
étoit affiégée} une multitude de corps francs ( 0
gardoient les frontières & 1 intérieur de la Hollande
: cette dernière province où l'adminiftra-
tion ordinaire fe trouvoit fufpendue , avoir créé
une commiffion , chargée avec des pouvoirs fort
étendus , de veiller à la défenfe de la province
& à la caufe publique. Sur ces entrefaites , la
princeffe d’Orange ayant entrepris de fe rendre à
la H a y e , la commiffion , qu’on appelloitla com-
mijjton de Woërden 3 craignit avec raifon qu'au
point où en étoientles affaires, la préfence de cette
princeffe n’excitât une révolte à la Haye , qu'on
avoir beaucoup de peine à contenitielle l'arrêta dans
fa marche, & lui défendit de fe rendre à la Haye :
on la traita d’ailleurs avec les égards dus à fon
fexe & à fon rang. La princeife d’Orange fut
obligée de retourner à N im e g u em a is ce malheureux
incident précipita les réfolutions de la
cour de Berlin j car on ne doute pas qu'au défaut
de ce prétexte 3 elle n’en eût imaginé d'autres
pour envoyer des troupes en Hollande, & y
opérer une révolution à main armée. Le grand
Frédéric avoit vu naître les troubles 5 il en avoit
fuivi les progrès} il avoit écrit plufîeurs lettres
aux Provinces - Unies } il avoit laine entrevoir des
menaces : mais foit que la caufe ne lui parût pas
bonne, foit qu’à fon âge il aimât le repos, foit
qu’il craignît de rallumer la guerre en Europe ,
foit que les circonftancès ne lui fulfent pas favo -
râbles, il ne s’étoit point mêlé direâ-ement de
la guerre. Son iucceffeur , moins circonlpeél ou
plus heureux par les circonftancès, fe plaignit de
l’iniulte faite à fa foeur. Il en demanda une réparation
éclatante.
Nous ferons ici une remarque de l’auteur du
Précis hiftorique de la révolution qui vient de s'opérer
en Hollande.
» Le prince Stadhouder avoit trois moyens
pour abattte le patriotifrne & enchaîner les patriotes
: celui de la fédition qui avoit toujours
réulfi à fes prédéceffeurs pour gouverner l’état
defpotiquement} il commença par l’employer ,
mais ce moyen ne réufiit pas au gré de fes delîrs,
& les patriotes armés ont toujours diffipé les fédi-
îieux , quoique la plupart des magiftratures ,
vouées au prince, n'aient jamais puni que foi
blement ceux qui étoient pris en pleine révolte.
Le prince elfaya le moyen de la corruption dans
les états provinciaux, pour en obtenir des réfo-
jutions qui le remiffent dans l’exercice de fon
autorité ufurpée ; il réûlfit en Gueldre f cela
n’étoit pas difficile j il réulfit en Frife , on ne
devoit pas s'y attendre } il réufiit en Zélande ,
malgré la fermeté delà ville de Zlriczée , & la
bonne volonté de celles de Vlefiingue & de Ter-
veere. Le penfionnairé Vanderfpiegel, fa créature
, trouva le moyen de faire pafier aux états
de fa province, tout ce qu'il crut être le plus
avantageux à fon illuftre patron 3 il réufiit enfin
à Utrecht. La chûte des états de cette province
eft encore plus furprenante que celle de ceux
de Frife, car les états d’Utrecht furent au coin*
mencement les plus ardens pour la caufe patriotique
, & ils invitèrent le peuple de leur petite
province à expofer fes griefs contre le réglement
de 1674} c e ll celui donné par Guillaume III.
La province dOver-Iffel tint toujours ferme
contre le ftadhouder ; celle de Groningue ne
lui fut pas plus favorable 5 mais la province de
Hollande, après avoir chancelé, tomba un inf-
tant du côté du prince } les patriotes armés de
cette province la relevèrent en faveur de la
bonne caufe , & gagnèrent une majorité fuffi-
fanre aux états , pour y faire la loi à l'ordre
équeftre & aux députés des petites villes , qui,
contre le voeu formel & bien connu des citoyens ,
votoient conftamment contre la fouveraineté de
l’éta t, & contre la liberté du peuple ».
