
Enfin fi l'ennemi s’obftine à rejetter des eon- J
dirions équitables-, il nous contraint lui-même à
aller jufqu'à la victoire entière & définitive.
Lorfqüe P tin des partis eft fournis f ou que tous
les deux fopt las de la guerre, on penfe enfin à s'ac-
commoder, • & Pon convient des conditions. La
paix vient mettre fin à la guerre.
Les effets généraux & néceflaires de îa paix, font
de réconcilier les ennemis, & de faire ceffer de
part & d'autres toute hollilité : elle remet les deux
nations dans leur état naturel. Les traités de paix,
quoiqu'on les execute avec peu de fcrupule,,
jouent un grand rôle dans la politique & nous"
allons en parler.
IXes traites de paix.
Quand les puifïances qui étaient en guerre font
convenues de pofer les armes , lecontrat où elles
jftipulent les conditions de la paix , 8c règlent la
manière dont elle doit être rétablie 8c maintenue,
s'appelle le traité de paix.
La pniffance qui a le droit de faire l'a guerre,
de la réfoudre,, de la d é c la r e r& d'en diriger les
opérations, a aufli celui de faire Ixpaix 8c d'en
conclure le traité'. C e s deux pouvoirs font liés ,
& le fécond dérive du premier.^ Mais il ne comprend
pas celui d’accorder ou d'accepter , en vue
de la paix , toutes fortes de conditions. Quoique
l’état ait confié en général à la prudence de
fon chef le foin de réfoudre la guerre & la p a ix ,
il peut avoir borné fon autorité par les loîx fondamentales.
Pour le prouver , on a cité François
premier,, roi dé France, qui .»voit,. difoiton , la
difpofition abfolue dfe la guerre & dê la paix j.&
î'alfemblée de Cognac qui déclara qu'il, ne pou voit
aliéner, par un traité, aucune partie du royaume.
L'exemple eft malchoifi, car on eonnoit h eaufe
de la déclaration de l’affemblée de Cognac } François
premier excita lui-même fes fujet-s à revenir
contre fes engagemens. Mais il feroit facile de
citer des. exemples plus juftes à Fappui.de la.ma-
xime que nous venons d?établir.
La nation qui difpofe de fes affaires domeftîqucs,
qui a confér-vé fes droits dans la forme de fon gouvernement,.
peutconfier à une perfonne,.ou à.un©
aflemblée, le poavoir dè faire h paix ^quoiqu'elle
Be fui ait pas abandonné celui de d'éclarerd’a guerre.
C 'e ft ce qu'on a vu en Suède depuis la* mort
de Charles X II jufqu'à la révolution de 1772. Le
roi ne pouvoit déclarer la guerre fâns le confen-
temenr de là-diète-, il'pouvoit faire la paix de concert
avec le fénat. Au refte , il eft moins-danger
reux à un- peuple dfabandonner à. fes chefs ce
dernier pouvoir que: le premier :i il a l’efpérance
tien fondée quîonne fera la paix:que quand, ellè
fera- convenable aux intérêts de l’ état..
Une puiflance limitée a le pouvoir de-faire là
paix „ comme elle ne peut accorder d'elle-même
joutes» fottes de. conditions » ceux- qpi voudronttraiter
avec e l le d o iv e n t exiger que le traité de
paix foit approuvé par la nation, ou par la puifo
fan ce qui peut en accomplir les conditions.* Ainft
avant la révolution de 1772 , quand on traitoit
de la paix avec la Suède , 8c qu'au demandoit
une alliance défenfive, une garantie, cette ftw
pulation pour être foliée , devoit être approuvé©
&c acceptée par la diète , qui feule »voit le pouvoir
de lui donner fon plein effet. Les rois d'Angleterre
ont le droit de conclure des traités de paix
& d'alliance , mais ils ne peuvent aliéner, par ces
traités r aucunes d<s poneflions de la- couronne
fans l'aveu du parlement, fils-ne peuvent non plus y
fans l'aveu du même corps ,.lever des tributs dans
le royaume : c'eft pourquoi r quand ils l i gnent
un traité de fublides, ou de commerce
ils ont foin de le faire palfer au parlement} s’il n'y*
pafloit pas, ils.ne pourroient le remplir. Lors même
que les droits du peuple ne font pas avoués ou fti-
pulés d’une manière aufli précife qu-'en Angleterre,
on ne doit pas négliger cette précaution ; 8c dans
le cas que nous avons cité plus haut, l'empereus
Charles Quint voulant exiger de François premieï
fon prifonnier , des conditions que ce roi fem-
bloit ne pouvoir accorder fans l'aveu de fa nation 3
devoit le retenir jufqufà ce que le traité de Madrid
eût été approuvé par les états-généraux dé France*.
