
commis d'autre crime que d'y obtempérer, il étoit
clair que c étoient les états de Hollande qu'il
falloit attaquer aü criminel.
Quoi , qu'on en ait dit dans les feuilles étrangères
Coudoyées par les ennemis du patriotifme ,
8c dans les papiers publics de quelques provinces,
les états de Hollande n’ont jamais eu aucune
intention hoftile en formant le cordon de leurs
frontières ; fi on examine impartialement les
époques des diverfes démarches qu'on leur reproche
, on les trouvera toujours motivées par
une néceffité indifpenfable de pourvoir à la sûreté
publique, ou au, maintien des privilèges de
la nation : ils n'ont voulu que lutter contre un
débordemenr de projets et d'entreprifes attentatoires
à la liberté civile. C'eft la funefte expédition
deHattem & d'Elbourg qui avoit déterminé
la fufpenfion du capitaine général, 8c la formation
du cordon des troupes , comme c'étoit la
rumeur arrivée à la Haye qui avoit déterminé l'in-
terdiéfion du commandement de la garnifon , &
comme c'eft enfin l’affaire du Vaart qui détermi-
noit l’entrée des troupes hollandoifes fur le territoire
d’Utrecht. Il fuffit de rapprocher tous les
ëvénemens pcur-faire voir qu'il n'en eft aucun,
fâcheux pour la cour de Nimegue , qui n'eut
été provoqué, 8c qui ne tirât fa néceflité de
l’ordre même des c-hofes. La France, qui Voyoit
avec douleur la guerre civile des Provinces- Unies,
effaya d'interpofer fa médiation ; elle y envoya
M . de Rayneval, qui entra en négociation avec
le minillre de Pruffe 8c le Stàdhouder ; mai-s
cettemégOtiation futânfruéfueufe, 8e on dit que
le Sradhouder ne pouvoit accepter les bafes de
la négociation entamée par les médiateurs de
Pruffe & de France, parce qü'il ne pouvoit fe
prêter à fon propre abaiffement : mais cette rai-
fon n'étoit qu'un fophifme , & un fophifme bien
déplorable dans fes- effets. C e n’étoit pas s'abaif-
fer que de rendre, généreüfement à un peuple
libre de ftérilcs p riviièges, fi fouvent conteftés,
(v dont aucune loi formelle nelui affuroit la pof-
feflion. C e n'éroit pas s'abaiffer que de faire à
l'amour de la paix des facrifices exigés par la
rai fon 8c le bon fens. C e n'étoit pas s'abaiffer
que de confentir à être le premier citoyen d'une
république, dont il réuniffoit fur fa tête les plus
ïlîufires emplois. Enfin , quand ces miférables
droits j auxquels on tient tant, feroient mille fois
mieux fondés qu'ils ne le font, ce n'étoit pas
s'abaiffer que d'y renoncer, lorfqu’ils paroiffoient
fi évidemment incompatibles. avec la liberté ,
l ’ indépendance , le repos 8c les voeux de la majeure
partie de la nation; car il ne faut pas
s’ y méprendre, malgré la pluralité des voix aux
Etats-Généraux & aux états particuliers de quatre
des provinces, il eft clair que la majeure partie
de la nation favorifoit les vues de la province
de Hollande.
Lorfque le parti • ftadhoudérien vit quelques
provinces difpofées à demander la médiation d«
la France, il profita de l’imperfeélion 8c de
l'obfcurité des conftitutions, des loix & des re-
glemens , pour écarter ce moyen de conciliation ;
Les états de Zélande déclarèrent qu'avant de
l'employer , on devoir faire ufage des expediens
conftit.utionnds qu'indiquoit l'article X V I de
l'aéle d'union.
Il ne faut qu'un peu de bon fens 8c une attention
médiocre pour s'appercevoir de l'artifice
groflîer de la réfolution des états de Zélande.
