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feroit alors tenté de multiplier les procédures fans
néceflité , pour augmenter le produit de ce droit
de timbre. Il eft affez généralement d’ufage
de régler , dans l’Europe moderne , le paiement
des procureurs & des greffiers par le nombre
des pages : la cour exige que la page contienne
tant de lignes 3 & la ligne tant de mots.
Mais y pour éluder ce réglement, les procureurs
& les greffiers ont imaginé de multiplier les mots
fans aucune néceflité 3 & c’eft là une des caufès
de la corruption de la langue des tribunaux. La forme
des procédures legales fecorromproitégalement
fi on avoit la tentation de multiplier les droits du
timbre. D ’ ailleurs il n'y a rien de fi contradictoire
que la pureté de la juftice, & les vexations
& la cupidité des inventions fifcales.
Mais foit que radmiriiftration de la juftice fe
défraie elle-même , foit que les juges tirent leurs
falaires de quelqu’autre fonds 3 il ne paroît pas
néceffaire que la perfonne ou les perfonnes. à qui
Ton confie le pouvoir exécutif , foient chargées
de la difpenfation de ce fonds ou du paiement de
ces falaires. C e fonds pourroit venir d’un revenu
territorial, dont Ladminiftràtion feroit confiée à
chaque cour particulière, à laquelle on l’atta-
cheroit. C e fonds- pourroit venir également de
l'intérêt d’ une fomme d argent, dont le prêt feroit
au profit du tribunal. Une partie , quoique
petite 3 du falaire des juges de la cour de feffion
en Ecoffe , vient de l'intérêt d’une fomme d’argent.
Mais l’inftabilité de ce fonds paroît le rendre
peu propre au maintien d’une inftitution. qui
doit toujours durer.
La raifon veut que la puiffance judiciaire
foit féparée de la puiffance exécutrice 5 mais ce
n’eft pas la raifon qui a établi cette divifion.
Il paroît que la multiplication des affaires de la
Tociété 3 en conféquence. de fes progrès , y a
donné lieu. L ’adminiftration de la juftice devint fi
laborieufe & fi compliquée, qu’elle revendiqua
toute l’attention des perfonnes qui en étoient
chargées. Celui qui avoit en main la puiffance exécutrice
n’ayant pas le loifir de vaquer par lui-
meme à 'la décifîon des caufes particulières , on
nomma quelqu’un ' pour tenir fa place. Dans les
progrès de la grandeur romaine , le conful fut
trop occupé des affaires politiques de l’éta
t , pour fe mêler de l ’admimftration de la juftice
: on. nomma un préteur pour l’adminiftrer à
f§| place. Dans le progrès des monarchies européennes,
fondées fur les ruines de l’Empire romain
, le fouverain & lès grands barons en viiv
rent jufqu’ à regarder l’adminiftration de la juftice
comme un emploi trop pénible 8c trop ignoble
pdur lé remplir en perfonne. Ils le renvoyèrent
:tous à un fubftitut, à un bailli ou juge qu’ils
nommèrent.' •
Lorfque la .puiffance judiciaire eft unie à la puiffance
exécutrice , il eft difficile que la juftice ne
foit pas facrifiée à ce qu’on appelle la -politique. ,
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Les perfonnes chargées des grands intérêts de l’état
, fans avoir même de mauvaifes vues, peuvent
imaginer fouvent qu’ il eft néceffaire de leur fa4-
crifier les droits d’un particulier : mais la liberté
civile de chaque individu ; le fentiment qu’il a
de fa propre fureté, dépendent de l ’adminiftration
impartiale de la juftice. Pour qu’il fente
bien qu’on ne le troublera pas dans la poffeffion
de fes droits, il n’ eft pas feulement néceffaire
que la puiffance judiciaire foit féparée de l’exécutrice
, mais qu’elle foit indépendante le plus qu’il
eft.poflîble 5 que le juge ne foit point amovible
au caprice de cette dernière puiffance , & que le
paiement de fes gages ne dépende ni de fa bonne
volonté, ni de fa bonne économie. Voye[ P u is s
a n c e j u d i c i a ir e .
JUGE , gouverneur du peuple juif avant l’ é-
tabliffement des rois.
