
* 3 * P O L
négligées. Perfonne n'a pris foin de la chofe
publique, & l'ctat a été plongé dans une véritable
anarchie.
Enfin la Pologne* 3 autrefois redoutable à fes
vomns, a perdu depuis cette époque plufieurs
de les provinces , & dernièrement elle a elfuyé
une perte immenfe par le fameux partage. Un
royaume qui comptoit douze millions d'habitans,
u eut jamais été expofé, fous un bon gouvernement^
a un iî grand revers , & il eft moins que
jamais a 1 abri d'en éprouver de nouveaux. Sa
jmiation eft telle qu'il fera encore obligé de fubir |
la loi la plus dure , toutes les fois que fes voi-
lins voudront fe »réunir pour la lui diéter.
Le roi Staniflas Letzinski & l'abbé Konarski
font les écrivains polonois qui ont expofé avec
le plus de force, tous les abus du gouvernement.
Mais que peuvent les repréfentations de quelques
fages contre la fureur des fa&ions , les préjuges
& 1 intérêt d'une nobleffe tumulrueufe , les
cabales & les intrigues des puifïances voifines ?
La Pologne , fans armée , fans argent, fans^or-
tereffes , avec fon mauvais gouvernement , fource
de tous fes autres maux , ne fe reîevera jamais.
Ses infortunes , loin deceffer, s’ accroîtront vraisemblablement,
à moins que , par quelque caufe
imprévue, elle ne devienne une monarchie héréditaire
, ou une république bien ordonnée 5 ou ,
ce qui eft bien plus probable , qu'elle ne foit
conquife par fes puiffans voifîns.
S e c t i o n I Ie.
Remarque fu r le derniere guerre c iv ile 3 fu r le partage
de la P ologne & les changement f a i t s h la confii-
tution de P o logne.
P O L1
gouvernement, quand les fa&ions d'un peuple
turbulent 3 animées par les intrigues des puifîan-
ces voifines 3 firent évanouir ces efpérances. Elles
prirent de l'ombrage des mefures que ce prince
avoit adoptées pour rétablir l'ordre dans fon
royaume 3 8c l'affranchir de la dépendance où il
étoit des étrangers. Une partie des polonois eux-
mêmes s'y oppofa auffî ; & pour lui croît de
maux, des querelles de religion fe joignant aux
diffentions politiques, allumèrent les feux d'une
des plus cruelles guet res civiles qui aient jamais
défolé la Pologne. L'ordre de ceux qu'on appelle
dans ce royaume diffidens, ayant été le prétexte
ou le fujet de ces malheureux différends , il n'eft
pas inutile d'expliquer ici leur origine, leurs droits
& leurs prétentions ». .
ce La do&rine des prqteftans pénétra en Pologne
fous Sigifmond 1 , qui perfécuta ceux qui l'em-*
braisèrent, Leur nombre ne laiffant pas que de.
s'accroître, fon fils Sigifmond Augulte leur accorda
la liberté entière du culte, & même les
admit, ainfi que les grecs & les autres feétes, qui
etoient alors tolérées en Pologne , au droit de füf-
frage dans les diètes, & à tous les honneurs 8c
privilèges réfervés pour les feuls Catholiques. La
nation approuva cette tolérance > elle çonfentit à
ce que la différence d'opinion en matière de religion
n'en produisît aucune dans tes droits civils
& politiques i 8c dans les paâa conventa, pref-
crits aux fucceffeurs de Sigifmond,,on inféra cet
article dont le roi juroit l'obfervation comme des
autres. Je maintiendrai la p a ix eutre le s difli’
dens 3 car ce nom défignoit tous les fujets indifféremment,
confédérés comme étant partagés en
différentes fe&es. Henri dé Yalois tenta inutile-
‘ ment d'éviter de fouferire cet article. On le menaça
de lui ôter la couronne , & il fe fournit ».
