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qui s’eil mis à la. tête du parti oppofé. Il perd ,
à débrouiller des xufes, le tems qu’il aurqit dû
employer à .coînbaiire- Dans; ç&s ciïçonjjlancds.* un
événement que perfonne.n’avoit pu préyoir, vient
changer la lace des affaires.
Le licencié Vaca de Caftro, envoyé d'Europe
pour juger les meurtiers du vieux Aimagro y ai'r
rive au Pérou. Comme il devoir etre chargé du
gouvernement , au cas que Bizarre ne .lût plus 3
tous ceux qui n'étoieat pas vendus au tyran ^
s’emprefférent de le reconnoîtré. L’incertitude 84
la uloulie, qui; tes avoient tenus trop long-temps
épars4 ne lurent plus un obftàcie à ieur réuriidn.
Caftro , aufli décidé que s’ilceût vieilli fous le
calqu e, ne fit pas langumleur impatience j iüles
mena à l ’ennemi. Les deux armées combattirent
à Chupas , le 16 feprembre 1 54 1 , avec une opiniâtreté.
inexprimable. La viétorre , - après .avoir
long temps balancé , le décida , lur. la fin-du. jour 3’
pour le • parti du tcbne.--. Les plus coupables j des
rebelles qui craignoient dédanguirdans de honteux
fupplices ,-provoquoier.t res vainqueurs à les
miiTacrèr:,. Sr criaient en défefpérés e'efi moi
qui ai tué Bigarre. Leur chef , . fait prifônnier ,
périt fur un échafaud,-
Ces fcènes déplorables vehoient de finir, lorsque
Blafco Nunnez-Vela arriva en 15-44 au Pél
rou y avec le nom & les pouvoirs de vice-roi. La
cour avoit crû devoir revêtir fon Tepféfçntant d’un
titre-rimpofant & d’ fine autorité très-“‘étendue ,
pour qüè les décrets dont il étoit chargé trouva
ffent moins d’oppofitioo. Ces ordonnances'^
imaginées pourjJiminuer i’opprefîîon fous laquelle
fuccomboient les indiens, & plus particuliérement
pour rendre utiles à la couronne d’immenfes
conquêtes, étoient- elles judicieufement conçues ?
On en jugera. •
Elles pôrtoient que quelques péruviens feroiçnt
libres dan? le moment , Sp lés. autres à la mort
de leurs oppreffeurs : qu’ à Tavènir on ne pourroit
pas les forcer à s’enterrer dans des mines., ni
exiger d’eux aucun travail fans lés payer : que
leurs eorvéçs & leurs tributs feroient réglés : que
les efpagnols qui'parçourroient lés provinces à pied,
ri’auroient pas plus de trois de ces malheureux .pour
porter leur bagage , 'ni de cinq s’ ils ptoient'à che-
v a l : que les caciques feraient déchargés dç) l’ o-
bligatioivde fournir la nourriture au voyageur 8e
à fon cortège.
Par les mêmes réglemens, étoient annexés atr
domaine de l’état tous les départemens pu com-
rnancleries des gouverneurs, des officiers de juf-
tice , des agens : du fifç , de,s évêques , des mo-
naltères, des hppjtaux, de tous Peux- qui- s’é-
toient trouvés mélos dans les >roul)]eS publics.--Le,
peu de terres qui pouvaient appartenir à d’autres
maîtres ,, dévoient fubir la même lo i , après que-
les poffeffeurs, aétuels auroient terminé une carrière,
plus ou moins longue 4 fans que leurs héritiers $
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leurs femmes -, leurs enfans en puffent réclamée
la moindre partie.
, Avant d’or-tlonneiviine fi. grande révolution. ,
n’aurait il pas fallu adoucir des moeurs féroces ,
plier au joug des hommes, qui avaient toujours
vécu dans l independance, ramener à des principes
d’équité l’injuffice même, lier à l’intérêt
général ceux qui n’avoient connu que des inté-
ret?y*Pr*vt’5 3 rendre-citoyens des aventuriers qui
avoient. comme oublié le pays de leur origine,
établir des propriétés o,u l’on n’avoit connu que
L l loi .du plus fort , faire fortir l’ordre du défor-
dfe.même , 8e , par un tableau frappant des maux
que l’anarchie yen oit, de caufer , rendre cher 8c
réfpeélgble un gouvernement régulièrement ordonné
? -.Comment , fans ! aucun de ces préliminaires,
la cour de Madrid put-elle efpérer
de parvenir brufquement au but qu’ elle fe pro-
pofoic ?_
Nunnez , voulant faire exécuter les ordres
qu’il avoir reçus* dans l ’ancien hémifphèfe, fut
auflf-tôt dégradé, mis, aux fers & relégué dans
une illé déferre, d’où il ne devoit forcir que pour
être transféré dans la .métropole. .
