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voulu que les régences reridiffent compte , lorsqu'on
le demanderoit, de l'emploi des finances i
ils ont voulu que les deniers publics 3 le fruit
de leurs travaux & de leur induftrie , & fouvent
le retranchement des plus preîfans befoins du
citoyen de la moyenne claffe, fuffent employés
aux befoins de l'état , à l'entretien; de la Marine
qui en fait la principale force , à celui des digues
& fortifications 5 ils ont voulu que, par une jufte
perception des impôts, le tréfor de l'état fut toujours
rempli & pût faire face à une guerre 3 fi
quelque puiffance étrangère la déclarok à la république;
ilîs ont voulu que les états des provinces
& les collèges de la fouveraineté fuffent
abfolüment indépendans du ftathouder, qui n'eft
que le premier mrniftre de la république, & que
les affemblées des membres de la puiffance exécutrice
pufïènt prendre librement des réfolutions
propres à affurer la dignité de la confédération,
6 profpérité, fa force , fa, gloire & fa confidé-
ration chez l'etranger. Voilà en fuhftance ce que
les patriotes en général ont eonftamment voulu 3
& voilà aufli ce que les patriotes armés*ont conf-
tamment demandé. C 'é to it, je Ië fais 3 diminuer
l'influence du ftathouder & donner un frein aux
ariftocrates qui prétendoient gouverner Seuls &
à leur fantaiue; mais ce n’étoit pas détruire le
ftathoudérat, ni introduire la pure démocratie j
c'étoit uniquement jeter la bafe d'un gouvernement
républicain calculé fur de meilleurs principes.
Les ■ ariftocrates gueldrois le fentirent ; &
pour fe dérober tout d'un coup aux follicitations
prenantes des patriotes de leur province, ils prirent
une réfolution qui a de quoi étonner le fujet
même fournis au gouvernement le plus dèfpoti-
quetces états de Gueldre défendirent , fous peine
de pourfuite criminelle , qu'on leur présentât aucune
adreffe ni requête quelconque fur des abus
à • réformer, ou fur des vexations effuyéès par
les concitoyens de la part des tyrans leurs «ré-
gens. Les villes d'Elbourg & de Hattem furent
punies de la manière la plus cruelle pour avoir
voulu ufer du droit de leur liberté civile , comme
nous le dirons plus bas. Tout le monde; fait
l’hiftoire du faccagement de ces deux villes infortunées.
Les états, de Gueldre & le prince
ftathouder, s’aidèrent mutuellement en cela pour
affouvir leur reffentiment'particulier. Les arifto-
erates des autres provinces goûtèrent peu-à-peu
ce fyftême d’oppreflion , &: les foi difant états
d’Utrechr, affèmblés à Amersfort, rembraffè-
rent fans réferve. Les Ariftocrates des autres
provinces ne défendirent pas à là. vérité qu'on
leur prefendit des requêtes , mais ils finirent pat
Jes recevoir fans les lire , où du moins farts y répondre.
Et c'eft-là, une des grandes caufes dé
la malheureufe iflué de la révolution, aétuelle.
Le ftathouder .& fa cabale onr profité, de Cette
inertie des ariftocrates ; ils ont préparé leurs ;
mefures de loin > ils ont lié leur partie' ave® la"
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Prufîfé & avec l'Angleterre, & font venus à
bout d'envahir la république & de faire ainfi là'
; lo i, tant aux ariftocrates qu'aux patriotes. Je
j ne fuis aucunement furpris que l'ariftocratie ait
! été affez orgueilleufe & affez imprudente pour
j défendre aux bourgeoifies la préfentation des re-
j quêtes, ou pour n'y avoir eu nul égard dans les j derniers fix mois de la ^évolution ; mais je fuis
j furpris que cette ariftocratie ait trouvé des avo-
! cats & des inftigatÊfars fur cet article capital.
