
puifqu’on n’ a fait depuis aucun nouvel effort pour
Couvrir. Cependant le gouvernement n’a pastôut-
à-Fait perdu de vue le plan anciennement formé
de dompter ces peuples. Après des fatigues incroyables
& long-temps inutiles , quelques mif-
fionnaires font enfin parvenus à fixer trois mille
de ces vagabonds dans quatorze bourgades , dont
fept font placées fur les frontières duTucuman,
quatre du côté de Sainte - Croix de la Sierra ,
deux vers Taixa , & une feulement au voilinage
4e l’Affomption.
Ecabiijfcmens espagnols.
Malgré les incurfions fréquentes des habitans
du C h aco, & la rage de quelques autres peuplades
moins nombreufes , FEfpagne eft parvenue
à former dans cette région trois grandes'provinces.
C elle qu’on nomme Tucurum eft unie, arrofée
5c faine. On y cultive avec le plus grand fuccès
le coton & le bled que le pays peut confommer j
5c quelques expériences ont démontré que l’indigo
ôc les autres productions particulières au nouveau-
Monde y reuffiroiênt auffi heureufement que dans
aucun des établiilemens qu’elles enrichiffent depuis
fi long-temps. Ses forêts font toutes remplies
de miel. 11 n’y a peut-être pas fur le globe
de meilleurs pâturages. La plupart de les bois
font d'une qualité fupérieure. Il eft en particulier
un arbre défigné par te nom de quebracho 3 qu’on
prétend approcher de la dureté, de la pefantçur,
dé la durée du meilleur marbre, & q u i, àcaufe
dç la difficulté des tranfports , eft vendu au Po-
tofi jufqu’à dix mille livres; La partie des Andes
qui eft de ce département , eft abondante en
or & en cuivre : on y a déjà ouvert quelques
mines.
Mais combien il faudroit de bras pour demander
à ce vafte territoire les richeffes qu’il renferme
! Cependant cçux qui lui accordent le plus
de population, ne la font pas monter à plus de
cent mille habitans, efpagnols, indiens & nègres.
Ils font réunis dans lept bourgades, dont
S*int-Yago del Eftero eft la principale, ou dif-
fiibués fur des domaines épars, dont quelques-
uns ont plus de douze lieues d’étepdue , &
Comptent jufqu’ à quarante mille bêtes à cornes,
jufqtfà fix mille chevaux, fans compter d'autres
troupeaux moins remarquables,
La province, appeilee fpéciaîetnerjt Paraguay ^
çft beaucoup trop humide, à caufe des forêts ,
des lacs , des rivières qui la couvrent. Auffi ,
ubftraé^ion faite des fameufes miffions du même
nom, qui font de fonreffort, n’y compte-:t-on
que cinquante- fix mille habitans. Quatre cents
feulement font à l’Affouiprion, fa capitale- Deux
autres bourgades, qui portent atiffi le nom de
v ille , empnt moi is encore. Quatorze peuplades,
(jpnduites fur le même pî^n que «elles des Guâfanis,
contiennent fix mille indiens. Tout le refte
vit dans les campagnes & y cultive du- tabac ,
du coton, du fucre , qui font envoyés avec
l’herbe du Paraguay à Buenos-Aires ', d’où l’on
tire en échange quelques marchaùdifes arrivées
d’Europe.
Cette contrée fut toujours expofée aux incur-
fions des portugais du côté de l’e l t , & à celles
des fauvages au nord & à l’oueft. Il falloit trouver
le moyen de repouffer des ennemis le plus
foùvenc implacables- Gn conftruilit des forts > des
terres furent deftinées pour leur entretien, & chaque
citoyen s’obligea à les défendre huit jours
chaque mois. Ces arrangemens faits anciennement
fubliftent encore. Cependant, s’ il fe trouve quelqu’un
à qui ce fervice ne plaifë pas , ou auquel
fes occupations ne. permettent pas de le faire ,
il peut s’en difpenfer , en payant depuis foixante
francs jufqu’ à cent francs , félon fa fortune.