« Quoique le prince eût pour lu i, aux Etats-
Généraux , la majorité d’une voix tout au plus ,
il ne gagnoit rien il falloit dompter la province
de Hollande avec laquelle il avoit affaire particulièrement
, & fans laquelle il ne pouvoit rien
de décifif en faveur de fon ambition. Il fallut
donc en venir au troifième moyen qui lui ref-
t o i t , celui de la violence & de la force ouverte.
C e parti fut réfolu à Nimègue , après la
mort du grand Frédéric, de concert avec les
états de Gueldre & les cabinets d’Angleterre &
de Prirffc. Cependant avant d'en venir à cette
extrémité , on réfolut de tenter encore un fou-
Ievement général de la populace5 voici l’étrange
moyen dont on fe fervit pour y réuflir ».
« Madame la princeffe d'Orange fe chargea
ouvertement du premier rôle pour faire agir cette
populace au gré des defîrs du parti ».
« Après avoir fait échouer la négociation d’un
accommodement propofé par la cour de France
à celle de Berlin , & entamée à la Haye , madame
la princeffe annonça qu’ elle fe chargeoit feule d’un
accommodement & d’une réconciliation entre
fon mari le ftadhouder, & les états de Hoir
lande ».
( 0 Les corps francs armés fe multiplièrent & s’accrurent infenfiblement ; ils fe font préparés pendant plus
4e quatre ans à foutenir leurs droits , les armes à la main : quelques-uns s'exercèrent paifiblement dans des
prairies qq’ils louoient hors de leurs villes refpeélives. Infenfiblement ces corps armes ont obtenu la fonction
de leurs magiftratures refpeélives j ils en ont reçu des marques éclatantes & publiques de fatisfaâion.
Toute l’Europe fait que les états des provinces patriotiques , & fur-tout que les états de Hollande les ont
pris fous leur protection immédiate } que lès confeils des fénateurs les ont encouragés, protégés , ré-
compenfes même.
• «c Voici
« Voici donc comment on raifonna à Nîmegüe
avant de tenter ce coup, l’ un des plus habiles
& des plus adroits en politique , dans un moment
où il n’y avoit plus de tems à perdre pour
porter une atteinte mortelle à la liberté nationale
: Madame la princeffe , dut-on dire , arrivera
à la Haye fans obftacle , ou fera arretee
fur le cordon & forcée de rétrograder. Dans le
premier cas , elle opérera feule la révolution,
au moyen de la canaille qui fe foulevera en meme
tems dans toute, la province, & dont il ne fera
pas poflible d’arrêter la fureur, puifque les
troupes font mal-intentionnées pour les états,
& que celles qui paroiffent fidèles font occupées
avec les corps francs armés, à Utrecht ou au
cordon de la Hollande. Dans le fécond^ cas ,
nous crierons à la violence, à l’infulte, à l’attentat
, & nous invoquerons l’ afliftance du roi 1
de Pruffe , qui , fur notre expofé, croira
fon honneur intéreffé à venger l’ affront^ fait
à fa foeur. Il n'y a que ce feul moyen de finir ,
& de lever le camp'de Z e i t z , où nos troupes
fe morfondent, & où elles jouent depuis long-
tems un trille rôle». L'événement a prouvé qu on
avoit très-bien raifbnné à Nimègue, puifqu'en
trompant le cabinet de Berlin, ou au moins fa
majetté pruflienne, 'par un faux expofé, le parti
ftathoudérien , qui étoit aux derniers abois , eft
parvenu à fes fins , en ruinant le pays par les
troupes prufiiennes, 8c en rétabliffant le defpo-
tifme fur le trône.
