
nouvelles circonftances , de nouvelles affaires * de
nouvelles moeurs, de nouveaux befoins n'exigeront
ils pas de nouvelles loix * ou qu'on apporte
quelque modification aux anciennes ? Quelle puiffance
fupérieure * ou même égale à l'affemblée
légiflative* les premiers -légiflateurs ont-ils imaginée
pour contraindre celle-ci à obferver ponctuellement
ce qu'ils ont ordonné ? On ne doit
jamais porter une loi qui peut être violée impunément.
Il me femble que c'ell un axiome reconnu
fur toute la terre* que la puiffance légif-
lat!ve ne doit être bornée par rien , fi on ne veut
pas la détruire pu rendre fon aélion inutile. A
quoi fervira donc cette claufe dont je me plains ?
A diminuer le refpect profond, dont tout citoyen
doit être pénétré pour le corps légiflatif j
a faire naître des conteftations & des querelles
fur la nature des nouveaux réglemens* & auto-
rifer les jurifconfultes, qui font tous naturellement
fophrftes * à interpréter les loix à leur volonté *
& à prouver que les nouvelles font nulles &
fans force 3 parce qu'elles ne font pas conformes
aux anciennes ».
Il ajoute avec plus de logique : « dans une
république où les pères offriraient à leurs enfans
l’exemple des moeurs fîmples de la démocratie*
je ne ferais point fâché que tout jeune homme
de vingt-un ans* né dans l'état* & qui aurait
prefque toujours vécu dans fa famille * eût droit
de fuffrage dans I'éleCtion des repréfentans de
fa ville ou de fa comté. C ’eft à cet âge qu'on
mme le bien avec plus de courage * & il ne faut
pas beaucoup de lumière pour favoir quels font
les citoyens d’un canton qui jouiffent de la meilleure
réputation. Mais c'eil être* je 'c rois , trop
libéral que d’accorder ce privilège à tout aventurier
qui fera venu pendant un an payer les taxes
de l’état. Il doit néceffairement réfulter de cette
difpofition, qu'une foule de jeunes gens qui ne
jouiffent pas dans les autres Etats-Unis du droit de
citoyens , fè; réfugieront dans la Penfylvanie ; ils
ne porteront point les moeurs fîmples que demande
la démocratie. Les aventuriers fe vendront
aux différens partis qui partageront les
villes & les comtés * & l’on ne peut rien en ef-
pérer de bon ».
« La loi veut que :les enfans des francs-tenanciers
* âgés de vingt-un ans, aient voix dans l'e-
leéfion des repréfentans * quoiqu'ils n'aient point
payé de taxes. J'y confens : mais je demande comment
cette diftin&ion ariftocratique peut * fî je
puis parler aînfî, s’amalgamer avec les principes
tout démocratiques des penfylvaniens. La vanité
qui eft dans le coeur de tous les hommes * eft
de toutes les pallions la plus agiffànte & la plus
fubtile. Je gagerais que ces francs - tenanciers
regarderont leur privilège comme une forte de
dignité qui les répare & doit les féparer des ci •
toyens qui ne pofledent pas des terres. Après les
avoir dédaignés * ils ne voudront pas fe .confondre
avec eux. Voilà deux ordres de famille. De
ce que les unes jouiront d'une prérogative particulière
, elles concluront qu'elles doivent former
un ordre à part. Je vois feformer unenobleffe héréditaire
que les loix américaines profcrivent. Je vois
des combats continuels entre l'ariftocratie que les
pallions établiront * & la démocratie que les loix
protégeront j & pour que la république en fortît
avec avantage, ou du moins fans- fe perdre * il
faudrait que les citoyens èufTent les vertus des
beaux tems de Rome * c'eft-à-dire, cruffent qu'il
y a quelque chofe de plus précieux que l'argent
».
