
m.ogol Aurengzeb , for mis à mort par fes. ordres.
Mais j au commencement de ce fiècle , cette nation
s’eft relevée, ainlï fluon va le voir.
La longue guerre qu'ils ont foutenue fous les
ordres de Sewagi , leur miniftre-chef, contre A.u-
rengzeb dont ils déjouèrent la puilfance , les
talens & la perfidie , offriroit en d'autres parties
ou monde un morceau d'hiftoire très*brillant. Les
pays de montagnes qu'ils oc,cupoient , arrivés au
dernier point de culture dont ils fe trouyoient[fuCc,ep-
tib les , n'auroient pu fournira leur fubfiftance,
& ils étoient abfoiument dénués des reffources
néceifiires pour la continuation de la guerre : mais
la durée , l'opiniâtreté & i'iirconftance des fuccès
durant cette fanglante .querelle 3 firent tout à la
fois méprifer. 8c négliger l'agriculture. Les riches
contrées inférieures des environs 3 qui s'étoient
foumiles aux mogols 3 fournirent aux marart.es
chacune à leur tour 3 félon qu'elles étoient plus
ou moins gardées , des fubfiftances & des moyens
pour faire la guerre. Iis contrarièrent auflî l ’habitude
du pillage-j dit , l'auteur de l'Annual renifler
} 8c c'eft-de là que vient leur difpofttion pour
le brigandage 8c la maraude , q u i, dans le cours
ordinaire des c-hofes. fe perpétue , quoique les
caufes qui l'ont produite , ne fubiîilent plus.
L'empire des marattes devint un des j>lus ,çon-
fidérables de l'Inde, à l'époque de la décadence
gc de la ch.ûtede celui du raogol. Leurs domaines
étoient très étendus 3 leurs reffources très-
grandes , 8c leurs armées braves 8c nombreufes.
On évaluoit les revenus de leurs polie {fions à
17 millions fterîings, & leur cavalerie à trois ou
quatre cents mille hommes. Mais cette malle de
puilfance fe trouvoit affoiblie & rendue ina âive,
parce qu'elle étoit morcelée. jLJoe foule de princes
en avoient une portion : ils reconnoiifoient tous,
il eft vrai % la fuzéraineté de Ram - Rajah , ( que
l'auteur de Y Annual regifler fuppofe avoir été le
fucceffeur immédiat de Sewagi ) : mais il paroît
que le temps & les circooftances déterminoient
le degré de leur foumjflion. La ligue 8c la dépendance
de ces divers princes reffembloient au gouvernement
féodal que nous avons vu en Europe.
Quelques-uns des états devinrent puilfans, &
ils s'affranchirent des fervices qui ne conve-
no'ient pas à leurs intérêts : d'autres qui p’é-
toient pas en état de fe maintenir après cette
efpèce de révolte , fuivirent néanmoins cet
exemple.
Une révolution qui furvint dans la cour du ;
Ram-Rajah , affaiblit la chaîne politique de ce
gouvernement, & diminua le refpeét & la dépendance
que les états avoient confervé jufqu’a-
lors pour leur fouverain. La foiblefle d’une minorité
engagea un homme do taient, de la cafte
des brames, Nana Row qui étoit premier mi-
niftre, à faifir les rênes du gouvernement j 8c
l'influence du corps puiffant dont il étoit membre
3 contribua à établir fon autorité. De pareilles
révolutions-ont toujours été communes en orient *
8c elles excitent peu de furprife. CeUerd 3 malgré
l'ufage contraire de la plupart des fiècles 8c
des nations, ne fut point fouillée par le fang 5
.mais il ne faut pas oublier qu'elle fut conduite
par des brames. L'ufurpate.ur fe contenta du pouvoir
3 8c il ne prit point les emblèmes 0.11 les- titres
de la royauté. L'enfant Ram-Rajah fut comme
emprifonné dans fa ccur on l'environna
de l'appareil faftueux des princes afiatiques ;
mais on lui ôta toute efpèce d’autorité , 8c on le
tint dans une ignorance ..abfolue des affaires. On
abandonna l'ancienne réfidence royale de Sitterah ,
,8c on transféra le liège du gouvernement à Poo-
nah : Nana Row & fes fucceneurs paroilfent avoir
toujours agi en vertu de l'autorité du prince-dé-
poféj car ils n'ont pas pris d'autre titre ou d'autre
caraélère que celui de Paishwa ou de premier
miniftre : mais depuis cette époque, l'empire de
Ram - Rajah n'a plus é%é appelle que le gouvernement
du Paishwa ou de Poonah.
