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jaftë j h pofition de la Suiffe & l'heureux caractère
de les habitans diminuent les funeftes effets
qu'entraînerait le vice des conftitutions.
Les premières dignités de l'état font celles des
deux avoyers ; elles font à vie. Chaque avoyer pre-
fide pendant ftx mois la divifion du fénat qui elt en
exercice, & pendant lé même temps les affem-
blées du grand confeil. Le confeiller le plus âge
de chaque divifion porte le titre de ftatth alter ou
lieutenant de t avoyer.. Apres ces magiffrats , le
tréforier, les deux panner-kerren ou porte-bannières
, le venner ou banneret font les officiers les
plus diftingués de l'état.
Le grand confeil eft juge criminel en dernier
reffort. La juflice civile, la régie des biens des
pupilles, l'adminiftration de l'économie publique
& des différens départemens de police civile &
militaire , & c . font confiés à divers comités fub-
ordonnés aux confeils. La bourgeoifie eft divifée
en quartiers & en tribus ; mais cette divifion n'a
point de rapport à la conftitution & à la forme
du gouvernement. La bourgeoifie n eft pas nom-
breufe ; & le nombre des familles qui participent
aux charges & aux honneurs de l’éta t, eft a fiez
limité. On ne compte pas plus de trois mille âmes
dans ia ville de Lucerne -, les religieux & autres
eccléfiaftiques- y font trop nombreux en proportion.
Tout le canton eft divifé en quinze bailliages.
Les baillifs font tirés en partie du fénat, en partie
du grand confeil. Trois feulement de ces baillifs
réfident fur les lieux j les autres habitent la
capitale.
Milice. Toute la milice du canton eft partagée
en cinq brigades d’infanterie , & chaque brigade
en cinq bataillons de fix cents hommes. Chaque brigade
a fon état-major, & chaque bataillon un capitaine
& plufieurs officiers fubalternes. La première
divifion d'un bataillon, commandée pour
marcher au premier ordre, eft de i i f hommes s
les augmentations fe font par piquets de cinquante
hommes par bataillon. La cavalerie ne con-
fifte qu'en trois compagnies de dragons, & le
corps d'artillerie eft compofé dé cinq compagnies.
L ’arfénal de Lucerne e f t , en proportion de cette
milice, allez bien fourni ; la plupart des canons
font de nouvelle fonte.
N on c e du pape. C 'e ft à Lucerne que réfide le
nonce du pape. Sa préfence a fouvent fait naître
des embarras ; lorfque des nonces, fatigués de
leur inaélion, ont voulu fe mêler avec trop de
chaleur de la police eccléfiaftique du pays, le
gouvernement a toujours foutenu fes droits avec
fermeté.
L ’état de Lucerne a part, non feulement à tous
les gouvememens indivis des anciens cantons ,
à toutes les alliances de la nation ftiiffe avec
d’autres puiflances, & aux privilèges qui en font
1* fruit, mais particuliérement aux traités & en-
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gagemens des états catholiques de la .Suiffe avec
Jes états voifïns.
Les revenus de cette république îopt peu con.-
fidérables. Les plus grandes reffources meme des
maifons patriciennes confiftent dans des haei-
commis, dans le fervice militaire étranger, dans
Létat eccléitattique pour les cadets de ramille,
& dans les charges publiques. En general, l in-
duftrie a fait beaucoup moins de progrès chez, les
fuiffes catholiques que chez les fuifles proteltans.