« J’oferois blâmer * & cela fans crainte de me
tromper* que la formation du confeil ex écutif'
ne; foit pas l’ouvrage de l'affemblée générale. Pourquoi
confier à des électeurs de vingt-un ans, à
une multitude toujours ignorante & portée naturellement
à aimer les magiftrats induJgens * le
foin de choilir des hommes deftinés à veiller à
l’obfervation des loix * & manier les intérêts les
plus importans & les affaires les plus délicates
de la république ? Qui peut être cenfé plus car
pable de ce choix que les repréfentans fî intéreffés
à ce que leurs loix forent confervées & obfervées
avec la plus grande fidélité ? Je croirais d'ailleurs
que c’eft le moyen le plus favorable pour
établir entre la puiffance légiflative & la puiffance
exécutrice, naturellement jaloufes l'une de l'autre
dans tout gouvernement libre & prefque tou?
jours ennemies dans la démocratie* cet accord
& cette harmonie qui font le bien de l'état. II
me femble que , fans bleffer leurs principes * les
légiflateurs de Penfylvanie pouvoient accorder à
l ’affemblée générale la faculté de choifir les membres
du confeil exécutif parmi les repréfentans
qui la compofent. Il en ferait réfulté plufieurs
avantages. Le comté dont le repréfentant aurait
été élu* ferait flatté de cet. honneur; car les
hommes ne négligent rien de tout ce qui peut
intéreffer leur amour-propre. — Il fe ferait formé
une forte d’émulation entre les comtés j ils auraient
été attentifs à n’envoyer â l’affemblée générale
que des citoyens dignes de concourir pour
les places du confeil. Le corps * dépofitaire des
loix * aurait été compofé des hommes les plus
eftimables; & par cet intérêt commun de gloire
j & d’émulation* le cara&ère trop inconfidéré* & trop intrigant de la démocratie aurait du moins
I été tempéré».
II « Ce n'eft pas tout * je pourrais obferver qu’il
I eft très-difficile que ce nombre de douze con- feillers fuffife à toutes les affaires de l'adminif-
tration » .
Tout ce morceau manque de jufteffe* & on
reconnoît ici l’homme pénétré des maximes des
anciennes républiques * & des vieux principes en
légiflation. Sans doute, rien ne peut borner la
puiffance légiflative d’un peuple qui agit par lui*
mêmei mais les puiffances légiflatives des républiques,
américaines n'exerc nt qu'un droit délégué
: le corps du peuple tft le maître de fixer
les bornes 'du pouvoir des. affemblées générale^
annuelles , & il a eu raifon de leur .ôter le droit
de changer la conftitution. C e droit lui appartient;
fon exercice étant fort délicat Ibrfqu'il veut
l’exercer,. il nomme avec plus de foin & d’attention
une autre affemblée qu'il revêt de fon
pouvoir* fous le nom de convention & d e congres;
& en conclure que la puiffance légiflative, inhérente
'au 'corps' du 'peuplé * eft bornée , c'eft
un^fophifme biengroffier. Sans doute à Athènes*
chàqfte' affembléé générale pouvoit réformer ou
changer la conftitution , parce qfie les citoyens fe
réùniffôient & délibéraient eux-mêmes ; mais quel
eft en ce point le rapport d’Athènes avec les républiques
d’Amérique ? & n’eft-il pas clair que
les citoyens d’Amérique peuvent fixer les bornes
de l'autorité de leurs repréfentans ? j ;
L'auteur 'des Recherches fur les 'Etats- Unis que
nous avoirs déjà cité* a fait voir'èrt détail toutes
les raéprifes & toutes les erreurs de l’ouvrage de
M. l’ abbé de Mably ’ : Mais nous'avertirons le
leéteur de fe défier de cet écrivain. Sa critique
eftgroffièré; il relève d’un air triomphante petites
erreurs fur des pays éloignés .: il devrait
cependant avoir de l’indûlgénce ; car ce qu’il dit
de la France & de l’ Angleterre i n’eft pas, plus
exa61 ; & après avoir.reproché aux autres le ton
dogmatique .& tranchant,, il le'prendtlui.-même
d’une manière affez comique. Nous ajouterons
que le; préfîdent du confeil remplace dans la Penfylvanie
le gouverneur établi par les autres provinces
* & que les vues démocratiques qui ont
animé les auteurs de la conftitution de Penfylvanie
3 re montrent de toutes parts. L ’article 20
déclare que « le préfîdent fera ! commandant en
=? ch e f des troupes de l’ état ; mais qu’il ne pourra
» commander en perfonne. que lorfqu’ il y fera
» autorifé par le confeil, & feulement auffi long-
» temps que le confeil l’approuvera». Mais que
fera?t-on dans un inftant de crife ou de danger*
fi le confeil ne veut pas que le préfîdent com-;
mande les troupes * s’il eft intéreffé à ce qu’il ne
lesN commande pas ? La conftitution ne femble
point avoir prévu ce'cas* &, ileroit naturel d’y
fonger après la difpofition, de l’article 20.
