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munication entre Tes provinces & les ports de la
mer Noire, il cil vraifemblable que ces provinces
trouveront un nouveau débouché très-avantageux
pour leurs grains.
Etablijfemens militaires.
Le roi entretient à fes frais un corps de deux
mille hommes , qui ne dépend que de lui feul :
cette troupe eft compofée principalement de hu-
lans ou cavalerie légère, de laquelle on tire l'eft
corte qui accompagne fa majefté.
Les hulans font la plupart tartanes & maho-
métans, & Ton peut compter fur leùr fidélité,
leur corps eft compofé de gentilshommes & de
vaifaux qui marchent tous enfemble, mais font
armés différemment : les gentilshommes ont feuls
le droit de fe fervir de lances qui ont près de dix
pieds de longueur ; les autres font armés de carabines.
Leur habillement confifte dans un long
bonnet fourré, une vefte verte & rouge , des
pantalons de même couleur, qui couvrent les
bottes jufqu'à la cheville du pied , & une jupe
de drap blanc qui defcend jufqu'aux genoux. Ils
ont la tête raCee félon l'ufage des polonois 5 leurs '
lances, à l'extrémité defquelles eft attaché un '
morceau de drap noir & rouge , taillé en queue
d'hirondelle, (ont plus courtes & plus foibles
que celles des croates autrichiens ; mais ils s'en
fervent de la même manière & avec non moins
de dextérité. Leurs chevaux font pleins de feu
& paffent pour très—vigoureux ; aufli le feu roi !
de PrulTe tiroit-il les chevaux de fa cavalerie lé- I
•gère de ce pays : cette race cependant a été pref-
que ruinée par les dernières guerres civiles, &
la nobleffe fe pourvoit aujourd'hui principalement
de chevaux tartares.
Les armées de Pologne & de Lithuanie font
indépendantes l'une de l'autre & commandées
féparément par leurs grands généraux refpe&ifsj
en temps de guerre, ç'eft le roi en perfonne qui
commande les armées de la république $ autrefois
les grands généraux 11’en rendoient compte qu'à
la diète.
Mais cette énorme autorité fut limitée en 1768
par l'établiffement de la commiflîon de guerre ,
dont ils font les préfîdens perpétuels, & elle l'a
été bien plus encore par la formation d’un département
militaire dans le confeil permanent. En
1778 l'armée de Pologne étoit compofée d'environ
douze mille hommes ÿ celle 'de Lithuanie
fe montoit à environ fept mille, enforte que les
forces du royaume étôient d'un peu plus de dix-
huit mille hommes. Une armée aufli peu confî-
dérable ne* peut fuffire pour défendre le pays en
cas d'invafion ; aufli ce foin eft-il laifle à là no-
■ bleffe que le roi peut faire afiembler avec le con- I
fentement de la diète. Les palatinars font divifés
en diftriâs , fur chacun defquels il y a des officiers
prépofés ; & toute perfonne qui poffède une
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terre libre & noble, eft obligée à un fervîce nvî-
Jitaire , ou feule , ou à la tête d'un certain nombre
d hommes armés fuivant l'étendue & la nature
de fes poffeflions. Ces troupes étant ainfi aflem-
blées ne font obligées de fervir que pendant un
teraps^ fixé, & on ne peut les obliger à palier les
frontières du royaume.
La manière de lever & d'entretenir cette armée^
eft exactement la même qui s'obfer.voit fous
le régime féodal. A préfent, quoiqu'elle foit peu
propre à repouffer une invafion étrangère , . une
pareille armée eft un inftrument bien dangereux
dans les mains d'une faétion domeftique > car la
■J promptitude avec laquelle on peut la mettre fur
pied , facilite la formation de ces confédérations
fi fatales à la Pologne 3 qui éclatent dès que l'é-
leétion du prince eft conteftée, ou que les nobles
font divifés entr'eux.
Il y a deux fortes de confédérations ; les premières
font celles qui font formées avec le con-
! fentement du r o i, du fénat & de la nobleffe ,
affembles dans une diète j par leur moyen, la
nation entière fe réunit pour le bien de la patrie.