C e qui conftitue aujourd’hui la province de
Buenos-Aires, fai foit originairement partie de celle
i du Paraguay. C e ne fut qu’en 1621 qu’ elle en
! fut détachée. La plus grande obfcurité fut long-
[ temps fon partage. Un commerce interlope, qu’a-
i près la pacification d’Utrëcht ouvrit avec elle
l’établiffement portugais du Saint-S'acremenr, &
[ qui la mit à portée de former des liaîfons fuivies
’ avec le Chili & le Pérou, lui communiqua quel-
; que mouvement. Les malheurs arrivés à l’efcadre
de Pizarre, chargée en-1740 de défendre la mer
du üid contre les forces britanniques, augmentèrent
fa population & fon activité. L ’une &
Pautre reçurent un nouvel accroiffement des hommes
entreprenans qui fe fixèrent dans cette con--
trée , lorfque les cours de Madrid & de Lisbonne
entreprirent de' fixer les limites trop long-temps
incertaines de leur territoire. Enfin la guerre ,
qu’ en 1776 fe firent les deux puiffances avec des
troupesenvoyées d’Europe, acheva de donner une
grande confiitance à la colonie.
Maintenant les deux rives du fleuve, depuis
rOcéan jufqifà Buenos-Aires , & depuis Buenos-
Aires jufqü’ à Santa - Fé , font ou couvertes de
nombreux troupeaux, ouaffezbien cultivées. L e
, bled , le mais , les fruits , les légumes, tout ce
qyi compofe les befoins ordinaires de la vie, excepté
le vin & le bois » y croît dans une grande
abondance.
Buenos-Aires, chef-lieu de la province, réunit
plufieurs avantages. La fituatiori en eft faine
& agréable. On y refoire un air tempéré : elle eft
régulièrement bâtie. Ses rues font larges & formées
par des maifons extrêmement baffes, mais
toutes embellies par un jardin plus oü moins étendu,
Les édifices publics & particuliers, qui étoient
tous de terre il y a cinquante ans, ont acquis de
la folidité , des commodités même, depuis qu’on
lait cuire de la brique &£ faire de la chaux. Le
nombre des habitâris s’élève à trente mille. Une
fortereffe, gardée par une garnifon de fi* à fept
cents hommes, défend un côté de la v ille , 6e les
eaux du fleuve environnent le refte de fon enceinte.
Deux mille neuf cents quarante-trois miliciens
efpagnols, indiens, nègres & mulâtres libres
font toujours en état de fe joindre aux troupes
régulières.
La place eft à foixante lieues de là mer. Les
vaiffeaux y arrivent par un fleüve qui manque de
profondeur, qui eft femé d’ifles, d’écueils, de
rochers-, & oit les tempêtes font beaucoup plus
communes, beaucoup plus terribles que fur l’O céan.
Ils font obligés de mouiller tous les foirs
à l’endroit où ils fe trouvent; & dans les jours
les plus calmes, des pilotes les précèdent, la
fonde à la main , pour leur indiquer la route
qu’i!s doivent fuivre. Après avoir furmorté ces
difficultés, il faut qu’ils, s’arrêtent à trois lieues
de la v ille, qu’ ils y débarquent leurs marchan-
difes dans des bâtimens légers , qu’ils aillent
fe radouber & attendre leur cagaîfon à l’Ince-
nada de Barragan , fitué fept eu huit lieues plus
bas.
C ’eft une efpèce de village formé par quelques
cabanes conftruites avec du jonc, couvertes de
cuirs & difperfées fans ordre. On n’y trouve ni
magâfins , ni fubfitfances ; & il n’ eft habité que
p-ar un petit nombre d’hommes indolens , do it
on ne peut fe promettre prefqu’aucun ferv'ce.
L ’embouchure d’une rivière, large de cinq à fix
mille toifes, lui fert de port. Il n’y a que les S
navires qui ne tirent pas plus de douze pieds d’ eau,
qui puiffent y entrer. Ceux qui ont befoin de
plus de profondeur , font réduits à fe réfugier
derrière une pointe voifine, où le mouillage
eft heureufement plus incommode que dangereux.
L ’infuffifance de cet afyle fit bâtir en 1726 ,
quarante lieues au-deffous de Buenos-Aires, la
ville de Montevideo fur une baie qui a deux lieues
de profondeur. Une citadelle bien entendue la
défend du côté de terre, & des batteries judi-
cieufement placées la protègent du côté du fleuve.
