
iîoa ne peut en aecufer que le génie oppreffeur
du gouvernement.
C e mauvais efprit eft pour le moins auffi fen-
fîble à Calicut. Avant la conquête d’Ayder-Aly ,
<oute.s les nations y étoient reçues, mais aucune
n'y dominoit. Le fouverain qui lui donnoit dés
loix étoit brame 5 tout le peuple écoit fous le gouvernement
théocratique, qui devient avec le temps
le plus mauvais des gouvernemens. Le trône de
Calicut étoit prefque le feul de l’Inde occupé par
cette première des caftes. On en voit régner ailleurs
de moins diftinguées. Il y en a même de fi obf-
cpres fur le trône , que leurs domeftiques feroient
déshonorés & chaifés de leurs tribus, s’ils s’avilif-
foient jufqu’à manger avec leurs monarques.
Tout le Calicut étoit mal adminiftré, & fa
capitale plus mal encore. Elle n’avoit ni police
ni fortifications. Son commerce, embarraffé d’une
infinité de droits, étoit prefqu’entièrement dans
les mains de quelques maures, les plus corromp
us , les plus infidèles de l’Afie. Un de fes plus
grands avantages étoit de recevoir par la rivière
de Beypour, qui n’en eft éloignée que de deux
lieues, le bois de teck , qui fe trouve en abondance
dans les plaines & fur les montagnes voisines.
Nous avons dit à l’article Maysso ur ,
comment l’état de Calicut fut conquis par Ayder-
A ly ; mais nous ne favons pas l’effet qu’ a produit
cette révolution fur le commerce.
Les poffeffions de la maifon de Colaftry 3 voisines
de C alicut, ne font guère connues que par
la colonie françoife de M ah é , & par la colonie
angloife de Talîiehery. Cette dernière qui avoit,
il y a quelques années, une population de quinze
à feize mille âmes , étoit défendue par trois cents
blancs & cinq cents noirs. L ’Angleterre a acquis
dans l’Inde un afcendant qui ne laiffe plus craindre
de voir fes loges infultées, & il paroît qu’elle
ne fe donne plus la peine de les garder toutes j
elle retiroit tous les ans, avec très-peu de frais
de celle-là, quinze cents mille livres péfant de
poivre, & quelques autres denrées de peu d’importance.
A la réforve de quelques principautés qui méritent
à peine d’être nommées les états dont on
vient de parler, forment proprement tout le Ma-
labar, contrée plus agréable que riche. On n’en
exporte guère que des aromates des épiceries;
Les plus confidérables font le bois de fandal, le
fafran d’Inde ,, le cardamome, le gingembre * la
fauffe eanelle & le poivre.
L ’exportation du poivre, quî fut autrefois toute
entière entre les mains des portugais, & que les
hollandois , les anglois, les françois fo partagent
actuellement, peut s’élever dans le Malabar à dix
millions péfant. A dix fols la livre, c’eft un objet
de cinq millions. II fort du pays d’ autres productions
pour la moitié de cette fomme. Ces ven-r
tes le mettent en état de payer le riz qu’Ü tire
du Gange & du Caaara * les greffes toiles que
lui fournirent le Mayffour & le Bengale, St dï-
verfes marchandifes que l’Europe lui envoyé. La-
folde en argent n’eft rien, ou peu de*chofe.
Le Canara, contrée limitrophe du Malabar
proprement d it , s’eft fucceffivement accru des>
provinces d’Onor, de Baticala , de Bandèl &
de Cananor , ce qui lui a donné une affez grande
étendue. 11 eft t r è s - f e r t i le & fur-tout en riz.
C ’étoit autrefois l’état le plus floriffant- de ces contrées
î mais il déclina, lorfque fon fouverain fe vit
forcé de payer tous les ans un tribut aux marates les
voifins, pour garantir le royaume de leurs brigan-,
dages. Sa décadence a augmenté encore depuis-que
Hyder-Ali-kan en eft devenu le maître. Manga-
lo r , qui lui fert de p or t, a déchu dans les mêmes-
proportions. Les navigateurs étrangers l’ ont moins;
fréquenté-, & parce que les denrées n’y étoient
plus fi abondantes, & parce que la multiplicité
des droits en augmentoit exceffivement le prix.-
Cependant les moeurs font reliées auffi corrompues
qu’elles l’avoient été de temps immémoriale
Voye£ les articles C oromandel ,, Bengale
M.adrass , Pondichéry , â r c a t i , Ma y s sour
, Marattes , Indostan.
