
Religion. En 15 2 1 , la doctrine de Luther eut
des fe&ateurs dans'la haute 8c la baftz~Luface ,
& s’étendit peu à peu au point que cette religion
devint la dominante , . & l’eil encore aujourd’hui.
On croit qu’il y a dans la haute-Lu-
face 40 à 50 mille venèdes proteftans qui poflè-
dent foixante-deux églifes, où le fervice divin
fe fait en langue venède. L’autre partie des venèdes
3 au nombre d’environ 8000 âmes, fuit la religion
catholique romaine, & elle poflede dix églifes,
chapelles 8c oratoires. En 1722 , une colonie des
frères de l’unité vint de laBohême 8c de la M oravie
s’établir dans la hautt-Luface 3 8c elle bâtit
le bourg appellé Herrenhutk. Depuis ce temps
ils s’y font multipliés, & ils ont même acquis
line autorité qui a excité l’attention de la communion
luthérienne de cette province.
Le grand-fénéchal de Budiflin, qui étoit alors
un comte de Gerfdorff, reçut en 1750 des lettres
du fouverain, qui ordonnoit de tolérer 8c de protéger
les frères de l’unité , établis dans la haute-
Luface en qualité de chrétiens de la confeflion
d’Augsbourg & de fidèles fujets *, de les faire jouir
des privilèges & des droits à eux accordés, dans
l ’efpérance qu’ils fe Conduiroient à l’avenir avec
la tranquillité 8c la décence qu’ils avoient montré
jufques-là.
Plufîeurs membres de cette communion poffè-
dent dans la hautt-Luface des terres nobles très-
confidérables , 8C jouilfent, à l’inftar des autres
propriétaires du pays, delà jurifdiétion civile 8c du
droit de patronage.
Manufactures. Sans fes manufaélures, la Luface
ne pourroit jamais nourrir fes habitans j mais elle
a de nombreufes 8c belles fabriques de laine 8c
de toiles j elles fleuriffent fur-tout dans la haute-
Luface. Les manufactures de draps font les plus
anciennes 3 elles font établies, dès le treizième
fiè c le , dans plufieurs villes. La feule ville de
Goerlitz tiroit autrefois de fon commerce plus
d’une tonne d’or par année de fes voifins} mais
l ’importation de ces draps dans le pays de Brandebourg
8c d’Autriche ayant été défendue , les
manufactures font déchues : les draps de ce pays
font de différentes qualités 8c les meilleurs ne
le cèdent guère à ceux de Hollande. A Budiflin
£c dans fes environs, on fabrique beaucoup de
b a s , de guêtres, de bonnets. & de gants. Les
manufactures de toiles font aufli importantes > les
plus coniidérables fe trouvent dans la haute-X«-
Jdce.
La Conduite que les empereurs Ferdinand I I ,
Ferdinand III 8c Léopold tinrent vis - à - vis les
proteftans de la Bohême 8c de la Siléfie, détermina
un grànd nombre d’entr’eux à fe retirer vers
la haute Luface. Ils aggrandirent les villages fitués
fur les frontières de ces marquifats, principalement
ceux des montagnes, 8c y exercèrent pour la plupart
le métier de tifferand. Depuis cette époque,
c’efl à-dire depuis 1623 , le pays a pris une face
/nouvelle 5 il eft devenu plus peuplé 8c plus riche,
& fes nouveaux habitans qui fe multiplièrent
beaucoup à cette époque , occafionnèrent le progrès
des manufactures de toile 8c du commerce
dans la hautq-Luface : ces progrès fe font remarquer
fur-tout entre les années 1660 & 1690-On fabrique
en Luface des toiles blanches, grifes ,
communes ou fines ; du damaffé blanc 8c tres-
beau à l’ ufage de la table & des lits , 8c du
treillis blanc. Mais le débit des différentes efpè-
ces de toiles grifes 8c blanches ayant diminué depuis
plufieurs années, 8c celui-des toiles teintes,
nappées, modelées 8c imprimées, étant deyenu
plus commun, il en eft réfulté une nouvelle branche
de commerce qui eft pouffée très-loin. Les
teintures en noir 8c en couleurs fines font fubfifter
aufli une grande quantité de perfonnes. De plus,
il y a dans ce pays.de bonnes fabriques de cha-
peaux&de-cuir, de papier, de poudre, des.forges
ST*'des verreries, des blanchifferies de cire
8c quantité d’autres.
