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” en fi bon é ta t , union & difpofîtion , qu’il n’a
» befoin de légat pour le préfent, & pour aucu-
” nés autres caufes juftes & raifonnables que l’on
" pourroit alléguer en cette partie *>.
Louis X I marqua peu de confidération pour les
légats. La légation du cardinal de Modène eft demeurée
fort obfcure. Celle du cardinal de Saint-
Pierre aux liens eut plus d'éclat, parce qu’il étoit
neveu du pape , qui l’envoyoit pour négocier la
paix entre le roi & fes ennemis. C e prince lui fit
rendre de grands honneurs dans les villes de fon
paflage, & l’envoya recevoir fort loin ; mais dans
la permiflion qu’il lui donna d’ ufer' de fes-.pouvoirs
, il mit cette claufe expreffe : que le légat ne
pourroit faire porter la croix dans les lieux où feroit
le roi ; & il exigea du légat un a été qu’ il n’abu-
feroit point de l’étendue de fes pouvoirs, & que
les honneurs qu’on lui rendrait ne tireraient point
à. conféquence pour les légats qui viendraient
enfuite dans le royaume. Le parlement de
Paris lui rendit tous ceux qui s’accordoient avec
les maximes de l’églife gallicane; dès le lendemain
de l'entrée du légat, les gens du roi s’op.
pofèrent à lajeéture de la bulle , par laquelle le
pape lui domVjit pouvoir de contraindre, par cen-
fure ou excommunication, le roi & Maximilien
d’Autriche à faire la .paix. On déclara que le légat
fe bornerait à donner ce confeil. Le cardinal
BefTarion, qui n’ étoit point agréable à Louis X I ,
parce que, dans le procès de Balue, il avoit été
un des commiffaires dont le roi fe plaignoit, &
avoit ofé depuis demander la grâce du coupable,
fut trois mois à folliciter fon audience, & obligé
à la fin de_ fe retirer fans avoir rien fait, & après
avoir parlé une feule fois à Louis X I qui le maltraita
de paroles. "
_Sous Charles V I I I , les légats ne réuflirent pas
mieux. Le cardinal Balue, ce miniftre perfide de
Louis X I , ayant fait une entrée' dans le royaume
en qualité de légat, fans avoir la permiffion du
r o i , le parlement de Paris lui défendit d’ufer de
fes pouvoirs, 8e aux fujets du roi de le recon-
noître. La feule grâce qu’il obtint, fut de faire
porter la croix devant lui lorfqu’il s’ en retournerait.
Alexandre V I donna, à la vérité, le titre
de légat à fon fils Céfar Borgia , cardinal de Valence
; mais ce fut en exécution du traité d’amitié
perpétuelle & de ligue offenfîve, conclu entre
Charles V III & Alexandre V I , lequel renfermoit
plufieurs conditions ; & entr’autres que Céfar Borgia
fuivroit l’armée du rai l'efpace de trois mois
comme légat apoftolique. Le Cardinal de Valence
ne d,evoit fervir en effet que de garant des paroles
de fon p ère, & le titre dè fa légation ne
fut qu’un pretexte pour faqver l'honneur du pape
, afin qu'il ne parût pas que fa foi fût fi fuf-
peéle, qu’il eût été obligé de donner des otages
pour la garantir. Elle l’étoit à jufte titre, & I’ ô-
fage prit la fuite.
Çe ne fyp qqç fous Louis XII que les légats
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devinrent importans. La cour de Rome voyant
que les légations ne contribuoient pas à fa grandeur
en France , comme elles le faifoient ailleurs,
nomma légat le cardinal d’Amboife , premier miniftre
de Louis X I I ; & cet homme puiflant,
qui d'ailleurs ufa dé fa légation en homme de bien,
fe fer vit de fa faveur pour fe faire rendre des
honneurs extraordinaires à fon entrée à Paris.
L'univerfité demanda, par une requête au parlement,
qu'il fût ordonné que, quoique les bulles
du légat lui donnaient le pouvoir de prévenir les
ordinaires 8c de difpenfer les réfignants de la règle
de vingt jours, dont ils doivent, fuivant les
canons, furvivre à leur réfignation, il n'uferoit
point de cette faculté au préjudice des gradués ,
à qui le tiers des bénéfices avoit été affeété par
le concile, de Bâle j mais le parlement de Paris
débouta l'univerfîté de fa demande. Le cardinal
d'Amboife fy.x. légat prefque toute fa vie. Le pape
attribua les diftinétions fingulières qu'il avoit obtenues
, non pas à la perfonne de d'Amboife ,
mais à fa qualité de légat. C e qu'il y avoit eu
d'exceflif, ce qu'on avoit accordé à un homme
qui étoit tout-àda-fois premier miniftre & principal
favori du ro i, fut retranché fous les régnés
fuivans.
