
fent toujours prêts à marcher à l'ennemi. Lorsque
les neveux font en -âge de porter les armes ,
ils Tuivent leurs oncles ; le nom de père eft inconnu
à un enfant rihyre. Il parle des maris de
fa mère , de fes oncl-s , & jamais de fon père.
Les nayrcs s'étant révoltés.ces années dernières
, Ayder-Aly-Khan les a fournis 5 & avant de
quitter leur pays, il les a déclarés déchus de tous
leurs privilèges f o n dit que leur cafte , qui étoit
la première après celle des bramines _, eft devenue
la dernière ; qu'Ayder Aly les a obligés à faluer
les parias & autres gens, des plus baffes caftes ,
à fe ranger devant eux comme les auties mala-
b.ares étoient obligés auparavant de le faire devant
les nayres-, qu'il a permis à toutes les caftes de porter
les armes, & qu'il les a défendues aux nayres 3
Jefquéls feuls avoient eu jufqu'alors le droit d'en
porter j qu'il a permis & ordonné à tout le monde
de tuer les nayres que l'on trouveroit armés. Par
cett;e ordonnance , publiée dans un moment de
colère, Ayder efpéroit rendre toutes les autres caftes
ennemies des nayres, ilcroyoit qu'elles cherche-
roient à fe venger de l’oppreflio'n tyrannique que
cette nobleffe avoit exercee contr'eux.
Elle rendoit impoftible la fucceflîon des nayres 3
qui euflent trouvé la mort mille fois moins cruelle
que cet aviliflfement ; & Ayder en publia une
nouvelle, qui rétabliffoit dans tous leurs droits
prééminences les nayres 3 lorsqu'ils embrafle-
jroient la religion de Mahomet. Pluiîeurs, de ces
pobles prirent à ccttç oçcafion le turban j mais
la plus grande partie eft reftée errante : elle a mieux
aimé fe réfugier dans le royaume'de Travancour
que de fe foumettre à cette dernière loi,
Nous ignorons ce- qui eft arrivé depuis la mort
4'Ayder-Aly. Foye^les articles Mais sçhjr, Ma -
1ABAR , &Ç,
N É G O C IA T IO N ,N É G O C IA T E U R S , manière
de tr.aiçer les affaires politiques j & hommes
qu’on y emploie.
Les négociations politiques font beaucoup plus
difficiles qu'elles ne l'étoje.nt autrefois. Anciennement,
lès ambaflades n'étoient que momentanées
; il fuffifoit à un miniftre de bien connojtre
un objet unique, qui |J |p celui de fa miffion 5
il expofoit fa demande , on }ui faifqit une ré-
ponte , & la négociation fe termipoit en peu de
jours- Aujourd'hui que les rniriiftr.es publies refirent
continuellement, mille & mille objets doivent
attirer leur attention. Les intérêts de tous
les états , les vues de tous les prîncçs , celles des*
autres miniftres publics , les cfiangemens qui peu- !
vent arriyer dans chaque Cour , les mouvemens
qui peuvent agiter l’Europe ; un miniftre public
s'occupe de tout..
Les divers états de l'Europe ont entr'eux un
commerce & des rapports fi bien établis, qu’un
changement dans l'un de ces états eft prefque
iqujours çapabjç de trouble? le repos des autres, 1
Les démêlés des moindres fouyerains mettent de
la divihon entre les principales puiflances, à
caufe des divers intérêts qu'elles y prennent. Les
diverfes puiflances' ne devraient fe mêler que des
chofes eflentielles ; mais, par une foibleffe naturelle
aux hommes > elles veulent fe mêler de
tou t, & ces rapports obligent prefque chaque
fouverain d'entretenir continuellement des miniftres
dans les cours étrangères. Un prince veut
être inftruit de tout ce qui fe paffe hors de fon
royaume, qui a quelque rapport à lu i, à fes alliés
, à fes ennemis, aux puiflances qui n'ont point
encore pris de parti. Mais jufqu'à quel point ces
inftruéiions lui font-elles-néceflaires, & ou com-?
mence la Ample curiofité ? C 'eft ce que nous
n'indiquerons pas ici. Quoi qu'il en fo i t , un miniftre
habile peut découvrir dans une cour ce
qu'on cache à fon maître dans une autre. La
connoiilance de tout ce qui fe pafle eft importante
ou utile au gouvernement ; elle ne le ferait
pas, fi chaque état Te bornoit à fa voir les faits
vraiment intérefians.
