
71« P R O
étranger eft devenu bourgeois dé Tune de leurs
grandes villes, fa perfônne & fes biens ne peuvent
être faifîs avant qu'il foit condamné d'après
le cours ordinaire de la lo i, & il a , comme les-
plus anciens bourgeois , le droit de participer au
gouvernement. Voilà pourquoi un tiers de la province
de Hollande eft étranger, ou defcend de
familles étrangères j plufieurs de ces étrangers y
exercent 1er. premières places de confiance : c'eft
la propriété qui donne ici du pouvoir ; & quand
un marchand , d'un cara&ère honnête, s’eft enrichi
par le commerce, il ne tarde pas à parvenir
aux charges publiques.
Le commerce exclufif des épiceries que fait la
Hollande , eft unè autre fource de richeffes : je
Vais expofer , avec quelques détails, les progrès
qu'elle a faits fur cet objet dans l'Inde & en
Europe.
Dès que les hollandois eurent chafle les portugais
de_ leurs établiffemens , & que, par une
fuite de vi&oires, ils eurent forcé les naturels du
pays à faire avec les Provinces-Unies des traités
de commerce qui écartoient toutes les autres nations
, & à permettre la conftruélion de différens
forts dans le_s lieux qui commandent les places
de commerce , ils cherchèrent à s'approprier le
monopole de toutes les épiceries, & penfèrent à
fe mettre en état de réfifter aux attaques de toutes
les puiffances du mondé. Ils ont envoyé dans
l'Inde, chaque année, un fi grand nombre .^hommes
> la multitude dés citoyens qui ont péri dans
ces climats , faute d'avoir pris la manière d'y vivre
, les ont fi peu découragés que la compagnie
des Indes a fondé dans ces régions un nouvel
empire gouverné, à la vérité, par des officiers
que nomme la compagnie, mais qui paroît, aux
yeux des petites nations du voifinage, avec toute
la dignité & l’indépendance d'un état fouverain ,
qui fait la paix & la guerre avec les rois , qui
peut armer vingt ou trente vaiffeaux de guerre,
& mettre vingt mille hommes-en campagne. Les
princes du pays font par-tout fournis à la compagnie.
Une longue expérience de ce commerce inf-
truifant les hollandois, d'une manière alfezêxaéle,
de la quantité de chaque, efpèce d'épiceries né-
ceffaires à la confommation des différens pays de
l'Europe la compagnie donne des ordres pour
qu'on n'en exporte jamais plus qu'il n'en faut j
elle brûle enfuite ce qui refte des ventes j elle
entretient ainfi le prix dés épiceries au point qu'elle
v eu t, & aucun* autre pmnance ne peut entrer en
concurrence avec celle-ci dans cette branche de
commerce, non plus que dans le commerce du
Japon , pour lequel cette compagnie a un traité
exclufif avec l'empereur.
Outre le bénéfice immédiat des épiceries & du
hareng , qui fe vendent en Angleterre , en
France, en Efpagne, en Italie, en Portugal &
çn Allemagne, la Hollande a acquis par 1| une
P RO
grande influence dans le commerce des parties
feptentrionales de l'Europe, telles que la Buffle ,
la Suède ," le Danemarck, la Pologne , le territoire
de Dantzick , la Poméranie & to tite la côte
de la- mer Baltique , où les épiceries en particulier
font très-recherchées & s'échangent contre
ce qu'il y a de plus précieux dans le pays ,
tels que du grain, du chanvre, du lin , du fe r ,
de la poix, du goudron, des mâtures, des bois
de conftruétion , &c. Voyez la feétion neuvième.
Comme les hollandois n'ont pas d’établiffemens
confidérables dans les Ifles d'Amérique , ils permettent
fagement l'entrée des ports de leurs colonies
à tous les peuples î elles deviennent ainfi
des dépôts de contrebande, d'où l'on fait paffer
toutes fortes de marchandifes dans les établiffemens
anglois, françois ou efpagnols, & d'où
l'on tire pour l'Europe , du café , du fucre , de
l’indigo ,~du cacao , du coton , &rc. qu'on vend
enfuite comme fi ces productions venoient des
ifles appartenantes aux hollandois. Elles entrent
avec celles de Surinam , à Amfterdam & à Rotterdam
: on les envoie de là en Weftphalie ,
& dans toutes les parties occidentales de l’Allemagne.
