
en reçoit annuellement fix mille .quintaux, quelle
paie :7,626,960 livres. ' ' • . „
Cette profpérité augmenteroit infailliblement ,
fi la cour de Madrid mettoit les naturels du pays
en état de cultiver l’indigo pour leur propre
compte. C et intérêt perfonnel, fubftitué à un
intérêt étranger, les rendrait.'plus aétifs, plus
ïntelligens ; il eft vraifemblable que l’abondance
& la bonté de l’indigo du Mexique baaniroient
avec le temps celui des autres colonies", de tous
les marchés.
La cochenille 3 à laquelle nous devons nos
belles couleurs de pourpre 8c d’ écarlate'., n’a
cxifté jufqu’ici qu’ au Mexique.
Cette riche produ&ion réufliroit vraifemblable-
ment dans différentes parties du Mexique : mais
jufqu’à nos jours, il n’y a eu guère que la province
d’Oaxaca qui s’ en foit férîeufement occupée.
Les récoltes ont été plus abondantes fur
un têrrein aride, où le nopal, arbre fur lequel
vivent ces infeétes, fe plaît, que fur un fol naturellement
fécond ; elles ont éprouvé moins d’ac-
cidens dans les expofitions agréablement tempérées
, que dans celles où le froid 8c le chaud fe
faifoient fentir davantage. Les mexicains connoif-
foiènt la cochenille avant la deftruélion de leur
empire. Ils s’en fèrvoientpour peindre leurs mai-
fons & pour teindre leur coton. On voit dans
Herrera q u e , dès 1525, le miniftère ordonnoit
à Cortès de la multiplier. Les conquérans repouffèrent
ce travail comme ils méprifoient tous les
autres , 8c il refta tout entier aux indiens. Eux
feuls s’y livrent encore ., mais trop fouyent
avec les fonds avancés par les efpagnols à des
conditions plus ou moins ufuraires. Le fruit de
leur induftrie eft porté dans la capitale de, la
province , qui fe nomme aufli Oaxaca.
Cette ville où l’on arrive par de beaux chemins
, & où l’on jouit d’un printemps continuel,
a quelques manufactures de foie 8c de coton.
Les marchandifes d’Afie & celles d’Europe y font
d’un ufage général. Les voyageurs que les cir-
conftances ont conduits à Oaxaca , afiïirent que
de tous les établiffemens formés par les efpagnols |
dans le nouveau-Monde, c’eft celui où l’ efprit
d eiociété a fait le plus de progrès. Tant d’avantages
paroiffent une fuite du commerce de la
cochenille.
Indépendamment de ce que confomment l’A mérique
& les Philippines , l’Europe reçoit tous
les ans quatre mille quintaux de cochenille fine ,
deux cents quintaux de granille, cent quintaux j
-de pouflière de cochenille, Si trois cent quintaux
de cochenille fylveftre, qui, rendus dans fes
ports , font vendus 8,610,140 liv.
Cette production n’ a crû jufqu’ici qu’ au profit
de l’Efpagne. M. Thiery , botanifte françois ,
bravant plus de dangers qu’ on n’ en faüroit imaginer
, l’a enlevée à Oaxaca même, 8c l’ a transplantée
à Saint-Domingue 3 où il la cultive avec
une peffévérance digne de fon premier coufâgé*
Ses premiers fuccès ont furpaffe fon attente, &
tout porte à efpérer que la fuite répondra à de
fi heureux commencemens. PuifTe ce genre de
culture, puiffent les autres s’étendre plus loin
encore & occuper de nouvelles nations !
Aux grandes exportations dont on a parlé, il
faut ajouter l ’envoi-que fait le Mexique de dix
mille trois cents cinquante quintaux de bois de
campêche, qui produifent 111,428 livres ; de trois
cents dix quintaux de bréfillet, qui produifent
4,266 livres ; de quarante-fept quintaux de carmin
, qui produifent 81,000 livres; de fix quintaux
d’écaille, qui produifent 24,500 livres ; de
quarante fept quintaux de rocou, qui produifent
21,600 livres ; de trente quintaux de falfepareille ,
qui produifent 4147 livres 5 de quarante quintaux
de baume, qui produifent 45*920 livres ; de cinq
quintaux de fang de dragon, qui produifent 2701- 5
de cent cuirs en poil, qui produifent 1,620 liv.
