je defpo-
tifme des fénats de chaque ville & des états de
chaque province » feraient infupportables à des
hommes moins tranquilles que les hollandois.
Mais aufii le ftathouder, les nobles , les états &
les régens peuvent, félon les diverfes occafions,
féduire & gagner facilement le peuple.
Ceux qui font en place ont occafion de développer
leurs talens dans les débats des fénats &
des afiemblées provinciales, & iis augmentent ou
diminuent par-ià leur influence fur l’efprit de la
nation. Les lénats pour ne pas exciter la jaloufîe
& le mécontentement, choififfent ordinairement
des magiftrats & des députés qui font au gré du
peuple. Mais fouvent aufii on dédaigne de con-
fulter fes goûts.
Rien ne paraît plus défagréable aux hollan-
dois, que ce que l'on appelle un homme turbulent
; ils ne fupportent pas mieux celui qui, ayant
beaucoup d’efprit, afpire à favoir quelque chofe
de plus que fes concitoyens : quiconque veut
obtenir des emplois dans cet état, doit fe conduire
avec beaucoup de calme & d’adrefle, &
ne montrer fes talens que peu-à-peu ; & cette
difpofition donne lieu à de lourdes intrigues, toujours
dangereufes dans les républiques.
70. Les hoîlandois ne voulurent fupporter ni
impôts, ni opérations arbitraires, ni même la
vue des troupes étrangères, fous Jtr gouvernement
efpagnol : depuis la révolution , ils font devenus
plus traitables , parce qu’ ils fe font cru libres,
8c que fous cette apparence de liberté, ils J font devenus riches ; des loix violentes ont réprimé
leur caractère ; on leur a mis des taxes
plus confidérables peut-être que dans, aucun autre
gouvernement j on les a épouvantés par des