» On a blâmé * dit M. le marquis de Châ-
tellux , M. Franklin d’avoir donné à fa patrie
un gouvernement trop démocratique; mais'-
on n'a pas fait réflexion qu’il falloit * avant tout*
la faire renoncer au gouvernement monarchique,
& qu’il étoit néceffaire d’employer une forte de
féduétion pour conduire à l'indépendance un peuple
timide & avare * qui étoit d’ailleurs tellement
partagé dans fes opinions * qu'à peine le,
Ëarti de la liberté S’éft - il trouvé le plus fort,
'ans ces circonftances * il a fait confine So-
Ion j il n*a pas donné à la Penfylvanie les meilleures
loix poflibles ; mais les meilleures dont elle
étoit fufceptible. Le temps amènera la perfection :
quand^ on plaide pour recouvrer fon bien > on
cherche d'abord à fe remettre en poffeffion* &
enfuite pn cherche à s'arranger ».
Il paraît qlie cette raifon ne fuffit pas. Il paraît
aujourd'hui reconnu, même dans les républiques
du nouveau - Monde , que la conftitution
de la Penfylvanie eft trop démocratique. En effet*
ainfi que nous l'avons obfervé à l’article Etats-
Unis *. il y a dans la Penfylvanie deux partis à-
peu-près de force égale. L ’un veut changer la
conftitution * & l'aurre s'oppofe à ce changement
; ils font d'accord tous les deux fur les principes
fondamentaux ; & ils diffèrent feulement
fur quelques détails de la forme d'adminiftration.
Nous ne connoiffpns pas les raifons qu'allèguent
l’un & l’autre de ces deux partis ; & nous ne nous
permettrons rien de plus fur cette matière.
S e c t i o n I V e.
Du commerce & de l'état de la Penfylvanie * a
:tepoqüe de la révolution : obfervations fur fon
commerce fon état aSluçL
» La Penfylvanie , à l’époque delà révolution ,
fabriquojt avec le lin & le chanvre qu'elle re-
cuéiUoit de fon fol * avec les cotons qu'elle attirait
de l’Amérique méridionale. * une grande quantité
de toiles * communes 5 avec les laines de fes brebis*,
elle manufacturait beaucoup de draps grof-
fiers. C e que les diverfes branches de fon induf-
frie ne lui dennoient pas * elle fe le procurait
avec les produits de fon territoire. Ses navigateurs
portoient aux files angloifes , françoifes * '
hollandoiiès & d4anoifes * du bifeuit, des farines *
du beurre, du fromage * des fuîfs *. des légumes,
clés fruits * des viandes falées , du cidre * de la
bière * toutes fortes de bois de conftruétion. Ils
recevoient en échange, du coton , du fucre *'
du café*de l’eau-de-vie* de l’ argent. Les Açores*'
les Canaries * l’Efpagne * le Portugal offraient un
débouché avantageux aux grains & aux bois de
la Penfylvanie 3 qu’ils achetoient avec des vins
& des pialtres. La métropole recevoir du fe r ,
du chanvre* des cuirs* des pelleteries* de la
graine de lin , des mâtures * & fourniffoit du fil*
des draps fins* du thé* des toiles d’Irlande «u
des Indes * de la quincaillerie* d’autres objets
d’agrément ou de néceffité». Le Voyageur américain
ajoute que les exportations de la province
de Penfylvanie furent en 1771* de 631* j’34Üv.
fterl*en 1773 > dp 7*0* 135 liv ., & en 1774* de
78 4 , 2 54 liv. j.imajs. il ne donne pas l’état des
importations.. Malgré l’état du voyageur améri-
cain^que nous venons de rapporter * il paraît que
dàfis les années *; d’après lequel on l’a calculé*
ainfi que dans toutes les autres, jufqu’ à l’époque