
clufif des épiceries , les hollandois ont formé deux 1
éubliffemens à Timor & à Célebes.
La première de ces deux ifles^a 60 lieues de long
fur iy ou 18 de large : elle eft partagée entre
plufieurs fouverainetés. Les portugais y font en
grand nombre. Ces conquérans qui , à leur arrivée
dans les Indes, avoient pris un vol hardi &
déméfuré ; qui avoient parcouru une carrière im-
menfe & remplie de précipices , avec une rapidité
que rien n'arrêtoit ; qui s'étoient lï bien accourûmes
aux allions héroïques, que les exploits les
plus difficiles ne leur coûtoient plus d’ eftorts : ces
conquérans attaqués par les hollandois, lorfqae
leur trop vafte empire , fatigué par fon propre
poid s, etoit prêt à crouler de toutes p aits , ne
montrèrent aucune des vertus qui avoient fondé
leur puiffance. Forcés dans une citadelle, chaiîés
d'ua royaume, difperfés par une défaite , ils au-
xoient dû chercher un afyle auprès de leurs frète
s , & fe réunir fous des drapeaux jufqu'alors
invincibles , pour arrêter les progrès de leur ennemi
, ou pour recouvrer leurs établiffemens. Loin
de prendre une réfolution fi généreufe, on leur
v it mendier un emploi, ou quelque folde , auprès
des mêmes princes indiens qu'ils avoient fi fou-
vent outrages. Ceux qui avoient le plus contrarié
l'habitude de la molleffe & de la lâcheté, fe réfugièrent
à Timor , ifie pauvre & fans induftrie,
où ils penfèrent qu'un ennemi occupé de conquêtes
utiles ne les pourfuivroit pas. Ils fe trompèrent.
Ils furent chaffés en 1613 de la ville du Kupan
par les hollandois, qui y trouvèrent une fortereffe
qu'ils ont gardée depuis avec une garnifon de cinquante
hommes. La compagnie y envoie tous les
ans quelques groffes toiles, & elle en retire de
la cire , du care t, du bois de fandal & du ca-
diang , petite fève dont on fe fert communément
dans les vaiffeaux hollandois, pour varier la nourriture
des équipages. Ces objets réunis occupent
une ou deux chaloupes expédiées de Batavia. Il
n 'y a ni à gagner ni à perdre dans cet établiffe-
ment : la recette égale la dépenfe. Il y a longtemps
que les hollandois auroient abandonné Ti-
ipor , s'ils n'avoient craint de voir s'y fixer quelque
nation a&ive , qui de cette pontion favorab
le , çroubleroit aifément le commerce des Mo-
lu ques. Le même efprit de précaution les a attirés
à Célebes. Nous ayons fait un article C éle be s .
Voye^ cet article.
Nous parlerons à Tarpcle P r o v in c e s -U n ie s
des projets que femblent former les anglois fur les
Moluquçs : nous renvoyons à cet article ce qui
regarde les vices de l’adminiftration de la compagnie
hollapdoife , touchant fes établiffements
d ’Afie,
M O N A C O , petite principauté, fituée entre le comté de Nice 8c les états de Gênes, au bord
de îa mer î elle n'a pas plus de quatre à cin^
milles de tour. Les princes de Monaco ont été
deux cents ans fous la protection de l'Efpagne.
Honoré I I , croyant trouver plus d'avantages fous
celle de la France, s'y mit en 1641 , & reçut
garnifon françoife dans la ville de Monaco. Mais
cette démarche lui ayant cayfé la perte des fiefs
qu'il avoit en Efpagne , & qui lui rapportoient
annuellement 2ƒ mille é cu s , le roi de France ,
pour le dédommager , lui donna le duché de Va-
lentinois & la baronie de Buis en Dauphiné, le
marquifat de Beaux & la leigneurie de Saint Remî
en Provence, la baronie deCalvinet en Auvergne
& le comté de Cardalez dans le gouvernement
de Lyon , & de plus le créa duc & pair.