& que la- Bourgogne s'y fût foumife} if n'eût:
; pas perdu le fruit de fa viéloirepar une négligence
qui fait peu d'honneur à Un-prince fi habile.
Dans une néceflité preffante , telle que rimpo-
i fent les échecs d'une guerre maiheureufe ,-les alié*
î nations que fait le prince pour fauver le refte de
l’état ^ font éenfées approuvées & ratifiées par le
filence de la nation ,. lorsqu'elle n'a point confervé
dansd»forme du gouvernement, un moyen aifé
8c ordinaire de donner fon avis exprès,- & lorfo
. qu'elle paroît avoir abandonné au prince une puif*
, lance abfolue. Les états-généraux étoient tombés en*
France , par défuetude & par une forte d'aveu
tacite de la nation. Lors donc que ce royaume
fe trouvoit preflé, c'étoitau roi foui-de juger des-
facrifices qu'il pouvoit faire pour acheter la paix:x
& fes ennemis traitoient folidemenç avec lui. En-
vain lespeuples auroient dit qu'ils n’avoient foufferr
que par crainte ^abolition des états-généraux ils-
l'avoientfoufferte enfin } & ils avoient lâifle pafleir
entre les mains du roi totis les pouvoirs^néceffaires.
pour contrarier an nom de la nation, avec les nattions
étrangères } car il faut qu'il fe trouve dans>
l’état une puiflance avec laquelle ces. nations puifo
fent traiter fureme'nr.
Nous obforverons enfin quedanscetre qu eft ion ï:
fi le confentementdé la nation eft requis pour La--
liénation-de quelque partie de l’é ta t, nous'enteni-
dons parler des parties qui font encor.© fous la1
puiflance de la nation’ , & non pas de celles qup
font tombées pendant là guerre au pouvoir de;
l’ennemi y car* celles-ci n’étant plus pofledées par
là nation;* e e f t wl fowyaain-feuh*sUl-a-l'àûinçr
niftration pleine & abfolue du gouvernement,
le pouvoir de faire la guerre 8c la paix, de juger
s’il convient d'abandonner ces parties de l'é ta t,
ou de .continuer la guerre pour les recouvrer.
La néceflité de faire la paix autorife le fouve-
rain à difpofer dans le traité , des chofos même
qui appartiennent aux particuliers , & le domaine
éminent lui en donne le droit. Il peut même,
jufqu'à un certain point, difpofer de leur personne
, en vertu de la puiflance qu'il a fur fes
fujets. Mais I'erat doit dédommager les citoyens,
qui fouffrent de ces difpofitions pour l'avantage
commun.
Tout empêchement qui met le prince hors
d ’état d'adminiftrer les affaires , lui ôte fans doute
le pouvoir de faire la paix : ainfi un roi-en bas
âge ou en démence, ne peut traiter de la paix:
cçla n'a pas bcfoin de preuve. Mais on demande
fi un r o i, prifonnier de guerre , peut faire la paix
conclure validement le traité? Quelques auteurs
célèbres diftinguent ici entre le roi dont le
royaume eft patrimonial, & celui qui n'en a que
l'ufufruit. Nous croyons avoir détruit cette idée
faufle & dangeteufe de royaume patrimonial,
voyeç Et a t , & prouvé d'une manière évidente
qu'elle doit fe réduire au foui pouvoir confié au.
ifouverain , de défigner fon fuccefîeur, de donner
tin autre prince a l'éta t, &: d’en démembrer
quelque partie, s'il le juge convenable, le tout
pour le bien de la nation, & eivvue de fon plus
grand avantage. Un gouvernement légitime , quel
qu'il puifî© ê tre, eft établi pour le bien & le
ialut de l’état. C e principe inconteftable une fois
.pofé, la paix n'ell plus l'affaire propre du roi ,
c'eft celle de la nation. O r , il paroît qu'un prince
^captif ne peut adminiftrer l'empire , vaquer aux
affaires du gouvernement. Celui qui n'eft pas libre
, commandera-t-il à une nation ?
