J '3 2 r n . ±
veaux montres prirent fa place, le gouvernement: j
retomba dans fes excès ; les foîdats vendirent la
patrie, 8c affaffinèrent les empereurs pour en avoir
un nouveau prix. ■ '
Après ces détails, je n’ai pas befoin de prou-
ver qu’il ne.peut point y avoir de par«* dans les
états qui font affervis, Ainfi ceux qui vivent fous
le defpotifme oriental, où l’on ne connoit d autres
loix que la volonté du fouverain, d’autres
maximes que l’adoration de fes caprices, d’autres
principes de gouvernement^que la terreur, où
aucune fortune , aucune tête n’eft: en fûreté ;
‘ ceux-là, d:s-je, n'ont point de patrie , & n’en
connoilfent pas même le mot.
Un lo rd , aufli connu dans la littérature que.
dans les négociations, a écrit quelque part, peut-
être avec trop d’amertume, qu’ en Angleterre
l’hofpitalité s’eft changée en luxe , le plaifir en
débauche, les feigneurs en courtifans, les bourgeois
en petits martres. S’il en étoit ainfi, bientôt
, 8c quel dommage ! l’amour de la patrie n’y
régneroit plus. Des citoyens corrompus font toujours
prêts à déchir-r leur pays, ou à exciter
des troubles ou des faétions fi contraires, au bien
public. ■ ' ■ , ,
Les plus grands prodiges de vertu ont ete produits
par l’amour de la patrie : ce fentiment doux
& v i f , qui joint la force de l’amour propre à
toute la beauté de la vertu, lui donne une énergie
q ui, fans la défigurer, en fait la plus héroïque
de toutes les pallions. C ’eft lui mu produifit
tant d’ aétions immortelles , dont l’éclat éblouit
nos foibles yeu x, 8c tant de grands, hommes
dont les antiques vertus paffent pour des fables
depuis que l’amour de la patrie eft tourné en dé-
rifion. N e nous étonnons pas , les tranfports des
coeurs rendres paroilfent autant de chimères a
qui ne- les a point fentis j & 1 amour de la patrie ,
plus v if 8c plus délicieux cent fois que celui d’une
maîtrelfe , ne fe conçoit de même qu’enTéprou-
vant : mais il eft aifé de remarquer, dans tous
les coeurs qu'il échauffe , dans toutes les avions ,
qu’il infpire, cette ardeur bouillante & fublime.
dont ne brille pas la plus pure vertu quand elle
en eft féparée. Ofons oppofer Socrate même à
Caton : l'un étoit plus philofophe, & l’autre
plus citoyen. Athènes étoit déjà perdue, 8c Socrate
n'avoit plus, dè patrie que le monde entier
: Caton porte toujours la fienne au fond .
de fon coeur ; il ne vivoit que poux elle & ne
put lui furvivre. La vertu de Socrate eft celle
du plus.fage des hommes; mais, entre Céfar 8c
Pompée, Caton fembl’e un dieu parmi des mortels.'
L’un inftruit quelques particuliers, combat
les fophiftes, 8c meurt pour la vérité : l’autre
de’fend l’état , la liberté, les loix contre,les conV
quérans du monde , 8c quitte enfin la terre quand
il n’ y voit plus de patrie à fervir. Un digne élève
de Socrate feroit le plus vertueux de fes contemporains
: un digne émule de Caton en feroit le
plus grand. La vertu du premier feroit fon bonheur;
le fécond chercheroit fon. bonheur dans
celui de tous. Nous , ferions inftruits par l’un &
conduits par l’autre , 8c cela feul décideroit de
la préférence :-car on n’a jamais fait un peuple
de fages ; mais il n’ eft pas impoflible de rendre un
peuplé heureux.
Voulons-nous que les peuples foient vertueux ?
Commençons donc par leur faire ainier la patrie :
mais comment l’aimeront-ils ; fi la partie n’eft rien
de plus pour eux que pour des étrangers, Se
fi elle ne leur accorde que ce qu’elle ne peut
refufer à perfonne ? C e feroit bien pis , s’ils n y
jouiftoient pas même de la fûreté c iv i l e S e que
leurs biens, leur vie 8e leur liberté fuflent à la
difcrétion des hommes puiffans, fans qu’il fût
permis ou poflible d’ofer réclamer les-loix. Alors
fournis aux devoirs de l’état civil , fans jouir
même des droits de l’ état de nature, Se fans
pouvoir employer leurs forces pour -fe defendre,
ils feroient par conféquent dans la pire condition
où fe puiffent trouver des hommes libres, Se le
mot de patrie ne pourroit avoir pour eux qu’ un
lé ns odieux ou ridicule.