Ces manufactures, & fur-tout celles de draps
& de toiles , produisent un commerce important.
Quoiqu’il ne foit plus aujourd’hui fi confidérable
qu’autrefois, il eft très-utile à la Luface j fa valeur
excède celle de l’importation des laines', fils
8c foie dont on a befoin pour les fabriques , &
celle des marchandifes étrangères de foie , laine,
galons d’or 8c d’argent, des dentelles , vins ,
épiceries, bled, fruits frais 8c fe ç s , légumes &
houblon. Le commerce des toiles a commencé en
1684.
L ’établiffement des métiers 8c le trafic des toiles
dans les villages ont fait naître, entre les
états 8c les villes., de longues conteftations :
on nomma des commifîions fur cet objet , en
1712 8c 1714. Les fix villes de la haute-
Luface allèguent, pour défendre leur caufe* les
refaits du fouverain de 1682 , 83 , 8 4 , 170 4 ,
1706 8c 1708 , qui interdifent le commerce en
gros, fous peine de çonfifcation, aux gens de
la campagne, & à tons ceux cfui n’ont pas fait
leur apprentiffage : mais les états foutiennent que
la plupart de ces refcrits ont été expédiés fur les
repréfentations feules des négocians des fix villes j
8c que celui de 1682, fur lequel ils s’appuient le
plus., n’a jamais été publié dans le pays. Us réclament
un décret rendu en 1674 , par la chambre
des appellations , à Drefde , 8c devenue obligatoire
, par lequel le commerce libre des toiles
fut affûté à cette province : ils font valoir d’autres
preuves & d’autres argumens j ils foutiennent
que le trafic en toile eft un moyen de fub-
fiftance pour tous les habitans8c que les villages
étant, ainfi que les villes , membres du même
corps .politique , ont droit d’y participer.
Précis de l’hifoire politique. L ’hiltoire de ces
deiix marquifats ne doit pas être confondue. Le
territoire aétuel de la haute - Luface appartenoit
autrefois à la Bohême , 8c étoit gouverné par les
ducs 8c rois .de Bohême : cependant la ville de
Budiflin avec le diftriét de Niflin ( qui s’étendoit
alors de Noffen en Mifnie jufqu’ à Budiflin ) appartenoit
au comte de Groitfch entre le onzième
& douzième fiècle. Le rei Wenceflas Ottocar
donna à fa fille Béatrice les villes de Budiflin ,
de Goerlitz , de Lauban & de Loebau avec les
diftri&s qui en dépendent , lorfqu’elle époufa en
1231 le margrave de Brandebourg Otton le pieux.
Ge même margrave acquit Camentz & Ruhland à
la mort de Mechtilde , époufe d’Albert I I , électeur
de Brandebourg , qui avoit apporté ces domaines
à fon mari. La ville de Zittau avec fon
territoire, relia unie à la couronne de Bohême.
Le premier margrave de la bzfte-.Luface, Géra,
fut nommé en 931 par Henri, premier roi de
Germanie , 8c confirmé par Otton le grand.
Jean I I I , margrave de Brandebourg, réunit à fes
états une partie de la baffe-Luface ; 8c fon frère
Waldemar I , électeur 8c margrave, fe mit en
pofleflion du relie 8c régna fur la haute 8c baffe-
Luface : mais après fa mort, en 13 19 , la haute-
Luface fe rangea volontairement fous la proteélion
de la Bohême, 8c le roi Jeanne Luttzelbourg
en.fut invefti, dans la même année, par l ’empereur
Louis de Bavière. C e ne fut “ qu’en 13 ƒ y
qu’ elle fut pleinement incorporée au royaume de
Bohême par l’empereur Charles IV , qui, en 1370,
y incorpora la baffe Luface qu’ il avoit achetée :
mais, en 1461 & 1 n o , on en céda quelques villes
& villages à l ’éleéteur de Brandebourg. En-1623,
les marquifats de la haute 8c batte-Luface, comme
fiefs de la Bohême, furent engagés à Jean-
George , électeur de Saxe, pour les 72 tonnes
d’or qu’il avoit employées à fecourir l’empereur
contre les bohémiens. La paix de Prague de
1635 lui en fit la ceflion plenière & tranfmifli-
ble à fes héritiers, quoiqu’à titre de fiefs j & en
1636-il en prit pofleflion. L ’empereur fe réferva
pour lui & fes fuccefleurs, dans le royaume de
Bohême , le titre avec les armes de la Luface | fans
néanmoins préjudicier à cette ceflion. L ’éleéleur
Jean-George, par fon teftament, légua en 1652
la hautt-Luface à fon fucceffeur dans l’éleélorat,
& la baffe au duc Chrétien I , adminillrateur
de l’évêché fécularifé de Merfebourg. Le roi &
éleéleur Frédéric-Augufte III ayant pris en 1738
cette adminillration, la bafft-Luface retourna à la
maifon électorale , qui depuis ce temps gouverne
les deux 'marquifats , fans qu’ ils foient incorporés
aux anciens pays héréditaires de l’éle&orat 9 dont
ils font 8c demeurent féparés.
