
obtenu une gratification- de yo livres pour chaque
tonneau de marchandées qu'elle itnpoiceroir. Le
miniftère, eu lui ôtant ce qu'elle tiroit des nègres,
porta la gratification de chaque tonneau
d'exportation à 7 y liv. Se à 80 liv. celle de chaque
tonneau d'importation. Qu'on les évalue annuellement
à fix mille tonneaux, & l'on trouvera
pour la compagnie un produit de plus de 1,000,000
de liv. en y comprenant les yo,ooo livres qu'elle
recevoir pour les > cafés.
En confortant les revenus, la compagnie avoit
vu diminuer fès dépenfes. L'édit de 1764 avoit
fait palier la propriété des ifles de France & de
Bourbon dans-les mains du gouvernement, qui
s'ét'oit împofé l’obligation de les fortifier & de
les défendre. Par cet arrangement, la compagnie
•s'écoit trouvée affranchie d'une dépenfe. annuelle
de 2,000,000 de livres , fans que le commerce
cxclufif dont elle jouifïbit dans ces deux colonies i
.eue reçu' la moindre atteinte. ; . ,
Avec tant de moyens apparens de profpérité, ‘
la compagnie s'endettoit tous les jours, Elle n’au-
rcit pu -fe foutenir que par le fecours du gouvernement....
Mais depuis quelque temps le confeil
de Louis X V paFoiffoit envifager avec indifférence
l ’exiftence de ce grand corps. Il parut enfin un
arrêt du confeil, en date du 13 août 1769, .par
lequel le roi fufpendoit le privilège exclufif de
la compagnie des Indes, & accordoit à tous fes
fujets la liberté de naviguer & de commercer au-
delà du cap de Bonne Efpérance. Cependant,
en donnant cette liberté inattendue^ le gouvernement
crut devoir y appofer quelques conditions.
L'arrêt qui ouvrit cette nouvelle carrière
-aux armateurs particuliers, les affujettit à fe munir
de paflfëports qui dévoient leur être délivrés
gratuitement par les adminiftrateurs de la compagnie
des Indes i il les obliga à faire leur retour
dans le port de l'Orient, exclufivement à tout
-autre ; il établit un droit d’induit fur toutes les
marchandifes provenant des Indes ; droit qui par
un fécond arrêt ,du confeil , rendu le .6 feptem-
bre fuivant, fut fixé à cinq pour cent fur toutes
les marchandifes des Indes & de la Chine,
-& à trois pour cent fur toutes celles du crû des
ifles de France & de Bourbon.' jfjjj
L'arrêt du 13 août, en fe bornant à fuf-
pendre le privilège de la compagnie , fembloit
conferver aux actionnaires la faculté d'en repren
dre l'exercice : mais ils n'en prévirent pas la pof-
fibilité, & ils fe déterminèrent fagement à une
liquidation qui pût aflurer le fort de leurs créanciers
, & les débris de leur fortune.
Ils offrirent au roi de lui céder tous les vaif-
feaux de la compagnie, au nombre de trente ,
tous les magafins 8c les édifices qui lui appartenaient
au port de l ’Orient & aux Indes, la propriété
de fes comptoirs & des aidées qui en dé-
pendoient, tous fes effets de marine & de guerre ,
enfin deux mille quatre cents cinquante efcjaves
qu'elle avoit aux ifles. Ces objets furent évalues
3o,ooQyooG de livres par les aéliotinaires , qui
demandèrent en même temps le.paiement de
16, y<ôo,,ooO livres qui leur étoienc dues par le
gouvernement.
Le roi, en agréant la çeflion propofée, crut
devoir en diminuer le prix : non pas que les cho-
fes qui en faifoiént l'objet n'euffent une valeur
plus confidérable encore dans les mains de la
compagnie; mais parce qu'en paffant dans celles
du gouvernement, elles devenoient pour lui une'
charge nouvelle. Ainfi, au lieu de 46,.y00,000
livres demandées par les actionnaires * le prince ,
pour s'acquitter en totalité avec eux ,. créa à leur
profit, par fon édit du mois de janvier 1770,
1.200.000 livres de rentes perpétuelles, au principal
de 30,000,000 de livres.
