
Les troupes ftathoudériennes entrèrent dans la
ville d’Elburg , où il n’étoit pas relié une feule
perfonne. Il iréù fut malheureufemént pas de
même de l’ attaque de la ville de. Hattem j elle
fut canonnée ; les habitans armés & les bourgeois
des villes des autres provinces, qui .s’y étoient
jettés pour la défendre, firent de la réfifiance
& canonnèrent à leur tour les alfaillans. Les troupes
du capitaine général perdirent beaucoup de
monde ; mais les bourgeois l’évacuèrent, lorf-
qu’iîs virent qu’ils ne pouvoient plus tenir. On
fait que dans les guerres civiles on ne termine
plus les maffacres, dès qu’ une fois on a répandu
du fang.
La province de Hollande envoya aux officiers
commandans des gardes -, infanterie & cavalerie de
la Gueldre Une lettre de la teneur fuivante.
« Conformément à notre réfolution d’aujourd’hui
( 6 du préfent ) , nous vous difpenfons, de
même que les autres officiers de vos régimens ,
par ce lle-ci, de la partie du ferment provincial
qui a rapport à l’obéifiance aux ordres du capitaine
général : nous vous chargeons d’en donner
çonnoiffance aux officiers abfens pour avoir à vous
ÿ conformer tous
Toutes les autres troupes à la répartition de la
province, reçurent les mêmes ordres.
Les états de Hollande, journellement alfem-
b lé s , ne cefToient de prendre des mefures efficaces
pour mettre leur autorité à l ’abri de toute
atteinte, & pour garantir la province de toute
invafion fubite : pour n’ avoir rien a craindre
de la milice de l’état , peu difpofée en général
à féconder les vues du fouverain, relativement
au maintien du repos & de la tranquillité publi-
q u e , ils rendirent une nouvelle ordonnance qui
ne regardoif que les troupes dé leur province.
Peu portées à (e foumettre aux placards pendus
contre les féditioas , ces troupes les éludèrent &
même les tranfgreffèrent fans refpeét pour le fouverain
5 il fallut, mettre directement un frein aux
^violations multipliées qu’ elles s’étoierit permifes,
& chercher à les contenir dans le devoir & l’ordre
, par des moyens capables de les intimider.
Voici cette ordonnante.
« Les états de Hollande & de Weft-Frife, & ç .
S alut, ayant appris avec la plus-grande indignation
q ue , fans égard à nos ordonnances rigoiy-
reufes du 16 juin 1784, 23 février 1785 & 2?
février 1786 , plufieurs militaires fe font permis
de temps à autres , en marchant dans cette province,
des excès punifiables, en portant des marques
de (édition > défendues fi ftriélenaçnt, & des
lignes de parti , en criant meme Hcteçée Orange
par-dejfus tout , & autres cris de révolte de cette
paturç î qu’amü ils fç moquoient dç notre auto*-
rité fouveraine en troublant le repos public, Sc
en engageant même d’autres habitans à le trour
bler, foit par leur exemple, foie par d’autres
moyens ».
cc A ces causes, nous avons trouvé bon, en
renouvellant & ampliant les placards précédens ,
d’avertir très- ferieufement la milice au fervice de
l’é ta t, de s’abllenir de tous les excès ci-deffus ,
foit fous prétexte de réjouiffance, ou quelqu’au-
tre que ce puiffe ê tre , capables de troubler la
tranquillité publique , & particuliérement de porter
des cocardes couleur d’orange , des noeuds^
rubans , papiers & fleurs de la fufdite couleur ,
& tous autres ornemens ; défendons pareillement
auxdites troupes toutes fortes d’acclamations fé*
ditieufes, & bien particuliérement encore de crier
Hoe^ée Orange par-dejfus tout & autres cris de joie
femblables j de plus, leur défendons d’exciter
dans leurs garnifons, ou ailleurs, aucuns mou-
vemens qui puiffent donner occafion à des tumultes
& à des combuftions : le tout fous peine ,
non-feulement de notre haute indignation pour
les contrevenans , mais en outre d’être pourfuivis
comme dés perturbateurs du repos public &
comme défobéiffans à nos ordres fouverains , cela
fans aucune connivence ni égard, & punis comme
tels félon l’exigence du cas , même de la peine
de mort. Chargeons notre procureur-général, de
même que notre avocat-fifcal & autres nos officiers
civils de notre province, de faire exécuter
ponctuellement la préfente ordonnance , fous peine
d’être privés de leurs offices, en cas de connivence
ou de contravention de leur part. Ordonnons
aux commandans refpe&ifs des régimens qui
fe trouvent dans notre province, ou qui font à
la répartition de notre province, de veiller feru*-
puleufement fur les troupes confiées à leurs ordres
, fous peine d’être cafîes fur le champ, en
cas de négligence de leur part : recommandant
la même chofe aux commandans des autres régimens
fe trouvant fur notre territoire, mais non
à notre folde, les rendant refponfables des excès
des troupes à leurs ordres , s’ils ne veillent pas
fur elles avec le plus grand foin, &C” .