« Mais les catholiques ayant repris fous fes
fucceffeurs plus de crédit & d'afeendant, reprit
rent auffi le projet de faire dominer exclufivement
leur églife. Ils commencèrent par interdire &
chaffer même delà P ologne la feéte des ariens qui
«A la mort d'Augufte I I , dit M. Coxe, Staniflas
Augufte, fils du comte Poniatowski , l'ami & le
compagnon de Charles X I I , fécondé par l’impératrice
de Ruffie, par le roi de Pruffe, par une partie ____ ____________ ____________ ___
de nobles, & recommande par fes qualités perfon- ( y étoit nombreufe, & les protefians & les grecs
Belles, rut eleve au trône d e Pologne. Cinq mille I fe joignirent fur cet objet aux catholiques. Les
KuHes campoient a peu de diftance de la plaine J catholiques, devenus plus puiffans, attaquèrent
«e Vola , ou s aliemble la diete d eleélion, d'où ; leurs droits & leurs privilèges l'un après l'autre ,
ils mamtenoient I ordre, & réprimoient la vio- j * ~ ~ ■
lence du parti oppofé. Depuis un fiècle on avoit
vu plus d'un exemple femblable 3 & cette manière
de procéder, quelque déplaifïr qu'elle caufât
à une nobleffe fa&ieufe & violente, étoit jufti-
fiéë par la néceffité de prévenir l'effufîon de fang
qui avoit fouvent inondé ces tumultueutés affem-
felées ».•
« Staniflas étoft alors âgé de 32 ans. C'étôit
l'année 1764. Ses vertus 8c Ion habileté étoient
fans doute bien propres à rétablir & à fauver la
Pologneu fi la conftitution même de ce royaume
»e les eût enchaînées, fi je puis ainfi parler. On fe
promettoit déjà les plus grands avantages de fon
& parvinrent enfin en 1733 à les faire exclure
des diètes ».
“ Ces perfécutions diminuèrent le nombre des
diffidens, & par cela même leurs remontrances
furent méprifées. Les catholiques encouragés par
le fuccès, allèrent jufqu’à faire déclarer coupables
de haute trahifon, les diffidens qui tenteroient
d'obtenir le rérabüffement des anciennes loix de
tolérance par l'interceffion des puiffances étrangères
, quoique plufieurs de ces puiffances euffent
été garantes du traité d'Oliva, qui avoit affuré
aux diffidens les privilèges dont on les dépouil-
loft ».
« Tel étoit l’état des affaires en Pologne lors de
p o ET
l'avènement du roi régnant. Ami de la tolérance , X
il étoit obligé cependant de céder aux volontés
de la diète, 8c d'exécuter fes décrets contre les
diffidens. Alors ceux-ci sadrefsèrent aux coins
de Londres, de Pétersbourg, de Berlin , de C o penhague
, garantes du traité d'Oliva. Ils en obtinrent
des réponfes favorables. Il paroît ’qu'on
excita les diffidens à réclamer ces fecoursj car
à l'époque ( en Î7 6 4 ) ou ils firent leurs dernières
réclamations, les protefians avoient deux cents
temples en Pologne y ils exerçoient par-tout librement
leur culte dans leurs maifons; ils jouiffoient
d'une sûreté parfaite dans leurs propriétés, ils
poffé.doient des ftarofties, des régimens , un
grand nombre de compagnies 8c de grades militaires.
S’ils étoient opprimés, ce n'étoit donc
point par des violences ni par la privation des
droits civils ; mais Amplement par l'exclufion des
charges & des dignités.
Leurs confédérations à Sluck 8e à Thorn ne
comptèrent que 573 fignatures, c'étoit à peine
un quinze millième de la nation. Une pareille dif-
parité exclut toute idée d'une guerre civile ; 8c
s'il exifie dans I’hiftoire un h it authentique* c'eft
que, livrés â leur propre mouvement, ces dilfi-
dens qui appelèrent conrre leur patrie des armes
étrangères, n'euffent jamais imaginé d'obtenir par
violence, 8c malgré la république, d'être affo-
ciés à fa législation.