La cour de Rome , occupée du foin de maintenir
& de renforcer ce qu'elle venoit d'obtenir,
fit fucceftivement légats les cardinaux de Boiffy
& Duprat. Ces miniftres , qui avoient tous deux
beaucoup de part aux bonnes grâces de François
premier , confervèrent à la légation une partie
de l'éclat que d^Amboife lui avoit procuré. Alors
les papes , n'efpérant pas de porter plus loin les
honneurs de la légation, & eftimant que ceux
qu'ils venoient d'acquérir étoient folidement établis
j ne fongèrent qu'à éviter les pertes qu'ils
faifoient par des légations accordées à des Franço
is , parce que l'argent produit par la légation
demeuroit en France, & n'étoit point envoyé à
Rome. C e royaume n'a plus eu de légat françois,
excepté pour quelque commiffion particulière :
c'eft ainfi que le cardinal de Joyeufe fut honoré
de cet emploi, uniquement pour tenir Louis X I I I
fur les fonts-baptifmaùx , au nom de Paul V .
Sous le règne de Henri I I , Jerome Cap Ferri,
cardinal du titre de S. G eorge, vint en France
en qualité de légat de Paul III. Le parlement da
Paris vérifia fes pouvoirs, & y mit les modifications
qu'on avoit mifes autrefois à ceux des
cardinaux Alexandre Farnefe 8c Jacques Sadolet.
On mit les mêmes reftriétions aux pouvoirs
du cardinal Jerome Verallo, & on y en ajouta
d'autres.
^Le cardinal Caraffe, qui vint enfuite en la
même qualité de la part de Paul IV fon oncle ,
tâcha de porter les honneurs de la légation au-
delà même de l'étendue que lui avoient donnée
ceux qui l'avoient précédé. Il demanda que le
parlemçnç de Paris allât au-devant de lu i, & À
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pouffa fi-vivement le roi fur cet o b je t, qu’il fallut
plus d'une trèS'-humble remontrance pour per-
fuader à ce prince que les parlemens de France
ne marchent en corps que pour le fouverain. On
envoya au-devant de ce légat un grand nombre
de députés, qui l'accompagnèrent pour obéir au
roi , mais qui ne le fàluèrent pas même en l'abordant.
De Thou rapporte qu'on difoit de ce
légat qu’il étoit impie j qu'il fe moquait librement
de la religion , & répétoit tout bas ces paroles :
trompons ce peuple puifquil veut être trompé , au
lieu de celles qu'il devoir prononcer en donnant
la bénédiction au peuple , qui fe jettoit en foule
à fes genoux pour la recevoir.
Sous Charles IX , Hippolyte d'Eft , cardinal
de Ferrare, quoique prince 8c parent du ro i,
eut beaucoup de peine à faire agréer fa légation.
L e chancelier de l'Hôpital refufa de figner les
lettres que les légats doivent obtenir du roi, avant
de préfenter leurs pouvoirs au parlement. Il fallut
un commandement exprès de les fceller ; 8c
le chancelier ne le fit qu'en déclarant, au-deffous
du fceau, qu'i/ ne le mettoit que par Vexprès
commandement du roi contre fon propre fentiment.
C e légat ne trouva pas moins de réfiftance dans
le parlement. On vouloit lui ôter le pouvoir de
conférer .les bénéfices, au préjudice des ordinaires
, & l'obliger à faire le ferment de fidélité ,
parce que le roi étant fouverain & abfolu dans
fon royaume , nul n'y doit exercer de jurifdiCtion
fans avoir prêté ce ferment. Toutes les difficultés
furent enfin levées par. les importunités du légat |
& par la promeffe expreffe qu'il donna de ne pas
ufer dé Tes pouvoirs. Il n'eut que le nom de légat
j mais il faut avouer que, s'il n'en fit pas
les fondions, ce fut par la crainte qu'eut la cour
de France d'augmenter les allarmes des proteftans j
car le légat étoit arrivé dans ce royaume peu de
temps après le maffacre de la S. Barthelemi.