La province de Hollande ayant congédié les
gardes-dragons dont elle fe défioit * là Gueldre
lès prit aufll-tôt à fa folde. Les états de Hollande
ayant donne à toutes les troupes à *fa répartition
l’ordre de fe tenir prêtes à marcher , les fuiffes
tinrent un confeii de guerre, 8èi:il paroît que le
réfultat fut qu’ayant prêté ferment à la généralité
& au ftathouder, ils n’ob’tempéreroiçnt point aux
ordres particuliers de cette province, Sur ces entrefaites,
la ville dHJtrécht étpit âlfiégée, & la
province de Hollande vouloir défendre Utrecht
avec fes troupes, & leur avoir donné ordre de
marcher j de fpfc côté , la Gueldre avoit défendu
à celles qui fe frouvoient fur fou territoire, d’o1-
béir à d’autres ordres qu’aux fiens. Mais avant
d’expliquer pourquoi les troupes refufoient d’obéir,
& de débrouiller le cahos du régime militaire &
de la répartition des troupes, il elt bon de développer
ce qui a rapport à la ville d’ Utrecht.
La ville d’Ufcrecht, ainfî que nous l’avons déjà
d i t , avoit trouvé convenable d’abolir le réglement
de 16 74 , & de fe remettre en .pdffeffion
de la nomination de fes régens & magillrats. que
choififfoit- le lladhouder. Cette opération fut exé-
curée contre le gré de l’ordre de la noblelfe &
de celui du clergé, qui forment deux voix aux<
états de la province, fur trois, dont ils font-
compofés, les villes formant la troifième voix*
La plupart des membres de ces deux ordres fe
retirèrent à Amersfoort, occupée par des troupes
& cette petite ville ainfî que celle de Rhenen ,
également occupée par un régiment, fe joignirent
aux deux premiers ordres ,. & formèrent avec
eux les feuls états qu’on ait vu dans la province
jufqu’ à la révolution. Au mois de feptembre 1786,
lorfque les troupes de Gueldre occupèrent les
deux petites villes de Hattem & Elbourg, la
province de Hollande établit fur fes frontières,
du côté de celle d’Utrecht, un cordon de troupes
deltiné à fa propre défenfe, & à prévenir tout
aCte de violence contre la ville d’Utrecht. Les
divifions entre cette ville & les états réfidens à
Amersfoort augmentoient de plus en plus, & la
voie de la négociation fut inutilement tentée.
Pour mettre les états dans la néeeffité d’un rap- ;
prochement, la ville avoit imaginé' de fermer fa ■
caiflfe, & de ne plus contribuer aux charges provinciales;.
Or , comme cette ville paie, elle feule,
environ quatre-vingt pour cent dans la totalité
des charges, il dévoie 'en réfuîter un déficit em-
barrafîant dans la ca:lfe de la province. C ’elldans
cette efpèce d’état de guerre que fe trouvoient
les c h s hr fqu e , le 9 mai 1787, à deux heures ‘
après-midi, .on fut inftruit qu’un bataillon du
régiment d?Efferen , à la folde des états de la
province, j s’avançoit d’Amersfoort pour s’ernpa-.
rer des polies de Jutpliaas & de Vreefwick. Ces
deux polies font dans le territoire appartenant
à la ville î & on auroit pu de-là gêner con-
fidérablement le commerce & les communications.
