
Le miniftère espagnol , averti de ces ejccès, en.
voulut arrêter le cours. Le renaede fut mal choilî.
Au lieu de ramener les hommes aux bonnes moeurs
par des foins paternels , par le moyen fi efficace
de l'enfeïgnement, on eut recours à la funefte
voie des interdirions. Les efprits s'échauffèrent,
les féditions fe multiplièrent, les aèdes de violence
fe répétèrent d'une extrémité de l'empire à l'autre.
Il fallut céder. Le gouvernement retira ces
ades prohibitifs : mais il voulut que l'argent le
dédommageât du facrifice qu'il faifoit de fon autorité.
Le pulque fut affujetti à des importions
qui rendent annuellement au fifc onze ou douze
cents mille livres.
s LJne nouvelle fcène?, d'un genre particulier ,
s'ouvrit vingt - cinq ou trente ans plus tard au
Mexique. Dans cette importante pofieffiori , la
police étoit négligée au point qu'une nombreufe
bande de voleurs- parvint à s'emparer de toutes
les routes. Sans un pafle-port d'un des chefs de
ces bandits, aucun citoyen ne pouvoit fortir de
fon domicile. Soit indifférence, foit foibleffe ,
foit corruption, le magiftrat ne prenoit aucune
mefure pour faire ceffer une fi grande calamité.
Enfin la cour de Madrid, réveillée par les cris
de tout un peuple , chargea Velafquès du falut
du public. C e t homme jufte , ferme ,, févère ,
indépendant des tribunaux & du vice-roi, réuflit
enfin à rétablir l'ordre & à lui donner des fon-
demens qui depuis n'ont pas été ébranlés.
Une guerre entreprife contre les peuples de
Cinaloa , de Sonora , de la Nouvelle-Navarre,
a été le dernier événement remarquable qui ait
agité l'empire. Ces provinces , fituéès entre l’ancien
& le nouveau Mexique 3 ne faifoient point
partie des états de Montezuma. C e ne fut qu'en
1540 que les dévaftateurs du nouveau-Monde y
pénétrere t fous les ordres de Vafquès Corona-
do. Ils y trouvèrent de petites nations qui vi-
voient de pêche fur les bords de l'Océan , de
chafle dans l'intérieur des terres, & q u i, quand
ces moyens de fubfiftance leur manquoient, n'a-
-voient de reflource que les productions fponta-
nées de la nature.
C e pays, fi pauvre en apparence, renfermoit
des mines. Quelques efpagnols entreprirent de
les exploiter. Elles fe trouvèrent abondantes, &
cependant leurs avides propriétaires ne s'enrh-
chilfoient pas. Comme on étoit réduit â tirer de
la Vera-Crux, à dos de mulet, par une route
difficile & dangereufe de fix à fept cents lieues ,
le vif-argent, les étoffes, la plupart des chofes
néceffaires pour la nourriture & pour les travaux
, tous ces objets avoient à leur terme une
valeur fi confidérable, que l'entreprife la plus
heureufe rendoit à peine de quoi les payer.
Il falloir tout abandonner, ou faire d'autres
arrangemens. On s'arrêta au dernier parti. Le Jé-
fuke Ferdinand Conɧg fut chargé , en 1746 ,
de reconnoître le g o l f^ e la Californie, qui borde
ces vaftes contrées. Après cette navigation, con-«
duite avec intelligence , la cour de Madrid connut
les côtes de ce continent, les ports que la
nature y a formés , les lieux fablonneux & arides
qui ne font pas fufceptibles de culture , les rivières
qui, par la fertilité qu’ elles répandent fur
leurs bords, invitent à y établir des peuplades.
Rien, à l'avenir, ne devoit empêcher que les
navires partis d'Acapulco n'entrafient dans la mer
Vermeille, ne portaffent facilement dans les provinces
limitrophes , des millionnaires, des foldats,
des mineurs, des vivres, des marchandifes, tout
ce qui eft néceffaire aux colonies, & n'en revinf-
fent chargés de métaux.
Cependant c'étoit un préliminaire indifpenfable
de gagner les naturels du pays par des aétes d'humanité,
ou de les fubjuguer par la force des armes.