M A L D I V E S . Voye£ l’article précédent
Ma l a b a r .
M A L A C A > pays ou péninfule de l’ Inde.
Le Malaca eft une langue de terre fort étroite >
qui peut avoir cent lieues de long. Il ne tient
au continent que par la côte du nord , où i l
confine à l’état de Siam, ou plutôt au royaume
de Johor, qui en a été démembré. Tout le refte
eft baigné par la mer, qui le fépare de l’ifle de
, Sumatra , par un canal connu fous le nom de
détroit de Malaca, L a population de ce pays elt
bien ancienne , & fes habitans ont beaucoup in-,
flué fur la population du refte du globe î car les-
derniers voyages de Cook ont révélé un fait bien-
"extraordinaire. La langue, dans cette multitude
. d’ifles répandues fur la furface de la mer Pacifique
, a beaucoup d’affinité avec la langue
■ malaife.
La nature avoit pourvu au bonheur des ma-.
f lais. Un climat doux, fain & rafraîchi par le s
vents- & les eaux fous le ciel de la zone torride
; une terré prodigue de fruits délicieux qui
pourraient fuffire à l’homme fauvage „ ouverte à
la culture de toutes les produirions néceffaires à
la fociété j des bois d’ une verdure éternelle j desfleurs
qui naiffent à côté des fleurs mourantes ÿ
un air parfumé des odeurs vives & fuaves qui,,
s’exhalant de tous les végétaux d’une terre aromatique
,, allument le feu de la volupté dans les»
êtres qui refpirent la vie : la nature avoit tour
fait pour les malais» mais-la fociété avoit tout fait
eontr’eux.
Le gouvernement le plus dur avoit forméle peuple
le plusatroce dans le plus heureux pays du mondé.
Les loix féodales, nées parmi les rochers & les
chênes du nord x avoient pouffé des racines juffcjues
fous l'équateur , au miléu desforêts & de's
campagnes chéries du ciel, où tout inv irai t a jouir
en paix d’ une vie vohipttieufe. G ’eft là qu’un peuple
efclave obéiffoit à un defpote que repréfen-
roient vingt tyrans. Le defpotifme d’ iin fultan fem-
bloit s’être appéfanti furla multitude , en fe fub-
divifant entre les mains des grands vaffaux.
ft C e t état de guerre d’oppreffion avoit.mis la
férocité dans tous lés coeurs. Les bienfaits de la
terre & du c ie l, verfés à Malaca, n’y avoient
fait que des ingrats & des malheureux. Des maîtres
vendoient leur fervice, c’eft-à-dire, celui
de leurs efelaves, à qui pouvoir l’acheter. Ils arra-
choient leurs ferfs à l'agriculture. Une vie errante
& péri lie ufefur mer & fur terre leur convenoit
mieux que le travail. C e peuple avoit conquis
un archipel immenfe , célèbre dans tout l’Orient
fous le nom <Pifi.es malaises. Il avoit porte dans
fes nombreufes colonies, fes loix, fes moeurs,
fes ufages j &> ce qu’ il y avoit de fingulier, la
langue la plus douce de l’Afie.
. Cependant Malaca étoit' devenu, par fa fitua-
tîon, le plus confîdérable marché de l’Inde. Son
port étoit toujours rempli de vaiffeaux : les uns
y arrivaient du Japon, de la C hine, des Philippines,
dés Moluques, des côtes orientales moins
éloignées : les autres s’y rend'oient du Bengale ,
de Coromandel, du fyUlabar, de Perfe, d’Arabie
& d’Afrique. Tous ces n-avigateurs y trairaient
entr’eux , & avec les habitans, dans la plus
grande fécurité. L’attrait des malais pour le brigandage
avoit enfin cédé à un intérêt plyfe sûr que
les fuccès toujours vagues , toujours douteux-,
de la piraterie.
Les portugais voulurent prendre part à ce commerce
de toute l’Afie. Ils fe montrèrent d’abord
à Malaca comme fimple négocians. Les ufurpa-
tiqns dans l’Inde avoient rendu leur pavillon fi
jtufpeCt, & les arabes communiquèrent fi rapidement
leur animofité contre ces conquérans,
qu’on s’occupa du foin de les détruire. On leur
tendit des pièges où ils tombèrent. Plufieurs
d’entr’eux furent maffacrés, d’autres mis aux fers.