C e fingulier gouvernement de miniftres devint
héréditaire , & il fe conduifit d’ abord avec tant
d'habileté , que l'empire rie parut avoir rien perdu
de fa puilfance 8c de fa fplendeur. Mais l'ambition
ayant enfin pénétré dans la famille de ces
miniftres ; & malgré la rigueur des principes
religieux de leurs caftes, y ayant produit fes fu-
neftes effets, des difeuflions intérieures ont,empê-
ché le développement des forces 8c diminuer
la gloire de l’état. Elles ent été la caufe de
l’aggrandilfement extraordinaire de Ayder Aly ,
qui étoit devenu la terreur de cette partie de
l'Inde.
Nana Row fut remplacé par Madaï fon fils
aîné , qui mourut fans en fan s vers la fin de 1772»
Le gouvernement palfa à fon frère cadet Narrain
Row. Leur oncle Ragonaut R ow , qu'on appella
anfli Ragâboy 3 avoit été en prifon quelques années
, après divers complots pour s'emparer de
I’admimftration. Madaï Row fongeant à la jeu»
nelfe & à l'inexpérience de .fon frere, 8c redoutant
les menées inlidieufes 8c les intrigues que
Ragonaut Row pouvoit former du fond de fa
prifon , penfa que la reconnoiffance arrêteroit
mieux que les murs d'un cachot les effets de cet
efprit turbulent 8c faétieux ; il avoir rendu la
liberté à Ragonaut Row 5 il lui avoit donné des
places honorables 3- 8c joignant au lit de la mort
les mains de l’oncle 8c du neveu 3 il avait conjuré
le premier d’aider de fes confeils , de fa protection
& de fes fecours, la jeunelfe du féconde
Ragonaut * loin de remplir ce devoir facré, fit
un an après affaftiner fon neveu : en éteignant la
ligne de ce frère 3 dont les talens avoient ufurpé
le pouvoir , il efpéroît affurer à fa propre famille
l’autorité de Paishwa. Il ne put recueilir les
fruits de fon crime. Les forces de l'état qui étoient
dans les mains 5 fon influence perfonnelle, & le
poids de la fanion dont il étoit le chef, fe trowvèrent
trop folbles pour réfifter à l’indignation
qu'un fôrfait fl odieux excita patmi les' niâràttes:
échappé avec peine à la vengeance publique, il
abandonna fon pay s , 8c il fe réfugia à Bombay | !
la proteélion criminelle que la compagnie angloifé
eut la baffelfe de lui accorder f les intrigues &
lès complots qu'elle ne craignit pas de former
pour lui rendre dë force" le gouvernement d’un
peuple nombreux, qui ne vouloit point de ce
fcélérât , ont donné lieu à toutes les guerres
qu'on a vu depuis entre les anglois 8c les marattes.
Quoique les dilfenfîons iriteftines 8c les troubles
domeftiques aient fait perdre beaucoup de
domaines à cet état , les marattes de Poonah forment
encore une nation puiftante : leurs domaines,
y compris ceüx des princes tributaires & féuda-
taires, qui en dépendent immédiatement , font
d'une valte étendue, & ils peuvent meure en
campagne des armées nombreufes & puiffantês;
mais étant prefqu'entièrement compofées de cavalerie
, elles orit tous les défauts qu'a cette partie de
la force militaire, lorfqu'on l’emploie feulé; & étant
formées fur les mêmes principes que les anciennes
armées féodales de l'Europe , elles ?nt tous les
défavantageS de ce fyftême. Dès qu'ils foiit convoques
par leurs chefs refpeélifs, ils marchent
avec ardeur} 8c femblables à l'ouragan, ils balayent
d’abord tout ce qu'ils rencontrent j mais
ils font dans l’ufage de retourner chez* eux avec
du butin , dès;qu'ils ont rempli le premier objet
de l'expédition : il faut en excepter feulement
quelques corps qui font fur - tout deitinës
à fuivrè la perfoüne de leurs princes. Au relte ,
on les rappelle peu de jours après leur retour,
ils s’affemblent de nouveau avec le même em-
preffement : il eft aifé de voir que la conflitution
d'e leurs armées, 8c le défaut dé leur infanterie
offrent des avantages fans nombre aux efforts
continuels des troupes régulières, mais que celles- !
ci doivent rarement efpérer dé mettre des pays ouverts
à l'abri des incurfions des marattes. Les
guerres des anciens parthes achèveront d’éclairer
lé leéteur , fur les avantages & les défavan-
tages de ces deux manières de combattre : mais
l’ ufage de l'artillerie incline fortement la balance
du côté des troupes régulières.