L'article X V I de l’union d’Utrecht femble vouloir
déterminer les moyens à employer pour concilier
les différens qui s'élèveront dans le fein
de la république fédérative ; jl diftingue deux cas ;
le premier,, celui où les différens concerneroient
quelques provinces particulières ; & il d it, « qu ils
feront terminés ou décidés par les autres provinces
ou par leurs députés. Le fécond cas eft
celui où la fciffion feroit établie entre toutes les
provinces en général , 8c alors l'aéâe veut « que
les ftadhouders de ces provinces en foi'ent les
médiateurs ou les juges. » Dans le tems où l'union
fut formée, chaque province avoit fon ftadhouder
particulier, élu par les états à v ie , & il n'étoit
pas héréditaire ; mais depuis que pour le malheur
irréparable de cette république, la chargé
de ftadhouder ,, fi utile dans fon origine, a éte^
abfolument dénaturée , qu'au lieu d'un dignitaire
éligible à vie., le premier officier de l'état en
eft devenu,"par le fait , le maître héréditaire ,
8c fur tout après que tous les ftadbouderats particuliers
ont été réunis fur une feule tê té , cette
dernière partie de l'article X V I de l'union èft
devenue impraticable, puifqu'on y fuppofe
une pluralité de perfonnés défintéreflees dans
la querelle "& impartiales , ou du moins en état
de fe contrebalancer l'une l’autre. Cepeiftlant,
le dernier cas de l'article X V I exiftoit, & non
| le premier , vu que la fciffion n'étoit pas dans
une feule province particulière , ou entre deux
provinces individuelles, mais entre toutes les
provinces en général, tandis que d'un côte Ta
Gueldre , la Zélande & la Frife avec la partie
des états d'Utrecht, qui s'affembloient à. Amersfoort
, s'étoient ligués , quoique dans des vueis
èc par des motifs différens , pour la caufe ftad-
houdérienne, 8c que , d'autre part, les provinces
de Hollande , dOver I ffe l, de Groningue , &
les états fiégeant à Utrecht .défendoient le fyf-
tême républicain. Dans l'impoffibilité donc de
réclamer la dernière partie de l'article en quef-
tion , & de vendre ainfi le, ftadhouder juge &
partie dans fa propre caufe, les états de Zélande,
facrifiant la bonne foi 8c la vérité au d'efîr de
traîner les affaires en longueur 8c d'ecarter la
France , diffimulèrent cette dernière . difpo-
fition de l'a été d’union que nous venons .de citer,;
8c n'alléguant que la première partie de l'article
X V I , ils l'appliquèrent à \i conjon&ure où
fetrouvoit la république, quoiqu’abfolument hors
de propos & contre la raifon la plus évidente.
En effet, quelle étoit la province qui n'avoit point
point pris de parti, foit pour la, défenfe de 1 ancienne
8t véritable conftitution , foit pour établir
fur fes débris l'oligarchie ftaihouderienne r II
étoit queftion du ca^, dont parle la refolutiôn
zélandoife, lorfque l'année d'auparavant les villes
de R ird e rw y k , d'Elbourg 8c de Hattem firent
fciffion avec la pluralité des états de Gueldre; le
moyen de terminer ce différend par 1 intervention
des autres confédérés fut réclame, conformement
à l'article X V I de l’union , par les provinces
de Hollande, d’Ove r-Iffel 8c,de Groningue :
mais le prince ftathouder & les états de Gueldre
fe refufèrent â ce moyen de conciliation, pref-
crit par la conftitution même, 8c la voie des ar
mes fut la feule qui leur plut. s
Tout le monde a vu avec horreur les details
du pillage de Middelbourg , & ce n’eft rien en
comparaifon de ce qui fe pafla dans la Zélande
fous la protection trop ouverte d’un certain nombre
de régens. Ces fcènes , donc le parti ftathoudérien
en Gueldre , avoit- donné l'exemple aux
ïélandois, fe renouvelèrent dans la ville de Har-
derwik, te s foldats du régiment de Marine du
rhingfave de Salm ( régiment déferte du cordon
hollandois ) , furent employés par les artifans fe*
erets de ces défordres pour répandre parmi les
bons citoyens la terreur 8c la confternation. Par ■
les mêmes artifices, ils firent révolter ceux du
premier bataillon du fécond régiment du prince
de Waldeck, infanterie , en garnifon au Wil-
lemftadt. Cette place étant du pays de la généralité,
hors des limites de la Hollande.,, & les
états de cette province, à la folde defquels
étoient les deux régimens de Waldeck , ayant
déféré à la demande du prince , qui en etoit
propriétaire, 8c dont ils portoient le nom, de
ne point employer ce bataillon dans le cordon ,
il n'exiftoit pas l ’ombre d un pretexte -pour fe
révolter contre leur légitime fouverain. En effet,
les officiers s'étoient Conduits en hommes d honneur
, fidèles à leur ferment & a leur devoir :
mais les émiffaires du parti ftathoudérien ayant
perfuadé aux bas-officiers & foldats que leur commandant
8c les autres officiers les avoient vendus a
prix d’argent aux états de Hollande , ils fe Soulevèrent.