Il fembleroit que le fouverain captif peut la
négocier lui-même , & promettre ce qui dépend
xle lui perfonnelîement} mais que le traité ne
.-dévient obligatoire pour la nation que quand il
eft ratifié par elle-même, ou par ceux qui font
dépofitaires de l'autorité publique pendant la
.captivité du prince, ou enfin par lui-même après
fa délivrance.
Si un injufte conquérant, ou tou? autre ufur-
^ateur, a envahi le royaume} dès que les peuples
fe font fournis à lu i, & par un hommage
, volontaire l'ont reconnu pour leur fouverain, il
eft en poflçffion de l ’empire. Les autres nations ,
qui n'ont aucun droit de fe mêler des affaires
domeftiques de celie-ci, doivent; s'en tenir à fon
jugement, & fuivre la poffeflion. Elles peuvent
donc traiter de la pfix avec l'ufurpateur , & la
.conclure avec lui. Par-là elles ne ble/Tent point
le droit du fouverain légitime ; ce n'eft point à
.elles i exajniner .ce droit & à le juger ; elles le
Jaiflent pour ce qu'il e ft , & s'attachent unique-
imeiît à la ppfteflion, dans les oégoçiatious qu elles
ont avec ce royaume, fuivant leur propre droit
& celui de l'é ta t , dont la fouveraineté eft dif-
putée. Mais cette règle n'empêche pas qu'elles
*ne puiffent époufor la querelle du roi dépouillé,
fi elles la trouvent jufte, 8c lui dt nner des f&-
cours : alors elles fe déclarent ennemies de la
nation qui a reconnu fon rival, comme elles ont
la liberté, quand deux peuples différens font en
guerre , d'afîifter celui qui leur paroît le mieux
fondé.
La partie principale, le fouverain au nc*m de
qui la guerre s'eft faite, ne peut avec juftice ligner
la p a ix , fans y comprendre fes alliés : je
parle de ceux qui lui ont donné des fecours, fans
prendre part^ directement à la guerre. C'eft une
précaution néceflaire pour les garantir du reflen-
timent de l'e-nnemi. :
Mais^ le traité de la partie principale n'obfjge
fes alliés qu autant qu'ils veulent l'accepter, à
moins qu’ils ne lui aient donné le pouvoir de
traiter pour eux. En les comprenant dans fon traité,
elle^ acquiert feulement contre fon ennemi réconcilié
le droit d'exiger qu’il n'attaque point fes
allies, à raifon des fecours qu'ils ont fournis }
qu'il ne les molelte point, & qu'il vive en paix
avec eux.
Les fotiverajnsqui fe font aflbciés pour l'a guerre,
tous ceux qui y ont eu une part direéte, doivent
faire leur traité de paix, chacun pour foi,
ce' a s*e^ P^tiqué à Nimegue, à
Kifwick , à Utre cht} mais l’alliance les oblige i
traiter de concert. En quel cas un aflocié peut*-
d fe détacher de l’alliance , & faire fa paix particulière
.? Nous ayons examiné cette queftion ,
en traitant des fociétés de guerre & des alliances
en général.
La médiation eft un devoir facré pour ceux qui
ont les moyens d y reuffir. Nous nous bornerons
à cette foule reflexion, fur une matière que nous
avons déjà traitée. Vpye^ M é d i a t io n , M é d ia t
e u r , ,
Le traite de paix ne peut être qu'une tranfac-
tion ; fi l'on devoit y obferver les règles d'une
juftice exaéte 8c tigoureufe , enforte que chacun
reçut puifibiement tout ce qui lui appartient, ta
paix deviendrait impoflibie : ce n’eft pas tout encore
: la juftice rigoureufe exigeroit de plus ,
que l ’auteur d’une guerre injufte filt fournis à une
peine proportionnée aux injures, dont il doit une
farisfa.ciion, & capable de pourvoir à la sûreté
future de celui qu il a attaqué. Comment deter--
ipiner la nature de cette peine, & pn marquer pré-
cifement le degré ? Enfin celui-là même de qui
les armes font juftes, peut avoir paffé les bornes
d'une jufte défende, porté à l ’excès des hoftili-
tes dont le but étqit légitime ; & ce font autant
de torts, dont la juftice rigoureufe demanderait
Ja réparation. Il peut avoir fait des conquêtes &
un butin, qui excèdent la valeur de ce qu'il avoit à prétendre : qui en fera le calcul exaél.i la jufte