La guerre ne fut différée que par l'impof*
fibilité où étoit le fifc d'en faire la dépenfe. On
trouva enfin , en 1768 , un crédit de douze cents
mille livres , & les hoftilités commencèrent.
Quelques hordes de lauvages le fournirent après
une légère, réfiftance. Il n’en fut pas ainfi des
apaches, la plus belliqueufe de ces nations, la
plus paffionnéepour l’indépendance. On les pour-
fuivit fans relâche pendant trois ans, avec le projet
demies exterminer.
L’éloignement où étoient les anciennes & les
nouvelles conquêtes du centre-de l'autorité , fit
juger qu'elles languiroient jufqu'à ce qu'on leur
eût accordé une adminiftration indépendante. On
leur donna donc un commandant particulier ,
q u i, avec un titre moins impofant que celui de
vice-roi de la Nouvelle-Efpagne, jouit des mêmes
prérogatives,
S e c t i o n s e c o n d e .
Degré de profpérité, auquel s*ejl élevé le Mexique •
Defcription , commerce & productions de ce pays.
La grande Cordeliere, après avoir tràverfé
toute l'Amérique méridionale, s'abaiffe & fe rétrécit
dans l'ifthme de Panama, fuit dans la même
forme les provinces de Coffa-Ricca, de Nicaragua
, de Guatimala, s'élargit, s'élève de nouveau
dans le refte du Mexique, mais fans approcher
jamais de la hauteur prodigieufe qu'elle a
dans le Pérou. C e changement1 eft fur-tout remarquable
vers la mer du fud. Les rives y font
très - profondes, & n'offrent un fond que fort
près de terre, tandis que dans la mer du nord
on le trouve à une très-grande diftance du continent.
Auffi les rades font-elles auffi bonnes, aufli
multipliées dans la première de ces mers, qu’elles
font rares & mauvaifes dans l'autre.
Le climat d'une -région fituée prefqu'entiére-
ment dans la zone torride, eft alternativement humide
& chaud. Ces variations font plus, fenfibles
& plus communes dans les contrées baffes , marécageufes,
remplies de forêts & incultes de l’eft ,
que dans les parties de l'empire qu'une nature
bienfaifante a traitées plus favorablement.
La qualité du fol eft auffi très-différente. Il eft
quelquefois ingrat , quelquefois fertile , félon
qu’il eft montueux , uni ou fubmergé.
Les efpagnols ne fe virent pas plutôt les maîtres
de cette riche & vafte région ,, qu'ils s’em-
preffèrent d'y édifier des villes dans les lieux qui
leur paroiffoient le plus favorables au maintien
de leur autorité, dans ceux qui leur prometcOient
de plus grands avantages do leur conquête. Ceux
des européens qui vouloient s'y fixer, obtenoient
«ne poffeffion affez étendue : mais ils étoient réduits
à chercher des cultivateurs que la loi ne
leur donnoit pas.
Un autre ordre des chofes s'obfervoit dans les
campagnes. Elles étoient la plupart diftribuées
aux conquérans pour prix de leur fang ou de leurs
fervices. L'étendue de ces domaines, qui n'étoieht
accordés que pour deux ou trois générations ,
étoit proportionnée au grade- & à la faveur. On
y attacha , comme ferfs , un nombre plus ou
moins grand de mexicains. Cortès, en eut vingt-
trois mille dans les provinces de Mex ico, de
Tlafcala, de Mechoacan & de Oaxaca , avec
cette diftinélion qu'ils dévoient être l'apanage de
fa famille à perpétuité,. Il faut que l'oppreflion
ait été moindre dans ces poffeflïons héréditaires
que dans le réfte de l'empire , puifqu’en 1746
on y comptoit encore quinze mille neuf cents
quarante indiens, dix-huit cents efpagnols, métis
ou mulâtres^ & feizé cehts: efclaves noirs:
Le pays n'avoit aücun des animaux néceffaires
pour la fubfiftance de- fes nouveaux habitans *
pour le labourage & pour les autres befoins in-
féparables d'une fociété ùrf peu compliquée. On
les fit venir des ifles déjà foumifes à laCaftilie,
qui elles-mêmes les avoient naguère reçus de notre
hémifphère. Ils propagèrent avec une incroyable
célérité. Tous dégénérèrent. La dégénérâtion
la plus marquée fut celle qu'éprouva la brebis.