Le colonel de Muelich , fécondé -par
tous les officiers du corps, fit en vain tous les
efforts qu’on pouvoit attendre d un brave chef ,
qui fait allier la fermeté à la prudence. Les Séditieux
portèrent l'audace jufqu'à forcer leurs officiers
, les armes fur la gorge, à leur livrer les
drapeaux, les effets 8c la caiffe militaire du
régiment. L'enfeigne de Klenck, 1 un de ceux
qui défendirent, l'épée à la main, fes drapeaux
confiés à leur garde, reçut un coup de feu.- a la
main & deux bleflures à la jambe , & l’enfeigne
de Romer eut un coup de fabre au gras de la jajnbe.
Une partie des foldats n'avoit pas pris part au
crime de leurs camarades; mais ceux-ci, voyant
qu’ils fe tenoient tranquilles, les contraignirent
à fuivre la troupe , qui fortit de la place , tambour
battant, drapeaux déployés » au nombre
de 350 hommes , fous la conduite d’un fergent,
dirigeant fa marche fur la mairie de Bois-le Duc :
ils arrivèrent à Heefel, entre'cette ville & Grave,
là cocarde - orange* au chapeau , 8c tous bien
pourvus d'argent. A Nimegue , où le fécond
bataillon étoit en garnifon , on. étoit inftruit
de i'acquifition que les •forces ftathoudériennes
alloient faire du premier bataillon fans officiers.
En conféquence, on vit arriver à Heefel quelques
officiers du fécond bataillon ; ils prirent le
commandement dé ces déferteurs & -les condui-
firent en Gueldre , d'où ils furent mis en garnifon
à Wageningue.
La province de Hollande & la ville d'Amfter-
dam fur-tout montrèrent plus d'ardeur dans cette
querelle- domeftique que les autres provinces 8c
les autres villes fes états ont chàncellé un mo1*
ment, il eft vrai ; mais le parti patriotique , il
faut en convenir , ne pouvoit guère compter que
fur elles feules. : elles n'oublierént rien de ce qui
devoit irriter le parti ftathoudérien. Le 3 février
1787, la ville d’Amfterdain demanda qu’on étaw
b'îf une commiffion , compofée de quelques membres
du gouvernement de: la province , pour rechercher
duement les bornes du pouvoir exécutif,
tant du ftathouder que du capitaine & amiral-
général 5 pour concerter relativement aux fon&ions
de ces charges, ainfi que des devoirs 8c prérogatives
qui y font attachés, tels plans 8c telles
inftructions qu’on jugeroit les plus convenables
à la dignité de la fouveraineté, à la confervation
des prérogatives & de la liberté du pays 8c des
citoyens , 8c au bien général de l’é ta t , 8c pour
en propofer le réfultat à leurs commettans. Bientôt
après elle dépofa , prefque à main armée,
neuf de fes bourgue-maîtres trop, favorables à la.
caufe du prince d’Orange , 8c elle les remplaça par
des citoyens plus favorables à la caufe publique :
la ville de Rotterdam ne tarda pas à imiter cet exemple
que la guerre ciyile peut feule juftifier. A
cette époque, on tâchoit de perfuader aux étrangers
que l’animofité à l’égard du ftathouder fe
concentroit dans un petit nombre de chefs contre
le voeu général 8c reconnu de la nation même.
Après ces démarches hardies des deux villes le*
p\us peuplées & les plus riches de la prpvince de
H o l la n d e o n dut reconnoître l’averfion invincible
que la majorité des citoyens , qui font proprement
le corps de la nation , avoit conçue contre
le parti ftathoudérien, puifquec'étoit la crainte
de voir revivre ce fyftême qui avoit déterminé
les deux bourgeoifies à ces coups d’éclac. Le
feul moyen de regagner l’amour 8c la confiance
de la nation, indignée de s'être vue facrifiée à
l’Angleterre-, eût été de faire quelques facrifices