
ehofe néceffaire à la vie durant cette faifon , non-
feulement pour préparer les mets , mais pour rendre
i'exiftence füpportable à plufieurs clafles ^ouvriers
qui travaillent dans l'intérieur des maîfons.
Le charbon de terre eft le chauffage qui coûte le
moins. Le prix du chauffage influe tellement fur
celui du travail, que , dans toute la Grande-Bretagne
les manufactures fe font réfugiées où il y
a du charbon de terre, les autres parties du pays
ne pouvant travailler à auffi bon marché, à caufe
du haut prix de cet article néceffaire. D'ailleurs,
c eft un inftrument néceffaire du métier dans certaines
manufactures, dans les verreries, les forges
de fer & d'autres métaux. Si une gratification pou-
voit jamais être raifonnàble/ on devroit peut-être
l’accorder au tranfport de cette marchandife des
parties du pays où. elle abonde , dans ceux où elle
manque. Mais là légiflarion, au lieu d'une gratification
, a mis un droit de trois fehelings & trois
pences par tonneau fur le charbon tranfporté par
les côtes de la mer ; ce q u i, fiir la plupart des
efpèces de charbon , fe monte à plus de foixante
pour cent du prix qu'il coûte à la mine. Les
charbons voiturés par terre ou par la navigation
intérieure, ne paient point de droit. Dans .les
lieux où ils font à bon marché, on les confomme
fans payer de droit / & on les a chargés d'un droit
fort lourd dans les lieux où ils font fort chers.
Quoique ces fortes d'impôts faffent monter le
prix de la fubfiftance, & par conféquent le fa-
îaire du travail, ils procurent néanmoins au gouvernement
un revenu confidérable qu'il ne lui fe-
roit peut-être pas aifé de tirer d'ailleurs. Il peut j
donc y avoir de bonnes raifons pour lès continuer.
La gratification fur l'exportation des grains , i
envifagée comme tendante, dans l'état aCbuel du
labourage, à faire haùffer le prix de cet article
néceffaire, produit de. mauvais effets tout fem-
blables j & au lieu de rapporter quelque chofe
au gouvernement, elle lui occafionne fouvent une
grande dépenfe» Les gros droits fur l'importation
des grains étrangers, droits qui, dans les années
médiocrement abondantes, équivalent à une prohibition
, & la défenfe abfolue d’importer du
bétail en vie & des provifîons falées, défenfe
qui exifte dans l'état ordinaire & que les difettes
font fufpendre pour un tems limité par rapport
à l'Irlande & aux plantations britanniques, ont
les mauvais effets des impôts fur les chofes né-
ceffaires à la vie* & ne produifentaucun revenu
au gouvernement. Pour faire révoquer ces. fortes 1
de réglemens, il ne s'agit eue de convaincre le I
public de la futilité du fyftême en conféquence
duquel ils font établis.
Les impôts fur les chofes néceflaires à la vie j
font beaucoup plus, forts en d'autres pays que I
dans là Grande-Bretagne. Quelques gouvefnemenS
ont mis des droits fur la fleur & la farine du bled
qui fe moud au moulin, & fur le pain qu’on cuit
au four. On fuppofe qu'en Hollande le prix pécuniaire
du pain qu'on mange dans les villes,
eff doublé par ces fortes d'impôts. Le peuple qui
vit à la campagne, paye chaque année tant par
tête , félon la forte de pain qu’on fuppofe qu'il
confomme. Ceux qui mangent le pain- le plus
blanc, paient troisflor. quinze fols, ou environfix.
fehelings neuf pences & demies. On dit que ces
impôts & quelques autres de la même efpèce ont,
ruiné la plus grande «partie des manufactures de,
Hollande ( i) .: on en voit de femblables, quoique
moins lourds, dans le. Milanez , dans les états
de Gênes,. dans le duché de Modène , dans les
duchés de Parme 3 de Plaifance & de Guaftalle
& dans l'état ecclélïaftique. Un auteur françois ( i )
a propofé de réformer les finances de fon pays,,
en fubftituant cet impôt, le plus ruineux de tous,,
à la plupart des autres. '11 n'y a lien de fi. abfur-
de , dit Cicéron , qui n'ait été avancé par quelques
philofophes.