Mendoza fit venir des béliers d'Efpagne pour renouveler
des races abâtardies $ & depuis cette
époque, les toifons fe trouvèrent de qualité fuf-
' filante pour fervir d'alimehs à plufieurs manufactures
affez importantes.
La multiplication des troupeaux amena une
grande augmentation dans les cultures. Au maïs
qui avoit toujours fait la principale nourriture des
mexicains , on aifocia les grains de nos contrées.
Dans l'origine , ils ne réuffirent pas. Leurs femen-
ces jettees au hafard dans des rorices , ne donnèrent
d'abord que des herbes épaiffes & ftériles.
Uhe végétation trop rapide & trop vigoureufe
ne leur laiffoit pas le temps de mûrir, ni même
de fe former : mais cette furabondance de fucs
diminua peu à peu , & Ton vit enfin profpérer
la plupart de nos grains, de nos légumes & de
nos fruits. Si la vigne & l ’olivier né furent pas'
naturalifés dans cette partie du nouveau-Monde ,
ce fut le gouvernement qui l ’empêcha j dans la vue
de laiffer des débouchés aux productions de la
métropole. Peut-êtte le fol & le climat auroient-
ils eux - mêmes repouffé ces précieufes plantes.
Du moins eft-on autorifé à le penfer, quand on
voit que les effais que vers 1706 il fut permis
aux jéfüites & aux héritiers de Cortès de tenter ,
ne furent pas heureux , & que lés expériences
qu'on a tentées depuis ne l’ont pas été beaucoup
davantage.
L é .co to n , le tabac, le cacao, le fucre, quelques
autres productions réuffirent généralement:
mais faute de bras ou d’aétivité , ces objets furent
concentrés dans une circulation intérieure.
Il n’y a que le jalap, la vanille , l’indigo & la
cochenille qui entrent dans le commerce de la
Nouvelle-Efpagne avec les autres nations.
L ’Europe cônfomme annuellement fept mille
cinq cent quintaux dé jalap , qu’elle paye ÿyz
mille livres.
Il ne vient annuellement en Europe que cinquante
quintaux de vanille , & . elle n’y eft pas
vendue au-deffus dé 431, yC8 liv.
Les blanchiffeùfes emploient l’indigo pour donner
une couleur bleuâtre au linge. Les peintres
s’en fervent dans leurs détrempes. Les teinturiers
ne ISuroieUt faire du beau bleu fans indigo. Les
anciens le tiraient de l’Inde orientale. Il a été
tranfplanté, dans des temps modernes, en Amérique.
Sa culture, effayée fucceflîvement en dif-
férens endroits, paroît fixée à la Caroline , à la
Géorgie, à l'a Floride, à la Louifiane, à Saint-
Domingue & au Mexique. C e dernier, le plus
recherché de tous, eft connu fous le nom de
Guatimala , parce qu’il croît fur le territoire de
cette cité fameufe.
Au Mexique, pu chaque propriété a quinze ou
vingt lieues d'étendue, une portion de ce vafte
efpace eft employée tous les ans à la culture de
l’indigo. Pour l’obtenir, les travaux fe réduifent
a brûler les arbuftes qui couvrent les campagnes,
j à donner aux terres un feul labour fait avec né^
gligence. Ces opérations ont lieu dans le mois
de mars, faifon où il ne pleut que très rarement
dans ce délicieux climat. Un homme à cheval
jette enfuite la graine de cette plante de la même
: manière qu'on feme le bled en Europe. Perfonne
ne s’occupe plus de cette riche produélion jufqu'à
la tecolte.
Il arrive de là que l’indigo leve dans un endroit
& qu’ il ne lève point dans d’autres ; que celui
qui eft levé , eft fouvént étouffé par les plantes
pai'afitës, dont des fatclages faits à propos l'auraient
débarraffé. Auffi les efpagnols recueillent-
ils-moins d’ indigo fut trois ou quatre lieues de
terrein que les nations rivales dans quelques ar-
pens bien travaillés. Aufli leur indigo , quoique
Fort fupérieur à tous les autres, n’a-t-il pas toute
là pérfè&ic» dont il feroit fùfceptîble. L ’Europe
R t i