mais on doit s'attendre à voir diminuer de jour
en jour les obftacles qu'un faux zèle oppoloit aux
progrès des lumières. Les fciences , les arts oc
i'aétivité quelles traînent à leur fuite , fe répandront
par-tout où de meilleures inftitutions auront
perfectionné l'éducation de la jeuneffe. Au relie ,
la preuve la plus fûre d'un gouvernement fase ,
modéré, c’elt l'accroiffement de la population
réunie à l'aifançe du peuple î & cette preuve
exilte dans les états de la république de Lu«
LU C IE ( SA IN T E ) , îlle des Antilles, appartenant
à la France. T
H ijlo ir e de Vétablijfement de cette colonie. Les
anglois occupèrent fans oppofition cette
dans les premiers jours de l'an 1639. Ils y vi-
voient paifiblement depuis dix-huit mois , lorl-
qu’un navire de leur nation, qui avoit ete fur«
pris par un calme devant la Dominique , enleva
quelques caraïbes accourus fur leurs pirogues
avec des fruits. Cette violence décida les fauvages
de Saint-Vincent, de la Martinique, à fe reunir
aux fauvages offenfés > & ils fondirent tous en«
femble, au mois d’août 1640, fur la nouvelle co«
Ionie. Dans leur fureur , iis maffacrerent tout ce
qui fe préfent3. Le peu qui échappa a cette ven“'
geance, abandonna pour toujours un etabliuemenç
qui étoit encore au berceau. # x ,
Les françois fongèrent enfuite a faire un eta«
bliffement à Sa in te-L u c ie . Ils y firent paffer, en
1650 , quarante habitans fous la conduite de
Rouffelan, homme brave, aCtif, prudent, Jk fin«
guliérement aimé des fauvages, pour avoir epoule
une femme de leur nation. Sa mort , ^arrivée quatre
ans après , ruina tout le bien qu il avoit commencé
à faire. Trois de fes fucceffeurs furent
maffacrés par les caraïbes, mécontens de la conduite
qu'on tenoit avec etix ; & la colonie ne
faifoit que languir, lorfqu'elle fut prife en 1664
par les anglois , qui l’évacuèrent en 1666.
A peine éroient-ils partis , que les françois reparurent
dans Lille. Ils ne s'y étoient pas encore
beaucoup multipliés, quelle qu en fut la caufe,
lorfque l'ennemi qui les avoit chaffés la première
fo is , les força de nouveau, vingt ans apres , à
quitter leurs habitations. Quelques-uns, au lieu
d'évacuer Fille, fe réfugièrent dans les bois. Des
que le vainqueur, qui n'avoit fait qu une invafion
paffagère, fe fut retiré , ils reprirent leurs occu-
C pations. C e ne fut pas pour long-tcms. La guerre.
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qui bientôt après déchira l’Europe , leur fit craindre
de devenir la proie du premier corfaire qui
auroit envie de le piller ; & ils allèrent chercher
de la tranquillité dans les établiffemens de .
leur nation qui avoient plus de force, ou qui
pouvoient fe promettre plus de protection. Il n’y
eut plus alors de culture fuivie ni de colonie régulière
à Sainte-L ucie. Elle étoit feulement fréquentée
par des habitans de la Martinique, qui
ycoupoient du bois, qui y faifoient des canots,
& y entretenoient des chantiers affez confidé-
rables.
Des foldats & des matelots déferteurs s'y étant
réfugiés après la paix d’U tre ch t,il vint en pen-
fée au maréchal d'Eftrées d'en demander la propriété.
Elle ne lui eut pas été plutôt accordée en
1718 , qu'il y fit paffer un commandant , des
troupes, du canon , des cultivateurs. C e t éclat
blefla la cour de Londres qui avoit des prétentions
fur l’ille , à raifon de la priorité d’établif-
fement j comme celle de Verfailles, en vertu
d'une poffeflion rarement interrompue. Ses plaintes
déterminèrent le miniftère de France à ordonner
que les cliofes feroient remifes dans l'état où
elles étoient avant la conceffiori qui venoit d'être
faite. Soit que cette complaifance ne parût pas-
fuffifante aux anglois, foît qu'elle leur perfuadât
qu'ils pouvoient tout o fe r , ils donnèrent eux-
mêmes , en 172.2 , Sainte-L uc ie au duc de Mon-
taigu, qui en envoya prendre poffeflion. Cette
oppofition d'intérêts donna de l'embarras aux deux
couronnes. Elles en fortirent en 17 3 1 , en convenant
que , jufqu'à ce que les droits refpe&ifs
euffent été éclaircis, l'ifle feroit évacuée par les
deux nations > mais qu’elles auroient la liberté d'y
faire de l'eau & du bois*
C e t arrangement n'empêcha pas les françois d'y
établir de nouveau ,y en 1744 , un commandant,
une garnifon., des batteries. Ou la cour de Londres
n’en fut pas avertie, ou elle feignit de ne
rien vo ir ; parce que Tes. navigateurs fe fervoient
Utilement de ce canal pour entretenir avec des
colonies plus riches, dès liaifons interlopes que
les fujets des deux gouvernemens croyoient leur
être 'également avantageufes. Elles durèrent avec
plus ou moins de vivacité jufqu'au traité de 1763,
qui affura à la France la propriété fl long temps
& fl opiniâtrement difputée de Sa in te-L u c ie .