Les abus d?autorité dans la république par rapport
au peuple, avoient été de tout tçrops de
deux fortes : abus d'autorité de la part des ftat-
; houders, abus d'autorité de la part des régens *
’ c'eft-à-dire, que le peuple des fépt provinces
i auquel on difoit continuellement qu'il étoit libre,
en ne le comptant véritablement pour rien, étoit
vexé alternativement par les ftathouders & par
les régens. C e fut cette vexation des régens qui
amena la révolution de 1747 & 1748 * cn
veur de Guillaume IV. Les citoyens, opprimés
par leurs magiftratures, virent avec plaifir la canaille
des campagnes &* des villes forcer les
états des provinces à rétablir le ftathoudérat dans
les cinq provinces qui fe gouvernoient fans ftathouder
depuis la mort de Guillaume 1 1 1 .
Les bourgeoifies'crurent être délivrées1, par le
ftathouder, de J'oppreflion des Régens, mais
elles furent trompées dans leur attente. La majeure
partie des régens fe raccommoda avec Gi *i-
Jaume IV ; ils rampèrent à fes pieds, & , à l'abri
de fon autorité , ils reprirent bientôt celle
qu'ils avoient fur le peuple* II eft vrai qu'ils
eurent la lâcheté de recevoir cette autorité des
mains du ftathoudçr, & qu'ils ne devinrent parla
que les mandataires, ou plutôt les efclaves du;
premier miniftre de l'état.
■ C'étoit pour ne pas retomber dans, cette grande
faute & dans cet état malheureux, que les pa- ’
triotes fe font armés dès l'année 1785. C 'é t o i t .
pour être à même de contenir la populace fou-
doyée par la . maifon d'Orange,. & de foutehir
les bons régens dans les réformes à faire , que fe
font formés ces nombreux corps armés dans
toute la république. Leur prêter d'autres vues &
d'autres deffeins, c’eft les calomnier. Les au-*
très affociations patriotiques non armées n'ont
pas: en d’autre b u t, & chacune en particulier '
n’a jamais eu d'autres vues que de fixer d’une "
manière ftable & permanente les droits du peup
le , & de les faire enfin recortrioître convenablement
par le ftathouder par les états provinciaux
, & par les magiftratutes municipales. Or-,
pour y parvenir , .voici à quoi fé îédûiforent les
prétentions de .ces patriotes1 fi injustement calomniés
:
i°. A avoir dans chacune, des villes & vilîàg'es'
un collège de côn-ftit.ués-, choifis par les citoyens*,
ayant' droit, Stélëétiorr & refponfaBles dè leur ''
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•geftion au corps des conftituans, qui auroit pu
îes dépofer en cas d’ infraétion formelle aux inf-
trüâions qu’ils auroient reçues :
. A ce que ces collèges de conftitués euf-
ie n t , au nom des bourgeoifies, une influence
réelle dans la nomination & l’éleélion des con-
feillers de ville qui forment les repréfentans, proprement
dits, du .peuple dans les états provinciaux.
Cette influence devoit être réglée par une
convention ou réglement dreffé d’accord avec les
régens en place, propofé enfuite aux bourgeoifies.,
examiné par elles , & enfin arrêté & juré,
tant par les citoyens que par les magiftrats, en
excluant, comme de raifon , de l'honneur de la
repréfentation populaire, ceux des régens qui
n'auroient pas voulu s'y foumettre. C'eft ce qui
avoir été heureufement exécuté à Harlem, peu
de femaines avant la révolution : aufli le ftathouder
, pour punir les magiftrats & le peuple de
cette ville patriotique vient-il d’y former une nouvelle
régence. Tous les anciens magiftrats ont été
depofés, & on leur a fubllitué trente-quatre citoyens
qui n'ont, la plupart, ni l'â g e , ni les
•qualités requifes ; mais ils forment un corps titré
d'efelayes , & c’eft tout ce qu’on cherche dans
ce qu'on appelle le rétablijfement de la vraie conf-
titutiàn.
3°. A faire revifer chaque année lès comptes
publics par .les collèges des conftitués, afin de
connoître l'emploi des deniers de la nation.