Si tout homme eft obligé d’aimer finçérement
Ci patrie , 8e d’ en procurer le bonheur autant qu’H
dépend de lu i, c’eft un crime honteux Sei dé-
teilabje de nuire à cette même patrie. Celui qui
s’en rend coupable., viole fes engagemens les plus
facrés, 8c tombe dans une lâche ingratitude : il
fie deshonore par la plus noire perfidie, puifqu’ il
abufede la confiance de fes concitoyens, 8c traite
en ennemis ceux qui étoient fondés à -n’attendre
de lui que des fecours 8c des fervices. .On ne
voit de traîtres à la patrie, que parmi ces hommes
uniquement fenfibles à un groflier intérêt, qui ne
cherchent qu’eux-mêmes immédiatement, 8c dont
le- coeur eft- incapable de tout fentiment d’ affection
pour les autres. Aufli font.-ils.juftement dé-
teftés de tout le monde comme les plus infâmes de
tous les ficélérats.
Au contraire, on comble d’honneurs 8c de
louangescès citoyens généreux q ui, npri-contens
de ne point manquer à la patrie , fe portent en
fa faveur à de nobles efforts , 8c font capables
de lui faire les plus grands facrifices. Les noms
de Brutus, de: Curtius , des deux Décius vivront
autant que celui de Rome. Les fuiifes n’oublieront
jamais Arnold de WinSelried, ce héros
dont l’adion eût mérité d’être tranfmife à k postérité
par un Tite-Live. II fe dévoua véritablement
pour la patrie ; mais il. fe dévoua en capitaine
, en foldatintrépide, 8c non pas en fuperf-
titieux. C e gentilhomme du pays d’Undervald,
voyant à la bataille de Sempach que fes compatriotes
ne, pouvoient, enfoncer lés autrichiens ,
parce que ceux-ci, armés de toutes pièces,, ayant
mis pied à terre 8c formant un bataillon ferré,
préfentoient un Front couvert de f e r , hériffé de lances 8e 4e piques, -forma le généreux deffein
’P A U
de fe facrifier pour, fa patrie. ,« Mes amis, dit-il
» aux fuifles qui commençoient à fe rebuter, je
„ vais aujourd’hui donner ma vie pour vous procurer
la viétoire ; je vous recommande feule-
„ ment -ma famille ; fuivez-moi, 8c agiffez en
„ conféquence de ce que vous me verrez faire
A ces mots, il les rangé en cette forme que les
jomains appelîoient cuneus : il occupe la pointe
du triangle; i f marche au centre des ennemis ,
& embraffant le plus de piques qu’il put en faifir,
il fe jette à terre, ouvrant ainfi à vieux qui le
Envoient, un chemin pour pénétrer dans cet épais
bataillon. Les autrichiens une fois entamés furent
vaincus, la pefanteurde leurs armes leur devenant
fùnéftè, 8e lès;fuifles remportèrent une viétoire
cOmpIette. ;
; Mais Couvent des'caufes malheureufes affoibhf-
fent ou dètruifient l’amour de la patrie. L injuf-
tiée , la durété du gouvernement l’effacent trop
aifément'du coeur des fujets : lamoTir de foi-
même attachera-t-il un particulier aux affaires d’un
pays, où tout fe fait en vue d’un feul homme ?-
L ’on v o it , au.contraire, toutes les.nations libres
paflionnées pour la gloire 8c -le bonheur de la
pairie. .
L'amour 8c l’affeétion d’un homme pour h patrie
dont il eft membre , eft une fuite-néceffaive
de l'amour éclairé 8c raifonnable qu’ il fe doit à
foi-même, puifque fon propre bonheur eft lié à
celui de fa patrie. C e fentiment doit réfulter aufli
des engagemens qu’ il a pris envers la fociété. Il
a promis d’.en procurer le fàlut 8c l’avantage, autant
qu’il fera en fon pouvoir : comment la fer- (
vira-t il avec z è le , avec fidélité ; avec courage,
s’il ne l’aime pas véritablement ?
