
doient chaque mois la même poftioti de leur
induftrié.
Les mendians même étoient taxés à des contributions
fixes, que des travaux ou des aumônes
devoietit les mettre en état d’acquitter.
Au Mexique, l’ agriculture étoit très-bornée,
quoique le plus grand nombre de fes habitans en
fiffent leur occupation unique. Ses foins fe bor-
noient au maïs 8c au cacao, & encore récokoit-
on fort peu de ces productions. S’il en eût ete autrement
, Jes premiers efpagnols n’ auroient pas
manqué fi fouvent de fubfiftances. L ’imperfeCtion
de ce premier des arts pouvoit avoir plufieurs cau-
fes. Ces peuples avoient un grand penchant a l’oî-
fiveté. Les inftrumens dont ils fe fervoient étoient
défectueux. Ils n’ avoient dompté aucun animal qui
pût les foulager dans leurs travaux. Des peuples
errans ou des bêtes fauvages ravageoient leurs
champs. Le gouvernement les opprimoit fans relâche.
Enfin leur conftitütion phyfique étoit fingulié-
rément foible, ce qui venoit en partie d’une nourriture
mauvaife 8c infuffifaute.
On ignore jufqu’ à l’époque de la fondation de
l’empire du Mexique. A la vérité,les hiftoriens caf-
tillans nous difent qu’avant le dixième fiècle, ce
valte efpace n étoit habité que par des bordes errantes
& tout-à fait fauvages. Ils nous difent que
vers cette époque, des tribus venues du nord &
du nord-oueft occupèrent quelques parties du territoire
, & y portèrent des moeurs plus douces. Ils
nous difent que trois cents ans après,un peuple encore
plus avancé dans la civilifation 8c forti du voi-
finage de la Californie, s’établit fur les bords du
lac 8c y bâtit Mexico. Ils nous difent que cette
dernière nation, fi fupérieure aux autres, n’eut
durant un affez long période, que des chefs plus
ou moins habiles, qu’ elle élevoit, qu elle defti-
tuoit félon quelle le jugeoit convenable à fes mte-
rêts. Ils nous difent que l’autorité^ jufqu’ alors
partagée & révocable , fut concentrée dans une
feule main, & devint inamovible, cent trente ou
cent quatre-vingt-dix-fept ans avant l’arrivée des
efpagnols. Ils nous difent que les neuf monarques
qui portèrent fucceflivement la couronne, donnèrent
au domaine de l’état une extenfion qu’il n’avoit
pas eue fous l ’ancien gouvernement. Mais
quelle foi peut-on raifonnablement accorder à des
annales confufes, contradi&oires remplies des
plus abfurdes fables qu’ôn ait jamais expofées à la
crédulité hùmaine ?
La population du Mexique etoit immenfe, ajoutent
les conquérans. Des habitans couvroient les. camp
a g n e s le s citoyens fourmillôiént dans les villes j
-les armées étoient très - nombreuses : mais on a
relevé l’exagération de tous ces détails.
Quelle que fût U population du Mexique^ la
prife de la capitale entraîna la foumiffion de l’ état
entier. Il n’étoit pas anffi étendu qu’on le croit
communément. Sur la mer du Sud , l’empire ne
commençoit-qu’ aNicaragùà' 8c fe termiftoit a Aeapuîco
: encore une partie des côtes qui baignent
cet océan n’ avoit-elle jamais été fubjuguée. Sur la
mer du N o rd , rien prefque ne le coupoit depuis
la rivière de Tabafco jufqu’ à celle de Panuco î
mais dans, l’intérieur des terres, Tlafcala, T e -
peaca, Mechoacan, Chiapa, | quelques autre»
diftriéls moins confidérables, avoient confervé leur
indépendance. La liberté leur fut ravie, en moins
d’une année, par le conquérant, auquel il fuffifoifc
d’envoyer dix, quinze, vingt chevaux, pour n é-,
prouver aucune réfiftance > 8c avant la fin de i y 22
les provinces qui avoient repouffé les loix des mexicains
& rendulâ communication de leurs poffeflions
difficile ou impraticable, firent toutes partie de la
domination efpagnole. Avec le temps, elle reçut
encore des accroiffemens immenfes du- côte du
nord. Ils auroient même été plus confidérables ,
fur-tout plus utiles, fans les barbaries incroyables
qui les accompagnoient ou qui les fuivoient.