Le Rajah de Berar eft un prince maratte j &
après les marattes de I^oonàh, c’eft celui qui a
lé plus de forces, & lés domaines les plus éten-
nus. Il eft devenu à-peu-près indépendant , &
il n'a plus pour la cour de Boonach que les égards
que lui infpirent fes intérêts immédiats, 8c les
reftes d’un ancien attachement. Comme il defeend
dé la ligne de Ram-Rajah, il a fur la fuccèftion
dû gouvernement de Poonah , dès prétentions
qui fortifient ces germes de haine.
Les deux princes Sindia 8c Holcar , qui paf-
fént pour les defeendans de quelques rois indous
très anciens, poftedent au fil des domaines tres-
ediifidérables 8c très-précieux : ils ont embraffé
depuis quelque temps le fyftême de la cour de
Poonah : ils trouvent plus flatteur APour leur am~
bition, 8c plus utile pour leur sûreté 8c pour
leurs intérêts, de participer à la grandeur générale
de l’Empire, 8c de fe voir à la tête de cette
ariftocratié , qui depuis raftaftinat dè Narrain
R ow , .dirigé tous les confeils, que de profiter
de fa foibleffé palfagère , 8c de travailler a une
indépendancé précaire de leurs domaines très-
circonfcrits.
Les marattes forment beaucoup d’autres états;
mais nous avons déjà dit que ces états me furent fur
les tems 8c les circonftances, leur attachement ou
leur dépendance à l’égard de la cour de Poonah ;
8c toutconfidëré, il ne paroît pas qu'il y ait aujourd'hui
parmi les divers états marattes 3 aucun pnn-
; cipe général d'union, fi ce n'eft celui de fe défendre’
chacun en particulier, 8c un danger commun à tous,,
pourroit feu! diriger leurs forces réunies vers un
même point. Il eft heureux pour les puiffances
européennes & les puifiances mahométanes qui
î jouent un rôle dans l’ Inde, que la force de la vafte
• nation des belliqueux marattes foit divifée.
Lorfque la côté de Coromandel, prellëe par
Aurengzeb , avertit les marattes de leurs forces en
implorant leurs fecours, on les vit fortir de leurs1
ro c h e r s ,;^ des chevaux petits & mal faits, mais
robuftes & accou t,umés à une mauvaife nourriture ,
a.des chemins in praticables , à des fatigtfés excef-
fîves. Un turban, une ceinture, un manteau, c'étoit
tout l’équipage du cavalier maratte.Sts provifions fe
réduifôiént à un petit fac de riz , 8c à une bouteille
de cuir remplie d’eau. Il n'avoit pour armes
qu'un fabre d'une trempe excellente.
Malgré le fecours de ces barbares, les princes
indiens furent, forcés dé fubir le joug d’Aurengzeb
j mais ce conquérant îaffé de lutter fans
1 cerfe contre des troupes irrégulières, qui portoient
: continuellement la deftruétion 8c le ravage dans
les provinces nouvellement affervies, fe détermina
à un traite qui auroit été honteux, fi la
néceffité, plus forte que les préjugés, les fer-
mens 8c les Ioix, ne l'avoit diélé. Il céda à per--
pétuité aux marattes le droit de chotaye , ou la
quatrième partie des revenus du Décan , fouba-
bie formée de toutes les ufurpations qu’il avoit
faites dans la péninfule, ^ ,
Cette efpèce de tribut fut régulièrement paye,
tant que vécut Aurengzeb. Après fa mort, 011
le donna , on le refufa, fuivant qu'on étoit ou
quon n'étoit pas en force. Le foin de le lever attira
les marattes en corps d'armée jufque dans les
lieux les plus éloignés de leurs montagnes. Leur
audace s'eft accrue dans l’anarchie de l'indoftan.
Ils ont fait trembler l’empire 5 ils en ont dépofé
les chefs ; ils ont étendu leurs frontières ; ils
ont accordé leur appui aux rajas, aux nababs,
qui cherchoient à fe rendre indépendans. Leur influence
a été fans bornes.
- Les' marottes, maîtres’ de quelques polies fur
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