P A T R IM O IN E , P A T R IM O N IA L , E T A T
P A T R IM O N IA L . Voye[ l’ article E t a t .
PA TU R AG E S. Voye-[ l’article G r a in s .
' PAUVR ES , fujets d'un état qui fe trouvent
dans la mifère par leur faute, par celle dit gouvernement,
ou par des circonftances malheureufes.
" , •
Lorfqu’ il y a trop de pauvres dans un éta t, ne
faut-il pas eh chercher la caufe dans le vice des loix,
ou dans les fautes de l’adminiftration ?
A quel point l’inégalité des fortunes entraîne
t-elle néceffairement une multitude-de pau-
r;’
Quel eft fur cette matière le régime, convenable
aux grands & aux petits états ? Et quels font les
moyens que peuvent employer les diverfes elpè-
ces de gouvernement ?
Les dépôts & lés attèliers de charité font utiles
; mais quel eft le terme des effets de ces infti-
tutions? <k pour en tirer l'avantage dontfils font
fufceptibles, de quelles réformes devroiënt - ils
être précédées ?
P A U Î32
Ces queftions 8c beaucoup d’autres exigeroieut
des détails fi étendus, que nous ne pouvons les
traiter ici. Le leéteur trouvera dans l’article
Mendicité qu'on nous a promis , quelques vues
générales. Nous parlerons feulement de la taxe
des pauvres établie en Angleterre , 8c du régime
qu’on y ebfèrve à l’ égard de cette elaffe de la
nation. Cette taxe des pauvres parole admirable
au premier coup d’oeil ; l ’énormité des contributions
que paient les riches pour un objet fi in-
téreffantff’ abondance des fecours qu'on y donne aux
pauvres , féduit prefque tout le monde; mais les
hommes éclairés commencent à entrevoiries funef-
tes effets de ces réglemens, 8c nous allons rapporter
des faits 8c des .obfervations qui montreront
combien il eft difficile, . dans les grandes focié-
tés , de contenir ce funefte fléau, ou d'en arrêter
lès fuites.
Les obftacles que les .loix des corporations
mettent à la libre circulation du travail, font ,
je penfe , dit M. Smith, communs à toutes les
parties de l'Europe. Ceux qu’y mettent les loix
concernant-lés pauvres, font-, fi je ne me trompe,
particuliers à l’Angleterre. Ils confiftent dans la
difficulté que trouve un pauvre à obtenir la per-
miffion de s'établir , ou fimplement celle d’exercer
fon induftrîej dans une paroiffe autre que la
fienne- Il n’y a que le travail des artifans & des
manufaéturiers qui Toit gêné par les loix des corporations.
Celui des gens de peine eft gêné par
les loix qui regardent les pauvres. Il eft bon d'entrer
dans quelques détails fur la naiffance , les
progrès , 8c l’état aétuel dé ce défordref,‘le plus
grand peut-être de tous ceux qui régnent dans la
police d’Angleterre.'
La deliniélion des monaftères ayant privé les
pauvres des charités qu’ ils en-recevaient, on fit
d’abord quelques tentatives infruétueufes pour
leur foulagement ; le qùarante-troifième acte par- '
lementaire d’Elifabeth , chap. i , ftatuà que chaque
paroiffe feroit ténue de nourrir fes pauvres ,
8c qu’on nommeroit tous les ans des infpeéteurs
qui, avec les marguilhers, leveroiént fur la pa-
roiffe les fournies néceffaires à cet effet.
C e ftatut ayant mis chaque paroiffe dans la
néceflîté indifpenfable d’entrètenir tes pauvres, il
devint, affez important de favoir quels étoient
ceux que chaque paroiffe regarderoit comme liens.
La queftion , après quelque variation , fut enfin
décidée par le treizième 8e le quatorzième a été
de Charles II : on déclara que quarante jours de
réfiâence non conteftéè fur une paroiffe, fuffi-
roient pour appartenir à cette paroiffe ; mais que,
fur la plainte faite pat les marguilliers ou les infpeéteurs
des pauvres, deux juges de paix pour-
roient renvoyer dans' cet intervalle un nouvel habitant
fur la dernière paroiffe où il" étoit établi,
à moins qu’il ne tînt une ferme de dix livres de
redevance annuelle , ou qu’il ne, pût donner
pour la décharge de la paroiffe où il arrivoit, 1?.