A peine les caflillans fe virent-ils maîtres du
Mexique, qu’ils s’en partagèrent les meilleures
terres , qu’ils réduifirent en fervitude le peuple qui
les avoit défrichées, qu’ils le condamnèrent à des
travaux que fa conftitution phyfique > que fes habitudes
ne comportaient pas* Cette opreffion gêner
raie excita de grands foulevemens. Il n’y eut point
de concert, il n’y eut point de c h e f, il n’y eut
point de plan , & ce fut le défefpoir feul qui pro-'
duifit cette grande explofion. Le fort voulut qu’elle
tournât contre les trop malheureux indiens. Un
conquérant irrité, le fer & la flamme à la main,,
fe porta avec la rapidité de l’éclair d’une extrémité
de l’empire à l’autre, 8c laiffa par-tout d|S traces
d’une vengeance éclatante, dont les détails feroient
frémir les âmes les plus fanguinaires. Il y eut une
barbare émulation entre l’officier & le foldat, à
qui immoleroit le plus de vi&imes ; & le général
lui même furpaffa peut-être en férocité fes troupes
& fes lieutenans.
Cependant Cortès ne recueillit pas de tant d’inhumanités
le fruit qu’il pouvoit s’en promettre. Il
commençoit à entrer dans la.politique de la cour de
Madrid, de ne pas laiffer à ceux de fes fujets qui
s’ étoient fignalés par q uelqifi m portante découverte
, le temps de s’ affermir dans leur domination
, dans la crainte bien ou mal fondée qu’ils ne
fongeaffent à fe rendre indépendans de la couronne.
Si le conquérant du Mexique ne donna pas lieu, à
ce fyftême, du moins en fut-il une des premières
vi&imes. On diminuoit chaque jour les pouvoirs
illimités dont il avoit joui d’abord j & avec le tems
on les réduifit à fi peu de chofe, qu’il crut devo’ir
préférer une condition privée aux yaines apparences
d’ une autorité qu’aeçompagnoient les plus
grands dégoûts.
Depuis que le Mexique eut fubi le joug dfes
ra'ftillans, cette vafle contrée ne fut plus expôfée
1 à rinvafion. Aucun ennemi voifin ou éloigné ne
ravagea fes provinces. La paix dont elle jouîf-
foit ne fut extérieurèmunt troublée que pat dfcs
pirates.
pirates. Dans la mer du fu d , les entrèprifes de
tes brigands fe bornèrent à la prife d'un petit
nombre de vaiffeaux : mais au nord , ils pillèrent
une fois Campêche , deux fois Vera-Crux ,
8c fouvent ils portèrent la défolation fur des côtes
moins connues, moins riches 8e moins défendues.
Pendant que la navigation'& les rivages de
cette opulente région font en proie aux corfaires
& aux efeadres des nations révoltées de l ’ambition
de l ’Efpagne, ou feulement' jaloufes de fa
fupériorité, les chichemecas troublent l’intérieur
de l'empire. C ’ étoîent, fi Ton en croit Herrera
8c Torquemada, les peuples qui occupoient les
meilleures plaines de la contrée avant l’arrivée des
efpagnols. Pour éviter les fers que leur préparoit
le conquérant, ils fe réfugièrent dans des cavernes
& dans des montagnes , où s’accrut leur férocité
naturelle , 8c où ils menoient une vie entièrement
animale. La nouvelle révolution qui
venoit de changer l’ état de leur ancienne patrie,
ne les difpofa pas à des moeurs plus douces ; 8c
ce qu’ ils virent ou ce qu’ ils apprirent du caractère
efpàgnôl , leur infpira une haine implacable
contre une nation fi fière 8c fi opprefiïve. Cette
paffion 3 toujours terrible dans des fauvages, fe
manifefta par- les ravages qu’ils portèrent dans
tous les établiffemens qu’on formoit à leur voi-
finage , par les cruautés qu’ik exerçoient fur ceux
qui entreprenoient d’ y ouvrir des mines. Inutilement
pour les contenir ou les réprimer, ü fut
établi des forts & des garnifons fur la frontièrej
leur rage ne difeontinua pas jufqu’ en l’an 1592.
