
Tant dè la confiance de leurs fujets, ont diminué
par degrés la quantité de métal- qui étoit d’abord
contenue dans leurs monnoies. L ’as romain y dans
les derniers temps de la république, fut réduit
à la vingt-quatrième partie de fa valeur originaire}
& au lieu de pefer une livre, il ne pè.fa
phis qu’une demi once. La livre & le denier
anglois contiennent aujourd’hui environ la troisième
partie, ceux d’Écoffe environ la trente-
lîxième, & ceux de-France environ la foixantè-
fixième partie de leur valeur originaire. Pâr le
moyen de ces réductions, les louverains fe font
mis en état de payer leurs dettes, & de- remplir
en apparence leurs engagemens avec une moindre
quantité d’argent qu’il n’en auroit fallu fans
cçla ; mais Ce n’etoit qu’en apparence } car leurs
créanciers étoient véritablement fruftrés d’ unè
partie de ce qui leur étoit dû j tous les autrès
créanciers dans l’état ufoient du mêmê privi*-
lçgey & pouvoient payer avec la même fomme
nominale de la nouvelle monnaie totrompue, ce
qp’ils ayoieni emprunté en anciennes efpèces. Cès
fortes d’opérations ont donc toujours été favorables
au débiteur, & ruinèufeS pour le créancier
, & quelquefois elles ont occafionné dans
les fortunes des particuliers une révolution plus
confidérab.le & plus géne'rale que n’eût fait ùne
grande calamité publique. Les princes qui ont
voulu fajftfier les monnoies dans les derniers temps,
l’ont bi,eri fenti î & le dernier roi de Pruflfe qui
fit de la fauffe monnoie en Saxe, tandis qu’il
ocçupoit ce pays avec (on armée, n’eut garde
dg donner beaucoup d’étendtie à ce plan dans lès
propres, états. En général, il fe contenta chey lui
de diminuer les titres & les poids, afin d’aug-
mep.ter les bénéfices de la fabrication.
. G ’ eft ainfi que l’argent eft dèvenu chez toutes
les notions civilifées l’agent univerfèl dü commerce,
pour toutes les ventes & les achats, & pour
toutes fortes d’échanges.
La proportion entre les valeurs refpe&ives de
l’or & de l’argent a efiuyé dès variations, &
i f eft d’autant plus à propos d’indiquèr les varia- |
tions , que la nouvelle refonte des efpèces d’br,
opérée eh France, pour rétablir une forte de
proportion entre ces deux métaux, a déterminé
plufieurs états à fuivre cet exemple.
-Ayant la découverte des mines de l’Amérique,
la^ valeur de l’or p u r , par rapport à l’argent
pur, étoit réglée dans les différentes monnaies
entre les proportions d’un à dix éi d’un à douze, !
c ’eft-à-dire , qu’une once d’or étoit fuppofée
valoir de dix à douze onces d’argent. Vers le
milieu du dernier fiècle, il fut réglé entre les ;
proportions d’un à quatorze & d’nri à quinze,
c ’.eft-à-dire, qu’une once d’or pur étoit fuppofée
valoir entre quatorze & quinze onces d’argent.
L ’or, augmenta dans fa valeur nominale ou dàfts
la quantité d’ argent qu’on dorinoit en échange.
Les deux métaux perdirent dè leur valeur réelle > i
Hs ne pouvaient plus acheter là même quantité
de travail : mais l’àrgent en perdit plus que 1 or.
Quoique les mines d’or & d’argent de l’Ame-
! nqoe lurpaffaflfefit en fertilité toutes celles qui
• avoient jamais été Connues-, la fécondité dans
celtes d’argent paroît avoir été encore plus grande
en proportion que dans celles- de- l’of .
Les grandes quantités d’argent, tranfporlees
annuellement de l’Europe dans l’Inde, ont réduit
par degrés dans quelques établiffemens a:h-
glois, la valeur de ce métal, en proportion a
celle de l’or. A 1 ztmoimoie de Calcuta, une once
d’or eft fuppofée valoir quinze onces d’argent,
comme en Europe. Peut-être ell-elle eftimée trop
haut à la monnoie 3 par-rapport à la valeur qü’èllé
a dans te marché dû Bengale. A la Chine y fa
proportion de l’or à l’argent continue d’être fur
îe pied d’un à- dix. Gn dit- qu’ au Japon elle
eft d’ un à huit.