Malheureufement on- ne trouve que quatre
ou cinq braffes- d’eau, & l’ on eft réduit à s’é chouer.
Cette néceffité n’entraîne pas de grands
inconvéniens pour les navires marchands : mais
les vaiffeaux de guerre dépériffent vîte fur cette
vafe', & s’ y arquent très-facilement. Des navigateurs
expérimentés, auxquels la nature a donné
l’efprit d’obfervation , ont remarqué qu’avec peu
de travail & de dépenfe on auroit pu faire au
voifinage un des plus beaux ports du monde ,
dans la rivière de Sainte-Lucie. Pour y réuffir,
il ne falloit cjue creufer le banc de fable qui
tn rend l’entrée difficile. Il faudra bien que la
cour de Madrid s’arrête, un peu plutôt, un peu
plus tard , à ce parti , puifque Maldonado, qui
faifoit tout fon efpoir, eft maintenant reconnu
pour un des plus mauvais havres qu’il y ait au monde.
Productions O commerce du Paraguay,
La plus riche produélion qui. forte des trois
provinces , c ’eft l’herbe du Paraguay. L’Affomp-
tion donna d ’abord de la célébrité à une production
qui faifoit les délices des fauvages. L ’exportation
qu’ elle en fit, lui procura des richeffes
confidérables. Cette profpérité ne fut qu’ un éclair.
La ville perdit bientôt, dans le long trajet qu’il
falloit faire ., la plupart des indiens de fon territoire.
Elle ne vit autour d’elle qu’ un défert, &
il lui fallut renoncer à cette unique fource de fon
opulence.
A ce premier entrepôt fuccéda celui de Villa*
Rica , qui s’étoit approché à trente-iix lieues de la
production. J1 fe réduifit peu à peu à rien, par
la même raifon qui avoir fait tomber celui dont il
a voit pris la place.
" Enfin, .au commencement du fiècle , fut bâti
Cunuguati, à cent lieues de l ’Affomption & au
pied des montagnes de Maracayu. C ’ eft aujourd’hui
le grand marché de l'herbe du Paraguay ;
ni.iis.il lui eft furvenu un concurrent qu’on ne de-
voit pas craindre.
Les guaranis , qui ne cueiüoient dVoord dé
ceite herbe que ce qu’il en falloit pour leur con-
fommation, en ramaflèrent avec le temps pour
en vendre. Cette occupation & la longueur du
voyage les tenoient éloignés de leurs peuplades
une grande partie de l’année* Pendant ce temps
ils manquaient tous d’inftruCtion. Plufieurs périf-
foient par Je changement de climat ou par la fatigue.
11 y en avoir même q u i, rebutés par ce
travail» s’ënfuyoient dans dés défères, ou ils re-
prenoient leur premier genre de vie. D ’ailleurs
les millions, privées de leurs défenfeurs, ref-
toient expofées aux irruptions de l’ennemi. C ’é-
toit beaucoup trop de maux. Pôur y remédier ,
les j é fui tes tirèrent du Maracayu même des graines
qu’ils femèrent dans la partie de leur territoire
, qui approchoit le pli s de celui dont elles
tiroient leur origine. Elles fe développèrent très-
rapidement , & ne dégénérèrent pas au moinÿ
d’une manière fenfible.
Le produit de ces plantations , joint à celui qtré
le hafard donne feul ailleurs, eft fort confidéra-
ble. Une partie refte dans les trois provinces. Le
Chili & le Pérou en confomment annuellement
vingt-cinq mille quintaux , qui leur coûtent près
dè deux millions de livres.
Cette herbe, dans laquelle les efpagnols &
les autres habitans de l’Amérique méridionale
trouvent tant d’agrément, & à laquelle ils attribuent
un fi grand nombre de vertus,. eft d’ un
ufage général dans cette partie du nouveau-Mon-
de. On la jette, fechée & prefque en pouffièrë ,
dans une coupe avec du fucre , du jus de citron
& des paftilles d’une odeur fort douce. L ’eau
bouillante, qui eft verfe# par-deffus, doit êtrt