Du temps d'Henri I I I , le cardinal Morofini
vint en France j mais pour exercer fa légation ,
il fut obligé de prêter ferment de fidélité au roi,
& de promettre de n'ufer de Tes pouvoirs qu'auffi
long-temps & de la manière qu'il plairoit à Flen-
ri III ;des légats qui l'avoient précédé, & ceux
qui l'ont fuivi, n'ont donné que de fimples lettres.
Les légations alloient tomber dans le décri
lorfque la ligue qui troubloit ce royàUme , les
releva. La cour de Rome dépêcha en France le
cardinal Caïetan. En des temps moins orageux ,
elle n'eût ofé choifir pour légat un homme de la
famille de Boniface V I I ] , fi juftement odieux à
la France. Ce légat dont les bulles furent enré-
giftrées, fit publier fes pouvoirs qui lui attribuoient
une jurifdiétion que les fa&ieux reftés à Paris reconnurent,
après la réquifition du magiftrat qui
rempliffoit les fonctions de procureur général. Le
légat 3 arrivant au parlement de Paris, alloit fe
placer fous le dais qui eft réfervé pour le roi , lorfque le préfident Briffon qui étoit à la tête de
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la compagnie, le retint par le bras 3 l'avertit que
cette place étoit celle du r o i , & que perfonne
ne /pouvoir l'occuper fans fe rendre coupable. Le
légat fut obligé de fe placer au-deffous du premier
préfident. Le cardinal de Plaifance vint en-
fuite : il profita, tant qu’il p u t, desdéfordres de
l'état. Oublions ce qui fe paffa durant la ligue ,
& ne rapportons pas ici des exemples qu'on ne
doit plus citer, depuis que la guerre civile a ceffé,
8c que la majefté du trône a repris toute fa fplen-
deur.
Lorfque la ligue fut abattue, la cour de Rome
toujours redoutable à Henri I V , par l'autorité
qu'elle confervoit fur les fadieux de France, vou-
1 lut profiter de l'intérêt qu'avoit ce prince de montrer
du refped pour le pape. Elle deftina le cardinal
de Florence à la légation de France, pour
achever le grand ouvrage de la réconciliation du
roi avec le faint-fièges il y vint, & fut reçu du
roi avec de grandes démonftrations de joie & de
très-grands honneurs. La cour envoya Henri de
Bourbon, prince Ide Condé , au - devant du
légat. Le roi lui-même lui fit l'honneur de l'aller
voir à Chartres, pour marquer fa reconnoif-
fance à un homme q u i, dans toutes les occa*
fions, avoit embraffé les intérêts de ce prince
contre la fa&ion d'Efpagne j mais il n'y alla que
fur des chevaux de pofte, & n'y fut pas fuivi de
l'éclat extérieur qui accompagne la majefté royale
dans les cérémonies publiques : on imagina cet
expédient, afin que la vifite parût perfonnelle,
& ne pût jamais tirer à conféquence.
Le pape, fatisfait du fuccès de cette légation,
ainfi que les françois durent Têtre du légat} qui
fe conduifit ( dit l'hiûorien ) avec beaucoup de
fageffe & de modératioh , envoya , quelque tems
après, le cardinal Aldobrandin en France, en
qualité de légat 3 pour la célébration du mariage
de Henri IV & de Marie de Médicis, 8c pout
la négociation de l'affaire du marquifat de Saluées.
C e légat ne vint point à Paris, parce que lé
roi étoit occupé de la conquête delà Breffe &
de la Savoie j il s'arrêta à Lyon où il fit fon entrée
, le prince de Conti & le duc de Montpen-
fier marchant à fes côtés. La France crut en avoir
fait affez, mais Rome ne fut pas contente. Les
pouvoirs du légat étoient, prefque dans tous les
points, contraires aux libertés de ce royaume,
8c ils ne furent point enrégiftrés. Aldobrandin,
quoique neveu du pape, ne reçut point la vifite
du r o i} 8c la cour de Rome apprit que, pour donner
de la confidération aux légats, il ne falloit pas
rendre les légations fi communes.
Il n'y eut qu'une feule légation fous Louis X I I I ,
& ce fut le cardinal Barberin qui l'exerça. Elle
avoit pour objet l'affaire de la Valtéline, & la
paix d'Italie entre les françois & les efpagnols.
C e prélat avoit peu d'expérience 5 mais il étoit
neveu du pape 1 ferme, cérémonieux félon l'ef- prit de fa nation. Inftruit de l'ambition du cardir