\ Gonzale Pizarre revenoit alors d’une èxpédi-;
tion difficile, qui l’avôit conduit jufqu’ à la ri«*
vière des Amazones , :& i’ayoït occupé affez longtemps
pour l’empêcher de jouer-, un rôle dans les
révolutions qui- s’étoient fucçédées fi rapidement.
L’anarcnîe: qu’il trouva établie,, lui fit naître, la
penfée de fe faifir de fautante. Son nom 8e fes
forces ne permirent, pas de,, la lui refufer : mais
fon ufurpation fut. fcellée He, tant d’atrocités ,
qu’on regretta Nunnez. Il fut tiré: de Ton exil x
8e ne tarda pas. à fe. voir affez de forces pour
tenir la càmpàgne.'-jLes troublés civils recommencèrent.
La fureur fût extrême dabs, les deux partis.
Perfonne ne demandait ni ne, fiiifo.it.quartier.
Les indiens, furent forcés de prendre part à cette
guerre comme auxy précédentes y les mis fous les.
étendards du vice-roi,; les autres fous ceux de
Gonzale. Ils traîn.oient l’artillerie, ils applanif-
foient les chemins, ils portaient le bagage. Après
des fuccès long-temps variés ; la fortune couronna
la rébellion fous les murs de Q u ito , dans
le mois de janvier de l’an 1 y.4 y, Nunnez &
la plupart des fiens furent maffacres dans, cette
journée» Gonzale reprit le chemin de Lima. .
Avec du jugement 8c l’apparence de la modération,
ij lui eut été poffible de fe rendre -indéé
pendant. Les principaux de fon parti leftefiroient.
Le grand nombre au foie vu cet événement d’un
oeil indifférent, & les autres auroient été forcés
d’y confentir. y ne. cruauté aveugle, une avidité
infatiable , un orgueil fans borne ,. changèrent ces
difpofitioys. Ceux même dont'les Intérêts étoient
le plus liés avec ceuic du tyran., foupiroienç
après qn libérateur.
Il arriva-d’Europe. C e fut Pedro de la Çaf-
c a , prêtre' avancé en âge 3 tarais prudent , d é -
fintéyeffé f
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fintéreffé, ferme , 8e fur-tout très-délié. Il n’ame- 1
xi oit point de troupes , mais on lui avoit confié
des pouvoirs illimités. Le premier ufage qu’ il fe
permit d’en faire, ce fut de publier un pardon
univerfel, fans diltindtion de perfonnes ou de
crime, 8e de révoquer les loix févères qui avoient
rendu l’adminiftration précédente odieufe. Cette
démarche feule lui donna la flotte 8e les provinces
des montagnes. Si Gonzale, à qui l’am-
ïiülie avoit été offerte en particulier avec tous les
témoignages d’une diftinétion marquée , eût consenti
à l’accepter, comme les plus éclairés de
fes partions le lui coufeilloient, le troubles fe
trouvoient finis. L ’habitude du commandement
ne lui permit pas de defeendre à une condition
privée 5 & il eut recours aux armes, dans l ’ef-
pérance de perpétuer fon rôle. Sans perdre un
moment, il prit la route de C u fco , où la Gafca
raffembloit fes forces. Le 9 d’avril 154S, le combat
s’engagea à quatre lieues de cette place, dans
des plaines de Saefahuana. Un des lieutenans du
général rebelle le voyant abandonné, dès la première
charge, par fes meilleurs folcjats, lui con-
feilla, mais en vain, de fe précipiter dans les
bataillons ennemis, .& d’y périr en romain. Ce
foible chef de parti aima mieux fe rendre Sc J
porter fa tête fur un échafaud. On pendit autour
de lui neuf ou dix de fes officiers. Une peine plus
infarnante fut prononcée contre Carvajal, un des
hommes les plus étonnans dont l’hiftoiie ait con-
fervé le fouvemr.