Tout changea de fa c e , & la force diëta des
loix. La petite garnifon qui défendoit Utrecht
abandonna la place 3 les corps^ francs & les
troupes qui gardoient les frontières de la province
Le roi de Pruffe raffembla, en effet, une
petite armée dans les. duchés de Juliers & de
Clèves. Les états de Hollande, ayant approuvé
la conduite de la commiffion de Woërden, fe
bornèrent à affurer nettement qu'ils n’avoient
point voulu manquer aux égards dûs au rang &
au fexe de la princeffe d'Orange. Ils prévinrent
les habitans de la nécefîité prochaine d’une inon- ]
dation partielle, au moment où des troupes étran- !
gères menaceroient la province d'une invafion 3 &
promirent une indemnité à ceux des fujets
dont les terres feroient fubmergées. Gorcum
& Neerden étant fuppofées les deux clefs de
la province , au midi & au çord , on foagea
à les fortifier. Le commandement de la première
de ces places fut donné au baron de Capelle
de Marfch, ci-devant commandant des gardes-
du-corps du prince d’Orange , & celui décria
fécondé au général Van-Ryfiel. Sur la demande
faite à la commiffion de Woërden d’indiquer un
"commandant en ch e f, capable de fe fervir des
forces qui pourroient refter à la province, ce
choix tomba fur le rhingrave de Salm.
Enfin, les-prufiiens entrèrent en Hollande,
au nombre d’ environ vingt-cinq mille hommes.
de Hollande, fe replièrent & entrèrent a
Amfterdam , dont on fortifia les lignes.
Une partie des états de Hollande fe retira a
Amfterdam, ainfi que la commiffion de W o e r -
den. Elle y tirrt fes affemblées, & concerta avec
les partifans qui lui reftoient, les corps francs
& le confeil d’Amfterdam, les moyens de le
défendre. Sur ces entrefaites, l’autre divinon des
états qui étoit reliée à la H a y e , abrogeait toutes
les réfolutions prifes contre le ftadhouder & la
province d’Utrecht. Elle levoit la fufpenfion des
charges prononcées contre le ftadhouder > le commandement
de la Haye lui étoit rendu } la pnn-
ceffe étoit invitée à revenir, la commiffion de
Woërden anéantie, & on ordonnoit à la nation
de prendre les cocardes Orange. A la priere de
cette partie des États > le duc de Brunfwick
confentit à ce que fes troupes n'entraffent point
à la Haye, & les Etats-Généraux ordonnèrent de
recevoir les prufiiens dans toutes les villes de
Hollande. Du moment où une partie des états
de Hollande fe réfugia à Amfterdam, tandis que
le refte demeuroit à la Haye , tout fut perdu.
Amfterdam paroiffoit difpofée à foutenir uiî
fiège i on avoit percé les digues autour des lignes :
l’armée pruflienne, après de légers combats devant
quelques villes qui refufoient d ouvrir les
portes, malgré les ordres des Etats-Généraux 8c
ceux de la partie de Hollande qui demeuroit à
la H a y e , arriva près dés lignes d’Amfterdam ,
où elle perdit beaucoup plus de monde qu'on ne
l'a dit dans les gazettes (r ) . Cette ville ne pouvant
rélifter feule, 8c fans les forces de fes alliés
, à un ennemi fi puiffant, craignant pour fes
I richeffes, & nullement difpofée à ces aéfes de
I défefpoir que l'hiftoire nous a montré fi fouvent
I en pareille occafion, fe mit a négocier avec le
prince régnant de Brunfwick, qui commandoit
l'armée pruflienne. Les autres villes'& la partie
des états de la province, qui fiégeoit encore à
'la H a y e , (ollicitoient la régence d’ouvrir les
portes : les bourgue-maîtres 8c le confeil d'Amf-
terdam déclarèrent à .la bourgeoifie que , pour
prévenir la ruine inévitable de cette ville, ils
étoient forcés d'acquiefcer aux demandes des. autres
membres de la province, 8c même à la dé-
miflion des nouveaux régens.
Les députés d’Amfterdam conférèrent avec les
commiflaires des états de la H a y e , qui alors
I prenoient déjà toutes les réfolutions diétées par
(i) Il paraît que plus de noo des foldats prufiiens y furent tués.
(OEcjjn. p o à t . c r iif io in a t ig u e . T om , l l l . Ddddd