
territoire cédé aux Etats - Unis par le dernier
traité de paix , & nous avons examiné fes mau-
vaifes raifons. Il a expofé plulieurs griefs contre
les diverfes provinces de l’union américaine. Il
reproche à la Penfylvanie laloipalfée aufli-tôt après
la paix , pour reftreindre le recouvrement des anciennes
dettes angloifes? mais nous avons expliqué
à l’article Eta ts -Unis comment la néceffité
a fait une loi de cette rèftriérion', & comment
elle peut être avantageuse aux créanciers anglois ,
loin de leur être défavorable , ainfi qu’on eft
tenté de le croire au premier coup-d’oeil. Nous
avons fait voir également l’injultice & la hauteur
des prétentions de l’Angleterre fur l’exécution du
dernier traité de paix.
Voye% les articles particuliers des douze autres
provinces de l’union américaine , & l’article général
Etats-Unis.
PEROU 3 contrée de l’Amérique 3 qui appartient
à l’Efpagne.
Précis de Vhifioire politique de ce pays & de üé-
tablijfement de la colonie•
La première expédition au Pérou 3 commencée
avec un vaifleau 3 cent douze hommes & quatre
chevaux 3 vers le milieu de novembre 1 52.4, ne fut
pas heureufe. A peine Pizarre- put - il aborder 5
& dans le peu d’ endroits où il lui fut poffible de
prendre terre , il ne voyoit que ^es plaines inondées
s que des forêts impénétrables, que quelques
fauvages peu difpofés à traiter avec lui. Almag
r o , qui lui menoit un renfort de foixante-dix
hommes, n’ eut pas un fpe&acle plus çonfolant,
& il perdit même un-oeil dans un combat très-
v if qu’il lui fallut foutenir contre les indiens. Plus
de la moitié de* ces intrépides efpagnols avoient
péri par la faim , par le fer où par le climat ,
lorfque los- Rios qui avoit fuccédé à Pedrarias ,
envoya ordre à ceux qui avoient échappé à tant
de fléaux, de rentrer fans délai dans la colonie.
Tous obéirent, tous à l’exception de treize qui,
fidèles à leur c h e f , voulurent courir jufqu’à la
fin fa fortune. Ils la trouvèrent d’ abord plus contraire
qu’elle ne l’avoit encore été 3 puifqu’ ils fe
virent réduits à paffer fix mois entiers dans Fille
de la Gorgonne, le lieu le plus mal fain , le plus
ftérile & le plus affreux qui fût peut-être fur le
globe : mais enfin le fort s’adoucit. Avec un très- ,
-petit navire que la pitié feule avoit déterminé à
leur envoyer pour les tirer de ce féjour de dé-,
folation , ils continuèrent leur navigation & abordèrent
à Tumbez , bourgade aflez confidérable
de l’empire qu’ ils fe propofoient d’envahir un
jour. De cette rade où tout portoit l’empreinte.
de la civilifation , Pizarre reprit la route .de Panama,
où il arriva dans les derniers jours de 15-27
avec de la poudre, d’o r , avec des vafes de ce
Çféctetut métal * avec des vigognes, avec trois i
péruviens deftinés à fervir plutôt ou plus tard
d’interprètes.
Loin d’être découragés par les revers qu’a-
avoient éprouvés Pizarre , Almagro & Luques
qui avoient réuni leurs petites fortunes pour la
- conquête de ce Vafte pays", les trois aflociés furent
enflammés d’une pafîion plus forte d’acquérir
des tréfors qui leur étoient mieux connus i
maïs il falloit des foldats, il falloit des fubfiftan-
ces, & on leur refufoit l’un & l’autre fecours
dans la colonie. Le miniftère, dont Pizarre lui-
même étôît venu réclamer l’appui en Europe,
fe montra plus facile. Il autorifa fans réferve la
levée des hommes, l’achat des approvifionnemens,
& il ajouta à cette liberté indéfinie toutes les fa'
veurs qui ne coûtoient rien auffifc.