Telle fut la dernière fcène d’une tragédie dont
tous les actes avoient été fanglans. Les guerres
civiles furent cruelles dans tous les pays & dans
tous les fiècles : mais au Pérou, elles dévoient
avoir un caractère particulier de férocité. Ceux
qui les fufeitoient, ceux qui s’y engageoient,
étoient la plupart des aventuriers fans éducation
& fans naiffance. L’ avarice qui les avoit pouffes
dans le. Nouveau-Monde , fe joignit aux autres
paffions qui rendent les dtffenfions domeltïques fi
durables & fi violentes. Tous , tous fans exception
, ne voyoient dans le chef qu’ils avoient
choifi qu’ un compagnon de fortune, dont l’ influence
devoit fe borner à diriger leurs traits.
Aucun n’acceptoit de folde. Comme le pillage &
la confifcation dévoient être le fruit de la vie
toire, il n’ y avoit jamais de quartier dans l’action.
Après le combat, tout homme riche étoit
ex.aofé aux accufations $ & il ne périffoit guère
moins de citoyens par les mains du bourreau ,
que de foldats dans, les batailles. La plus baffe
crapule,, le luxe le plus extravagant avoient bientôt
épuifé cet or acquis par tant de forfaits , &
l’on fe livroit de nouveau à tous les excès de la
licence militaire qui n’a point de frein.
Hcureufement pour cette opulente partie de
l ’autre hémifphère les plus féditieux des con-
quérans & de ceux qui fuivoient leurs traces ,
avoient miférablement péri dans les divers évé-
ÛSY »«. polit. & diplomatique, Totn. 1!I.
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nemens qui l’avoient tant de fois bouleverfée- H
n’avoit guère furvécu aux troubles que ceux c uï
avoient conftamment préféré des occupations pai-
fibles au fracas 8e aux dangers des grandes révolution^.
C e qui pouvoit encore relier de commotion
dans quelques efprits, s’appaifa peu à
peu, comme l’agitation des vagues après une
longue & furieufe tempête. Alors & alors feulement
les rois catholiques purent fe dire avec vérité
les rois des efpagnols fixés au Pérou. Mais il ref-.
toit un Inca.
Cet héritier légitime de tant de vaftes états
vivoit au milieu des montagnes dans l’indépendance.
Des princeffes de fon fang, affervies aux
conquérans, abufèrent de fon inexpérience & de
fa jeuneffe pour l’engager à fe rendre à Lima.
Les ufurpateurs de fes droits inconteftables pouffèrent
l’infolence julqu’à lui donner des lettres
de grâce » & ne lui affignèrent qu’un très-modi-
; que domaine pour fa fubfiftance. Il alla cacher fa
honte & fes regrets dans la vallée d’Y u c a y , où
une mort encore trop tardive termina trois ans
après fa malheureufe carrière. Une fille unique,
qui lui furvécut, époufa L o y o la , & de ce mariage
font forties les maifons d’Oropefa & d’Al-
cannizas. ' Ainfi fut confommée la conquête du
Pérou, vers l’an 1 fôo.
Détails fur les divers établijfemens que les efpagnols
ont formé au Pérou.
Lorfque les caftillans s’étoient montrés pour la
premièrè fois dans cet empire , il avoit plus de
quinze cents milles de côtes fur la mer du fud ,
& dans fa profondeur il n’ étoit borné que par
les plus hautes des Cordelières. En moins d’un
demi-fiècle, ces hommes turbulens pouffèrent à
l’eff leurs conquêtes depuis Panama , jufqu’à la
rivière de la Plata , & à l’oueft depuis le Chagre
jufqu’ à l’Orénoque. Quoique les nouvelles acqui-
fitions fuffent la plupart féparées du Pérou par
des déferts affreux ou par des peuples qui dé-
fendoient opiniâtrement leur liberté , elles y furent
toutes incorporées & en reçurent la loi juf-
ques dans les derniers temps. Nous allons parcourir
celles qui ont conlervé ou acquis quelque
importance. Nous avons déjà parlé du Darien ,
qui eft une de ces nouvelles acquifftions. Voye^
l ’article D a r ie n .
Province de Carthagene;
La province de Carthagene eft bornée à l’oueft
par la rivière de Daiien, & à l’eft par celle de
la Madeleine. Elle a cinquante - trois lieues de
côte , &■ quatre-vingt cinq dans l’intérieur des
terres. Les montagnes arides 8c très-élevées qui
occupent la plus grande partie de ce vafte efpace,
font féparées par des vallées larges , arreftes Se
fertiles. L'humidité 8e la chaleur exceffives du
F f f f