Un négociateur appliqué découvre & diffipe
les projets qui fe forment contre les intérêts de
fon prince 3 dans les pays où il négocie. Un fou-
vèrain habile , du fond de fon cabinet, fans faire
de grandes dépenfes, fans mettre fur pied des
armées nombreufes, parvient fouvent à affoiblir
des états, dont la puiflance lui donne de l'ombragé.
C'eft par ce moyen qu’un bon miniftre
entretient quelquefois dans les états de fon maître
une tranquillité profonde , pendant qu’ il/produit
des révolutions ailleurs , & qu’il fait même agir
‘des nations contre leurs propres intérêts.' C'eft:
par-là enfin que l'on rompt les Iiaifons les plus
étroites , & que l'on conclut les traités les plus
utiles.
Il eft aifé de faire échouer les . plus grandes
entreprifes , lorfqu’on les découvre ail moment
où elles fe forment, parce qu'on a befoiri de plu-:
fieurs reflorts pour les faire mouvoir, & qu'il
n'eft prefque pas poflîblé de les cacher à un /zé-
gociateur habile qui fe trouve fur les lieux.- En
général, on s’y prend trop tard quand on attend
pour envoyer dans les^pays voifins, qu’il y
furvienne des affaires importantes. S'il s'agit, par
exemple, d’empêcher la conclufion de quelque
traité , foie avec une puiflance ennemie, ou avec
une puiflance qui donne de la jaloufie , ou de
détourner une déclaration de guerre , qui étant
faite contre notre allié , nous le rendrait inutile ÿ
en le mettant dans la néceflité de pourvoir à fa
propre défenfe ^ les négociateurs qu'on envoie dans
les cours au moment même, n'ont pas le temps
d'établir des Iiaifons & de prendre des melures
propres à faire changer les.réfolutions prifes , à
moins qu’ its né portent avec eux de grands moyens
toujours à charge, au prince-qui les donne, &
fouvent inutiles, parce qu'on s’ en fert trop tard.
On peut cionç aujourd'hui établir en maxime
qu'il eft d'une importance extrême de négocier
continuellement en public & en fecret. On ne
jouit pas .toujours fur-le-champ du fruit de ces
négociations 5 niais quoique l'avantage en foit reculé
, & que celui qu'on en- peut efpérer, ne
foit pas apparent, il paroît qu'il' y en a un réel
a négocier Tans cefic , ou du moins qu'il y aurait
du défavantage à ne pas le faire/ Les grandes négociations
ne peuvent être que l'effet d’une fuite
de defîeins enchaînés l'un à l'autre. Le fuccès
trompe quelquefois les meilleures mefures, &
il eft difficile dans ce genre de combat, aufli-
bien que dans les combats ordinaires, de combattre
fouvent & d'être toujours vainqueur j mais
le mauvais événement ~ne doit jamais rebuter :
l ’homme qui négocie toujours , trouve enfin l'oc-
cafion de parvenir à fon but. Quand on ne la
trouveroit jamais , il eft fur qu'on gagne beaucoup,
lors 'même qu’on ne gagne que du terris.
: On a foin de négocier même avec l’ennemi à
qui on fait Ja guerre. Les vénitiens ne font jamais
plus de négociations pour la paix, que I01T-
qu’ils font la guerre avec plus de chaleur, & il
paroît que les autres puiflances les imitent aujourd’hui/
Si ces maximes conviennent à tous les états ,
on peut dire quelles regardent particuliérement
ceux qui, fupérieurs en forces,, font comme les
premiers mobiles des états inférieurs. Si on ne
peut avoir des miniftres par tout, il eft aifé d’entretenir
dans tous les lieux des correfpojidances.
ou publiques , ou- fecrettes.
Le roi d’Angleterre Henri V I I , qui avoitTbeau-
coup de talent pour l'adminiftration , ’ envoyoit
des ambafladeurs dans toutes les cours; mais il
ne leur' dormait prefque rien à-négocier , parce
qu'il ne vouloit pas leur confier fon fecret. 11 leur
ordonnoit Amplement de l’informer avec exaéti-
tude de tout ce que les ambafladeurs des autres
princes traitoîent dans les mêmes cours. Il croyoit
apprendre les affaires & les intentions;de fes voi-
fins, amis ou ennemis , fans leur communiquer
rien des fiennes : mais cette politique raffinée auroit
peu de fuccès maintenant, & on négocie
aujourd'hui avec une forte de franchife qui cache
plus de rufe.