C e nouveau contrat fervit d'hypothèque à un
emprunt de 12,000,000 de livres en rentes viagères
à dix pour cen t, 8c par voie de loterie,
que la compagnie fit dans le mois de février fuivant.
L'objet de cet emprunt étoit de faire face
aux engagemens pris pour former les dernières
expéditions : mais il ne fuffifoït pas encore; Ôc
dans l'impoflibilité de fe procurer des fonds par
la voie du créd it, les actionnaires remirent au
ro i, dans leur affemblée du 7 avril 1770, toutes
leurs propriétés , à l'exception du capital hypothéqué
aux adtions.
Les principaux objets compris dans cette nouvelle
ceflîon , confiftoient dans l ’extinCtion de
4.200.000 livres de rentes viagères ; dans la partie
du contrat de 9,000,000^ qui excédoit le
capital des aCtions; dans l'hôteI de Paris ; dans
les marchandifes des Indes attendues en 1770 &
.1771 , préfumées devoir s'élever à 26,000,000
de livres ; enfin, dans les créances à exercer fur
des débiteurs folvables 011 infolvables, aux Indes,
aux Ifles de France 8c de Bourbon, à Saint-
Domingue. Les actionnaires s'engageoient en
même t:mps à fournir au roi une fomme de
11.768.000 livres, par.la voie d'un appel qui
fut fixé à 400 livres par aÇiion. Le miniftère,
en acceptant ces divers arrangemens, s'engagea
de fon côté à payer toutes les rentes perpétuelles
& viagères conftituées par la compagnie; tous
les autres engagemens qui montoient à environ
4y,000,000de livres; toutes les penfions & demi-
foldes qu'elle avoit accordées, & qui formoient
un objet annuel de 80,000 livres ; enfin , à fup-
porter tous les frais 8c tous les rifques d'une liquidation
qui néceffairement devoit durer plu-
fieurs années.
Le roi en même temps porta à 2,yoo livres
produifant I 2 y livres de rente, le capital de l’action,
qui par Inédit du mois d'août 1764 avoit
été fixé à 1600 livres de principal, produifant
une rente de 80 livres. La nouvelle rente de
I 2y livres fut affujettie à la retenue du dixième ;
& il fut décidé que le produit de ce dixième
féroit.
eroit employé annuellement au remboni feméftt j
des aCtions par la voie du fo r t, fur Je pied de I
leur capital de 2, y00 livres de manière que la
rente des aCtions rembourfées accroitroit le fonds
d'amortiffenoent jufqu’au parfait rembourfement
de la totalité des aCtions.
Ces conditions refpeCtives fe trouvent confi-
gnées dans un arrêt du confeil, du 8 avril 1770,
portant homologation de la délibération prile la
veille dans l’affemblée générale des actionnaires, 8c revêtu de lettres-patentes en date du 22 du
même mois. Âu moyen de ces arrangemens,
l'appel a été fourni, le tirage pour le rembourfement
des aCtions, au nombre de deux cents
vingt, a été fait chaque année, 8c les dettes chirographaires
de la compagnie ont ete fidèlement
acquittées à leur échéance.
Après ces opérations , la compagnie fe trouve
fans pofifefiion, fans mouvement, fans objet, elle
ne peut pourtant pas être regardée comme ab-
folument détruite puifque les actionnaires s e-
toient réfervé en commun le capital hypotheque
de leurs aCtions, & qu’ils avoient une caille particulière
& des députés pour veiller a leurs intérêts.
D'un autre côté , fon privilège a ete
fufpendu; mais il n'a été que fufpendu, & il
n’étoit point compris au nombre des objets cèdes
au roi par la compagnie. La loi qui l'a établie
fubfiftoit encore ; les vaiffeaux qui parcoient pour
les mers des Indes ne pouvoient s expedier qu a
la faveur d'une permiffion délivrée au nom de
la compagnie. Ainfi la liberté accordée n'étoit
qu’une liberté précaire ; & fi les actionnaires euf-
fent demandé à reprendre leur commerce, en
offrant des fonds fuffifans pour en aflurer 1 exploitation,
ils en auroienteu inconteftablement le
droit, fans qu’il fût befoin d’ tine loi nouvelle.