La branche principale de Grimaldi, après avoir
poffédé la principauté l’efpace de huit cens ars ,
s'éteignit en 1731 en la perfonne d’Antoine Grimaldi,
dont la fille ainée avoit été depuis 17,1 y
déclarée héritière de la principauté de Monaco 8c
de toutes fes dépendances. Elle avoit époufé François
Léonor , comte de Torrigny , fils du marquis
de Matignon , maréchal de France, qui prit
enfuite le nom de duc de Valentinois. De ce
mariage naquit Honoré-Camille Léonor, qui prit
le nom & les armes de Grimaldi. On dit que les
revenus de cette principauté fe montent â quatre
à cinq cents mille liv. tournois ; mais, fuivant
Smolett , ils ne vont pas au-delà de 7000 liv.
fierling. Le prince bat monnqiè , & fon pouvoir
n’ eft pas limité.
M O N A R CH IE , gouvernement d’ un feul £
d’après quelques loix reconnues. Sans examiner
quelle eft la meilleure forme de gouvernement,
queftion trop générale qu'on ne réfoudra jamais
avec précifion, nous indiquerons ici i° . les principes
que devroient fuivre les monarchies, &nousferons
2Q.des remarques générales fur la monarchie,
fur les avantages & les inconvéniens de cette forme
d'adminiftration, & fur la corruption de fes
principes.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Des principes que devroient fuivre les monarchies•
Un état monarchique doit être d’ une grandeur
médiocre. S’il étoit petit, il tendroit vers le gouvernement
républicain f s'il étoit fort étendu , les
principaux de l'é ta t, grands par eux - mêmes ,
n'étant point fous les yeux du prince, ayant leur
cour hors de fa cour, affurés d'ailleurs contre les
exécutions promptes par les loix 8c par les moeurs,
poilrroient ceffer d'obéir j ils ne craindroient
point une punition trop lente 8c trop éloignée.
Auflî Charlemagne e u t - il à peine fondé fon
empire, qu’il fallut le divifer, foit que les gouverneurs
des provinces n'obéiffent- pas, lo ifqu e ,
pouc>
»ourles faire obéir, il fût néceffaire départager
l'empire en plufieurs royaumes.
Après la mort d'Alexandre , fon empire fut
partagé, Comment ces grands de Grèce 8c de Ma
cédoine, libres, ou du moins chefs des conque-
rans répandus dans cette vafte conquête , auroient-
ils pu obéir ?
Après la mort d'Attila , fon empire fut diffous:
tant de rois qui n’étoient plus contenus > ne pou-
voient point reprendre des chaînes.
Le prompt établiffement du pouvoir fans bornes
eft le remède q u i, dans ces cas , peut prévenir
la diffolution } nouveau malheur après celui
de l’agrandiffement !
Les fleuves courent fe mêler dans la mer ; les
monarchies vont fe perdre dans le defpotifme.
La monarchie d1 Efpagne étoit dans un cas particulier.
Qu'on ne cite point l'exemple de l'Efpagne j
elle prouve plutôt ce que je dis. Pour garder l'A mérique
, elle fit ce que le defpotifme même ne
fait pas ; elle en détruifit les habitans : il fallut,
peur conferver fa colonie, qu'elle la tînt dans la
dépendance de fa fubfiftance même.
Elle effaya le defpotifme dans les Pays Bas j &
fi-tôt qu'elle l’eut abandonné , fes embarras augmentèrent.
D ’un c ô té , les wallons ne vouloient
pas être gouvernés par les efpagnols} 8c de l'autre
, les foldats efpagnols ne vouloient pas obéir
aux officiers wallons (1).
Elle ne fe maintint dans l'Italie qu’ à force de
l'enrichir 8c de fe ruiner : car ceux qui auroient
voulu fe défaire du roi d’Efpagne, n'étoient pas
pour cela d’humeur à renoncer à fon argent.
Pour qu’ un état monarchique foit dans fa force
, il faut que fa grandeur foit telle, qu il y ait
un rapport de la vîteffe avec laquelle on peut exécuter
^contre lui quelqu’entreprife, & la promptitude
qu’il peut employer pour la rendre vaine.