Les fécondés font des confédérations de divers
palatinats qui fe liguent pour obtenir le redref-
fement de quelque grief , ou pour s'oppofer aux
accroiffemens .dll pouvoir royal : elles peuvent
être particulières ou générales j elles font ordinairement
les avant-coureurs d'une guerre civile :
la confédération générale dont l'objet eft toujours
de s'oppofer au ro i, eft appellée rokoç g & elle
eft formée par la réunion des confédérations particulières.
Chaque gentilhomme pouvant entretenir autant
de troupes que bon lui femble, On confprend
aifément combien un droit aufli dangereux fournit
d'occafions de querelles entre les principaux
nobles & entre leurs vaifaux eux-mêmes. Dans
une femblable anarchie , il eft fans doute bien
étonnant que chaque palatinat & le royaume entier
ne foient pas plongés dans des troubles continuels
& fanglans. C'eft une chofequi fait honneur
au caradère des polonois qu'avec tant d'occafions
& de moyens de fe livrer au goût de la licence ,
il règne parmi eux une tranquillité qu'on n'auroit
pas cru poflibîe dans une femblable fituation.
Rouffeaa fait fur les confédérations quelques
remarques où il y a des détails vrais à travers
bien des erreurs : « on ne v o it, dit - i l , que
le mal qu’elles font 5 il faudroit voir aufli celui
qu'elles empêchent. Sans contredit, la confédération
eft un état violent dans la république ;
mais il eft des maux extrêmes qui rendent les
remèdes violens néceffaires, & dont il faut tâcher
de guérir à tout prix. La confédération eft
en Pologne ce qu'étoit la dictature' chez les romains.
L'une & l'autre font taire les loix dans
un péril preffant ; mais avec cette grande différence
que la dictature , directement contraire à
la légiflation romaine & à l'efprit du gouvernement
,
ment ? a fini par le détruire, & que les confé»
dérations au contraire n’étant qu'un moyen de
raffermir & rétablir la couftitution ébranlée par
de.grands efforts , peuvent tendre & renforcer
Je reflort relâché de l'état fans pouvoir jamais le
brifer. Cette forme fédérative qui, peut être dans
fon origine, eut une caufe fortuite, me paroit
être un chef d'oeuvre de politique. Par-tout ou
la liberté règne, elle eft inceffamment attaquée
& très*ft>yvent en péril. Tout état libre, où lés
grandes crifes n'ont pas été prévues , eft à chaque
orage en danger de périr. Il 11'y a que les polonois
qui » de ces crifes même , aient fu tirer un
nouveau moyen de maintenir la conftitution. Sans
les confédérations, il y a long temps que la république
de Pologne ne ferait plus 5 & j’ai grande
peur qu elle ne dure pas long tems apres elles,
fl l'on prend le parti de les abolir. Jettez les yeux
fur ce qui vient de fe palier. Sans les conféde:
rations, l'état étoit fubju;aié ; la liberté était pour
jamais anéantie. Voulez-vous oter a la republique
la reffource qui vient de la fauvér » ?
« Et qu'on ne pc-nfe pas que quand le liberum veto
fera aboli & la pluralité rétablie y les confédérations
deviendront inutiles, comme fi tout leur
avantage confiftoit dans cette pluralité. Ce n’eft
pas la même choie. La puiffance executive attachée
aux confédérations leur donnera toujours
dans les btfoins extrêmes une vigueur , une^ activité
, une célérité que ne peut avoir la diète ,
forcée à marcher à pas plus lents avec plus de
formalités & qui oe peut faire un feul mou-
v en nt irrégulier fans renverfer la conititu -
*tiôn «. , I ..
cc Non , des confédérations font le bouclier,
l’afyle , le fanoluaire de cette conftitution^ Tant
qu’elles fubfiftercnt, il me paroît impoflible qü'êllc
fe détruife. Il faut les laifler, mais il faut les régler.
Si tous les abus étoient ôtes, les confedémâtions
deviendroient preique inutiles. La reforme
du gouvernement polonois doit operer cet effet.