Mais à l'exception de ce droit apparent qui,
dans le fait, elt comme non exiftant, par l'im-
puiffance où font les actionnaires de l'exercer,
tous leurs autres droits , toutes leurs propriétés,
tous leurs comptoirs avoient paffé dans les mains
du gouvernement.
La navigation de l'Inde a été fuivie depuis la
•fufpenfion, quoique la politique n eut pas préparé
d'avance l’aCtion du commerce libre qui
devoit remplacer le privilège exclufif. Dans les
.bons principes, avant d'effayer du nouveau régime
j il auroit fallu fubftituer infenftblement &
_par degrés les négocians particuliers à la compagnie.
Il auroit fallu les mettre à portée ^ acquérir
des connoiïTances pofitives fur les differentes
branches d’un commerce jufqu'alors inconnu
pour eux. Il auroit fallu leur laiffer le tems
de former des liaifons dans les comptoirs. Il auroit
fallu les favorifer, & , pour ainfi dire, les
conduire dans les premières expéditions.
C e défaut de prévoyance doit être une des principales
çaufes qui ont retardé les progrès du
(ffico/i. polit. & diplomatique, To'rn, ilU,
commerce libre , 8c qui peut-être 1 ont empéche
d’ être lucratif lorfqu’il eft devenu plus ctendu. ^
Dans cet ordre des chofes, on a propoj* a
l'adminiftration le plan d’une compagnie, dont
les fonds font très-peu confidérables : ce plan a
été agréé : un arrêt du confeil a établi une
nouvelle compagnie qui a obtenu le commerce
exclufif de l'Inde, & le roi s'eft charge des de-
penfes & des frais de l’adminiftration dans 1 Inde :
un mémoire célèbre a très-bien difeute le plan ,
les moyens 8c les privilèges de la nouvelle compagnie
, & nous y renvoyons les lecteurs. On ne
connoît jufqu'ici de cette compagnie que les manoeuvres
d’un coupable agiotage , pour exagerer
la valeur de fes av ions , & nous n'ajouterons rien
de plus.
S e c t i o n s e c o n d e .
Détails particuliers fur les établîjfemens ou Us
comptoirs que les françois ont dans l Inde.
Les françois furent appelles en 1722 fur la cote
de Malabar, dans la province de Cartenate. On
avait en vue de s'en fervir contre les anglois :
mais un accommodement ayant rendu leur fecours
inutile, ils fe virent forcés d'abandonner un pofte
qui leur donnoit quelques efpérances. Le reffen-
timent 8c l'ambition les ramenèrent en plus grand
nombre en 1725 , & ils s'établirent, l'épée à la
main , fur l'embouchure de la rivière de Mahé.
C et a£te de violence n'empêcha pas qu'ils n'ob-
tinflent du feul prince qui régiffoit ce canton, le
commerce exclufif du poivre. Une faveur fi utile
donna naiffance à une colonie compofée de fix
mille indiens. Ils cultivoient fix mille trois cens
cinquante cocotiers , trois mille neuf cents
foixante-fept aréquiers, & feçt mille fept cents
foixante-deux poivriers. Te l étoit cet étabîifle-
ment, lorfque les anglois s'en rendirent les maîtres
en 1760. /
L'efprit dedeftruttion qu'ils avoient porte dans
leurs autres conquêtes , les fuivit à Mahé. Leur
projet étoit de démolir les maifons , 8c de difperfer
les nabitans. Le fouverain du pays réufft .à les
faire changer de réfolution. Tout fut fauvé, excepté
les fortifications. En^ rentrant dans leur
comptoir , les françois trouvèrent les chofes telles
à-peu-près qu'ils les avoient laiffees.
Mahé eft dominé par des hauteurs, fur lesquelles
on avoit élevé cinq forts qui n'exiftent
plus. C ’étoit beaucoup trop d’ouvrages^ : mais il
eft indifpenfable de prendre quelques précautions.
On ne doit pas refter perpétuellement expofé à
l'inquiétude des naïrs, qui ont été autrefois tentés
de piller, de détruire la colonie , & qui pour-
roient bien encore avoir la même intention , pour
fe jetter dans les bras des anglois de Tailichery ,
qui ne font éloignés que de trois milles. ^
1 Indépendamurem des poftes que la fûreté de
P p p p