Les impôts fur la viande de boucherie font
encore plus communs que ceux fur le pain. Il eft
vrai qu'on peut douter fi la viande de boucherie
eft nulle part une chofe néceffaire à la vie. On.
fait par expérience que le grain & d'autres végétaux
, avec le fecoürs du la it , du fromage 8e
du beurre, ou de l'huile quand ori n'a pas de
beurre , peuvent, fans aucune viande de boucherie
, fournir le régime -le plus ahondant, le plus
fain, le plus nourriffant & le plus propre à. don;-
ner de la vigueur. La décence n'exige nulle part
qu'un homme mange de la viande j mais elle exige,
dans beaucoup de p a y s , qu'il porte du linge 8c
des fouliers.
Les articles de confommation, foit de nécef-
fité . foit de luxe , peuvent être imppfés de deux
differentes manières. Le confommateur peut payer
une fomme annuelle pour l'ufage & la confommation
qu'il fait de certaines chofes ,. ou les chofes
peuvent être impofées tandis qu'elles font entre
les mains du marchand, & avant qu'elles pa£
fent dans celles du confommateur. La première
méthode- convient mieux aux chofes qui font longtemps
à fe confommer j, k fécondé à.celles dont
la confommation eft immédiate ou plus promptes
Les impôts fur les carrofîes & l'argenterie font un
exemple de la première > & la plus grande partie
des. droits de douane & d'accife , des exemples de
la fécondé.
Un- carrofle dont on- a bien foin-, dure dix oit
douze ans. Il peut être impofé une fois pousr
toutes , avant de fortir des mains d;u fetlier. Mais
11 eft certainement plus commode à l'acheteur de
(i) Mémoires concernant les droits* & o gag. a ïo ,,
fc) Le Réformateur..,,,
payer quatre liv. fterl. par an pour le privilège de
tenir un carroffe , que de payer tout - a - la fois
48 liv. fterl. de furpius au fellier, c'eft-à-dire ,
une fomvne équivalente à ce que la voiture lui
coûtera pendant tout le tems qu il s en^ lervira.
Un fervicè d'argenterie peut durer de meme plus
d'un fiècle. Il eft certainement plus facile au con-
fommateur de payer cinq fehelings par an pour
cent onces de vaiflelle d'argent, c eft à-dire ,
environ un pour cent de la valéur, que de racheter
cette longue annuité, |*k;de.nier quatre ou
au denier trois ; ce qui aug-menreroit le prix de
fa vaiffelle de vingt-cinq pour cent. Les
différens impôts fur les maifoïts lotit payes plus
commodément par une fomme annuelle modérée,
que par une taxe d’une valeur égale fur la première
conftru&ion ou yente de la maifon.
On fait que le projet du chevalier Decker
étoit que toutes les marchandifes, même celles
qui fe conformaient tout de fuite ou en fort peu
de temps , fuffent impoféès de cette -manière, le
marchand n'avançant rien , 3c le confommateur
payant une certaine fomme annuelle pour la per-
miflion de les confommer. Il vouloit favorifer les
diverfes branches du commerce étranger ^ p articuliérement
du commerce de tranfport, en ôtant
tous les droits fur l'importation & l'exportation 3
& en mettant ainfî le marchand en état d'employer
tout fon capital & fon crédit a acheter
des marchandifes & à fréter des vaiffeaux , fans
en détourner aucune partie à faire les avances
de Y impôt. C e projet, par rapport aux chofes
d'une confommation prompte ou immédiate , eft
cependant expofé à quatre objections importantes
que voici. i° . La. taxe feroit plus^ inégalé ou
moins proportionnée de cette maniéré a la de-
penfe & à la confommation des différens contribuables,
qu’ elle ne l'eft aujourd'hui. Les droits
fur le rum , le vin , les liqueurs^ fpiritueufes ,
avancés par le marchand, font payés par les con-
fommateurs en proportion de leur confommation
refpe&ive. Mais s'il falloit les payer en achetant
la përmiffion de boire ces liqueurs , l'homme tempérant
feroit beaucoup plus foulé que l'ivrogne ,
en proportion de fa confommation. Une famille qui
exerceroit une grande hofpitalité , le feroit beaucoup
moins que celle qui recevroit peu'de monde.