La proportion entre les quantités d’or & d’argent
importées annuellement en EaVope, é f t ,
lèlon le calcul dé M. Meggens, à-pèu-près
comme un à vingt-deux * c’ en-à-dire, que pour
une once d’or on n’y apporte guerre moins de
vingt-deux onces d’argent. Il fuppofe que la
quantité d’argent, qui pafFe. annuellement dans
les Indes orientales , réaûit ce qui relie de ces
métaux en Europe , à la proportion de leur valeur..
Il paroît croire qu’il doit y avoir néceflai-
rement la même proportion entre lèurs valeurs
qu’entre leurs quantités* , & qu’elle feroit par
cônféquent comme un à vingt-deux-, fans cette
exportation de l’argent- dans l’Inde.
Mais la proportion ordinaire entré lès vâleurs
relpeélives de deux marchandifés * n’elt pas né-
cenairement la même qu’entre les quantités qu’on
en met en vente. Le-prix d’un boe u f, elEtné dix
guinées, eft environ fpixante fois fè prix d’un
agneau ellimé trois fchelings. fix deniers llérlings.
Cependant il feroit abfürde d’inférer d e là qu’il
y a communément àu marché foixante agneaux
.contre un boeu f} & de ce qu’üne brieé d’or
vaudra quatorze ou quinze onces, d’afgènt * il
feroit tout aufil abfurde d’en conclure, qu’il n’y
a communément au marché que quatorze ou quinze
onces d’ argent contre une once d’ or.
Il eft probable que la quantité d’àrgeri^t, qui
eft communément au marché, eft beaucoupj>lüs
grande en proportion de celle de l’o r , que né
l’eft la valeur d’une certain? quantité d’o r , en
proportion de celle d’une égale quantité d’ argent.
La quantité totale d’une marchandife peu
coûteufe qu’on met au marché, eft en général non-
feulement plus grande, mais d’une plus grande
valeur que la quantité totale d’une autre qui eft
chère. On rie vend pas-feulement par an plus
dè pain que.de viande de boucherie mais Je total
de ce qu’ on vend de. l'un a plus Je valeur, que
le total de ce qu’on vend, de l’autre. On en
peut dire autant de la ,-viande de boucherie par
rapport à la volaille, & de la volaille par rapport
aux oifeaux jauvages. Le nombre des acheteurs
d’une marchandife qui coûte peu, furpaffe
tellement le nombre .de ceux qui achètent une
marchandife chère, que non-feùlement il fe débite
beaucoup plus de la première $>■ mais qu’il
s’en débite pqur une plus grande valeur. Lorfque
nous comparons tes .métaux précieux enfemble,
l ’argent eft une marchandife qui coûte peu en
cqmparasifpn. .de celle (te 'l’or. Nous devons par
çqqféquent qous attendre qu’il, y aura plus d’argent
que^d’or-aq marché, & qu’ il y en aura pour
une plus grande valeur-. Qu’un homme qui n’en manque,
pas e-n yaiftelte ou meubles compare ce qu’il a
de l’un avec ce qu’il a de l’autre, il trouvera
probablement qu’il a non-feulement plus du premier
, «vais qu’ il en a pour une bien plus grande
valeur. pi§n des gens d’ailleurs ont de la. vaif-
felle d’argent n’en ont point d’or. On -fe
contenta généralement d’une montre d'or,.d’ une
tabatière d’o r , & d’autres bijoux en o r , qui
rarement fe montent à une grande fomme. Il eft
vrai que le total de la monnoie d’or en Angleterre
l’emporte beaucoup en valeur lur 1e total
de la monnoie d’argent} mais il n’en eft pas ainfi
dans tous -tes pays. Il y . en a ou la . valeur de
ces deux métaux eft à-peu-près égale dans ta
.monnoie. En EçofFe, avant l ’union,, i ’or n'étoit
.prépondérant à l'argent que de fort peu, comme
"il paroît par les états de la monnoie. L ’argent
l ’emporte dans la monnoie de plufieurs pays. En
..France, tes plus gEofles fommes font communément
payéqs en argent, & an .y ttcvuve difficilement
pi,us d’qr qu’ on n’en a befain pour fa po-
* çhç. L’ excès qu’on voit partout de la vaiffeüe
4’ar&f-nt finr la vaiffelle d’o r , fait, fans doute,,
(plus q}rç cqmp^riter la prépondérance de l’or fur
l’argent qu’on -yok dans;,certains pays;.
Quoiqu’on feus l’argent ait été & doive
être-probablement! toujours beaucoup moins-cher ’
que lfor, peut-être peut-on dire dans un autre
qne dans l’état préfent du marché de TEu-
rqpe., Lor* eft un peu moins coûteux que l ’argent.