Le commerce, en Turquie & au Levant ,
femble d'abord désavantageux aux hollandois j
mais comme ils y portent une quantité confidé-
rable de draps fins de Leyde » & qu'ils en tirent
des matières crues qu'ils vendent enfuite
aux différentes manufactures de l'Europe, fans
les confommer chez eux , ils y gagnent réellement.
Us ont toujours fait un commerce étendu avec
l'Angleterre 5 & , comme la balance n'a pas ceffé
d'être contre eux , on ju g e , au premier coup-
d 'oe il, qu'ils perdent cpnfidérablement. En 1700,
les importations d'Angleterre en Hollande furent
d’un million neuf cents fôixante-cinq mille neuf
cents cinquante-une livres fie r i., & les exportations
feulement de-cinq cents vingt - fept mille
foixante - douze liv. fieri. Ainfi, l ’avantagé eh
faveur de là Grande-Bretagne étoit déjà immenfe
alors. En 1722 , les importations montèrent à
deux millions cent trente mille trois cents quatre-
vingt-feizè liv. fie r i., tandis que les exportations
furent feulement de cinq cents foixante-unhuille
fix cents douze liv. fieri.
En 1761 i les importations furent de deux millions
vingt-fix mille fept cents foixante douze liv.
fieri., & les exportations de quatre cents vingt
mille deux cents foixante-treize livres fieri. La
Hollande paie ainfi une balance immenfe j mais
c’eft avec l'argent des autres pay s , où elle va
vendre les productions & les marchandifes de la
Grande-Bretagne , & cette efpèce de courtage
lui ert très-lucratif.
Nous venons d'indiquer la profpérité des Pro-
vinces-Unies j & fi le leCteur veut étudier quelp
r ô
ques principes du gouvernement de Hollande ,
nous en trouverons des traces, fans forcir de chez
nous, dans la. portion des Pays - Bas que nous
avons acquife, & qui forme une de nos frontières.
Ces peuples s'y gouvernent encore par des ma-
giftrats municipaux : les flamands doivent être nés
avec un efprit de jufteffe & d'économie plus propre
à l’adminiflration que les autres peuples.
C e qu'on y a laiffé fubfifter de leur méthode
pour lever les impofitions, efi utile à L’agriculture
& au commerce : c'eft ce même efprit d’économie
& cette liberté /dans. l'aCtion du gouvernement
intérieur, qpi avoierit rendu les derniers
ducs de Bourgogqé fi fiches en argent comptant,
& plus puiffans que nos rois.
Dans ces mêmes provinces, on voit les villes
les unes fur les autres, les bourgades €0ridantes,
les campagnes bien cultivées j tout eft abon- {
d ant, tout eft foigné : les loix font obfervées,
les nobles n'y font pas faits pour dominer , ni
l'efprit flamand pour s'élever au-deffus des détails
ordinaires de Ja vie.
S e c t 1 o n V e.
Des revenus . des impôts, des troupes £r de la
- marine des Provinces-Unies.
Les revenus ordinaires de la confédération
proviennent des contributions que fourniffent
chaque année les fept provinces, d'après la demande
du confeil d'état & le calcul des de'pen-
fes., tel qu'il eft donné par les Etats-Généraux}
il faut y ajouter les impôts qu'on lève dans les
villes conquifes & les' pays du Brabant, de la
Flandre & fur le Rhin.
Les différentes accifes, les douanes & la taxe
des terres font les principales fources de ce revenu
> les accifes font plus confidérables & plus
étendus que dans aucun autre pays de l'Europe.