Gomme celui qui attaque , peut d’ abord paroître
par-tout_, il faut que celui qui défend puifTe fe
montrer p.ir-tout auffi > & par conféquent que
l'étendue de l'état foit médiocre , afin qu'elle foit
proportionnée au degré de vîteffe que la nature a
donné aux hommes, pour fe tranfporter d’un lieu
à un autre.
La France & l ’Efpagn#^ non comprifes fes
poffeffions d'Amérique , font précifément de la
grandeur requife. Les forces fe communiquent fi
bien , quelles fe portent d'abord là où l'on veut j
les arraéess’y joignent & paffent rapidement d’une
frontière à l’autre , & l’on n’y craint aucune des
chofes qui ont befoin d’un certain tems pour être
exécutées.
des différentes frontières juftement à proportion
de leur foibieffe 5 le prince y voit mieux chaque
partie de fon pays y à mefure qu’elle elt plus ex-
pôfée.
Lorfqu’un vafte éta t, tel que la Perfe, eft attaqué
En F rancema lgré tout ce qu’on a d it , c’ eft
un bonheur que la capitale fe trouve plus près
, il faut plufieurs mois pour que les troupes
difperfées puiffent s’affembler j & on ne force
pas leur marche pendant tant de tems, comme on
fait pendant quinze jours. Si l'armée qui eft fur la
frontière eft battue, elle eft fûrement difperfée ,
parce que fes retraites ne font pas prochaines.
L'armée viltorieufe qui ne trouve pas de réfiftan-
ce , s'avance à grandes journées, paroît devant la
capitale 8c en forme le fiège, lorfqu’à peine les
gouverneurs des provinces peuvent être avertis
d'envoyer du fecours. Ceux qui jugent la révolu-’
non prochaine, la hâtent en n'obéiffant pas : car
des gens fidèles, uniquement parce que la punition
eft proche, ne le font plus dès qu’elle eft
éloignée j ils travaillent à leurs intérêts particuliers.
L'empire fe diffout, la capitale eft prife, 8c
! le conquérant difpute les provinces avec les gouverneurs.
^
La vraie puiffance d’un prince ne confifte pas tant
dans îa facilité qu’il , v a à conquérir , que dans la
difficulté qu'il y a à l’attaquer > 8c, fi j'ofe parler
ainfi, dans l’immutabilité de fa condition. Mais
l'agrandiffemen^des"monarchies leur fait montrer
de nouveaux côtés par où on peut les prendre.
Ainfi, comme les monarques doivent avoir de
la fageffe pour augmenter leur puiffance, ils, ne
doivent pas avoir moins de prudence afin de la
borner. En faifant ceffer les inconvéniens de la pe-
titeffe, il faut qu’ils aient toujours l’oeil fur les
inconvéniens de la grandeur.
De la maniéré de gouverner dans ta monarchie.
L ’autorité royale eft un grand reffort, qui doit
fe mouvoir aifément 8c fans hruit. Les chinois vantent
un de leurs empereurs qui gouverna, difent-
îls , comme le c ie l, c'eft à-dire, par fon exemple.
Il y a des cas où la puiffance doit agir dans toute
fon étendue ; il y en a où elle doit agir par fes limites.
Le fublime de l’adminiltration eft de bien
connoître quelle eft la partie du pouvoir que l'on
doit employer dans les diverfes circonftances.
Dans nos monarchies , toute la félicité confifte
dans l'opinion qye le peuple a de la douceur dy gouvernement.
Un miniftre mal habile Veut toujours
vous avertir que vous êtes efclaves : niais fi cela
étoit, il devroit chercher à le faire ignorer. Il ne
fait vous dire ou vous écrire, fi ce n’eft que le
prince eft fâché, qu’il eft furpris, qu’il mettra ordre.
Il y a une certaine facilité dans le commandement
: il faut que le prince encourage, $c que
ce ioient les loix qui menacent (2).
(r) T-'oy^l’hiftoire des Provinces-Urnes, par M. le Clerc.
(i) Nerva, dit Tacite , augmenta la félicité- de l'empire;
(SEcn. polit, Cr diplomatique, Tome lll% Y y