C e qui put échaper regagna les vaiffeaux, qui fe
fauvèrent au Malabar.
: Albuquerque n’avoit pas attendu cette violence,
pour longer à s’emparer de Malaca. Cependant
elle dut lui être agréable , parce qu’elle donnoit
à fon entreprife un air de juftice, propre
a diminuer la haine qu’elle devoit naturellement
attirer au nom portugais. Le temps auroit affoibli
une impreffion qu’il croyoit lui être avantageufe j
il ne différa pas d’un inftant fa vengeance. Cette
aérivité avoit été prévue ; & il trouva, en arrivant
devant la place, au;commencement de i y n , des
difpofitions faites pour le recevoir.
Un obftacle plus grand1 que cet appareil formidable
enchaîna pendant quelques jours la valeur
du général chrétien^ Son ami Araûjo étoit du
nombre des prifonniers d’une première expédition.
On mènaçôît de le faire périr au moment où cmn-
foençoit le liège. Albuquerque étoit fenfiblé, &
il étoit arrêté par le danger de fon ami;, loffqu’iî
en reçut ce billet : ne pertfe^ qu'à la gloire £r h.
1*avantage du Portugal ; f i je ne puis être un inf-
trufrent de votre victoire , que je. n.y fois pas au
moins un obfiacle. La place fut attaquée & prife ±
après bien des combats douteux , fanglans & opi-i
niâtres.'On y trouva des tréfors immeniés , de
grands maganns , tout ce qui pouVoit rendre la
vie délicieufe, & Ion y conftruifit une citadelle
pour garantir la Habilité de la conquête.
Comme les portugais fe bornèrent à la polfef-
fion de la .ville , ceux des habitans, tous fetla-*-
teurs d’un mahomérifme fort corrompu, qui ne
voulurent pas fobir le nouveau joug , s’ehfonicè-
•srent dans les terres , oü fe répandirent fur là
côte. En perdant l’efprit de commerce * ils ont
repris toute la violence de leur cara&ère; C e peuple
ne marche jamais fans un poignard , qu’il appelle
cri. Il femble avoir épuifé toute l’invention
de fon génie fanguiriaire à forger cette arme
meurtrière. Rien de fi dangereux que-de tels Sommes
avec un tel inftrument. Embarqués fur uft
vailfeau , ils poignardent tout l’équipage au moment
de la plus profonde fécurité.- Depuis qu’ori
a connu leur perfidie;, tous les européens ont
pris la précaution de ne pas fe fervir de malais
pour matelots.
En 16 4 1 , les hollandois enlevèrent^Maldca ^XsX
portugais j mais le commerce y étoit tout-à-faiè
tombée depuis que des exaéiions eriminêlleS en
avoient éloigné toutes lés natiohs. La compagnie
hollandoife ne l’y a pas fait revivre , foit qu’elle
ait trouvé des difficultés infurmontables , foit
qu’elle ait manqué de modération, foit qu’elle
ait craint: de nuire à Batavia. Ses opérations fe
réduifeut à l’échange d’une petite quantité d’opium
& de quelques to ile s , avec.un peù d’or ,
d’ étain & d’ivoire.
Ses affaires feroient plus confidérables , fi les
princes dé cette région étoient plus fideles au
traité exclüfif qu’ils ont fait avec elle. Malheu-
reufemént pour fes intérêts , ils ont formé des
liaifons avec les anglois qui fourniffent à leurs
befoins, à meilleur marché, & qui^achètent plus
cher leurs marchandifeSi Elle fe dédommage un
peu fur fes fermes & fes douanes qui lui donnent
220,600 liv. par an. Cependant ces revenus ,
joints aux bénéfices du commerce , ne fuffifent
pas pôùr Tentretién dé la gârnifon & des facteurs.
Il en coûte annuellement 44,000 liV. à la
compagnie.
Il fut un temps où ce façrifice auroif. pu pa-
i roître léger. Avant que lès européens euffent dou-
• Blé lé*cap de Bonne-EfpéranCè, les arabes &
! tous l'es autres navigateûts;fe: rendofent à Malaca,■
où ils Érouyoiént les1 navigateurs dès Moluques ,
du Japon & de là Chine. Lorfque lès portugais
fe furent emparés de cette p la ce , ils n’auendi