x)efcriptiion des deux marquifats. Çes marquifats
diffèrent entr’ eux, quant à leur conftitution,
quant au gouvernement & aux impôts. Ils fe font op«*
pofés à une taxe proportionnelle pour le prince
territorial, & les états de chaque marquifat fe
font réfervés un confentement libre. II paroît que
le rang des deux marquifats étoit douteux autrefois
j mais la hautG-Lujace a depuis long- tems le
pas fur la baffe.
On diflingue dans la haute-Luface l’ordre des
feigneurs & celui des villes.
1°. Les feigneurs fe divifent :
1 °. en barons ( Ilaudesherren , proceres, domU
ni , majores} en langue bohémienne , koraufeway,
pani, wettsy j ils ont leurs arrière-vaffaux & leur
propre jurifdiétion.
2®. en prélats , qui font le doyen de Budiflin,
les abbeffes de Marienftern & de hjlarienthal, &
le prieuré de Lauban. Lorfqu’ en 1635' ces marquifats
furent cédés a l’éleéteur de Saxe , celui-ci
promit, par la convention de Prague , de maintenir
les droits & privilèges des chapitres &
couvens , & nommément de conferver l’exemption
dont ils jouiffent pour le fpirituel de tout
tribunal féculier, & de laiffer aux vifîteurs ordinaires
& généraux pleine & entière liberté. Est
vertu du même traité, chaque roi de Bohême
eft le protecteur des chapitres , des coüvens 8c
du clergé catholique dans les deux marquifats ;
mais cette protedion ne s’étend que fur les objets
qui concernent le culte j car , pour le refie , ils
dépendent de l’éleéteur.
3°. En nobleffe & bourgèoifie^ C e t ordre eft
compofé de comtes, barons, gentilshommes 8c
de bourgeois, poffeffeurs des biens nobles 8c
féodaux. En 1769, on comptoit vingt-une mai-
fons de comtes, quatorze de barons 8c quatre-
vingt-fept familles nobles. Le droit d’ indigénat
n’ a jamais eu lieu dans la hautt-Luface- : quand
un étranger ou un gentilhomme de la baffe .
veut y acheter un bien noble, il n’eft pas
obligé d’obtenir un confentement fpécial , encore
moins de payer une fomme d’argent ;
mais depuis un temps immémorial, il eft tenu
de fe légitimer par-devant l’ordre des feigneurs ,
en leur préfentant fon arbre généalogique , 8c
de fe faire recevoir publiquement dans leur
corps avant de pouvoir paroître aux diètes ; car
il a été arrêté, en 1503 8c 15 4 1 , qu’ ils n’ ad-
mettroient qu’un chevalier en état de faire preuve
de quatre quartiers î ce qui regarde la réception
publique , fe trouve indiqué dans
le contrat féodal de 1619. Un roturier qui achète
un bien noble, eft obligé de paroître à la diète ,
8c de promettre q ue , s’il veut le revendre ,
il en donnera la préférence à l’ordre des fei-
grieurs.
11°, Les villes-états font les villes municipales,
qu’oa appelle'villes par excellence ou les fix villes
3 8c quelquefois même villes royales 8c électorales.
Voici leur rang : Budiflin , Goerlitz ,
Z ittau, Lauban, Camenz 8c Loebau. Les trois
premières font appellées tes Milles préf aptes. Ces