On donna le nom de juges à ceux qui gouvernèrent
les ifraélitès, depuis Moïfe inclufîvement
jufqu’ à Saül. Ils font appelles en hébreufophetim
au plurier, 8cJophet au fingulier. Tertulien n’a
point exprimé la valeur du mot fophetim 3 lorfque
citant le livre des juges, il l’appelle le livre des
cenfeurs. Leur dignité ne répondoit point à celle
des cenfeurs romains 5 elle répondoit plutôt à celle
des fuffetes de Carthage, ou des archontes perpétuels
d’Athènes.
Les hébreux n’ont pas feuls donné le titre de
H e te s ou de juges à leurs fouverains 5 les tyriens
& les carthaginois employèrent cette dénomination.
De plus, les goths n’accordèrent, dans le
quatrième fiècle, à leurs chefs que le même titre
5 & Athanaric , qui monta fur le trône vers
l’an 569 , ne voulut point prendre la qualité de
r°l 3, 1? aîs celle de juge 3 parce qu’au -rapport de
Thémiftius, il regardoit le nom de roi comme un
titre d’autorité & de puiffance 3. & celui de juge ,
comme un fymbole de fageffe 8c de juftice.
Grotius compare le gouvernement des hébreux
fous les juges , à celui qu’on voyoit dans les Gaules
& dans la Germanie , avant que les romains l’euf-
fent changé.
Les fondrions des juges étoient à vie, mais noir pas
héréditairesj il y eut des tems d’anarchie & de longs
intervalles , durant lefquels les hébreux n’avoient
ni juges 9 ni gouverneurs fuprêmes. Quelquefois
cependant ils nommèrent un chef pour fe tirer
de l’oppreffion : c’eft ainfi qu’ils choiïirent Jephté '
avec un pouvoir limité , pour les conduire dans
la guerre contre les ammonites ; carnous ne voyons
pas que Jephté ni Barac aient exercé leur autorité
au-delà du Jourdain.
, La puiffance de leurs juges'y en. général, ne
s’étendoit que fur les affaires de la guerre les
traités de paix & les procès civils 5 tout le refte
étoit du reffort du fanhédvin : \es juges n’ étoient
donc , à proprement parler , que les chefs de la
république.
Ils n’ avoient pas le pouvoir de faire de ; nou-
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Velles loix, ou d’impofer de nouveaux tributs. Us
étoient prote&eurs des loix établies , défenfeurs
do la religion & vengeurs de l’idolâtrie 5 d’ailleurs
fans éclat, fans pompe , fans gardes &
fans fuite , à moins que leurs richeffes perfonnel-
les ne les miffènt en état de fe donner un train
conforme à leur rang'.
O n dit que le revenu de leur charge fe bor-
noit aux p réfens qu’on leur faifoit 3 qu’on ne leur
affi'-ï.noit aucune fomme , & qu’ ils ne levoient aucune
contribution fur le peuple 3 ce qu’ iLeft difficile
de croire.
On peut voir maintenant quelle étoit la bornedu
pouvoir des jugesdes ifraélitès : i° . ils n’étoient
point héréditaires : 'i0f -.ils n’avoient droit de Vie
& de mort que fe Ion les loix : z ° . ils n’entrepre-
ïioient point la guerre à leur gre , mais feulement
quand le peuple les appelloit à leur tête : 40. ils
ne levoient point d’impôts : y°. ils ne fe fuccé-
doient point immédiatement. Â la mort d’un juge3
la nation pouvoit lui donner un fucceffeur furie
champ ou attendre 3 c’eft pourquoi on a vu
fouvent plufieurs années àl'mtet-juges, fi je puis
parler ainfi : 6°. ils n’avoient aucune marque de
fouveraineté 5 ils ne portoient ni fceptre ni diadème
: 7 ° . enfin, ils n’avoient point d’autorité
pour créer de nouvelles loix, mais feulement pour
faire obferver celles de M oïfe & de leurs prédécef-
feurs. C e n’eft donc qu’improprement que les juges
font appellés rois dans deux endroits de la Bible.
Juges 3 chap. 9 & chap. 18.
Quant à la durée du gouvernement des juges,
depuis la mort de Jofué jufqu’au règne de Saül,
les favans ne font point d’accord fur ce point de
chronologie , & if importe peu de le difcuter ici.
J uge p é d a n é e . C ’étoit le nom que l’on don-
noit chez les ^romains auyi juges des petites villes.