. La Ruffie qui les encouragea, après avoir appelé
leurs chefs, le 11 a rôtie & le général Grabows-
k i, pour recevoir leurs plaintes, n’étoit point garante
du traité d’O liv a , comme l ’a dit M. Coxe
a qui nous devons les détails, elle n’y avoir même
pas accédé , elle n'y étoit pas intervenu. 11 elt encore
plus que douteux que ce traité autorisât le
moins du monde le s ’prétentions des diffidens.*
Il ne faut pas juger les a êtes de ce genre par
les maximes ou par les théories expofées dans des
livres; il ell fur-tout équitable de les comparer à
ce qui fe fait ailleurs. M. Coxe , en fe rappelant
1 exemple de tous les états catholiques ou pro-
teftans , auroit dû voir, avec fa pénétration ordinaire
, les inconvéniens politiques d’une tolérance
plus étendue , dans une république déchirée , en
proie à une influence étrangère. Ouvrir l'entrée à
quatre religions différentes dans le confeil légifla-
t if d’un état anarchique, eù la voix d’un feul
peut arrêter l’aélivité de tous, étoit une opération
qui exigeoit du temps, de la prudence, &
que la préfence d’une armée protectrice des dif-
lidens, devoit faire regarder comme bien redoutable
à l’indépendance de la république.
Quoiqu’il en foit les cours étrangères firent de-
m a rider a la diète le rétabliflement de cous les
privilèges des diffidens j mais ils. trouvèrent dans
P O L 43f
la diète de 1766 des difpofïtions bien différences.
Ç Les .catholiques déclarèrent que les diffidens
n'avoient aucun droit de réclamer des privilèges
anéantis par plufieurs diètes.' Us proposèrent de
paffer des loix fevères contre tous ceux qui les
favoriferoient. Il s’éleva de violentes altercations
à la leéture des mémoires des cours de Pruffe &
de Ruffie. On craignit des fcènes violences. Le
roi fe retira. Les feances fuivantes ne furent pas
moins orageufes ; enfin , les plus modérés étant
les plus foibles , la diète confirma en entier les
loix qui fermoient aux diffidens l’entrée de ces
a Semblées. On fe contenta, par égard pour les
puiffances, de leur accorder un plus libre exercice
de leur culte ; mais ces conceffions r.e parurent
point fuffifantes à l’impératrice de Ruffie.
Elle s’en plaignit à la diète, & les diffidens ainfi
encouragés & féduits d’ailleurs , formèrent de»
confédérations dans diverfes provinces. Plufieurs
catholiques mécontens fe joignirent à eux. Un
corps confidérable de Rufles les joignit, & occupa
la ville de Thorn, où s’étoir formée U
première confédération ; & les cours de Londres.
de Copenhague , de Stockholm & de Berlin ,
firent connoîcre publiquement l'approbation qu’elles
donnoient à ces mefures.
Les di.putqs embrafsèrent bientôt de nouveaux
objets. Ou mit. en avant des griefs politiques. Des
nobles catholiques formèrent des confédérations,
& affe&èrent de paraître amis des Diffidens. L e
prince Radzivill qui s’étoit fignalé par fon oppo-
lition à l ’éleéfion du ro i, fut élu maréchal de
toutes les confédérations catholiques qui fe réu- '
nirenr pour former une purifiante aflociation fous
le nom de mécontens-, & peu de temps après,
cette ligue s'unit de nouveau avec celle des diffidens
, dans le palais du prince de Radzivill, à
Varfovie. Cependant le roi convoquoit une diète
extraordinaire, dans le deifiein de prévenir une
guerre civile, & d’appaifer l’impératrice de Ruffie
dont les troupes étoient déjà à la porte de Varfovie.
Cette diète fut très orageufe. L’évêque de
Cracovie & fes partifans ayant dépk à la cour
de Pétersbourg, elle fit arrêter ce prélat de nuit
avec 1 evêque de K io f, & un petit nombre d'autres
perfonnes. On les envoya en Ruffie fans autre
examen, & ils y furent long-temps détenus
(1)'. La diète fut intimidée; & enfin, après
bien des débats, elle fe fcpara en nommant un
comité qu’elle chargea de régler les affaires des
diffidens, de concert avec les miniftres des cours
Dès-lors la préfence des troupes Ruffies donna uti
autre tour aux délibérations de ce comité & de
la diète à laquelle il fit fon rapport. Les diffidens
y obtinrent tout ce qu’ ils demandoient.
Perfonne ne s’oppofa au rétabliflement des loix
& Les affosiée furent arrêtés le i t oflufere 1766 , & relâchés feulement au commencement
L I I I i