2°. Cette manière d'impofer , en faifant payer tous
les ans, tous les fix mois , tous les trois mois la per-
miffïon de confommer certaines denrées , ôte aUx
contribuables une des plus grandes commodités dans
le paiement, celle de payer à mefure qu’ ils confom-
ment. Les différens droits fur la, dreche , le houblon
& la bierre , compris dans les trois pences
8c demie qu'on paye à préfent pour un pot de
bierre forte , en y joignant le profit extraordinaire
que prend le braffeur pour les avoir avancés ,
doivent fe monter à environ trois demi - pences.
Si un ouvrier peut épargner ces trois demi-
pences , il achète un pot de bierre -forte. S'il ne
le peut pas, il fè contente d’en acheter' lift demi-
pot 5 & comme un fol épargné eft un fol gagné ,
il gagne un fartking par fa tempérance. Il paye
Yimpôt peu à p e u , à mefure qu'il eft & quand
il eft.en état de le payer5 & chaque paiement
qu’il en fait, eft parfaitement volontaire, puif-
quil netient qu'à lui de l'éviter. 30. C es impôts
auroieiit moins de vertu comme loix fomptuaires*
La përmiffion une fois achetée , qu'un homme but
peu ou largement, fa taxe feroit toujous la même;
4°. S'il falloit qu'un ouvrier payât tout-à-la-fois
par an , pat femeftre ou par quartier, une taxe
égale à"' ce qu'il paye à préfent, fans fe gêner ,
fur tous les pots ou pintes de bierre forte qu'il
boit dans un an , dans fix ou trois mois , il
feroit fouvent fort embarraffe. Il eft donc évident
que cette forme d'impofition ne pourroit jamais
produire , fans opprimer le peuple, un revenu à
peu près égal à celui que fournit la méthode actuelle
fans aucune efpèced'oppreflion. Il y a pourtant
divers pays où les chofes d'une confomma-
non prompte ou immédiate font ainfi taxées, e n
Hollande , on paye tant par tête pour la permif-
fion de prendre du thé.' J'ai déjà parlé d'un pareil
impôt fur le pain , qu'on «y lève dans les fermes
& les villages..
On met les droits d'accife principalement fur
les denrées du pays qui font deftinées à fa confommation.
Us n'affeélent qu’un petit nombre
d'articles d’un ufage général. Il ne peut jamais y
avoir aucun doute ni fur les articles qui en font
chargés , ni fur les droits impofés à chacun. C e s i
impôts tombent entièrement fur ce que j'appelle
chofes de luxe , excepté peut-être ceux dont j'ai
déjà parlé fur le fe l , le favon, le cuir & les
chandelles , * & peut - être encore fur le verre
commun.
Les droits de douane font beaucoup plus anciens
que ceux de l'accife. A en juger par le nom
qu'on leur donne en Angleterre euftoms ( coutumes
) , ce font des droits qu'on payait de tems
immémorial- Il fémble que, dans l'origine , on
les ait regardés comme des taxes fur les profits
des marchands. Dans les tems barbares de l'anarchie
féodale , les marchands , ainfique les autres
habitans des bourgs, n'obtenoient guères plus
d'eftime que des efclaves émancipés. On les mé-
prifoit & on envioit leurs gains. La haute no-i
blefle , qui avoit confenti que le roi mît la taille
fur fes vaffaux, n’eut aucune répugnance à la
laiffer mettre fur un ordre d'hommes qu'elle étoit
moins intérèffép à protéger. Dans ces tems d'ignorance
, on étoit loin de penfer que les profits
des marchands ne pouvoient être le fujet d'un
impôt direél, ou que le paiement de.^çes fortes
d'impôts retomboit avec une furcharge confidérable
fur les confommateurs.
Le bénéfice des marchands étrangers étoit regardé
encore de plus mauvais oeil que celui des
marchands anglais, & on le taxoit plus fortement