Il n'y aura plus que les entreprifes viofentes qui
mettent dans la néceflité d'y recourir ; mais ces
entreprifes font dans l’ordre des chofes qu'il faut
prévoir. Au lieu donc d'abolir les confédérations,
déterminez les cas où elles peuvent légitimement
avoir lieu , & puis réglez-en bien la forme &
l’effet, pour leur donner une fanftion légale au
tant qu’il eft poflibîe, fans gêner leur formation
ni leur' activité. 11 y a même de ces cas où par
le feul fait la Pologne doit être à l’inttarît confédérée
; comme par exemple , au moment où ,
fous quelque prétexte que ce foit, & hors lre cas
d’une guerre ouverte , des troupes étrangères mettent
le pied dans l'état; parce qu'efffin , quelque
foit fe iujet de cette entrée & le gouvernement
même y eûtTl cotîfenti, confédération chez foi
n'eft pas hoftilité chez les autres > lorfque, par
quelque ôbftacle que ce pïiiffé être, là d'ètë êft
empêchée de s'affembfer au temps marqué par la
ÛEcon. polit. & diplomatique. Tome 111.
lo i } lerfq«1« Linftigation de qui que èe foit > oii
fait trouver des gens de guerre au temps su
lieu de fon aflernblée, ou quç fa forme eft alié^
rée , ou que fon activité eft fufpendue, ou quô
fa liberté eft gênée en quelque, façon que ç t
foit. Dans tous ces c a s , la con fédérât ion générale
doit çxifter par,le feul fait > les aftenibiées
& fignatures particulières n'en font que des branches
, ôc tous les maréchaux en doivent être
fubordonnés à celui qui aura été nommé le pre*
mier ».
Les troupes ruffes ont fé jour né fi iong-tempS
en Pologne , qu'elles peuvent prefque être regardées
comme une partie de l'armée nationale. Le
royaume eft fous leur protection , ou , en d’autres
termes, fous la main de la Ruflie qui la gouverne
comme une de fes provinces. Le foi n'eft
: eft , dans le fond, que le vice-roi, & c ’eft i'anV~
I bafladeur de l'impératrice qui décide de toutes
I les affaires félon les inftruéiions qu'il reçoit de fi
I fouveraine. Elle tient en Pologne environ dix m Ife
I hommes , & dans chaque -garnifon il y a un cetv
1 tain nombre de ruffes joint aux troupes natic-
I naks. On en compte un millier autour de Varfô-
} v ie , & à chaque porte de la vdle oh voit u-tè
ientinellê ru lie & une poionojiè, En un mot,
les troupes ruffes contiennent les grands & la ftô*-
bléffe dans la foumifiion ; elles répriment: ItîîV
licence & préviennent les troubles toujours prêts
à renaître. Mais quand la Pologne fera laifiéê à
elle même, fi pourtant cela arrive jamais 3 On fes
verra éclater avec la même fureur 5 les partis fub-
fiftent toujours, quoique réduits au. fiiénçe j Ietft:
inimitié plus envenimée que jamais agitera cù
malheureux royaume qui à été fi long-temps eft
proie à leurs éxcèf. Quel malheur ne doit p3s
attendre un pays dont la tranquillité dépend de
la préfence d’une armée étrangère !
S e c t i o n V I e.
T rifle état de la Pologne. •*—Dts diveri ofttrès
<T habit ans , là nobUjfc , lè tlèrgé, les boârgtdïs ,
les pdyfans. — Dé Là fervitude & de fes dangereux
effets. 1— De la population de la Polbgnç»
Les polonois eux-mêmes n’eflaient plus de ttfer
ou de pallier leur triftê état. « Un jour , dit
» M. Coxe , que, témoin d'un abus de liberté ,
» j’en marquois ma furprife à un homme verié
» dans l’étude des loix de fon pays, je reçus
» cette réponfe : fi vous cortnoifliez la e nflilroft
» & l’ailarchie dans laquelle nous vivons, vôus
« ne feriez flvrpris de rien. Il règne bien des abus
il dans fes états les mieux réglés, côm’bxn rré
» doit-il pas y en avoir chez nous qui vivons fous
» 1e plus déteftable de tous les gouvernemer.s 33.
Uîl âilfrê poîoïïôis, déplorant l’effroyable fit nation
de fon pays s me difoit : « le nom de Pp-
N no n