^ 4®. A rendre habile tout honnête & paifible
citoyen , quel que fût ion culte religieux, pourvu
qu'il fût chrétien , à pofleder & exercer toutes
fortes d'emplois, excepté ceux affrétés à la ma-
giftrature , & par conséquent empêcher que les
emplois fecondaires, tous jufqu'ici à la nomination
des bouegue-maîtres, ne fuflent donnés à
leurs cochers laqu ais ou cuifiniers , de préférence
aux honnêtes citoyens nationaux ; car on
doit remarquer que la plupart des domeftiques
des maifons des magiftrats font des étrangers, &
que la perfpeétive de ces emplois leur fert le
plus fouvent de gages. Les abus fur cet article
font innombrables, & de la plus grande confé-
•quence ’ pour la moyenne bourgeoifie. Il n'y a
peut-être pas d’état en Europe où il y ait plus
d’emplois, proportion gardée, & plus lucratifs
que dans la province de Hollande.
5°. Les patriotes vouloient qu'après la réforme
des abus dans le gouvernement municipal , on
procédât à celle des abus dans l'adminiftration
provinciale : de la première découloit néceflai-
rement la fécondé ; & une fois que les régences
auroient été remplies, d'après l'influence raifon-
nable du peuple dans le choix de fes magiftrats,
la féconde réforme n'eût pas été difficile. Cette
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dernière auroit entraîné celle des abus non moins
grands, glifîes dans le gouvernement général de
la confédération ; les états de chaque province
l’auroient opérée, non fous l'intervention direéte
du peuple, mais en fon nom j & chaque pouvoir
refpeélif une fois reconnu, limité & arrêté,
le bon ordre permanent en eût été la conféquence
naturelle.
Par ce moyen, les trois grandes charges héréditaires,
réunies fur la tête du prince, auroient
également été réglées d’une manière légale &
fixe j les privilèges & prérogatives y attachés auroient
été fixés invariablement, & le ftathouder
héréditaire , lié par la conftitution , auroit
été1 dans l’heureufe néceffité de fervir la république
en bon. & fidèle miniftre ; il auroit été dans
l’impuiflance d'en trahir les intérêts. D'un autre
c ô té , l'ariftocratie auroit été affujettie à des règles
immuables, & n'auroit jamais pu fe permettre
impunément des écarts graves contre la conftitution.
En un m o t, les villes auroient eu une
conftitution municipale, les états provinciaux en
auroient eu une provinciale , & la confédération
en auroit eu une fédérative ; elles auroient été
toutes trois (tables, déterminées & permanentes 5
tout auroit été dant l'ordre : chaque citoyen ,
depuis le miniftre d'état jufqu’à l’habitant du dernier
rang, auroit été à même de confulter le
code , ou fes lo ix , fes privilèges & fes devoirs
auroient été écrits.
Voilà en fubftance ce que les patriotes vouloient
: voilà quel étoit leur unique but. Leur
plan n'a pas réüfli 3-mars, je ne crains pas de le
dire , jamais la famille d'Orange ne pourra faire
maintenant aucun bien dans l'état 5 une irréconciliable
inimitié de parc & d'autre vient de tirer
la ligne de démarcation entre les coeurs vraiment
hollandois & les tyrans qui viennent de les opprimer.
Ayant perdu irrévocablement & pour
toujours l'amour & la confiance de la nation, les
princes de cette maifon & le corps entier du
peuple feront dans une méfiance réciproque &
continuelle j les princes chercheront à fubjuguer
la nation, & la nation épiera continuellement le
moment de fecouer abfolüment le joug honteux
qu'on vient de lui impofer. Une cataftrophe fu-
nefte eft inévitable. La nation holiandoife finira
par être fubjuguée totalement par la maifon
ftathoudérienne, ou cette maifon fera extirpée
elle-même par la nation. Tout tend à une révolution
qui mettra fin à I’efclavage de la république
, ou qui lui donnera des fers dont elle ne
pourra plus fe dégager.
Les abus du ftathoudérat, dont les patriotes
demandoient le redreffement, étoient affez crians
& affez intolérables pour autorifer un peuple libre
I à s'armer, afin d'abattre une auforité monf- trueufe qu* tendoit fi dire&ement au détriment
de la liberté civile & à l'aflerviffement de la république.
Les abus de l'ariftocratie effrénée n'é-,
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