les rives de la mer, les infeftoient de leurs brigandages
fur la fin du dernier fiècle. Cette piraterie
offenfa vivement le M o g o l, qui venoit d'afler-
vir les parties feptentrionales de la côte. Pour
protéger la navigation de fes fujets , il créa une
flotte principalement deftinée à réprimer cet efprit
de racine. A cette époque les deux puillances fe
heurtèrent dans ces combats journaliers de fan-
glans. Le maratte Conagy Angria montra des ta-
lens fi diftingués, qu'on lui déféra la dire dion
des forces maritimes de fa nation , & bientôt
après le gouvernement de l'importante forterefie
de Swerndroog, bâtie fur une petite ille , à peu
de diftance du continent.
C e t homme extraordinaire n'avoit vaincu que
pour lui. Il fit adopter fon plan d'indépendance
par les compagnons de fes victoires , & avec leur
fecours s'empara des navires qu'il avoit fi longtemps
& fi heureufement commandés. Les efforts
qu'on fit pour le faire rentrer dans la foumif-
fio , furent impuiffans. L'attrait du pillage & la
réputation de fa générofité attirèrent môme un
fi grand nombre d'intrépides aventuriers autour
de lui 3 qu'il lui fut facile de devenir conquérant.
Son empire s'-étendit fur la côte 3 depuis Tamana
jufqu'à Rajapour, ou quarante lieues, & dans
les terres vingt ou trente milles, félon la difpo-
fition des lieux & la facilité de la défenfe. C e pendant
il dut fes plus grands fuccès & toute fa
renommée à des opérations navales qui furent
continuées avec la même a&ivité 3 la même bravoure
& la même intelligence, parles héritiers
de fon nom & de fes états.
Ces corfaires n'attaquoient d'abord que les
navires indiens , maures ou arabes, qui n'avoient
pas acheté d'eux un pafle-port. Avec le temps,
ils infultèrent le pavillon des européens , qui fe
virent réduits à ne plus naviguer que fous convoi.
Cette précaution étoit très-difpendieufe, &
fe trouva infuffifante. Les vaiffeaux d'efeorte furent
fouvent affaillis eux-mêmes, & plufieurs fois
enlevés à l'abordage.
Ces déprédations avoient duré cinquante ans,
Jôrfquen 1722 les anglois joignirent leurs
forces à celles des portugais contre ces pirates.
On ré fol ut de concert de détruire leur repaire.
L'expédition fut honteufe & malheureufe. Celle
qui deux ans après fut entreprife par les hollan-
dois avec fept vaiffeaux de guerre & deux ga-
liotes i bombes., ne réuflit pas mieux. Enfin,
les marottes, à qui les angrias refufoient un tribut
qu'ils lui âvoient long - temps payé , convinrent
d'attaquer l'ennemi commun par terre ,
tandis que les anglois l'attaqueroient par mer.
Cette combinaifon eut un fuccès complet. La
plupart des forts & des fortereffes furent enlevés
dans la campagne de 1755. Geriah, capitale de
l'é ta t , fuccomba l'année fuivante j & dans fon
tombeau fut enfeveli un empire dont la profpé-
tné n'avoit jamais eu pour bafe que les calamités
publiques. Malheureufement, de fes débrii
s’augmenta la puiiTance des marattes, qui n'étoit
déjà que trop redoutable.
C e peuple eft aujourd'hui célèbre à la côte
de Coromandel, vers De lhy , & fur le Gange *
par fes incurfions, par fes brigandages. L'efprit
de rapine qu'il porte dans les contrées qu'il ne
fait que parcourir, il le perd dans les provinces
qu il a conquifes. Déjà s’eft amélioré le fort des
lieux qui furent fi long-temps écrafés par la tyrannie
des portugais , & qui ont fuccefiivement grofll
fon domaine. Sa conduite eft bien différente fur
les mers voifines. Non - feulement il y pille les
bâtimens trop foibles- pour lui réfifter , mais il
accorde encore des afyles aux pirates étrangets
qui confentent à partager avec lui leurs prifes.