Mais , comme fi la natîlre n’ avoit pas fait allez
pour l’Efpagne, en lui accordant prefque gratuitement
tous les tréfors de la terre que les autres
nations ne doivent qu’aux travaux les plus
rudes , elle lui a encore prodigué , fur-tout _ au
Mexique \ fo r 8c l’argent qui font le véhicule ou
le ligne de toutes les productions.
Avant l’arrivée des caftillans , les mexicains
n’avoient d’or que ce que les torrens en déta-
choient des montagnes 5 ils avoient moins d’argent
encore, parce que les hafards qui pouvoient en
faire tomber dans leurs mains , étoient infiniment
plus rares. Ces métaux n’étoient pas pour
eux un moyen d’échange, mais de pur ornement
& de fimple curiofite. Ils y étoient peu attachés.
Aufli prodiguèrent - iM d’abord J e peu qu’ils en
avoient, à une nation étrangère qui en faifoit fon
idole, aufli en jettoient-ils aux pieds de.fesche’-
vaux qui, en mâchant leurs mords, dévoient paraître
s’en nourrir. Mais , lorfque les hoftilités
entre les deux peuples eurent commencé, & à
mefure que l’animofité augmentoït, ces perfides
tréfors furent jettés en partie dans les lacs 8c
dans les rivières , pour en priver un ennemi implacable
qui fembloit n’avoir pafTé tant de mers
que pour en obtenir la polfeflion. C e fut fur-tout
dans la capitale & à fon voifinage qu’on prit ce
parti. Après la foumiflion , le conquérant parcourut
l’empire pour fatisfaire fa paflion dominante.
Les temples3 les palais, les maifons des
particuliers, les moindres cabanes, tout fut vi-
fité , tout fut dépouillé. Cette fource épuifée ,
il fallut recourir aux mines.
-Celles qui pouvoient donner les plus grandes
efpérances, fe trouvoient dans des contrées qui
n’avoient jamais fubi le joug mexicain. Nuno de
Gufman fut chargé en 1550 de les affervir. C e
que ce capitaine devoit à un nom.illuftre , ne
l’empêcha pas de furpaffer en férocité tous les
aventuriers qui jufqu’ alors avoient inonde de fang
les infortunées campagnes du nouveau - Monde.
Sur des milliers Ue cadavres, il vint à bout, en
moins de deux ans, d’établir une domination
très-étendue , dont on forma l’audience de Gua-
dalaxara. C e fut toujours là partie de la Nouvelle
Efpagne la plus abondante en métaux. Ces
richeffes font fur-tout communes dans la Nouv
elle-Galice , dans la Nouvelle - Bifcaye , 8c
principalement dans le pays de Zacatecas. Du fein
de ces arides montagnes fort la plus grande partie
des 80,©00,00© livres qu’on fabrique annuellement
dans les monnoies du Mexique. La circulation
intérieure, les Indes orientales , les ifles
nationales 8c la contrebande abforbent près de
la moitié de ce numéraire. On a évalué à 44 millions
ce qu’on porte dans la métropole, à quoi
il faut ajouter cinq mille fix cents trente-quatre
quintaux de cuivre , qui font vendus en Europe
455,600 livres.
Dans les premières années qui fuivirent la conquête
, tous les paiemens fé faifoient avec des
lingots d’argent, avec des morceaux d’o r , dont
le poids 8c la valeur avoient reçu la fanétion^ du
gouvernement. Le befoin d’une monnoie régulière
ne tarda pas à fe faire fentir, 8c vers 1542
ces premiers métaux furent convertis en efpèces
de différentes grandeurs. On çn fabriqua même
de cuivre; mais les indiens les dédaignèrent. For--
cés d’en recevoir, ils les jettoient avec mépris
dans les lacs 8c dans les rivières. En moins d’un
an il en difparut' pour plus d un million ; & ce
fut une néceflité de renoncer a jun moyen d e-
change, qui révoltoit les dernières clafles du
peuple.
L ’abbé Raynal qui nous a fourni la plupart des
détails de cec article, évalue les revenus des
poffeflions efpagnoles du nouveau Monde, une
année dans l’ autre, 17,7^,448 Iiv.de France.