A peine y a-t-il en Holland^ une feule chofe
nécefifaire à la vie, qui n'y foit foumife. Les droits
de douane, d'après une vue politique favorable au
commerce, ne font pas forts , & cette partie du
revenu public eft appliquée fur-tout à l'amirauté ;
la taxe des terres eft modérée auffi , à caufe des
grandes dépenfes qu’entraînent les digues, les
moulins à vent & le de flèche me ht des campagnes.
On trouvera dans le dictionnaire des Finances 3
article H ol lan d e , de grands détails fur les divers
impôts établis dans les Provinces-Unies.
Ge revenu paye toutes les. forces de terre &
:de mer, lès officiers publics de l’état, les am-
h^ffadeurs & les miniftres dans lés pays étrangers,
1 intérêt des dettes publiques des Etats Générai] x,
qui, à la fin de la guerre de 1748, étôienttrès-
confîdérables.j elles fe trouvoient diminuées en
17? 8 , au moment où les Provinces-Unies font I
entrées en guerre contre l'Angleterre , & nous
ignorons quelle eft leur quotité aétuelie : outre la
P R O ÿft
dette de la confédération , chaque province a une
dette publique, dont l'intérêt fe prend fur le re-
■ venu de la province. Celle de Hollande/lors
du traité de paix- d'Aix-la-Chapelle, étoit de
plus de cent quarante millions de florins, dont
elle payoit un intérêt de trois pour cent. Cette
dette fe trouvoit beaucoup diminuée à l'époque
de 1718 , & l’intérêt de ce qui en reftoit n’étoit
plus que de deux & demi ; cet intérêt fe paie
avec une extrême exactitudes Iorfque l'état rem-
bourfe^ une partie du principal, les créanciers en
font fâchés , parce qu'iïs ne favent où placer
leurs capitaux d'une panière auffi commode &
auffi fùre : nous avons développé ces obferva-
tiqns aux articles particuliers des diverfes provinces;
Les magiftrats des divers cantons perçoivent
, les droits d’accife, & les impôts établis fur les
terres & fur les immeubles ; ils en font païïer la
fomme aux receveurs; Le produit de cette partie
de l'adminiftration étant aifément connu, les
collecteurs n'ont pas .beaucoup de peine.
La perception, ia recette & le débourfement
de l'argent de l'état ne donnent point de bénéfices
aux collecteurs: ils ont des appoinremens
fixes, & ils n'ofent pas les augmenter par des
exactions fecrètes. Un billet au-porteur ou à ordre
fur le tréfor public , a autant de valeur,
qu’ un billet de banque ou un billet de chànge.
Dans les occafions urgentes ou en temps de
guerre, ou Iorfque l'état eft menacé , les Etats-
Généraux ordonnent la levée de quelques contributions,
quelquefois le centième des biens de
tous les habitans , d’une capitation ou d'autres
fubfides, fuivant l.f réfolucion des provinces, &
fuivaut que la conjoncture eft plus ou moins
preflante.
Autrefois , quand les Etats-Géne'raüx exi-
geoient un droit de tous ceux qui voyageoient
en Hollande dans les barques, eivvoiture, en
charriot, ou à cheval, chacun fe récrioit contre
set impôt défagréable & tyrannique ; mais cet
impôt eft devenu perpétuel, & il fait partie du
revenu de la province. En général, les taxes font
fi multipliées & fi fortes, qu'il eft prefque impof-
fible d'augmenter de cette manière le revenu public
, fans avoir à redouter un fouièvement ; &
les revenus extraordinaires ne peuvent plus provenir,
dans l’ état aCtuel des/chofes, que des
contributions des principaux habitans : cette ref-
lource eft d'autant plus .facile, qu'il n'y a point
de pays d'une égale étendue, où il y ait une maffe
auffi prodigieufe de richefles, & où la plupart
des citoyens foit plus en état de faire de ces for-
res de lafgeffes.
Qn-comptoir il y a quelques années, que les hollandois
avoient environ trente millions fterling
dans les fonds d'Angleterre ; leurs capitaux dans
les fonds publics de la France, n'étoient évalués
qu’ à vingt-huit millions fterling. Mais ils ont