Cependant, en réunifiant tous leurs moyens
les anodes ne purent équiper que trois petits navires
; ils ne purent rafîembler que cent quarante-
quatre fantaflins & trente-fix cavaliers. C e to it
bien peu pour.les grandes vues qu’il falloit remplir
: mais , dans le nouveau Monde, lés efpagnols
attendoient tout de leurs armes ou de leur
courage, & Pizarre ne balança pas à s’embarquer
dans le mois de février de l’an 1541. La
connoifiance qu’ il avoit açquîfe de ces mers, lui
fit éviter les calamités qui avoient traverfé fa
première expédition , & il n’éprouva d’autre
malheur que celui d’être forcé par les vents contraires
de débarquer a cent lieues du' porj: où il
s’étoit propofé d’aborder.
Il fallut s’y rendre par terre. On fuivit la cô je
qui étoit très-difficile, en forçant fes habitans à
donner leurs vivres, en les dépouillant de l’or
qu’ils avoient, en fe livrant à cet efprit de-rapine
& de-cruauté qui formoit les moçurs de ces
temps barbares. L ’ifle de Puna qui défendoit la
rade , fut forcée, & la troupe entra vi&orieufe
à Tumbez, où des maladies de tous les genres
l’arrêtèrent trois mois entiers. L’arrivée de deux
' renforts qui lui venôient de Nicaragua, la con-
folèrent un peu du chagrin que lui caufoit c e
féjour forcé. Ils n’étoient,' à la vérité, qué de:
trente hommes chacun : mais ils étoient conduits
par Sébaftien B:nalcazar & par Fernand Soto ÿ
qui tous deux jouifîbient d’une-réputation brillante.
Les efpagnols rie furent pas inquiétés dans leur
première conquête, & il en faut dire la raifon,
Remarques fur le gouvernement des incas.
L ’empire du Pérou q u i, comme la plupart des
autres dominations, n’avoit dans l’origine que peu
d’étendue , s’étoit fucceflivement agrandi II avoit^
en particulier reçu un accroiffement confidérable-
du onzième empereur Huyana-Capac , qui s’étoit
emparé par la force du vafte pays de Q u ito , &
q ui, pour légitimer autant qu’il étoit poffible Ton
ufurpation, avoit époufé l’unique héritièredu
loi détrôné. De cette union, que le s to ix& le s
préjugés réprouvoient également, étoit fort! Atabaliba..
qui, après la mort de fon père, prétendit
à l’héritage de fa mère. Cette fucceflion lui
fut conteftée par fon frère aîné Huafcar, qui
étoit d’un autre li t , & dont la naifiance n’avoit
point de tache. D é f i grands intérêts mirent les
armes- à la main des deux concurrens. L ’un avoit
pour lui la faveur des peuples & l’ufage immémorial
de l’indivifibiiité de l’empire : mais l’autre
s’étoit afiuré d’avance des meilleures troupes.
Celui qui avoit pour lui les armées, fut vainqueur
, jeta fon rival dans les fers , & plus puifîant
qu’il ne l’avoit efpéré, fe trouva le maître de
toutes les provinces.
Quoiqu*étroîtement gardé, l’empefeur ne tarda
pas à demêler la pafiion extrême de fes ennemis
pour l’or. Cette découverte le détermina a leur
en offrir pour fa rançon autant que fa prifon >
longue de Vingt-deux pieds & large de feize ,
en pourroit contenir jufqu’ à la plus grande hauteur
Ces troubles qui, pour la première fo is , ve-
noient d’agiter le Pérou, n’étoient pas entière- *
ment calmés lorfquejes efpagnols s’y montrèrent.
Dans la confufion où étoit encore tout l’état , on
ne fongea pas à troubler leur marche, & ils arrivèrent
fans obftacle à Caxamalçâ. Atabaliba,
que des circonftances particulières avoient conduit
au voifinage de cette maifon impéria.le , leur
envoya fuïfle-champ des fruits, des grains, des
éméraudes , plufîeurs vafes d’argent ou d’or. C e pendant
il ne diffimula pas à leur interprète qu’il
defiroit de les voir fortir de fon territoire , & il
annonça qu’il iroit concerter le lendemain avec leur
chef les mefures de cette retraite. 5 e préparer au combat fans laifler appercevoir
le moindre appareil de guerre, fut la feule diff
ôfition que fit Pizarre pour recevoir le prince.
I mit fa cavalerie dans les jardins du palais 3/ ou
elle ne pouvoit être apperçue 5 l’infanterie étoit
dans la cou r , & fon artillerie fut tournée vers
la porte où fcempereur devoit entrer.
Atabaliba vint avec confiance au rendez-vous.