Le confeii s’étant alfembîé fur ie-champ, il fut-
réfolu qu’on- enverrait un détachement de trois
cens hommes de la bourgeoifie , armés fous le:
commandement du fieur d’Averhout, l’un d-s
régens:, pour déloger l’ennemi. C e dctàchetr.eot
partir & rencontva , au village de Jutpliaas , 'le
bataillon compofé de huit compagnies, qui fe
rerira avec précipitation jufqu’à lin petit bois où
il fe p b ç ï -eri embûfcade. La bourgeoifie, marchant
en ordre, fut avertie-, par quelques chaf-
feurs ■ qu’elle avoit en- avànr, qu’elle- n’étoit plus
qu’ à trente pas de l’enhemi. Prefque au même
ioftant, le bataillon d’Efferen fit deux- décharges
qui -emportèrent- quatre hommes à la bourgeoifie.-
Elle tînt ferme , & fit feu à fon tour: il en
coûta-la vie à quelques foldats. Il y avoit quelques
pièces de campagne de part & d’autre. Le fieur
d’Averhout s’étant , au bout de quelque tems,
mis en ’état de fe fervir de fa petite artillerie ,
en fit un üfage fi’ heureux, qu’après un engagement
de moins d’une demi-heure , tout le bataillon
d’Efferen prit la fuite , les foldats jettant
leurs fufils pour fe fauver plus vite. Les bourgeois
en ont ramafie 280, avec quatre drapeaux,
des caifies, & c . qu’ ils ont envoyés à Utrecht.
Le fieur d’Averhout fit pafier la nuit à fes troupes
au village de Jutphaas 5 & , le lendemain , il alla
s’emparer du polie de Vreefwich-.
Cette nouvelle étant arrivée à la Haye , l’af-
feiiWée des états de la province prit une réfo-
luciôn par laquelle leurs nobles & grandes-puif-
fances, regardant l’imion comme rompue par cet
à£le d’hollilité, ordonnèrent au Général Van-
R/lTel, commandant des troupes du cordon, de
faire marcher fur le territoire d’Utrecht J.e nombre
de troupes néceflaires pour .défendre la ville contre
toute invafion ultérieure.
« Les états de Gueldre ordonnèrent au colonel &
« officier commandant du régiment dés gardes dra-
» gons, & enfuiteà tous les autres régimens qui fe
» trouvèrent à larépartition de la Hollande, & qui
» étoient en garnifon dans le Territoire des états de
m- Gueldre, de perfiller dans leur ferment prêté à
« cette province. Ils ordonnèrent en même-temps
*>\auxditestroupes, parla même réfolution, de ne
“ . point refpeéler d’autres ordres pour marcher
« ou autrement, que fur des patentes de S. A.
« comme capitaine-général, & attaches des Sgrs.
« Députés-ordinaires, en ajoutant que s’il arrivoit
« quelque chofe auxdites troupes par rapport au
« retenu de leur folde, ou quelque chofe de cette
« manière , les états de Gueldre y pourvoiront en
“ forme de prêt “ .
« Les états dé Hollande reçurent auffi bientôt
“ un ample ifiiffive dés états d’Utre cht, dans
“ laquelle ces derniers difoiém n’ avôir aucun
« deiîein d’employer dans leur province des
“ moyens de violence, particulièrement contre
“ la ville d’Utrecht; & . ie la-demande de trou-
pës faite à Mgr. le itathouder, n’avoit pour
« motif què de fe mettre en défenfe , puifque
“ lés états de Hollande avoient fait marcher Je$
régimens' à leur répartition , vers les frontières
voitînéS de la province d’Üttecht , ainfî que
pour garantir lés régëns, que les bourgeois
*>• d’Utrecht avoient démis de leurs polies; qu’au
“ relie, ils étoient prêts à accepter la médiation
“ offerte par la Hollande ; mais qu’ils defiroient,
que préalablement les états dé cette province
» exphqualfent leurs vrais lentimens fur les dif-
“ férends qui partagent celle d’Utrecht', attendu
“ qu’ ils pèrmettoient que des* citoyens armés de