’ - Ce qiPeft devenue cette colonie. Un entrepôt fut
le premier ufage que la cour de Verfailles fe pro-
pofa de faire de fon acquifition. Depuis que fes
îiles du vent avoient abattu leurs forêt?, étendu
leurs cultures , & perdu la reffource du Canada
& delà Louifiane, il étoit devenu impoflîble de
s'y paffer des bois & des beftiaux de l'Amérique
feptentrionale. On avoit cru voir de grands in-
eonvéniçjis à l'admiflîon directe de ce,s fecours
étrangers, „Sain te -L u cie fut choifîe pour les
échanger contre les firops de la Martinique, de
(È con , p o lit . & diplomatique. T om . 111.
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la Guadeloupe. L'expérience ne tarda pas â démontrer
que c'étoit un plan chimérique.
Pour que cet arrangement pût avoir fon exécution,
il faudroit que les américains dépofaffent;
leurs cargaifons, qu'ils les gardaffent fur leurs
navires, ou qu'ils Jes vendiffent à des négocians
établis dans l'ifle : trois combinaifons. dont.aucijiie
n'eft praticable.
Jamais les navigateurs ne fe détermineront a
mettre à terre leur bétail, dont la garde , la
nourriture, les accidens les ruineroient infailliblement,
ni à dépofer dans des magafins, des bois
d'un trop mince p r ix , d’un trop gros volume ,
pour foutenir les frais d’un loyer. Jamais ils n'attendront
fur leur bord des acheteurs éloignés qui
pourroient ne ^pas arriver. Jamas ils ne trouveront
des acheteurs intermédiaires , dont le miniftère
feroit. néceffairement fi cher qu'on ne pourrait pas
l'employer.
Le propriétaire des firops a les mêmes raifons
d’éloignement pour ce marché. Les voitures, le
coulage & la commiflïon réduiroient à rien fa
denrée. Si l’ anglois fe déterminoit à acheter les
firops plus cher qu'il ne. les payoit, il fe verroit
forcé d'augmenter dans la proportion fes mar-
chandifes, dont le confommateur ne voudroit plus
après ce furhauffement. L'expérience a montré
depuis que. cette difpofition etoit mal calculée ;
& l'arrêt du confeil du mois d'août 1784, qui a,
excité & qui excite tant de réclamations , en con-
fervant l'entrepôt établi à S a in t e -L u c ie , en établit
beaucoup d'autres. Voyeles articles D o m in g u b
( S a in t ) & F r a n c e .
Détaché de la première idée qu'il avoit eue ,
fans y renoncer formellement, le miniftère de
France s'occupa, dès 1763 , du foin de former
des cultures à Sainte-Lucie.. Le projet étoit fage ,
mais l ’exécution fut mal concertée. Si le gouverneur
& l'intendant de la Martinique^ dont cette
ifle n'eft éloignée que de fept- lieues, avoient été
chargés de l’opération, les colons qu'on y auroit
fait paffer auroient obtenu les fecours que peut
aifément fournir un établiffement qui remonte à
plus d’un fiècle. La précipitation, la paflion -des.
nouveautés, le defirde placer des parens ou des
protégés , d'autres motits , peut-être encore plus
blâmables firent préférer l'envoi d'une adminil-
tration indépendante, qui ne devoir avoir des
liaifons qu'avec la métropole. Cette mauvaife
combinaifon coûta 7,000,000 au fifc , & à l'état
huit ou neuf cents hommes, dont la fatale def-
tinée infpire plus de pitié que de furprife. Sous
les tropiques, les colonies les mieux établies coûtent
habituellement la vie au tiers des foldats qui
y font envoyés, quoique.ee foient des hommes
fains , robuftes & bien foignés : eft - il étonnant
que de? miférables, ramaffés dans les boues
de l'Europe & livrés à tous les fléaux de l’indi-
I gence, à toutes les horreurs du défefpoir, aient
miférablement péri dans une ifle inculte & déferte,
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