Les princes fe glorifient d'avoir dans leur cour
un grand nombre de miniftres publics.' Alexandre,
averti que" des ambafladeurs de tous les pays du
monde l’attendoient à Babylone , fe hâta d’y aller
, quoique les aftrologùes chaldéëns l’avertif-
fent qu’il courait grand rifque de fa vie, s’il en--
troit dans la ville. Flatté de Pempreflement des
peuples à lui rendre leurs hommages , il ne voulut
pas différer de donner audience à leurs ambaf-
fadeurs ; il fe rendit à Babylone, pour y tenir
comme lës états-généraux de l'univers. Tamerlan,
au faîte de l'empire, eut dans fa cour tous les
princes âfiatiques, ou par eux-mêmes, ou par
kurs ambaffadetirs, Oja ne voit point d'audiences
ni d’aflemblées plus dépourvues d'ambaffadeurs &
d’étrangers que les vôtres , difoit Démoli hene aux
athéniens : il vouloit leur prouver qu'ils étoient
déchus de la confidération dont ils avoient joui.
Les audiences font une des plus difficiles fonctions
des fouverains. C e n'eft pas aflez que le
prince parle aux miniftres étrangers, en de certaines
occafions , avec une fermeté néceflaire , il
faut que dans toutes il écoute avec attention ,
& qu'il fe foiivienne de ce qu'il eft , & de ce
qu’ell le prince au miniftre duquel il donne audience..
Il faut de plus qu'il fe concilie l'affection
de tous les miniftres. Il a intérêt de les bien
traiter.
Comines dit que Louis X I dépêchoit les
ambafladeurs avec de fi bonnes paroles & de fi
beaux préfens , qu'ils s’en allaient toujours.con-
tens de lu i, & diffimuloient à leurs maîtres ce
qu'ils fa voient, à caufe du grand profit qu'ils en
reti'roient.
« j'a i lu , dit Amelot de la Houflaye , que
'*>■ ; lâ première caufe qui porta le fénat de cette
^ république ( Venife ) à reconnoître tout d'abord
» pour roi de France Henri IV , fut la relation
« que donna-par écrit le fénateur Jean Moceni-
« g o , qui réfidoit en qualité d ’ambafTadeur au-
« près de Henri III lorfqu'il fut tué «.
C'eft- une mauvaife politique , dans l'état actuel
de l'Europe , de recevoir des ambafia-
deurs , & de iren- pas envoyer. C'eft préférer
une vaine gloire à de folides intérêts. Les
princes qui n'eniretiendr-oient pas des miniftres
chez les autres fouverains , vivroient dans une
ignorance qui leur deviendroit fatale. On peut
éviter le danger dont on a été informé à tems j
mais comment fe garantir de celui qu'on n'a pas
prévu !
Plufîeurs. cours de l’Europe entretiennent des
miniftres à Cpnftantinople, pour protéger le commerce
de le urination , & pour veiller aux intérêts
de leurs états. Le grand-feigneur croit que.
c’eft une éfpèce d’hommage qu’on lui rend, &
il regarde les miniftres publics comme des otages
, auxquels il peut demander raifon de I’in-
fraétion des traités que leurs maîtres font avec
la Porte.jaloux. de cette chimérique dépendance
des princes chrétiens , les turcs ne permettent
pas à un ambaffadeur de fe retirer , à moins que
fon fuccefleur ne foit arrivé, ou à moins qu’ il
ne promette qu’on lui en donnera un au premier
jour ; & de leur part, ils ne font réfider perfonne
dans les autres cours de. l’Europe. Ils envoient
quelquefois des ambafladeurs extraordinaires en
France, mais ces occafions font rares. Ils ont
aufli envoyé des ambafladeurs extraordinaires aux
cours de Vienne & de Pétersbourg ; mais ce n’a
été que lorfque ces cours en envovoient à Conf-
tantinople. Alors l’ échange des ambafladeurs ref-
peélifs s’eft fait fur les frontières , par des coin,
miffaires chrétiens Sc mahomécans 3 & le cérémo