On dit qu’aujourd’hui les revenus font beaucoup
augmentés, tant par les nouveaux droits, que par
le recouvrement exaét des anciens. ; que les revenus
du Mexique peuvent être évalués actuellement
à 54,000,000 liv. tournois; ceux du Pérou, à
27,600,000, 8c ceux de Guatimala, de Chili &
de Paraguay, à 9,100,000; ce qui fait en tout
90,100,000 liv. Ladépenfe, dans ces provinces,
forme en objet de 56,700,000 livres; il refte
donc net au tréfor la fomme de 54,500,000 liv.
à laquelle il faut ajouter 20,584,400 liv. pour les
marchandifes qui paffent dans les colonies 8c qui
en viennent. Ces fommes n’ entrent pas en entier
dans les caiffes royales de l’Efpagne ; une partie
confidérable eft employée dans les ifles pour l’ad-
miniftration, pour la conftruérion des vaifîeaux
& pour l’achat du tabac. La nation efpagnole
commence à fortir de fon engourdiflement, 8c
fes colonies d’Amérique profiteront des lumières
& des vues faines d’adminiftration qui commencent
à s’y répandre.
Quoique l’éducation des troupeaux, les cultures
& l’exploitation des mines foient reftees au Mexique
, fort loin du terme où une nation adfive n eut
pas manqué de les porter, les manufactures y
font dans un plus grand défordre encore. Celles
de laine 8c de coton font affez généralement répandues
; comme elles font entre les mains des indiens,
des métis, des mulâtres , & qu’elles ne
fervent qu’aux vêtemens des gens peu riches, leur
imperfection furpaffe tout ce qu’on peut dire. Il
ne s’en eft formé de moins défeCtueufes qu à
Quexetaco, où l’on fabrique d’affez beaux draps :
mais c ’eft fur-tout dans la province de Tlafcala
que les travaux font animés. Sa pofition entre
Vera-Crux & M ex ico, la douceur du climat ,
la beauté du pays, la fertilité des terres y ont-
fixé la plupart des ouvriers qui paffoient de l’ancien
dans le nouveau-Monde. On en a vu fortir
fucceflivement des étoffes de foie, des rubans,
des galons, des dentelles, des chapeaux qu’ont
confommés ceux des métis , ceux des efpagnols
qui n’étoient pas en état .de payer les marchandifes
apportées d’Europe. C ’ eft los-Angeles, ville
étendue, riche 8c peuplée, qui eft le centre de
cette induftrie. Toute la faïence , la plupart des
verres 8c des cryftaux qui fe vendent dans 1 empire,
fortent de fes atteliers. L e gouvernement y
fait même fabriquer des armes à feu.
L’ indolence des peuplés qui habitent la Nou-
velle-Efpagne , doit être une des principales cau-
fes qui ont retardé les profpérités de cette région
fameufe ; mais elle .n’ eft pas la feule , & la difficulté
des communications doit avoir beaucoup
ajouté à cette inertie. La circulation eft continuellement
arrêtée par toutes les entraves qu’a pu
I imaginer une adminiftration fifcale. Il y a au plus
deux rivières qui puiffent porter de foibles canots
, 8c chacune n’a pas même ce genre d’utilité
dans toutes les faifons. On ne voit quelques traces
de chemin qu’auprès des grandes villes : partout
ailleurs il faut voiturer les denrées ou les
marchandifes à dos de mulet, & fur la tête des
indiens tout ce qui eft fragile. Dans la plupart
des provinces, la police fixe au voyageur ce qu’il
doit payer pour le logement, les chevaux, les
guides, pour la nourriture ; & cet ufage ,^ tout
barbare qu’on le trouvera, eft encore préférable
à ce qui fe pratique dans des lieux où la liberté
paraît plus refpeétée.
Ces obftacles a la profpérité publique ont été
fortifiés par le joug rigoureux, fous lequel des
maîtres oppreffeurs tenoient les, indiens chargés
de tous les travaux pénibles. Le mal eft devenu
plus grand par la diminution des bras employés
au fervice dé la cupidité européenne.
Les premiers pas des caftillans au Mexique furent
fanglans.. Le carnage s’étendit durant le mémorable
fiège de Mex ico, & il fut pouffé au-
delà de tous les excès dans les expéditions entre-
prifes pour remettre dans les fers des peuples