A cette époque, le capitaine Caldena leur per-
fuada de mettre fin aux hoftilités. Dans la vue
de rendre durables ces fentimens pacifiques , le
gouvernement leur fit bâtir des habitations , les
raffembla dans plufieurs bourgades, 8c envoya
au milieu d’eux quatre cents familles tlafcalte-
ques, dont l’emploi devoit être de former à quelques
arts , à quelques cultures, un peuple qui
jufqu’ alors n’avoit été couvert que de peaux ,
n’avoit vécu que de chaffe , ou des produirions
fpontanées de la nature. Ces mefures « quoique
fages, né réuffirent que tard. Les chichemecas
fe refufèrent long-temps à l’inftruéfcion qu’on avoit
éntrepris de leur donner , repouffèrent même
toute liaifon avej: des inftituteurs bienfaifans &
américains. C e ne fut qu’en 1608 que l’Efpa-
gne fut déchargée du foin de les habiller 8c de
les nourrir.
Dix-huit ans après , Mexico voit fe heurter
avec le plus- grand éclat la puiffance civile & la
puiffance eccléfiaftique. Un homme convaincu de
mille crimes, cherche au pied des autels l’impunité
de tous fes forfaits. Le vice-roi Gelyes l’en
fait arracher. Cet a&e de juftice néceffaire paffe
pour un attentat contre la divinité même. La
foudre de l’excommunication eft lancée. Le peuple
fe foulève. Le clergé feculier 8c régulier
(Econ. polit, & diplomatique, Totn,t l l l n
prend les armes. On brûle le palais du commandant
} on enfonce le poignard dans le fein de fes
gardes, de fes amis, de fes partifans. Lui-même
eft mis aux fers, 8c embarque pour l ’Europe avec
foixante-dix. gentilshommes qui n’ ont pas craint
d’embraffer fes intérêts. L ’auteur de tant de calamités
, 8c donc la vengeance n’ eft pas encore
affouvie, fuit fa viéfcime avec le defir & i’efpoir
de Timmolér. Après avoir quelque terns balance ,
la cour fe décide contre le gouverneur.
Une calamité d’un autre genre affligea peu après
le nouveau -Mexique 3 limitrophe 8c dépendant de
l’ancien. Cette valte contrée, fituée pour la plus
grande partie dans la zone tempérée , fut affez
long-temps inconnue aux ‘dévaftateurs de l’Amérique.
Le millionnaire Ruys y pénétra le premier
en 1580. Il fut bientôt fuivi par le capitaine Ef-
pajo, 8c enfin par Jean d’Onâte qui , par une
fuite de travaux commencés en 1599 8c terminés
en 1611 , parvint à ouvrir des mines , à multi-
*plier les troupeaux 8c les fubfiftances , à établir
folidement la domination efpagnole. Des troubles
; civils dérangent en 1652 l’ordre qu’il a établi.
Dans le cours de ces animofités, le commandant
Rofas eft affaffiné j 8c ceux de fes amis qui tentent
de venger fa mort, périffent après lui. Les
atrocités continuent"jufqu’à l’arrivée tardive d&
Pagnaloffe. C e chef intrépide & févère avoit
prefque étouffé la rébellion, lorfque, dans l’ accès
d’ une jufte indignation , il donne un foufflet
à un moine turbulent, qui lui parloit avec info-
lence , qui ofoit même le menacer. Auffi tôt les
Cordeliers , maîtres du pays, l’arrêtent. Il eft excommunié
, livré à l’inquifition , 8c condamné i
des amendes confidérables. Inutilement il preffer
la cour de venger l’autorité royale , violée en fie
perfonnej le crédit de fes ennemis l’emporte fur
fes follicitations. Leur colère lui fit même craindre
un fort plus funefte 5 & pour fe fouftraire à
leurs intrigues, il fe réfugié en Angleterre, abandonnant
les rênes du gouvernement à qui voudra
ou pourra s’en faifir. Cette retraite plonge
encore la province dans de nouveaux malheurs 5
8c ce n’eft: qu’après dix ans d’anarchie & de carnage
, que tout rentre enfin dant l’ordre 8c la
toumiffion.
La fôumiffion, l’ordre y furent de nouveau &
plus généralement troublés en 1693 , par une loi
qui interdifoit aux indiens l’ ufage des liqueurs
fortes. La défenfe ne pouvoit pas avoir pour objet
celles de l’Europe , d’un prix nécefîairement
trop haut, pour que ces infortunés en fiffent jamais
ufage. C ’étoit uniquement du pulque que le
gouvernement cherchoit à les détacher.
C ’eft yers les maifons où l’on diftribue le pulque
que font continuellement tournés les regards de
tous les indiens. Us y paffent les jours , les fe-
maines ; ils y laiffent la ftffififtance de leur famille
, très-fouvent le peiPqu’ils ont de vête?
mens.
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