Douze à quinze mille hommes l’accompagnoient.
I l étoit porté fur un trône d’or , & ce métal
brilloit dans les armes de fes troupes. Il fe tourna
vers les principaux officiers, & i l leur dit : ces
etrangers font les envoyés des dieux, gardez-vous
de les offert fer.
Mais à l’inftant même fa troupe fut attaquée
par les efpagnols. Qu’on juge de l’impreffion que
durent faire fur les péruviens la vue des chevaux
qui les écrafoient , le bruit & l’ effet du canon &
de 1 a^moufqueterie; qui les terrafioient comme la
foudre. Ces malheureux prirent la fuite avec tant
de précipitation , qu’ils tomboiènt les uns fur les
autres. On en fit un carnage affreux. Pizarre lui-
même s’avança vers l’empereUr,, fit tuer par fon
i. fanterie tout ce qui entouroit le trône , fit le
monarque prifonnier, & pourfuivit le refte de la
journée ce qui avoit échappé au glaive de fes
foldats, Une foule de princes , les miniftres, la
fletuvde la nobleffe, tout ce qui compofoit la
cour d’Atabaliba , fut égorgé. On ne fit point
grâce à la.foule de femmes , de vieillards, d’en
fans, qui étoient venus des environ« pour voiri
leur maître.
où le bras d’un homme pourroit atteindre.
Sa propofition fut acceptée. Mais tandis que ceux
de fes miniftres qui avoient le plus fa confiance ,
étoient occupés à rafîembler ce qu’il falloit pour *
remplir fes engagemens, il apprit que Huafcar
avoit promis trois fois plus à quelques efpagnols
qui avoient eu occafion de l’entretenir, s'ils con-
fentoient à le rétablir fur le trône de fes. pères.
C e commencement de négociation l'effraya j & ,
dans fes craintes , il fe décida à faire étrangler
un rival qui lui pâroiflbit dangereux.
Pour difîiper les foupçons que cette aélion devoit
donner à fes geôliers, Atabaliba prefîa avec
une vivacité nouvelle le recouvrement des métaux
ftipulés pour fa liberté. Il en arrivoit de tous les
côtés, autant que l’éloignement des lieux, que
» 'la confufion des chofes pouvoient le permettre.
Dans p eu, rien n’y auroit manqué : mais ces arnas
d’o r , fans cefie expofés aux regards avides des
conquérans , irritoient tellement leur cupidité,
qu’ il fut impôffible d’en différer plus long tems
la diftribution. On délivra aux agens du fife le
quint que le gouvernement s’étoit réfervé. Cent
mille piaftres ou 540,000 liv. furent mifes à part
pour le corps de troupes qu’Almagro venoit de
mener, & qui étoit encore fur les* côtes. Chaque
cavalier de Pizarre reçut 43,200 livres , chaque
fantaffin 21,600 liv. & le général, les officiers
eurent une fomme proportionnée à leurs grades
dans la milice.
Ces fortunes, les plus extraordinaires dont
I’hiftoire-ait confervé le fouvenir, n’adoucirent’
pas la barbarie des efpagnols. Atabaliba avoit
donné fon o r , on s’étoit fervi de fon nom pour
fubjuguer l’efprit des peuples : il étoit tems qu’ il
finît fon rôle. Un dominicain, Vincent Valverde,
difoit que c’étoit un prince endurci, qu’il falloit
traiter comme Pharaon. L ’interprète Philipillo ,
qui avoit un commerce criminel avec une de fes
femmes, ifciroit pu être troublé dans fes plaifirs.
Almagro craignoit que , tant qu’on le laifleroit
vivre , l’armée de fon afiocié ne voulût s’approprier
tout le butin comme partie de fa rançon.
Pizarre avoit été méprifé par lu i, parce que ,
moins inftruit que le dernier des foldats, il ne fa-
voit pas lire. Ces caufes, peut-être encore plus
que des raifons politiques , firent décider la mort
de l’empereur. On n’ofa lui faire fon procès dans
; les formes, & cette comédie atroce eut les fuites
horribles qu’elle devoit avoir.
Les meurtriers parcoururent le Pérou avec cette
foif de fang de de rapine, qui dirigeoit toutes
leurs aélions. Vraifemblablement ils fe feroient
trouvés , fans tirer l’épée , les maîtres de ce
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