Quelques auteurs croient qu’ ils furent ainfi
appellés , parce qu’ ils fe rendoient à pied au lieu
où l ’on adminiftroit la juftice , tandis que les ma-
giftrats alloient dans un chariot 3 mais il feroit
aifé de prouver que cette explication eft mauvaife :
d’ autres croient qu’on les appella juges pédanées,
quaji fiant es pedibus parce qu’ils rendoient la juf-
tice debout 5 les favans difent que c’eft encore
line erreur, car ils étoient affis 3 feulement ils n’étoient
point fur des fièges élevés comme les ma-
giftrats , mais in fubfelliis , c’eft-à-dire , fur des
bas fièges 3 de manière qu’ ils rendoient la juftice
de piano y jeu de piano pede , c’eft-àrdire , que
leurs pieds touchoient à terre 5 c’eft pourquoi on
les appella pedanei, quafi kumi judicantes.
- O n ne doit pas confondre avec les juges pédantes
\es fénateurs pédaniens : ondonnoit ce nom
aux fénateurs qui n’opinoient que pedibus $ c’ eft-
à - d i r e e n fe rangeant du cô té de celui dont ils
adoptoient l’avis.
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Les empereurs ayant défendu aux magiftrats de
renvoyer aux juges délégués autre chofe que la
connoiflance des affaires légères , ces juges délégués
furent nommés juges pédanés.
L ’empereur Zenon établit des juges pédanés
dans chaque fiège de province, comme il eft dit
en la nouvelle 8 z , chap. 13 & Juftinien , à fon
imitation, érigea, par cette même novelle en titre
d’office dans Conftantinople, fept juges pédants
, à l’inftar des défenfeurs des cités qui étoient
dans les autres villes. Jufqu’alors ils n’avoient pas
inftruit les procès où il s’agiffoit de plus de
yo fols. (1) 3 cet empereur leur attribua la con-
noiffance des procès, où il ne s’agiroit pas de plus .
de 300 fols.
L’appel, de leurs jùgemens refTortifToit au ma-
giftratqui les avoit délégués.
JUL IERS, (Duché de) appartenant à l’éleéleur.
Palatin 3 il eft borné à l’oueft par le duché de
Gueldres, l’évêché de Liège, le duché de Lim-
bourg, le territoire de la ville d’Aix-la-Chapelle
8c l’abbaye de Cornelii-'Munfter 3 vers le fud,. par
les feigneuries de Schleiden 8c de Blankenheim ,
& une partie de l’archevêché de Cologne3 vers le
levant, par le même archevêché, & vers le nord,
par le duché de Gueldres. Sa plus grande longueur
eft de 20 milles, fa largeur eft dans quelques endroits
de neuf milles 5 mais elle eft beaucoup moindre
dans d’autres. Il contient trente bailliages ou feigneuries.
Précis de l’hifloire politiqüe du duché de Jùliers.
Le premier comte de Juliers dont on puiffe parler
avec certitude , eft Gérard 3 il vivoft au commencement
du dixième fiècle. Le comte Guillaume VII
fut élevé à la dignité de marggrave par l’empereur
Lotiis de Bavière, 8c à celle de d uc , par l’empereur
Charles IV , en 13 y6. Son fils, Guillaume V I I ,
acquit, du chef de fa femme, le duché de Gueldres
& le comté de Zutphen 5 8c fon fils & fucceffeur
Reinhold , étant mort en 1433 fans héritiers , les
duchés de Juliers 8c de Gueldres pafsèrent au duc
• Adolphe VIII de Berg 5 mais Adolphe VIII fut
obligé de céder la Gueldres à Louis d’Egmont.
Adolphe mourut en 1437 fans poftérité, & i! eut
pour fucceffeur dans les duchés de Juliers 8c de
Berg , fon neveu Gérard, fils de fon frère Guillaume,
lequel fut en même-temps comtede Ravenf-
berg, du chef de fon père. Son fils Guillaume X I
mourut en 1 y 1 1 , 8c fes états de Juliers, Berg &
Ravensberg , échurent à l’époux de fa fille Marie,
Jean I I I , duc deClèves, comte de la Mark , & fei-
gneur de Ravenftein. Nous avons indiqué à l’article
C lèv es , les révolutions que fubirent fuc-
. ceffivement ces pays ainfi réunis. Nous avons éga- ■
lement dit que les duchés de Juliers & de Berg,
les feigneuries de Ravenftein, W.innenthal &
Breskefand, échurent en partage à Philippe-Guil-
(t) On dit que cette fomme équivaloit à <0 écus j mais toutes, ces. évaluations font bien incertàiner..
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