Sur ate fut longtemps le feul port par lequel^,
l'empire Mogol exportoit fes manufa&ures, &
recevoit ce qui étoit néceffaire à fa confomma-
tion. Pour le contenir & pour le défendre, on
imagina de conftruire une citadelle, dont le commandant
n'avoit aucune autorité fur celui de la
ville : on avoit même l'attention de choifir deux
gouverneurs qui ne fuffent pas de caradfère à
fe réunir pour l'oppreffion du commerce. Des
circonftanccs fâcheufes donnèrent naiffance à un
troifième pouvoir. Les mers des Indes étoient
infeftées de pirates qui interceptoient la navigation
, & qui empêchoient les dévots mufulmans
de faire Je voyage de la Mecque. Le mogol crut
que le chef d'une colonie de C afres , qui s'étoic
établie à Rajapour, feroit propre à arrêter le
cours de ces brigandages, & il le choifit pour
fon amiral. On lui afiigna pour fa folde annuelle,
trois laks de roupies, ou720,000 liv. Cette fomine
n ayant pas été exactement payée, l'amiral s'empara
du château, & de ce fort il opprimoit la
Tout alors tomba dans la confufion j &
1 avarice des marattes, toujours inquiète, devint
plus vive que jamais. Depuis long-temps ces barbares
, qui avoient étendu leurs ufupations juf-
qu'aux portes de la-place, recevoient le tiers des
impofitions, à condition qu'ils ne troubleroient
pas le commerce qui le faifoit dans l'intérieur
des terres. Ils s'étoient contentés de cette contribution,
tout le temps que la foitune ne leur
avoit pas préfenté des faveurs plus considérables.
Lorfqu'ils virent la fermentation des efprits, ils '
ne doutèrent pas que dans fa fureur quelqu'un
des partis ne leur ouvrit les portes. & ils s'approchèrent
en force des murailles. Des négocians
qui fe voyoient tous les jours à la veille d'être
dépouillés de leur fortune, appellèrent les an-
gjois à leur fecours en 17x9 , & les aidèrent à
s'emparer de la citadelle. L'avantage de la tenir
fous leur garde, afnfi que l'exercice de l'amirauté
, furent allurés aux conquérans par la cour
de Delhy, avec le revenu attaché aux deux pof-
tes. Cetce révolution rendit quelque calme à Surate
& à fon Nabab , mais en les mettant dans mue
dépendance abfolue de la force qu'on avoit invoquée.
C e fuccès étendit l'ambition des agens de la
compagnie angloife. Ceux d'entr'eux qui condui-
fbient les affaires au Malabar , étoient rongés
d'un dépit fecret de n'avoir eu aucune part aux
fortunes immenfes qui s'étoient faites au Coromandel
& dans le Bengale. Leurs avides regards,
qui depuis long-temps fe portoient de tous les
côtés , s'arrêtèrent enfin en 1771 fur Barokia,
grande ville fituée à trente-cinq milles de l'embouchure
de la rivière de Nerbedals, qui fe jette
dans le golfe de Cambaie, & très-anciennement
célèbre par la richeffe de fon fol & par l’abondance
de fes manufactures. Les navires, même
marchands, n'y peuvent monter qu'avec le fecours
de la marée, ni en defeendre qu'au temps du
reflux.
Cinq cents blancs & mille noirs partirent de
Bombay, pour/ s'emparer de la place , fous les
prétextes les plus frivoles. L'expédition échoua
par l'incapacité du chef qui en étoit chargé. Elle
fut reprife l’année fuivante. Les afiiégés enhardis
par un premier fuccès, & peut-être encore plus
par une ancienne tradition qui leur prometfbit que
leur ville ne feroit jamais prife , fe défendirent
a (fez long-temps ; mais à la fin leurs murailles
furent emportées d'affaut.
Durant tout le liège, la mer du Nabab n'avoit
pas quitté fon fils, bravant comme lui le ravage
du canon & des bombes. Ils fortirent enfemble
de la place, lôrfqu’ elle ne fut plus tenable. On
les pourfuivoit. Alle^, dit cette héroïque femme
au compagnon de fa fuite , alle[ chercher un afyle
& des fecours ches^ vos alliés ,* je retarderai la marche
de nos ennemis & leur échapperai peux-être. Se
voyant ferrée de trop près , on lui vit prendre
le parti fi ordinaire dans flndoftan aux perfonnes
de fon fexe qui ont confervé leur poignard : elle
fe perça le coeur pour éviter de porter des fers*
Son fils ne lui furvécut que peu.