P & peut. dire.-qu’une marchandife eft chère
f ou , n’çft ; pas ;chè®enon-feulement fuivant la
grandeur & la petitefife abfolue de fon prix ordinaire
, - raifis fidvant que ce prix. eft plus ou
mqins aUrdefins du plus bas pri-x auquel il eft
Jmpp$ibte de la vendre long temps -de fuite. Ce
plqs bas prix eft celui qui ne fait que rempla-
ç e r , avec un profit médiocre, le fonds qui a
dû-être employé pour la mettre en. état de vente.
Ç ’eft celui qui ne rapporte rienaiUi propriétaire,
. celui dont• la rente ne fait point partie,. & qu]i
fie réfbut tout entier en « falaire profit. Or
. dans Fétat préfent du marché de l ’Europe, For
approche certainement un peu plus, .de ce bas
prix que l’argent. La taxe du roi d’Èfpa>gn.e fiir
, l ’or, n’eft q.u,’ un .vingtième.de. çe-:"métaLau titre ,
©u cipq -cept }• m lieu que. .ia . t^xe . fur. Fargent
fe montre à un cinquième ou à vingt pour
cent. Ajoutez que ces taxes font toute la rente
de la plupart des mines d’or & d’argent de
l'Amérique efpagnole, & que celle qui èft établie
fur l’or eft encore plus mal payée .que l ’autre.
D ’ailleurs., Comme tes entrepreneurs des mines
d’or font plus rarement fortune que ceux
des mines- d’argent, il faut, en général, que
| leurs profits foient encore plus médiocres. Ainfi,
l’or -de l’Efpagne rapportant moins de rente &
de profits, il doit' approcher davantage dans le
marché de l’Europe* du plus bas prix auquel il
peut y être importé. Véritablement la taxe du
roi de Portugal fur l’or du Bréfîl, eft la même
: que celle du roi d'Efpagne fur l’argent du Mexique
& du Pérou, C’eft-à-dire, lè cinquième de
l’or au titre. Néanmoins il peut être encore vrai
que l’or de l’Amérique revient au marché dç
! l 'Europe à Un prix qüi s’ éloigne moins que l’ar-
| gent du plus bas prix, c’eft-à-dire, du prix au-
i quel il elt poftibte dè l’y.mettre en,vente. Toutes
des dépendes dé.fdquée^, il paroît qu’on y dffpq-
feroit plus avântageufement de toute la malle de
cet argent que de toute celle de l’or.
Peut-être- que 1e prix des diamans & des pierres
précieufès approche encore plus de ce bas
prix que celui de tl’or.
Si le roi d’Efpagne renonçort à fa taxe fur
l’.argent, te prix dè ce métal pourroit Bien, ne
pas tomber tout de fuite dans lé marché de
l’Europe. T’ant qu’on y en apporteroit la même
quantité , il çontinueroit d’y être vendu le même
prix. L’ effet premier & immédiat dé çe changement.,
feroit d’augmenter les profits de lJexp7oJ-
tation, & de faire g-agnèr à l’entréprenelir de la
mine ce qui fe p.ayoit auparavant au roi. La-grandeur
des profits exciterôit bientôt fin grand, nombre
d’hommes à entreprendre réxploîtation de
nouvelles mines ; on en exploiteroft plufieurs qui
font aujourd’ hui abandonnées, parce qu’ elles ne
peuvent fournir de quoi payer cette taxe} & il
viendroit probablement èn peu d’années une.fi
.grande qüaitité, d"argent au marché, que . fon
prix baifferoit d’un-cinquième environ au deflous
-de ce qu’il eft à préfent. Cette diminution dans
»Ta valeur rédldroit de nouveau les profits de l’ex-
. porration au taux où ris font aujourd’hui.
U n’eft nullement vraifemblable que îe roi d’Ef-
pagnô fe relâche fur un impôt d’un revenu fi
important, & qui porte fur les objets qu’ il eft
te plus raiforinable de taxer. Il Je pereèvra fans
doute aufti-Iqng-tempS qu’on pourra le payer :
mais Fimpo'fiibiîteé de le payer peut amener la
, nécefiité de le modérer , comme on a déjà
-été forcé dè diminuer là' taxe fiur l ’or. Tous
ceux qui ‘orn^ eXamiite1 l’état des mines d'argent
de l’Amérique', conviennent que, de même
que toutes» tes autrçs, elles deviennent par degrés
plus diCpendièufès,, parce qu’il faut les fouiller
> à-une -plus grande ptxffondeur, & qu’en con'fé