Avant fon défaftre, ce prince étoit obligé de
donner aux marattes les fix dixièmes de fon revenu
qui ne paffoit pas 1,680,000 liv. C'étoit
comme pofleffeurs d'Amed A b a d , capitale du
, Guzurate , que ces barbares„exigeoient un fi grand
tribut. Les anglois ne fe refufèrent pas feulement
à cette humiliation, ils voulurent auffi exercer
des droits fur la province entière. Des préten-,
tions fi oppofées furent une femence de difeorde.
Tout fut pacifié en 1776 , par un traité qui régla
que les anciens ufurpateurs conferveroient leurs
conquêtes, mais que les nouveaux auroient la
jouiffance libre de Barokia, & qu’on ajouteroit
à fon territoire un territoire dont les impofitions
rendroient 720,000 liv.
Les marattes paroiffoient alors dans une fitua-
tion qui ne leur permettoit pas d'efpérer un ar- laiigement fi Tayorabk. L'union de ces brigands
h*avoît jamais été altérée. Cette concorde leur
avoit alluré une fupériorité décidée fur les autres
puiffances de l’Indoftan, perpétuellement agitées
par des troubles domeftîques Leurs premières di-
vifions éclatèrent en 1773* Le frère & l e fils de
leur dernier chef fe difputèrent l’empire, & les
fujets divifés prirent tous parti fuivant leurs inclinations
ou leurs intérêts.
Durant le cours de cette guerre civile, le fouba
du Décan fe remit en poffeflïon des provinces
que le malheur des temps l'avoit forcé d’abandonner
à ces barbares. .Hyder-Ali-kan s’appropria
la partie de leur territoire cjui étoit le plus
à fa bienféance. Les anglois jugèrent la circonf-
tance favorable pour s'emparer de Salfette, dont
les marattes avoient chaffé les portugais en 1740.
Ce n’eft pas ici le lieu d’entrer dans le détail
des guerres des marattes contre Ayder-Aly , fon
fils Tippo-Saïb & la compagnie angloife. Nous
dirons feulement qu'en 1770 une armée de marattes
, forte de 2.00 mille hommes , commandée
par Madurao, battît complettement une grande armée
d’Ayder-Aly, -& lui fit mettre bas les armes
i mais comme il n'eft pas dans l'ufage dans
l’Inde de faire prifonniers les fimples Joldats &
même les officiers Subalternes , prefque toute fort
armée revint, la plus grande partie , il eft v rai,
fans armes & fans chevaux ; Ayder rétablit en
peu de temps fon armée, en meilleur état qu’elle
n’étoit y & ce qu’on aura peine à croire, & ce
qu’ il faut attribuer à la nature du gouvernement
des marattes qui eft purement féodal, Ayder^ra-
cheta des marattes eux - mêmes la plus grande
partie de fes chevaux & de fes armes, chacun
des chefs pouvant faire l’emploi qu’il defire de la
part qu’il a retirée du butin.
A y d e r , durant fon. règne , n’ a pas voulu re-
connoître le droit de chotaye que réclamoient
les marattes : il leur donnoit de l’argent, quand
la néceffité de fes affaires ne lui permettoit pas
d ’en refufer} mais il ne faifoit jamais avec eux
d’autre traité qu’une trêve pour trois ans : les
marattes y confentoient , parce qu'ils aimoient
mieux cet arrangement que de faire la guerre ou
abandonner leur droit de chotaye.
La nation des marattes ne pardonnera jamais
aux anglois d’avoir accordé un afyle & leur protection
à Ragoboy ; mais la nation britannique
connoît trop bien les divifions de cet éta t, qu'elle
a foin d'entretenir, pour redouter la fuite de cette
haine j & ils la redoutent d'autant moins que, par un
dernier traité , ils fe font vus contraints d’abandonner
ce fcélérat, ainfi que nous le dirons tout-
à-l’heure. Des intérêts particuliers déterminent
feuls les. chefs du gouvernement de Poonah à
faire la guerre à la compagnie. Le dernier traité
qu’elle a conclu ayee cçttc puiflan<ie , eft de
1782,, Le Yoici :